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12272688668?profile=original"Etre et avoir" est un recueil d'essais publié en 1935 par l'écrivain et philosophe français Gabriel Marcel (1889-1973). Cet ouvrage reprend le "Journal métaphysique", du 10 novembre 1928 au 30 octobre 1933. Font suite quatre essais ou conférences: "Esquisses d'une phénoménologie de l' Avoir", "Remarques sur l' irréligion contemporaines", "Réflexions sur la Foi" et "La piété selon Peter Wust".

"Etre et avoir" constitue une approche concrète de ce que l'auteur appelle "la communion ontologique", par l'opposition suivante: je suis autre chose et plus les caractéristiques que j'ai: mon âge, profession, etc. L'avoir-possession implique une revendication exclusive d'autrui: "je ne m'exprime en termes d'avoir que si je me centre sur moi dans un ordre comportant des références à autrui senti comme autre, comme étranger". L'avoir comporte également un souci d'entretien. Il faut de même remarquer tout ce qui est impliqué pour l'être par sa relation à l'avoir: le possédant s'attache à ce qu'il possède et, par là, s'oppose aux autres; braqué sur son avoir, le possédant se détourne de lui-même; à la limite, la tragédie de l'avoir n'est autre que celle du péché.

Il y a cependant une zone intermédiaire où l'avoir se rapproche de l'être; le test est l'intransmissibilité: il y a en l'objet quelque chose que je possède, quelque chose qui, pour moi, ne peut être cédé, qui est mien personnellement. Ce que dit Marcel de cette relation vivante peut se dire aussi du sentiment vécu, du plaisir et de la souffrance éprouvés comme phénomènes personnels. Cette assimilation de l'avoir à l'être se fait par l'intermédiaire du corps. En réalité, le corps devrait entrer dans la grande oeuvre de réalisation de l'être; il devrait s'y subordonner; alors la distinction entre l'avoir et l'être tendrait à s'effacer. Nous atteignons à l'être lorsque nous nous rendons compte que nous sommes plus que notre avoir. Notre avoir, c'est tout ce que l'on peut dire de nous objectivement, les renseignements que n'importe qui peut repérer et inscrire. Mais il y a plus: il y a en nous le sentiment de notre être qui ne peut se transcrire sur fiche, ni "caractérisable", ni "inspécifiable". Et cet être, qui est ce qu'on ne peut objectiver, ce qui ne se ramène ni à l'avoir ni au devenir pur, cet être est "mystère". Dès lors, accéder au réel, c'est s'imposer une participation par le dedans au mythe de l'être inobjectivable.

 

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A/ Ayant lu votre essai, j'ai repéré dans celui-ci 12 mots on ne peut plus significatifs: anticonformisme, idiotie, solitude, majorité silencieuse, idéaux, vécu, crise, société, intelligence, instinct, agoraphobie et réflexion; voici 12 questions liées à ces mots-clés de votre oeuvre:

1/ L'anticonformisme, est-ce pour vous:

A/ ridicule?

B/ vitalisant?

C/ suspect?

D/ ni A ni B ni C?

 

2/ L'idiotie, est-elle:

A/ agaçante?

B/ amusante?

C/ heureuse?

D/ ni A ni B ni C?

 

3/ La solitude, est-ce:

A/ invivable?

B/ supportable?

C/ enrichissant?

D/ ni A ni B ni C?

 

4/ La majorité silencieuse, peut-on la comparer à:

A/ un troupeau?

B/ une basse-cour muette?

C/ un état de grâce imbécile?

D/ ni A ni B ni C?

 

5/ Les idéaux, sont-ils:

A/ à taire?

B/ à proclamer?

C/ à partager en toute discrétion?

D/ ni A ni B ni C?

 

6/ Le vécu, est-il:

A/ à prendre en considération?

B/ à totalement dénigrer?

C/ à intégrer à tout prix au présent?

D/ ni A ni B ni C?

 

7/ Crise, est-ce synonyme de:

A/ affirmation de soi?

B/ mal-être?

C/ guerre ouverte?

D/ ni A ni B ni C?

 

8/ Société, est-ce synonyme de:

A/ asservissement?

B/ désenchantement?

C/ abrutissement?

D/ ni A ni B ni C?

 

9/ L'intelligence, est-ce:

A/ dangereux?

B/ apaisant?

C/ énergisant?

D/ ni A ni B ni C?

 

10/ L'instinct mène-t-il selon vous à:

A/ la réflexion suivie de l'action?

B/ la réflexion non suivie d'action?

C/ l'action sans réflexion préalable?

D/ ni A ni B ni C?

 

11/ L'agoraphobie peut-elle être associée à:

A/ un état de supériorité?

B/ un état d'infériorité?

C/ un sentiment de désespérance?

D/ ni A ni B ni C?

 

12/ La réflexion apporte-t-elle surtout:

A/ du plaisir?

B/ du stress?

C/ du désespoir?

D/ ni A ni B ni C?

 

Merci, Virginie, d'avoir répondu à ce questionnaire; passons sans attendre au point suivant:

B/ Vous allez trouver ici une série de 20 mots apparaissant dans un ordre aléatoire. Pourriez-vous les classer en commençant par celui qui vous apporte le plus d'appréhension, et en terminant par celui qui vous en apporte le moins, c'est-à-dire le plus heureux selon vous? Donc dans un ordre d'angoisse décroissante.

 

1 :cruauté gratuite,

2 :populace

3 : formatage

4 : intolérance

5 : belle-famille

6 : ignorance

7 : nivellement

8 : indifférence

9 : rancune

10 : supériorité (mais en quoi et par rapport à qui ?)

11 : infériorité (moins préoccupant que la supériorité si ce n’est pas qu’un complexe mais que ce sentiment est accompagné de foi, reconnaissante et humilité)

12 : destin

13 : innocence

14 : particularité

15 : ignorance

16 : révolution

17 : rébellion

18 : évolution

19 : innovation

20 : création

 

Bon courage, Virginie, et bonne réflexion!

 

C/ Et voici la question finale: quel est votre ressenti par rapport à ce questionnaire? 

 

Comme à votre habitude, vous avez visé juste..et droit ! Un immense merci à vous !

 Les Sous-Teckels, paru le 15/07/2014 chez Edilivre

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Le mystère de la fleur de lys

 

                                                                Méditation                  

 

En hébreu, lys se dit soussana. Ce nom de fleur devint un prénom féminin que l'on retrouve dans la Bible. Soussana, jeune femme, fut surprise par des vieillards, alors qu'elle prenait un bain.

En français on a traduit ce prénom par le mot Suzanne.

Le lys semble avoir eu la préférence de nombreux peuples antiques. On sait que dans le temple, que le roi David fit construire à la demande de son père, les fleurs de lys abondaient.

Il est écrit dans la Bible, I rois 7 Travaux d’Hiram, ligne 19:

Les chapiteaux, qui étaient sur le sommet des colonnes dans le portique, figuraient des lis et avaient quatre coudées.

Le roi David avait sans doute choisi cette fleur comme emblème.

L'étoile juive porte le nom de bouclier de David mais ce roi combattait sans bouclier pour armure. Il ne se servait que de son épée au combat. Était-elle une force mythique qui le protégeait? Le symbole de sa foi? Cette appellation demeure mystérieuse.

Les archéologues ont trouvé des fragments de tombes extrêmement anciennes portant des inscriptions en hébreu et des fleurs de lys gravées dans la pierre. Avaient-elles plus qu'un rôle décoratif?

En terre sainte, le roi de France et les croisés qui l'accompagnaient prirent conscience de l'importance de la fleur de Lys. À son retour dans son royaume, le roi adopta un drapeau portant des fleurs de Lys. Ce drapeau demeura celui des Canadiens- français quand ils furent abandonnés par leur roi.

Les juifs qui se fixèrent en France, y étant accueillis avec bienveillance, eurent le désir de s'assimiler complètement. Ils donnèrent à leurs enfants un prénom français, qui figurait sur leur acte de naissance, et un prénom hébraïque connu de sa seule famille.

Je m'appelle Suzanne mais je me nomme aussi Nejma, comme toutes les autres Suzanne juives nées en sol f rançais. Or Nejma signifie Étoile.

