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...La Fourmi et la Cigale...

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LA FOURMI ET LA CIGALE

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La Cigale (Sur un ton chantant) 

Dis moi voisine, la Fourmi, peux-tu m'instruire s'il en est, 

Des raisons qui te font ainsi dépêcher 

Du matin au soir, 

Par monts et par vaux 

Et dans tes sombres couloirs? 

(Se déplace, toujours sur un ton chantant) 

Puis encore, si j'en juge, pas même la nuit tu ne t'arrêtes 

Car toute l'heure qu'elle dure je t'entends trottiner 

Du haut vers le bas et vice et versa 

Dans la pénombre de tes labyrinthes et escaliers. 

(Se penche vers la fourmi, étonnée, la questionne) 

Ne peux-tu donc jamais t'arrêter ? Te prélasser ? Et rêver?

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La Fourmi (Bourrue et agacée) 

Rêver à quoi, ma chère amie? 

(Ironique, scande) 

Au temps, que demain, il fera ? 

Et au tas de nourriture que j'aimerais avoir là, 

A portée de pattes et dans tous mes greniers, 

Entassée, haute, riche, variée ?... 

(Sur le ton de la confidence) 

Et en sécurité !... 

(Docte et sévère, accentue) 

A la vérité, bien chère commère,

Si à sa recherche je ne m'en vais courir... 

Elle... 

Ne me tirera pas la basque afin que j'aille la quérir!

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La Cigale : (Douce, presque murmurant) 

Oh, bien sûr! J'entends cela... 

Et d'ailleurs, il va de soi. 

Nulle intention de ma part de t'en faire reproche. 

Mais...

Par sympathie, voisine amie, 

(D'un geste complaisant elle hèle la Fourmi) 

Viens là !..

Approche... 

(Et sur le ton de l'étonnement) 

Ne peux tu donc jamais, en somme, faire chose autre que d'entasser ? 

Te faut-il toujours te préoccuper ? 

Serais-tu, à cela, condamnée ? 

A ne voir pas plus loin que le bout de tes antennes,  

(Et mettre en garde la fourmi, amicale et confidentielle) 

A ne te soucier pas de la vie qui est là, 

(Prudente, un rien plus bas, presqu'chuchotant) 

Pour peu de temps, crois-moi... 

(Puis soudain enchantée, emportée à partager) 

Ne te donne-t-elle pas le désir de chanter ?

Et d'engranger, oui, certes, moissons de puérils plaisirs 

Dont elle veut bien nous bénir. 

(Poétique, récitante, louant, comme en un hymne) 

Le chant des oiseaux, aux premières lueurs de l'aube... 

Les perles d'aurore scintillants sous les feux du levant... 

Le midi torride, où l'air lui-même semble vide, 

Où plus rien encore ne bouge, pas même le temps... 

Et les soirées câlines s'égrenant sur des notes cristallines 

Venue saluer les nuances divines dont s'irrisent les cieux au couchant ? 

(Bienveillante enfin, encourageante) 

Alentours de toi, Fourmi, n'entends-tu pas ? 

Ne vois-tu pas ? 

Ne sens-tu pas, ma chère, 

Alors que tu trottes dans tes forières, 

Les fleurs soyeuses, les fruits irisés 

Dont les parfums subtils jusque dans les clairières 

Viennent te charmer, te séduire, t'enivrer ? 

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La Fourmi : (Enervée, et quoiqu'émue, pressée, se forçant à la courtoisie) 

Tu me retiens là, Cigale ! 

Je t'écoute, mais ne peux te suivre. 

La tâche m'appelle... 

Et m'interpelle le temps.

Il me faut aller ! 

Il y a là-bas dans les fourrés un beau tas de provisions qui m'attend. 

J'y vais !

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La Cigale (Désolée, mais généreuse) 

Va !... 

Pour t'accompagner, je chanterai pour toi. 

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La Fourmi : (En partance, se retourne et lance sur le ton de la moquerie) 

Tu chanteras ? 

(Et ricane) 

Pour moi ? 

(Et agressive) 

T'ai je rien demandé ? 

(Et étonnée) 

Ainsi passe ta vie ?... 

(Fâchée. Inquiète aussi) 

Mais où donc caches-tu ton esprit, Cigale, que feras-tu ?

(Insiste, acide, perfide)  

Que feras-tu ? 

Quand le soleil ne sera plus ? 

Quand le vent tourbillonnera aux portes et que de froid tu seras perclue ? 

Quand la neige aura enterré les fleurs ? 

Quand aucun oiseau ne chantera plus ? 

(Et décidée à lui rendre service de ses sinistres augures) 

Les fruits, irisés, dont tu me parlais... 

N'en retient que les odeurs, et épargne les ! 

(Sur un ton hautain, soudain, et moralisateur) 

Car les levers frileux et les jours gris, 

Cigale, pour les traverser, comment feras-tu dis ? 

Tu chantes !

Tu chantes !

Ma foi...

Je t'entends ! 

Et de nuit encore ! 

Puis, le matin, tu dors ! 

(S'enorgeuillant...) 

Tandis que moi, entretemps,

J'invente des astuces,

Des moyens, des tourments pour ne pas périr quand l'hiver sera là. 

Et il approche d'un bon pas... 

(Puis caustique) 

L'août, voisine, s'achèvera... 

(Un rien triomphante) 

Que feras-tu, alors ?

Dis moi ?

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La Cigale : (Soupire) 

Je sais, Fourmi, je sais.

Et je comprends... 

Tu m'avertis.

Je t'en sais gré.

Et je t'entends. 

L'hiver n'est pas de ces invités qu'avec joie je vois arriver. 

(Puis comme lasse)

Mais que veux-tu ? 

(Se rallume sa voix à l'évocation de sa passion, le chant) 

Puis-je laisser chaque soir le soleil s'enliser 

Sans lui avoir présenté mes louanges d'été ? 

Puis-je, de jour, et muette, vaquer aux quotidiennes besognes 

Or que tout autour de moi la nature chante en choeur ? 

Je m'allie à elle, et à l'unisson nous chantons... 

Jusque tard à la nuit encore j'accompagne son refrain 

De mon chant estival, et ce, dès le juin. 

(A nouveau généreuse, conciliante, caline mais sincère) 

Et je chante, voisine, aussi pour toi ! 

(Et tendre, modeste) 

Puisse mon chant te réjouir le coeur dans tes moments de peines et de labeur.

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La Fourmi (Grinçante) 

Me réjouir le coeur ? 

Bah!...

Tes bavardages me font passer l'heure ! 

(Et méprisante) 

Il ne m'est pas ce loisir de me laisser amuser... 

Et le travail m'attend.

Je m'en vais !

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La Cigale : (Déçue,puis, soudainement, véhémente) 

Tu fais la fine bouche... 

Tu te moques !... 

(Elle monte le ton, s'énerve, comme de juste) 

Oserais-tu dire que de mon chant comme d'une guigne tu te soucies ?

Vraiment ? 

Qu'il ne t'importe ni n'emporte ni n'éveille en toi 

Aucune parcelle d'émotion te donnant quelque joie ? 

(Et haussant encore plus le ton, ajoute)

Oserais-tu, Fourmi, l'affirmer, cela ? 

Que mon chant ne t'émeut ni ne te sers de rien ?

Qu'il est creux ?

Et sans raison ?

Qu'il est puéril ?

Et vain ?

Qu'il n'est que non-sens ?

Bruit de fond ? 

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La Fourmi : (Etonnée de voir la Cigale coléreuse, même inquiète, tempère) 

Calme toi, Cigale, voyons... 

Je ne voulais pas te faire la guerre. 

(Sincère) 

Je me fais souci de toi, et de ta survie ! 

Ne m'en tiens pas grief, je t'en supplie. 

(Et radoucissant encore le ton)

Te voilà rouge de colère, 

Et cela n'est pas bon...

(S'approchant de la Cigale, humble, se promenant, pattes croisées, tête baissée) 

Il est vrai, voisine, que d'aller par les chemins à courir derrière quelques grains, 

A risquer me faire écraser sous toutes sortes de pattes et de pieds, 

A être la proie fragile de prédateurs

Qui attendent, patients, un faux pas, une erreur... 

Il est vrai que lors de toutes ces épreuves ton refrain 

Adoucit mes jours dès les heures chaudes du matin... 

(Sur un ton très tendre, presque de gratitude) 

Et le soir lorsqu'en ma demeure 

Je vais, je viens, je tire, je range, je transporte et charrie 

Mes pailles, mes feuilles, mes racines et brindilles 

Tu m'enchantes au moins assez pour que mon travail je puisse l'endurer 

Sans que trop ne me pèse l'heure. 