Cela confirme ma conviction que l'étoile juive est un lys ouvert.

18 juillet 2014

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Le mangeur de blanc

 

Mangeur de blanc. Je n’ai jamais su ce que cela signifiait précisément mais à travers la vitrine de « chez Marcel », le samedi soir, nous répétions dès que nous l’apercevions: voilà le cocu. Tout le monde peut être cocu mais lui c’était le cocu content. C’est peut-être la raison pour laquelle un d’entre nous l’avait qualifié de mangeur de blanc. Et nous éclations de rire.

Marcel nous servait une autre tournée, c’était à mon tour de payer.

C’était un homme sympathique. Grand, maigre, il avait les traits creusés d’un homme atteint d’anémie. Son regard respirait la bonté. Ses yeux si je peux me permettre cette image avaient l’air de vous tendre la main.  Je n’osais pas exprimer cette impression à haute voix parce que mes copains se seraient moqués de moi.

Joueurs de hockey, maniant le stick comme si c’était pour nous creuser un chemin parmi des adversaires déterminés à nous arrêter à n’importe quel prix, nous étions des hommes qui n’avions que faire de sensiblerie. Des yeux qui respirent la bonté, c’était une image ‘cucul la praline’, je n’ai pas besoin de traduire.

C’était le genre d’homme dont je me disais aussi à voir les cernes qui soulignaient ses yeux que ses nuits devaient être chaudes. Sa femme était séduisante. Raison de plus pour la surveiller.

Son nom était Edouard Belhomme, cela ne s’invente pas. Sa femme et lui tenaient le magasin de lingerie situé rue Royale. A chaque fois que nous passions devant le magasin, nous regardions à travers la vitrine pour voir la belle Cécile. L’un de nous avait dit un soir que nous étions chez Marcel, nous y étions pratiquement tous les soirs, est-ce que les clientes qui essayent des soutiens ou des culottes sortent de la cabine presque toute nue pour choisir un soutien ou une culotte d’une couleur différente ? Nous éclations de rire à cette idée. Marcel servait une autre tournée, c’était celle de Robert, notre goal, le fils du vitrier de la rue Notre-Dame.

Nous avions tous plus ou moins vingt ans à cette époque. Les Belhomme devaient en avoir entre quarante et cinquante.  Robert prétendait qu’une femme dans la quarantaine avait forcément acquis une maturité tant physique que spirituelle qu’aucune jeune femme ne pouvait égaler. Il avait connu, bibliquement connu, la voisine du magasin de son père, la mère d’un gamin de dix ans et il en avait conservé un souvenir inoubliable. A seize ans, disait-il, cela marque. Les jeunes filles que nous fréquentions, ajoutait-il, reconnaissaient en lui un expert, il le disait en toute modestie.

Personne parmi nous ne contredisait les propos de Robert, c’était le plus fort d’entre nous, mais chacun de nous savait à quel point il était vantard. Durant les matchs c’était pareil. Il allait d’un côté du goal à l’autre, le visage recouvert d’un masque protecteur en treillis pour effrayer nos adversaires. Nous perdions à chaque fois mais Robert affirmait que nous manquions de punch.

Cécile Belhomme plaisait beaucoup au jeune homme que j’étais. Je ne comprenais pas son mari. Si elle avait été ma femme, elle n’aurait pas eu à chercher ailleurs. Pauvre cocu !

Ils étaient mariés depuis près de quinze ans. Edouard avait hérité du magasin de ses parents à la suite d’un accident qui leur avait couté la vie. A partir d’un magasin vieillot, Cécile avait su construire une affaire bien achalandée dont ils vivaient largement tous les deux. Leur seule frustration, c’est qu’ils n’avaient pas eu d’enfant.

Edouard était le fils d’un commerçant établi, Cécile, en l’épousant, avait gravi un échelon de l’échelle sociale. En province cela compte. Elle n’était que la fille d’un contremaître de l’usine métallurgique du bas de la ville. De l’usine dont le fils du propriétaire avait été le condisciple d’Edouard si bien que depuis leur mariage il faisait partie des relations du couple Belhomme. Il appelait Cécile par son prénom et Cécile lui disait Pierre.

Edouard était très amoureux de sa femme. Qu’elle plaise à d’autres ne le gênait pas. Au contraire. Son amour pour Cécile n’en était que plus grand. Même ses amis, plutôt que d’en être jaloux, il les aimait davantage de la désirer. N’était-il pas le seul à pouvoir mettre cette jolie femme dans son lit ?

Malheureusement, Edouard était cliniquement impuissant. Durant les premières années de leur mariage, cela ne l’empêchait pas de désirer Cécile et d’en jouir lorsqu’elle était nue. Quant à Cécile, elle avait fini par apaiser elle même les pulsions de son corps tant son mari était maladroit.

Malgré cette morsure qu’ils éprouvaient chaque nuit tous les deux, elle l’aimait profondément. Mais aucun d’entre eux ne trouvait les mots pour les confier à l’autre.  Qui sait ce qui lie deux êtres dont la relation ne répond pas à une logique qui, seule, paraît naturelle aux yeux de la plupart.

Lorsqu’elle l’avait épousé, elle s’était réjouie d’être enfin chez elle. Combien d’autres jeunes filles s’étaient-elles mariées pour cette seule raison. Il était séduisant à sa manière. Grand et maigre, un peu vouté comme le sont souvent les hommes grands et maigres, il avait les yeux d’un bleu transparent. Il ne cessait jamais de lui sourire.

Il l’avait rencontrée un soir dans une discothèque. Parmi d’autres filles, il n’avait plus regardé qu’elle. Peut-être qu’ils avaient bu un peu trop ? En sortant, il lui avait entouré les épaules. Il avait dit comme dans un roman de gare :

- Epousez-moi.

- Ce soir ?

- Non, demain.

Il l’avait ramenée, et le lendemain il s’était rendu chez elle. Il avait dit au père de Cécile qu’il voulait épouser sa fille, est-ce que son père serait d’accord ?

Il y avait longtemps que les fiançailles commençaient autrement. C’était probablement ce style, elle le trouvait distingué, qui l’avait émue. Jamais il ne s’était permis les gestes osés auxquels elle s’attendait inconsciemment. Il l’aimait pour elle-même, avait-elle pensé. Elle était vierge lorsqu’ils s’étaient mariés. Lui aussi.

Un jour qu’il s’était absenté pour se faire couper les cheveux, en rentrant plus tôt que prévu il avait vu que le représentant d’un fournisseur sortait du magasin après l’heure de fermeture. Et Cécile, les cheveux mal repeignés, le corsage mal refermé, le saluait de la main. Elle avait le visage en paix, pensa Edouard. En paix, c’est le mot qui s’était imposé à lui tandis qu’il la regardait, dissimulé derrière une camionnette rangée le long du trottoir d’en face.

Il rebroussa chemin. Il avait la gorge sèche. Il poussa la porte du café de Marcel où comme tous les soirs nous bavardions entre nous. Marcel venait de servir une tournée de bière. C’était celle d’Oscar qui faisait des études universitaires. Il voulait devenir médecin ou

 à défaut vétérinaire, c’était un bon métier disait son père. Oscar se voyait plutôt psychologue, il prétendait qu’il était doué pour juger du comportement des hommes et des femmes.

- Dommage que tu ne le sois pas sur le terrain. En face des joueurs du camp adverse. Nous ne serions pas dans le bas du classement.

La venue d’Edouard Belhomme nous avait surpris. Il s’était assis à une table proche  du comptoir. Il nous avait fait un signe de la tête.

-Ce sont des joueurs de hockey ? Je les ai déjà vus. Ils jouent sur le terrain contigu à celui du Tennis Club.

Il dit à Marcel de nous offrir un verre.

- J’aime les jeunes gens. Ils me rappellent mon jeune temps.

- Hip, hip, hip, hourrah !

Nous avons levé nos verres à sa santé.

Décidément, c’était un brave type.  

Nous le savions que ceux qui étaient cocus étaient toujours les derniers informés. Sa femme, il suffisait de la regarder pour comprendre qu’une aussi jolie femme ne pouvait que susciter le désir. Et souhaiter donner et prendre du plaisir. Il n’y a pas de justice en amour. Chacun doit veiller sur son bien. Les amis ne sont pas assez courageux pour révéler à un ami que sa femme le trompe. Qu’elle n’est qu’une putain qui trahit son serment. C’est que probablement, leur morale était assez élastique, ou bien c’est qu’ils étaient sur les rangs. 