(Et comme en un aveu, une triste consolation) 

Il est vrai, Cigale, tu chantes aussi pour moi. 

Le désir de chanter ?

Non. Je ne le connais pas... 

Car je ne puis, je ne puis chanter tu vois. 

Et même si je le voulais, je ne le pourrai. 

Je n'ai reçu ni lyre ni Muse.

 

Et la pratique du chant, de ce fait, en rien ne m'amuse...

Mais toi, tu en fus dotée ! 

Est-ce là pourquoi force t'est d'en user ? 

Et là aussi pourquoi je m'obstine, moi, dans ma rancoeur,

 Prétendre ne pas t'écouter ?

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La Cigale (A nouveau radoucie, sans rancune et revenue à sa joie de cigale) 

Peut-être...

Mais qu'importe? 

Je chante, voilà tout ! 

Je n'ai reçu que la Muse, que la lyre, 

Et de tes propres dires, mon chant réconforte... 

(Alors,lançant à la fourmi un clin d'oeil malicieux) 

Quand l'hiver sera aux portes, je... danserais, me disais-tu ? 

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La Fourmi : (Gênée de ce rappel, honteuse même) 

Mais non, ma bonne, voyons, 

C'était là un grave malentendu ! 

Levons le !

Allons.

Il subsiste depuis déjà force temps. 

(Puis, cille orise d'une idée subite)

Ecoute...

 

Je te propose un marché !

Faisons échange... 

(Avec assurance) 

Tu me donnes ton chant ?

Dès le lever ?

Jusqu'au coucher ?

Et même après ?

Soit !

Je t'en remercie !

Et je le prends !

Quant à moi, je te donnerai, à l'avenir, pour les mois d'hiver de quoi subvenir.

(Et sur un ton de confidence et d'allusion comique, concluant) 

Je ne suis pas prêteuse, c'est écrit... 

Mais, offrir... Moi aussi je le puis !

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MandraGaure

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Ce texte fait partie d'un recueil composé en Juin de l'an 2000 à l'occasion et à l'intention de la fête de village à Tongrinne où il fut récité par l'auteur à la salle communale.

Il fut par la suite aussi présenté à Tamines, Auvelais, Sambreville, Gembloux et Sombreffe dans les écoles maternelles aux Ateliers "Conte & Raconte" 

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Commentaires

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    Comme je suis contente qu'il vous soit plaisir de la lire, ma cigale faisant remontrance à la fourmi, lui enseignant que :

    - "Offrir... Elle aussi le peut !"

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    Et de même "Moi aussi je le puis !"

    Moi aussi je peux. Neutraliser mes peurs, ouvrir mes cahiers, déballer mes pages, sortir de l'ombre mes vers, les donner à lire, les offrir.

    Je peux oui, moi aussi. A l'écoute de mes voix internes laisser courir mes doigts sur le clavier; laisser surgir des profondeurs de mon âme tous ces mots s'alignant, s'enchaînant, se liant les uns aux autres qui me permettent d'en dire.

    De ces silences. De ces cris. De ces musiques. De ces échos. De ces stances, refrains, strophes et couplets, de ces phrases se faisant pages se faisant histoires, fables, récits.

    Je peux, moi aussi. 

    Car c'est Cadeau, écrire... 

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    Bien cordialement à tous vous,

    MandraGaure/R_B

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  • Ravie d'avoir découvert cette version, subtilement enrichie,  de la célèbre fable  ! Merci du partage, Rolande !

    Cordialement, Nicole

  • Très admirative! Félicitations.

    Adyne

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    Merci Monsieur de votre lecture.

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  • Par sympathie pour Rolande. Mais pour le texte aussi. .

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    Merci de votre lecture...

    De votre écoute devrais-je dire d'ailleurs.

    Il m'est plaisant que vous ayez pu imaginer cette fable récitée.

    Un jour, fâchée avec Jean de la Fontaine, la cigale que je suis décidait de lui faire la réplique... Car enfin, me dis-je, est ce justice que d'avoir à jeûner par faute d'avoir reçu don de chanter ?

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    Bien cordialement, Madame,

    MandraGaure / R_B

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  • Quel beau partage, je me suis transportée devant une petite estrade écoutant ce beau texte que l'on imagine pas autant enrichi, c'est très plaisant,   Jacqueline

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    Oh combien je me sens contente de tout ce que vous me racontez là, tant pour vous que pour moi ! J'ai plein de choses à vous confier !