Il est sorti du café, et il est rentré chez lui. Cécile l’attendait dans la cuisine.

- Il y avait du monde chez le coiffeur. J’ai du attendre.

Ils ont dîné, et ils sont montés se coucher. La télévision, ils ne la regardaient qu’en mangeant, à l’heure des informations. C’était toujours le même spectacle : des morts nombreux à l’étranger. Si le nombre de morts était réduit, un crime par exemple, c’est qu’il s’était produit près de chez nous. Le journal en donnerait davantage de détails. Le lendemain certes, mais on pouvait s’y attarder plus longtemps. Ou attendre le crime suivant.

Depuis plus de dix ans, Edouard ne touchait plus sa femme que très rarement. Il avait consulté un sexologue à l’étranger. L’incapacité d’avoir une érection, comme s’il n’était doté que du sexe d’un bébé, n’était qu’un de ses problèmes. Depuis plus de dix ans, il ne désirait sa femme qu’après un exercice mental laborieux. La caresser ne servait à rien. Au contraire. Certaines caresses le heurtaient. Elles lui paraissaient répugnantes, proches du viol. Même si Cécile se serait prêtée à tout pour le satisfaire.

Ils n’étaient heureux ni l’un ni l’autre mais ils s’aimaient. C’est quoi l’amour, pensait-il ?

Une fin d’après-midi, peu de temps avant l’heure de fermeture du magasin, il vit à travers la vitrine de l’étalage que le représentant d’une firme de soutien-gorge exposait encore sa collection à Cécile. Elle l’écoutait, le regard absent, les joues rouges. Elle avait une main sur la poitrine.

Edouard fit demi-tour. Il ne revint qu’une heure plus tard. Cécile ne lui demanda pas ce qu’il avait fait. Ils bavardèrent assez longtemps après avoir dîné, cela ne leur était plus arrivé depuis longtemps.

 Depuis, il s’efforça d’être absent de chez lui lorsque devait se présenter un représentant. Soit en prolongeant le temps qu’il consacrait à des activités extérieures, soit en allant boire un verre chez Marcel.

Lorsque ceux qu’il nommait les jeunes y  jouaient aux cartes, il regardait par-dessus l’épaule de l’un ou de l’autre.

Si l’un des joueurs levait un regard interrogateur vers lui, il tendait la main dans un geste de refus.

- Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Il offrait une tournée.

Nous nous étions habitués à lui. Il nous était de plus en plus sympathique et, de plus en plus, nous le plaignions. Robert était le plus véhément. Un jour, il avait tenté de séduire Cécile. Entré au magasin, il s’était fait montrer de petites culottes qu’il destinait à sa petite amie, avait-il dit.

- Vous ne voulez pas les essayer pour que je puisse juger ?

Il nous avait raconté qu’elle avait fait « sa fière », et qu’il était sorti.

- Pauvre type. Si j’avais voulu. Je trouve que c’est un scandale. Des femmes comme elles…

Oscar partageait son avis.

Le couple Belhomme était devenu l’objet de la plupart de nos conversations. Nous étions en plein drame et il ne s’agissait pas de télévision. Ni même de quoi faire la une de la page régionale du quotidien. Quoique, disait Oscar. Il s’agit de la dignité d’un homme, d’un homme que nous avions adopté.

-Il faudrait le lui dire, ça ferait un déclic.

- Il faudrait le lui montrer, là, ça ferait un déclic.

- Je vois déjà sa tête. Sa tête à elle.

- Avec son amant. En petite tenue, tous les deux.

- En petite tenue ? Pas de tenue du tout, oui.

Nous avons ri, et nous avons fait signe à Marcel.

- Encore une.

Le quatrième d’entre nous, celui qui sur le terrain était censé marquer les buts, c’était Jean Brillet, le fils du commissaire. C’est lui qui apporta le revolver.

- On ôtera les balles, hein ! C’est juste pour faire peur.

- On en laissera une. La roulette russe.

C’est moi qui l’avais dit. Je l’avais déjà répété à Oscar qui était mon ami: la vie, c’est une comédie. Mais, je raconte trop vite.

C’est le vendredi qu’elle recevait son amant. Vers sept heures. Edouard quittait le magasin à six heures vingt, il arrivait chez Marcel à six heures et demie et ne rentrait chez lui que vers huit heures. Il disait en faisant un signe à Marcel :

- En fin de semaine, il faut bien se défouler du stress de la semaine.

Du stress, si tu veux en avoir, rentre plutôt chez toi; pensions-nous. Nous avions découvert à cinq minutes près le jour et l’heure où la Cécile s’envoyait en l’air. Chaque jour de la semaine dès l’après-midi, l’un de nous venait chez Marcel et surveillait le magasin. Nous en parlions dès que nous étions réunis avant d’entamer notre partie de cartes. C’est ainsi qu’au bout de trois mois, nous connaissions tout des plaisirs de la dame. Et du malheur de notre ami.

Il faut croire que de la voir heureuse même si c’était un autre qui la comblait le rendait heureux. Quant à  Cécile, elle aimait Edouard à la manière dont on aime un frère. Bien plus encore, elle se serait tuée pour lui. Cette partie obscure de leur union était un ciment bien plus fort que les déclarations les plus emphatiques.    

C’était le jour et l’heure où Cécile cédait à son amant. Edouard était parmi nous. Chacun de nous, tour à tour, lui avait offert à boire sous différents prétextes

- Tu ne peux pas nous refuser ça.

Les yeux troublés, il était passablement ivre.

Je pensais comme mes copains qu’il fallait frapper un grand coup. Foutre aux deux amants qui ridiculisaient notre ami, et le symbole de l’amour, la frousse de leur vie.  

C’est Oscar qui s’écria :

- On te ramène.

- Non, pas encore. Je veux rester.

Oscar et moi, nous lui avons fait traverser la rue en lui tenant les bras. Les deux autres de nos amis nous regardaient à travers la vitrine, un verre de bière à la main. C’est moi qui ai ouvert la porte du magasin. Oscar a poussé Edouard.

Je ne sais plus qui, d’Oscar ou de moi, lui a glissé le revolver dans la main en disant :

- Sois un homme, Edouard.

J’ai refermé la porte derrière lui. Nous sommes restés sur le trottoir. Nous avons entendu le coup de feu. Nous sommes retournés chez Marcel.

Une heure plus tard, nous avons appris qu’Edouard avait glissé le canon du revolver dans sa bouche.

 

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Sous l'éclat souverain

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               Peinture de l'artiste, Vincente Romero

Sous la noble caresse de ta fraicheur
ondulant sur la mousseline dévoilant mon épaule,
le jardin de ma déraison gourmande s'anime
et la concupiscence orpheline de mes sens
se tait face au réveil de ton aurore émaillée.
Dans un fin mouvement, le velouté de tes nuances
s'allonge sur ma blonde chevelure et mes yeux fuient
dans la profondeur de ton trémulant chapelet.
Sous ton éclat souverain, mon esprit se remplit
de souvenirs volatils et mon corps muet s'épure du frisson
limpide s'infiltrant jusqu'à l'arcane de mes doigts ignés.
Ô immarcescible mirage, tes ébats labiles haranguent
d'arabesque l'aiguillon de ma plume famélique
et greffe à l'ombre de mon cœur annihilé,
la pudeur naïve et pure de tes matins rosés.

Nom d'auteur Sonia Gallet
recueil © 2014.

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L'étoile de David

 

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En Terre sainte, l’on trouvait,

Gravés sur des tombes d’Hébreux,

Des lys qui étaient stylisés.
....

L’étoile en est les six pétales.

Les croisés, de retour en France,

Prirent cette fleur pour emblème.
...

Pendant l’été, chaque matin,

Des lys oranges épanouis

Rendent merveilleux mon jardin.
...

Hissés sur leur très haute tige,

Ils semblent taillés dans la soie.

Les contemplant, je me souviens.

...

17 juillet 2014

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...La Fourmi et la Cigale...

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LA FOURMI ET LA CIGALE

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La Cigale (Sur un ton chantant) 

Dis moi voisine, la Fourmi, peux-tu m'instruire s'il en est, 

Des raisons qui te font ainsi dépêcher 

Du matin au soir, 

Par monts et par vaux 

Et dans tes sombres couloirs? 

(Se déplace, toujours sur un ton chantant) 

Puis encore, si j'en juge, pas même la nuit tu ne t'arrêtes 

Car toute l'heure qu'elle dure je t'entends trottiner 

Du haut vers le bas et vice et versa 

Dans la pénombre de tes labyrinthes et escaliers. 

(Se penche vers la fourmi, étonnée, la questionne) 

Ne peux-tu donc jamais t'arrêter ? Te prélasser ? Et rêver?

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La Fourmi (Bourrue et agacée) 

Rêver à quoi, ma chère amie? 

(Ironique, scande) 

Au temps, que demain, il fera ? 

Et au tas de nourriture que j'aimerais avoir là, 

A portée de pattes et dans tous mes greniers, 

Entassée, haute, riche, variée ?... 

(Sur le ton de la confidence) 

Et en sécurité !... 

(Docte et sévère, accentue) 

A la vérité, bien chère commère,

Si à sa recherche je ne m'en vais courir... 

Elle... 

Ne me tirera pas la basque afin que j'aille la quérir!

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La Cigale : (Douce, presque murmurant) 

Oh, bien sûr! J'entends cela... 

Et d'ailleurs, il va de soi. 

Nulle intention de ma part de t'en faire reproche. 

Mais...

Par sympathie, voisine amie, 

(D'un geste complaisant elle hèle la Fourmi) 

Viens là !..

Approche... 

(Et sur le ton de l'étonnement) 

Ne peux tu donc jamais, en somme, faire chose autre que d'entasser ? 

Te faut-il toujours te préoccuper ? 

Serais-tu, à cela, condamnée ? 

A ne voir pas plus loin que le bout de tes antennes,  

(Et mettre en garde la fourmi, amicale et confidentielle) 

A ne te soucier pas de la vie qui est là, 

(Prudente, un rien plus bas, presqu'chuchotant) 

Pour peu de temps, crois-moi... 

(Puis soudain enchantée, emportée à partager) 

Ne te donne-t-elle pas le désir de chanter ?

Et d'engranger, oui, certes, moissons de puérils plaisirs 

Dont elle veut bien nous bénir. 

(Poétique, récitante, louant, comme en un hymne) 

Le chant des oiseaux, aux premières lueurs de l'aube... 

Les perles d'aurore scintillants sous les feux du levant... 

Le midi torride, où l'air lui-même semble vide, 

Où plus rien encore ne bouge, pas même le temps... 

Et les soirées câlines s'égrenant sur des notes cristallines 

Venue saluer les nuances divines dont s'irrisent les cieux au couchant ? 

(Bienveillante enfin, encourageante) 

Alentours de toi, Fourmi, n'entends-tu pas ? 

Ne vois-tu pas ? 

Ne sens-tu pas, ma chère, 

Alors que tu trottes dans tes forières, 

Les fleurs soyeuses, les fruits irisés 

Dont les parfums subtils jusque dans les clairières 

Viennent te charmer, te séduire, t'enivrer ? 

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La Fourmi : (Enervée, et quoiqu'émue, pressée, se forçant à la courtoisie) 

Tu me retiens là, Cigale ! 

Je t'écoute, mais ne peux te suivre. 

La tâche m'appelle... 

Et m'interpelle le temps.

Il me faut aller ! 

Il y a là-bas dans les fourrés un beau tas de provisions qui m'attend. 

J'y vais !

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La Cigale (Désolée, mais généreuse) 

Va !... 

Pour t'accompagner, je chanterai pour toi. 

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La Fourmi : (En partance, se retourne et lance sur le ton de la moquerie) 

Tu chanteras ? 

(Et ricane) 

Pour moi ? 

(Et agressive) 

T'ai je rien demandé ? 

(Et étonnée) 

Ainsi passe ta vie ?... 

(Fâchée. Inquiète aussi) 

Mais où donc caches-tu ton esprit, Cigale, que feras-tu ?

(Insiste, acide, perfide)  

Que feras-tu ? 

Quand le soleil ne sera plus ? 

Quand le vent tourbillonnera aux portes et que de froid tu seras perclue ? 

Quand la neige aura enterré les fleurs ? 

Quand aucun oiseau ne chantera plus ? 

(Et décidée à lui rendre service de ses sinistres augures) 

Les fruits, irisés, dont tu me parlais... 

N'en retient que les odeurs, et épargne les ! 

(Sur un ton hautain, soudain, et moralisateur) 

Car les levers frileux et les jours gris, 

Cigale, pour les traverser, comment feras-tu dis ? 

Tu chantes !

Tu chantes !

Ma foi...

Je t'entends ! 

Et de nuit encore ! 

Puis, le matin, tu dors ! 

(S'enorgeuillant...) 

Tandis que moi, entretemps,

J'invente des astuces,

Des moyens, des tourments pour ne pas périr quand l'hiver sera là. 

Et il approche d'un bon pas... 

(Puis caustique) 

L'août, voisine, s'achèvera... 

(Un rien triomphante) 

Que feras-tu, alors ?

Dis moi ?

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La Cigale : (Soupire) 

Je sais, Fourmi, je sais.

Et je comprends... 

Tu m'avertis.

Je t'en sais gré.

Et je t'entends. 

L'hiver n'est pas de ces invités qu'avec joie je vois arriver. 

(Puis comme lasse)

Mais que veux-tu ? 

(Se rallume sa voix à l'évocation de sa passion, le chant) 

Puis-je laisser chaque soir le soleil s'enliser 

Sans lui avoir présenté mes louanges d'été ? 

Puis-je, de jour, et muette, vaquer aux quotidiennes besognes 

Or que tout autour de moi la nature chante en choeur ? 

Je m'allie à elle, et à l'unisson nous chantons... 

Jusque tard à la nuit encore j'accompagne son refrain 

De mon chant estival, et ce, dès le juin. 

(A nouveau généreuse, conciliante, caline mais sincère) 

Et je chante, voisine, aussi pour toi ! 

(Et tendre, modeste) 

Puisse mon chant te réjouir le coeur dans tes moments de peines et de labeur.

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La Fourmi (Grinçante) 

Me réjouir le coeur ? 

Bah!...

Tes bavardages me font passer l'heure ! 

(Et méprisante) 

Il ne m'est pas ce loisir de me laisser amuser... 

Et le travail m'attend.

Je m'en vais !

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La Cigale : (Déçue,puis, soudainement, véhémente) 

Tu fais la fine bouche... 

Tu te moques !... 

(Elle monte le ton, s'énerve, comme de juste) 

Oserais-tu dire que de mon chant comme d'une guigne tu te soucies ?

Vraiment ? 

Qu'il ne t'importe ni n'emporte ni n'éveille en toi 

Aucune parcelle d'émotion te donnant quelque joie ? 

(Et haussant encore plus le ton, ajoute)

Oserais-tu, Fourmi, l'affirmer, cela ? 

Que mon chant ne t'émeut ni ne te sers de rien ?

Qu'il est creux ?

Et sans raison ?

Qu'il est puéril ?

Et vain ?

Qu'il n'est que non-sens ?

Bruit de fond ? 

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La Fourmi : (Etonnée de voir la Cigale coléreuse, même inquiète, tempère) 

Calme toi, Cigale, voyons... 

Je ne voulais pas te faire la guerre. 

(Sincère) 

Je me fais souci de toi, et de ta survie ! 

Ne m'en tiens pas grief, je t'en supplie. 

(Et radoucissant encore le ton)

Te voilà rouge de colère, 

Et cela n'est pas bon...

(S'approchant de la Cigale, humble, se promenant, pattes croisées, tête baissée) 

Il est vrai, voisine, que d'aller par les chemins à courir derrière quelques grains, 

A risquer me faire écraser sous toutes sortes de pattes et de pieds, 

A être la proie fragile de prédateurs

Qui attendent, patients, un faux pas, une erreur... 