    Ne vous sentez pas confuse Rolande, mon présent est sincère et sa destination méritée... Vous êtes une 'Etoile Bleue' dans mon ciel trop souvent gris...

    Merci Merci Merci !

    A très bientôt sous peu pas trop tard !

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    MandraGaure/R_B

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  • Bonjour Chère Red,

    Je suis un peu confuse de cet honneur que vous me faites car c'en est un et de taille.

    Une interprétation magnifique de cette fable que tous les écoliers ont dû apprendre. Avec, à la clef, le bouquet final de conseils avisés.

    De mon temps, beaucoup de mépris pour la cigale, cette paresseuse qui ne pensait qu'à chanter, faire la fête pendant que la fourmi, elle, se  tuait au travail !!

    La fin était, soi disant, morale : Le "vous chantiez, j'en suis fort aise et bien ..... danser maintenant".

    Avec, pour résultat, un sentiment de profond malaise lorsqu'il nous arrivait de nous amuser !! .... C'était perte de temps et la menace planait. De finir dans la misère ....

    Lire ???? d'accord, mais c'était perte de temps évidemment. L'accord était donné à la seule condition d'allier les deux : en tricotant, en crochetant .... C'était ainsi, je n'invente rien.

     Pour la génération suivante, la fourmi était devenue la vilaine dont il ne fallait surtout pas suivre l'exemple !!

    Non, elle aurait dû aider la cigale.

    Et vous arriver avec une troisième proposition : plutôt que de les opposer, vous en faites des alliées. C'est tout simplement lumineux. C'est ainsi que cette fable devrait être analysée dans toutes nos écoles.

    En lisant, j'ai relevé une toute petite faute .... "Prise et non pas Orise" sans doute parce que la cerise est venue me faire un clin d'œil inconsciemment. Je les adore, c'est vrai.

    Fort heureusement, votre texte a déjà fait un bout de chemin. Pas assez sans aucun doute. Il faudrait le faire connaître partout et le plus vite possible.

    Le mettre en scène, en faire un spectacle. C'est beau, bien écrit et la vue nouvelle sur cette œuvre ancienne ne peut qu'être bénéfique pour tous.

    A commencer, pourquoi pas, par Arts et Lettres ici même. En le faisant parvenir à d'autres amis et à notre ami Robert Paul.

    Votre beau travail mérite bien cela.

    En ce moment, je procède à votre façon : classer etc. en vue du grand départ final. J'ai un texte à fignoler également en rapport avec mon poème "Le marchand de caroube". C'est important. Je viens de lire dans un supplément du Vif Express que personne ne connaissait cette histoire .... Oh que si, je la connaissais et depuis longtemps car elle fait partie intégrante de ma prime enfance.

    Vous pouvez le retrouver sur mon blog et également sur Internet à "Hommage à Kudjabo Albert".

    En ces temps de commémoration, sans doute serait-il bon d'y faire un tour.

    L'histoire de ce poème, car il en a une, est loin d'être banale. Beaucoup de synchronicités dans son parcours. 

    J'en ai écrit une partie, mais, en ce moment, nous nageons dans les ennuis de téléphonie, à cause de certains travaux effectués dans notre rue en vue d'améliorer les communications. Cela dure depuis environ six mois, avec des inversions de ligne de téléphone .... rien que cela. Sans compter certaines nuisances sonores incompatibles avec la possibilité d'effectuer un travail dans la sérénité.

    En principe, tout devrait rentrer dans l'ordre suivant le technicien dépanneur venu cet après-midi.

    Nous l'espérons. Car nous en sortons très fatigués.

    Je vous souhaite bonne route et que vos œuvres soit reconnues comme elles le méritent et vous aussi.

    Je vous embrasse. Rolande

    Lancez vous .... Je m'aperçois du "partager" .... ... Puis-je le faire ??? en envoyant par exemple votre texte à mes amis, inscrits sur ce site ?? Le mieux évidemment est que vous le fassiez vous-même. A vous de voir évidemment. Mais vous pouvez compter sur mon aide.

    J'ai aussi un ami poète français à Biscarrosse dans les Landes. Il organise des concours et,  cette année, place sera faite, surtout aux Ecrivains. Je suis certaine qu'il apprécierait vos textes. Il m'est arrivé de faire partie du Jury au sein de cette Association.

    TRES BONNE CHANCE ET ALLEZ-Y !!!!

     

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