Il est vrai que lors de toutes ces épreuves ton refrain 

Adoucit mes jours dès les heures chaudes du matin... 

(Sur un ton très tendre, presque de gratitude) 

Et le soir lorsqu'en ma demeure 

Je vais, je viens, je tire, je range, je transporte et charrie 

Mes pailles, mes feuilles, mes racines et brindilles 

Tu m'enchantes au moins assez pour que mon travail je puisse l'endurer 

Sans que trop ne me pèse l'heure. 

(Et comme en un aveu, une triste consolation) 

Il est vrai, Cigale, tu chantes aussi pour moi. 

Le désir de chanter ?

Non. Je ne le connais pas... 

Car je ne puis, je ne puis chanter tu vois. 

Et même si je le voulais, je ne le pourrai. 

Je n'ai reçu ni lyre ni Muse.

 

Et la pratique du chant, de ce fait, en rien ne m'amuse...

Mais toi, tu en fus dotée ! 

Est-ce là pourquoi force t'est d'en user ? 

Et là aussi pourquoi je m'obstine, moi, dans ma rancoeur,

 Prétendre ne pas t'écouter ?

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La Cigale (A nouveau radoucie, sans rancune et revenue à sa joie de cigale) 

Peut-être...

Mais qu'importe? 

Je chante, voilà tout ! 

Je n'ai reçu que la Muse, que la lyre, 

Et de tes propres dires, mon chant réconforte... 

(Alors,lançant à la fourmi un clin d'oeil malicieux) 

Quand l'hiver sera aux portes, je... danserais, me disais-tu ? 

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La Fourmi : (Gênée de ce rappel, honteuse même) 

Mais non, ma bonne, voyons, 

C'était là un grave malentendu ! 

Levons le !

Allons.

Il subsiste depuis déjà force temps. 

(Puis, cille orise d'une idée subite)

Ecoute...

 

Je te propose un marché !

Faisons échange... 

(Avec assurance) 

Tu me donnes ton chant ?

Dès le lever ?

Jusqu'au coucher ?

Et même après ?

Soit !

Je t'en remercie !

Et je le prends !

Quant à moi, je te donnerai, à l'avenir, pour les mois d'hiver de quoi subvenir.

(Et sur un ton de confidence et d'allusion comique, concluant) 

Je ne suis pas prêteuse, c'est écrit... 

Mais, offrir... Moi aussi je le puis !

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MandraGaure

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Ce texte fait partie d'un recueil composé en Juin de l'an 2000 à l'occasion et à l'intention de la fête de village à Tongrinne où il fut récité par l'auteur à la salle communale.

Il fut par la suite aussi présenté à Tamines, Auvelais, Sambreville, Gembloux et Sombreffe dans les écoles maternelles aux Ateliers "Conte & Raconte" 

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Un peu d'amour et de mort

 

 

  

Assez souvent, durant la nuit, je faisais le tour de la ville à pieds, 16 kilomètres environ, en quelques heures. Parfois, nous étions deux, Pierre Orloff et moi, à discuter de poésie, des problèmes du monde, et parfois des filles. Pierre était mon meilleur ami. Celui dont on souvient longtemps encore après qu’on se soit perdu de vue.

A cette époque, nous étions âgés de dix-huit ans. Nés le même jour, nous fêtions notre anniversaire en même temps. Pierre était d’origine slave, polonaise ou russe. Il ne savait pas, se plaisait-il à dire, parce que la ville dont son père était issu avait été conquise par les russes, reconquise par les polonais, et reprise par les russes. C’eut pu être les allemands. La Pologne avait toujours été une sorte de promenoir pour des armées étrangères.

La prononciation de Pierre s’efforçait de laisser entendre qu’il avait une ascendance identique à celle de ces héros littéraires, ils étaient russes pour la plupart, qui se battaient jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou qui se plaçaient le pistolet sur la tempe pour un oui ou pour un non. L’âme russe ! Maître d’hôtel, faites venir les balalaïkas.

C’est lui qui épousa Isabelle. Elle m’avait dit que je n’étais pas un garçon sérieux, que je ne pensais qu’à la baiser, un soir que je lui avais proposé après avoir dansé de prendre l’air à l’extérieur de la boite. Isabelle était une fille très séduisante dont la silhouette enflammait tous les garçons, et dont le regard déclenchait le cinéma de leur imagination.

La cérémonie du mariage fut sobre, un repas pour une douzaine de personnes dans un restaurant de la Grand Place. A la fin du repas, Isabelle, un peu ivre, embrassa tous les convives, l’un après l’autre. Quand ce fut mon tour, elle s’assit sur mes genoux pour m’embrasser.

Peut-être qu’elle avait voulu me transmettre un message ?

Le voyage de noces avait été offert par le père de Pierre : 8 jours à Djerba au Club. Pierre et sa femme en revinrent transformés. Je me suis demandé si Isabelle n’avait pas eu raison, et si moi je n’avais pas eu tort de ne pas lui avoir pas fait une cour plus sérieuse.

C’est la vie, comme on dit. Pierre et moi étions restés amis. Le samedi soir, je dînais chez eux.

Je ne me suis pas marié. Je me sentais bien dans ma peau. Libre de mes faits et gestes. Rien qu’un sac à remplir lorsqu’il me prenait l’envie de voyager.

Lorsque je revenais, Isabelle et Pierre m’invitaient avec autant de chaleur que si je revenais d’un voyage lointain après une longue absence.

- Tu as fait bon voyage ?

Isabelle m’embrassait sur les joues. Je retrouvais son odeur.

Le cabinet du docteur Leroy se trouvait au rez-de- chaussée d’une villa toute blanche entourée d’un jardin bien entretenu. Une rangée de fleurs, de chaque côté de l’entrée, accueillait les patients. Le premier étage était celui de son appartement: salle à manger de réception, une autre plus petite réservée à un usage quotidien, un salon, une cuisine et un bureau quasi de ministériel.  Les trois chambres se situaient au second étage, là où il avait aménagé une salle de sport, une salle qu’il avait baptisée du nom de salle de fitness, et dont l’usage quotidien lui permettait de garder une ligne comparable à celle d’un athlète.

Les femmes, particulièrement, appréciaient le docteur Leroy. Il était bel homme. Le sourire éblouissant. Impossible de savoir si elles l’appréciaient parce qu’il était bel homme ou bon médecin, les deux sans doute.

Le jour où elle était venue le consulter, Isabelle s’était dénudé à l’exception de sa culotte. Impassible, André lui avait palpé les seins, lui avait demandé de tendre les jambes et, à l’aide du stéthoscope, il avait les yeux levés vers le ciel, -respirez très fort la bouche ouverte- il l’avait examinée soigneusement.

- Vous avez raison de vous livrer à un check-up. Selon moi, vous êtes parfaite.

- J’avais cru en me touchant les seins…

- Ils sont parfaits, eux aussi. Votre mari est un homme enviable.

Elle lui plaisait. De plus, elle était dotée d’une sorte d’animalité qu’il était incapable de définir. Une femme faite pour l’amour, pensait-il. Il avait l’impression que de son côté, il  plaisait à Isabelle. Ce sont des choses que l’on sent.

Cinq ans après leur mariage, les Orloff avaient quitté le petit appartement de leurs débuts pour une maison. Une façade de 6 mètres, en retrait des maisons contigües, un jardinet devant, ils l’avaient achetée lors de sa première augmentation de traitement. Pierre avait changé de voiture. Elle était plus puissante et plus représentative de son statut.

La seule et véritable tristesse qui avait gâché les toutes premières années de leur mariage, c’était l’impossibilité dans laquelle ils s’étaient trouvés d’avoir des enfants. Un enfant, c’était le maillon d’une chaîne qui aurait projeté la lignée des Orloff dans l’avenir. Pierre en serait le dernier représentant. Aucun des maillons de cette chaine n’aura été davantage qu’une parcelle infime, et anodine, de l’histoire.

Ce fut une pulsion irrésistible à laquelle elle avait résisté durant plus de trois mois. Avant de s’endormir, elle pensait à André. A ses mains sur sa poitrine. Ce n’est tromper personne que de rêver.

Un jour qu’elle se dirigeait vers la gare, une petite voiture s’arrêta à sa hauteur. C’était le docteur Leroy. Il lui fit un signe de la main. Il était descendu en souriant.

- Madame Orloff, comment allez-vous ? Ah, vous marchez ! C’est bien, cela entretient la forme. Si je pouvais en faire autant, mais c’est difficile pour visiter ses patients.

- Je n’ai pas le choix, c’est mon mari qui utilise la voiture.

- Cela me donne la possibilité de vous conduire où vous voulez. Si j’osais, je vous demanderais de le remercier pour moi.

Tous les deux savaient que les propos qu’ils échangeaient auraient pu être remplacés par d’autres. Leurs regards en disaient bien plus sans que ni chez l’un ni chez l’autre il n’y ait eu la moindre hésitation.

- On prend un café ensemble ?

A la lisière de la ville, une grosse villa, le Panier d’Or, servait de restaurant, de lieu de rendez-vous, et d’hôtel de jour. On pouvait s’y faire servir dans les chambres. Ils commandèrent deux cafés.

- Je vous ai rassuré lorsque vous êtes venue me consulter ?

Tous les deux savaient que c’est aux seins d’Isabelle qu’il faisait allusion, et pas à sa santé. Elle était flattée. Elle devinait ce qui allait suivre, elle y était prête. Mariage ou non, lorsque le désir ou la curiosité vous étreint, c’est tout naturellement qu’on se met au lit. Le plus difficile la première fois, c’est de l’imaginer.

Plus tard, debout auprès d’elle, tandis qu’elle enfilait son pantalon, le torse encore nu, il dit en souriant :

- Tu as aimé ?

André avait eu envie de connaitre Isabelle autrement qu’au lit ou à sa consultation. Depuis qu’elle était sa maîtresse, il passait assez souvent devant son domicile. Un dimanche, il vit Pierre qui se tenait sur le seuil. André le salua de la tête avec la politesse qu’un médecin témoigne envers le conjoint de sa patiente. Pierre lui paraissait moins svelte que lui. Il était plus jeune, sans doute mais, c’était visible, Pierre était un peu enrobé pour un homme de son âge.

-Il m’a semblé que c’est le docteur Leroy qui vient de passer. Il m’a salué.

- Il n’habite pas loin. On n’y a jamais fait attention avant.

Elle voulait dire :

- Avant que je ne le consulte.

Elle était heureuse. C’était comme si André, en passant, lui avait fait une caresse. Elle imaginait des caresses qui n’étaient pas éloignées de la réalité. Comment dire à Pierre que c’est lui, son époux, qui aurait pu en être l’inspirateur.

Elle savait d’André et d’elle ce qu’ils attendaient l’un de l’autre. Elle en avait envie. Elle aimait penser qu’elle en avait besoin.

Durant un mois, Isabelle avait retrouvé André au Panier d’Or plusieurs fois par semaine. Lorsqu’ils se séparaient, elle  se disait  que c’était la dernière fois. Le lendemain, elle attendait le moment de le revoir avec impatience. Ce phénomène étrange, on le décrit si bien par la formule : avoir quelqu’un dans la peau. Ils se mettaient au lit sans beaucoup de préliminaires.

André avait modifié l’horaire de ses consultations, il n’osait pas penser à ses rendez-vous qu’il respectait mal. Isabelle quant à elle devait rentrer pour attendre son mari. Ce n’était pas la situation idéale pour une relation amoureuse. Mais c’était le même piment que celui que procure la lente montée des escaliers.

Ce qui le flattait, c’était avant tout son pouvoir de séduction. Le nombre de ses aventures faisait sa réputation de don juan, cette réputation qu’il aimait bien plus que les jolies femmes qu’il mettait dans son lit.  

Peu à peu, Isabelle s’attachait à lui. André par contre éprouvait le sentiment de s’enfoncer dans une impasse.

Une après-midi, elle l’avait retenu plus longtemps qu’à l’habitude, et il avait manqué une obligation importante. Il se résolut à en parler :

- Je sais, c’est difficile mais il faut nous séparer Isabelle. Avant que cette délicieuse aventure ne devienne une aventure ordinaire. Je t’ai donné du plaisir, mais tu m’en as donné toi aussi.

Elle se rhabillait toujours en dernier. Elle aimait qu’il contemple ce corps qu’elle lui dissimulait peu à peu.

Elle était abasourdie.

- Je ne te plais plus ?

- Jamais aucune femme ne m’aura procuré plus de plaisir.

Il n’avait pas pu s’empêcher d’ajouter :

- Tu peux en être fière, tu sais.

Elle avait demandé qu’il la dépose près de la gare. Elle voulait marcher. Il avait voulu lui donner un léger baiser, celui d’un ami. Elle détourna la tête. Chez elle, lorsque Pierre était rentré, elle avait aussi détourné le visage qu’elle lui tendait auparavant. Elle ne savait pas pourquoi mais elle était fâchée contre Pierre.

Le corps d’André fut découvert au pied d’un arbre centenaire à proximité  du Panier d’Or. Une balle lui avait traversé le cœur. Il avait l’air surpris.   

Pierre avait été arrêté deux jours plus tard, à la sortie de son bureau. Il avait écouté les accusations de l’inspecteur Delrue. Il était resté silencieux. Alors même que son avocat lui répétait qu’il n’y avait aucune preuve que ce fut lui. Que d’autres pistes existaient que la police dès lors n’explorerait plus.

Durant son incarcération, c’est moi qui lui rendais visite le plus souvent. Lorsqu’Isabelle venait le voir, elle éclatait en sanglots presqu’immédiatement si bien qu’ils ne se disaient rien d’utile ni à l’un ni à l’autre.

L’inspecteur Delrue avait dressé une liste de femmes dont la rumeur disait qu’elles avaient été ou étaient encore les maitresses d’André Leroy. Celles qui avaient des raisons de souhaiter sa mort. Ne serait-ce que par mari interposé, ce qui assied une réputation. On le sait. Une femme pour laquelle on tue devient deux fois plus désirable.

Il n’y avait plus pour lui de raisons pour se mobiliser.

- Il méritait de mourir autant de fois qu’il a eu des maîtresses. Il n’aimait que lui.

C’est ce que Pierre m’avait dit la première fois.

- Ce n’est pas toi qui l’as tué.

- Peu importe qui l’a tué.

L’inspecteur Delrue n’avait pas cherché d’autre coupable. Pierre fut condamné à douze ans de prison.

J’allais le voir régulièrement. Soit seul, soit en accompagnant Isabelle. Il devenait de plus en plus sombre.

Un jour, Il saisit ma main.

- Promet le moi, Richard. Tu veilleras sur Isabelle.

J’étais chez elle tous les jours. Pas seulement les jours où nous allions visiter Pierre.

Un soir où je m’apprêtais à rentrer chez moi, c’est elle qui me retint.

- Ne me laisse pas, Richard. J’ai peur toute seule dans cette maison.

- Tu veux que je dorme ici ?

- Il y a la chambre d’amis. Ce n’est plus possible, je ne peux plus rester toute seule.

Nous sommes montés. Je me suis déshabillé dans la chambre d’amis, et je l’ai rejointe dans son lit.

Pierre devenait de plus en plus déprimé. Nous avions peur pour lui. Nous en parlions au lit avant de nous étreindre. Comme si la présence de Pierre, une présence invisible mais aussi évidente que si elle était réelle nous rapprochait et, je ne l’avouais pas, épiçait nos élans. Elle avait eu raison, Isabelle, avant son mariage avec Pierre, c’est moi qu’elle aurait dû épouser. Nous étions faits l’un pour l’autre. Elle pour moi. Moi pour elle.

Pierre s’était pendu dans sa cellule. Ce fut une découverte épouvantable. Ce fut une journée horrible. La nuit, nous nous sommes serrés l’un contre l’autre non pas seulement pour faire l’amour mais pour nous protéger comme des enfants apeurés.

- Je t’aime, Richard. Toi aussi, dis, tu m’aimes. Tu ne le dis jamais.

C’était un mois après les funérailles de Pierre. Elle était étendue sur le lit, j’avais les mains sur ses épaules.

C’est ce soir-là que je lui ai dit :

- C’est moi qui ai tué André Leroy. Je ne supportais plus l’idée de ses sales mains sur ton corps.

 

 

 

 

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Se faire plaisir

 

Se faire plaisir, doux devoir!
Pour entretenir l'espérance,
On ne peut compter sur la chance,
On apprend vite à le savoir.

Quand l'ennui peut rendre maussade,
Qu'on ne ressent aucun désir,
Il faut recourir aux plaisirs,
Qui font que l'nstant n'est plus fade.

Nous connaissons, en abondance,
D'innocentes petites joies ,
D'autres plus intenses s'octroient,

Qui font certes une différence.

Des poèmes que l'on relit,
Et dont, jamais, on ne se lasse
Ô joie des mots,instant de grâce
Qui de doux émois nous emplit.

Dans le plaisir, on se sent bien.
On peut s'entendre se le dire,
En se surprenant à sourire.
Lors, on n'a plus besoin de rien.

Comme la joie est éphémère,
Il nous faut la renouveler.
Épicée, sucrée ou salée,
La vie ne reste pas amère.

16 juillet 2014

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De mes diptyques image-texte

Les "images" les plus anciennes connues à ce jour datent d'environ 30 000 ans et relèvent des traces humaines découvertes dans des grottes préhistoriques. Quand ces premières images se transformaient en signes, donnant naissance à l'écriture d'hiéroglyphes et de pictogrammes, on se situe à 2 000 ans avant notre ère. Il a fallu attendre le Moyen-Age pour voir apparaître du texte s'associant aux images dans les enluminures. Le concept " écrire avec la lumière " voit le jour avec l'invention de la photographie il y a 175 ans. Le procédé argentique a largement dominé les différents procédés photographiques analogiques inventés durant cette période. La naissance de l'informatique de la fin du 20ième siècle a fait apparaître l'appareil photo numérique qui, aujourd'hui, n'est plus qu'un gadget de plus des téléphones portables. Quelques milliards d'images en couleurs circulent sur l'internet tous les jours.

Depuis les années 1980, avant la naissance de la photographie numérique, Roger Kockaerts, photographe créatif et pionnier de l'art informatique en Belgique crée, également sous le pseudonyme de Roger Coqart, une série de diptyques dans lesquels un tirage photographique argentique et un graphisme généré à l'ordinateur sont en symbiose ou en paradoxe afin de constituer des travaux à caractère poético-conceptuels. A ce jour, afin de se distancier du concept de la photo numérique ‘photoshopée’, il continue à employer le tirage argentique monochrome comme la partie image de ses diptyques.

Dans ces pièces des combinaisons des symboles mathématiques, lettres et chiffres, disponibles sur le clavier infographique, sont utilisés de façon sémantique en regard d'une image photographique. Dans ces pièces la complicité et l'analyse de la part du spectateur sont parfois d'une importance vitale.

De la citation " une image vaut mieux que mille mots " on pourrait supposer que la compréhension de l'image par un individu est quasi instantanée, en opposition avec une lecture plutôt linéaire d'un texte. Il semblerait que l'individu sélectionne, selon ses aptitudes, des éléments de l'image afin de s'en former une opinion définitive. D'autre part la présence d'une pluralité de possibilités de compréhension présentes dans certaines images nécessite un contexte ou un texte sous la forme d'un titre, légende, explication, ou autre.

On peut utiliser le terme " image-texte " pour parler des relations entre les deux entités, qu'elles soient construites en terme de différence ou de similitude. Dans notre projet " diptyques ", cette relation "image-texte" est donc un lieu où différents aspects des composantes de la vie de société sont en conflit ou en accord avec la représentation d'une réalité concrète sous la forme d'un tirage photographique argentique.

Quoique chaque diptyque possède un titre et que les éléments des images soient relativement simples, le spectateur doit parfois faire un effort intellectuel afin de pénétrer les implications visuelles et les interactions des créations poético-conceptuelles.

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La mystificatrice

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Quand plus de trente années plus tard,

par tendresse, j’ai retrouvé

l’ami aimé de ma jeunesse,

du temps que j’étais demoiselle,

attendrissante et romantique,

s'est réalisé un miracle;

suis devenue par grand mystère,

presqu'aussi vive et rayonnante

                                                              que la jeune fille d'antan.

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La mystificatrice

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                             Me Jean-Pierre Mélia, avocat au Barreau de Paris

                              et son ex-consoeur Suzanne Walther-Siksou

Quand plus de trente années plus tard,

par tendresse, j’ai retrouvé

l’ami aimé de ma jeunesse,

du temps que j’étais demoiselle,

du temps que j’étais romantique,

du temps qu’il m’appelait, tendrement, Tanagra,

j’ai réalisé un miracle:

redevenue par grand mystère,

incontestablement,

presqu’aussi rayonnante, certes 

que quarante ans au paravant.

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Silence et somnolence

 

Du vert, un ciel bleuté que le soleil égaye.

Un silence complet entoure les maisons.

Le temps s'est absenté sans besoin de raison.

Sur les orpins gorgés sont figées  des abeilles.

Un silence complet entoure les maisons.

Des formes cotonneuses semblent rester pareilles.

Sur les orpins gorgés sont figées des abeilles,

L'air a pris la lourdeur de la riche saison.

Des formes cotonneuses semblent rester pareilles.

La lumière rayonne en l'espace à foison.

L'air a pris la lourdeur de la riche saison.

Le jardin en plein jour tranquillement sommeille.

La lumière rayonne en l'espace à foison,

Irradiant les feuilles et les roses vermeilles.

Le jardin en plein jour tranquillement sommeille

Nulle chanson ne passe au travers des cloisons.

15 juillet 2014

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Le mainate amoureux

 

À Mohamed Benyounès

L’oiseau imitateur apprendra, je le sais,

Les mots que les amants murmurent à leur belle,

En oubliant les fous et les atrocités.

 

Il les répétera, ébloui de lumière,

En survolant le port et les bois parfumés.

Le bonheur renaîtra dans le coeur des fidèles.

 


Je me souviens, émue, de l’université,

De ses jardins en fleurs, bordant la haute grille,

Des rires et des rêves des garçons et des filles.



Alger, la blanche, mon élégante tant aimée,

Innombrables points blancs sur le vert des collines,

Avec du bleu au-dessus d’elle et au-dessous.

Ses enfants de demain ne seront exposés

Qu’aux vocables d’amour que la beauté suscite.

La terreur disparue, ils s’épanouiront.

Alors, l’oiseau grisé, devenu amoureux,

Mêlera ses romances à celles des poètes.

Les mères attendries cesseront de pleurer.

 

11/12/2002

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Marc-Aurèle: "Pensées pour moi-même"

12273024653?profile=original"Pensées" est le Journal que l'empereur-philosophe Marc-Aurèle (121-180 après JC) écrivit en grec, probablement au cours des dix dernières années de sa vie. Il fut publié, en cette langue, pour la première fois, en 1599 à Zurich. Nous ignorons qui le divisa en 12 livres. Ces pensées n'étaient pas destinées à être publiées. Les chapitres ou les paragraphes sont de longueur variée et ne sont point reliés entre eux; ils traitent des sujets divers et parfois disparates. Ils ont été vraisemblablement écrits en des circonstances fort différentes. Il n'est pas possible d'assigner une date à cette oeuvre. Seules quelques allusions à la fin du deuxème livre nous permettent de supposer que le premier et le deuxième livre ont été écrits dans les dernières années de la vie de l'auteur. En général, cet ouvrage dénote un esprit mûr et expérimenté. Dans le premier livre, qui se distingue des autres par le contenu et la forme, Marc-Aurèle exprime sa gratitude pour tous ceux qui ont contribué à sa formation spirituelle et particulièrement pour Rusticus, qui lui a donné la possibilité de lire les oeuvres d' Epictète. Dans les autres, il expose la philosophie stoïcienne en insistant particulièrement sur le problème moral.

Cet ouvrage est loin d'être une recherche coordonnée en vue d'aboutir à un credo philosophique. L'auteur, dans ces "Pensées", évoque pour sa propre satisfaction, les préceptes puisés dans ses études de la philosophie stoïcienne, en particulier dans celle d' Epictète, et dans son expérience personnelle. L'on a remarqué que, dans l'oeuvre de Marc-Aurèle, subsiste le contraste entre les deux thèmes fondamentaux: cynique et stoïcien, pour lesquels l' "adiaphorie", ou indifférence envers toute cause extérieure, est atteinte soit par le mépris du monde extérieur, soit par la croyance opposée que tout est parfait en ce monde et qu'il n'y a rien de plus vain que d'essayer de changer le cours des choses puisqu'il est voulu par Dieu. De cet antagonisme, naissent parfois une certaine angoisse, un scepticisme et un pessimisme sur le sort final du monde et de l'individu. Il s'ensuit un certain mépris pour la vanité terrestre, une compassion fraternelle pour tous les hommes, même pour les plus mauvais, et un fond de tristesse qui imprègne tout l'ouvrage. Les pensées qui considèrent comme seuls biens réels ceux qui dépendent de notre propre volonté, le bien de l' âme, et comme seul mal la privation de celui-ci, sont d'inspiration nettement cynique. Posséder les honneurs, la puissance, la richesse, la santé, ou en être privé, est sans importance. Sont de même origine les motifs qui inspirent à Marc Aurèle son attitude envers les ennemis: "Quelqu'un commet-il une faute à mon endroit? C'est son affaire. Il a son tempérament propre, son activité propre. Pour moi, j'ai en ce moment ce que la nature universelle veut que j'aie en ce moment et je fais ce que ma nature veut que je fasse en ce moment" (V, 25). Cette attitude envers les ennemis détermine, d'ailleurs, son comportement de tous les jours: "Il faut t'accoutumer à n'avoir que des idées telles que, si l'on te demandait brusquement: A quoi penses-tu? tu puisses répondre sur-le-champ et en toute franchise: A ceci, ou à cela" (III, 4). La gloire militaire le laisse froid: "Une araignée est fière d'avoir capturé une mouche; cet homme un levraut;..., un autre, des ours; un autre, des Sarmates. Or, ces gens-là, ne sont-ils pas des brigands, si l'on examine leurs principes?" (X, 10).

Le stoïcisme, auquel s'ajoute un certain fond religieux, inspire Marc Aurèle des pensées d'une grande élévation lorsqu'il aborde les problèmes de l' âme et de sa corrélation avec le corps. "Je suis composé d'une cause formelle et de matière. Aucun de ces éléments ne sera anéanti, pas plus qu'il n'est sorti du néant. Donc toute partie de mon être se verra assigner une autre place par transformation en une autre partie de l'univers et ainsi de suite à l'infini" (V, 13). "Tout ce que je suis se réduit à ceci: la chair, le souffle, le guide intérieur" (II, 2). Marc Aurèle s'y élève constamment à une conception toujours plus haute de l'homme, l'humanité étant pour lui une sorte de grande famille et l' Etat une communauté spirituelle: "Ma cité et ma patrie, en tant qu' Antonin, c'est Rome; en tant qu'homme, c'est le monde.

Donc, les intérêts de ces cités sont pour moi les seuls biens" (VI, 44). Ou encore: "Considère sans cesse que le monde est comme un être unique, contenant une substance unique et une âme unique; comment tout aboutit à une seule et même perception, la sienne..." (IV, 40). Les "Pensées" s'achèvent sur ces paroles: "Mon ami, tu étais de cette grande cité. Que t'importe de l'avoir été cinq ans ou trois?... Pars donc de bonne grâce pour répondre à la bonne grâce de qui te libère" (XII, 36).

Toutes ces pensées témoignent de la lassitude et du dégoût de l'auteur pour la vulgarité et la corruption du monde qui l'entourait: de son angoisse, du doute et de l'anxiété qu'il cherche à calmer sans y parvenir, de son désir d'une libération spirituellle et d'une continuelle curiosité pour les "maîtres problèmes" de l'esprit. Autant de raisons qui ont rapproché les lecteurs de toutes les époques de cette âme, que Tertullien a qualifiée de "naturaliter christiana". L'oeuvre de Marc Aurèle a exercé une influence considérable sur les hommes de tous les temps, des empereurs Justinien et Julien jusqu'à Pétrarque et au grand Frédéric.

Extraits des Pensées pour moi-même

 

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Souviens toi, c'était un lundi soir.

 

Un détail stupide devient parfois le souvenir le plus marquant d’une union qui ne s’est défaite que par la mort.

Je me suis parfois demandé : Jusqu’où serais-je allé pour qu’elle soit encore en vie. A mes côtés ? Aux côté d’un autre ? L’ais-je aimée ou est-ce moi que j’ai aimé  lorsque je l’aimais ?

« Souviens-toi Azziza, c’était un lundi  soir » était une réplique du théâtre d’Armand Salacrou, un auteur très réputé lorsque nous étions jeunes. C’est à Paris, nous étions à peine mariés d’une semaine que nous l’avions entendue. Et, je m’en souviens encore.

Thérèse  est morte vingt ans plus tard. J’étais convaincu que je ne lui survirais pas. C’est cette certitude qui m’a retenu de me tuer moi-même.

Julie était seule elle aussi. C’était une amie que son mari avait abandonnée sans qu’elle  n’en ait jamais compris la raison.  Elle était séduisante et fort amoureuse à en juger par les caresses dont elle le comblait, même au vu de ses proches. Les hommes y sont sensibles, m’avait-elle dit un jour, Ils sont vaniteux.

Cela n’avait rien empêché.

- Moi aussi, j’aime ça. Les hommes sont des séducteurs, les femmes sont des nymphomanes. Chez les femmes, c’est méprisable. 

Un jour que j’étais chez elle, elle est entrée dans sa chambre à coucher. Lorsqu’elle est revenue, elle ne portait sur elle que son peignoir qu’elle dénoua devant moi.

- Julie !

C’est vrai qu’elle était séduisante.      

Etrange femme ! Elle faisait l’amour toute seule. Elle se servait de son corps et du corps de son partenaire pour  jouir.

Un peu plus tard, elle s’endormit la main sur une de mes cuisses.

Souviens-toi, Azziza . C’était un Lundi soir.

Ce n’était qu’une réplique de théâtre. Pourquoi me suis-je souvenu de celle-là ?

La vie avait recommencé.

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Un poème inspiré par la jolie peinture de Jaqueline Nanson!

'déambuler dans les grands fonds'

Monde océanique

Dans les fonds océaniques
Je vois le monde antique
Des lueurs surnaturelles
La terre originelle,
Un univers immaculé
Que personne n’a violé
Où dansent des poissons
Comme volent les papillons,
Un monde d’absolus silences
Où les anémones se balancent
Comme les fleurs des champs
Caressées par le vent

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Aphorismes sur le mot faute

 

 

 

I. Même expiées, les fautes graves peuvent sembler irrémissibles.

2. Il faut savoir se pardonner certaines fautes, commises envers soi.

3. La paresse et la négligence sont à l’origine d’erreurs mais, parfois aussi, de fautes graves.

4. Une faute par omission peut être aussi préjudiciable qu’un acte commis volontairement.

5. Les fautes de goût peuvent provoquer une agréable bonne humeur, dissimulée ou contagieuse.

6. Les sept péchés capitaux ne sont pas les seuls responsables de fautes regrettables.En parfaite innocence, il y a la bêtise.

7. Une erreur nous parait moins grave qu’une faute or la vigilance est souvent un devoir.

8. L'erreur judiciaire, faute extrême est inadmissible. Elle devrait être sanctionnée.

9. Certains ne réparent les dommages causés par leur faute que s’ils y sont contraints et forcés.

10. L’expérience acquise et la maturité ne nous préservent pas des fautes d'inadvertance commises dans l'urgence ou simplement la presse.

11. Dans une poésie, les fautes de syntaxe forment des taches d’huile sur un tapis de soie.

12. Faute de faire un effort, certains sont incapables de louer le talent d'une personne jalousée.

13. Ne pouvant l'oublier, on ne pardonne pas une faute qui était condamnable.

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SI PEU DE CHOSE ...

Notre vie est du vent tissé...

...Une paille très haut dans l'aube ce léger souffle  à ras de terre

Qu'est- ce qui passe ainsi d'un corps à un autre ?

Une source échappée au bercail des montagne...

...

On n'entend pas d'oiseaux parmi ces pierres

Philippe Jaccottet

(Poésies 1946 -1967 )

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