Du 26-09 au 14-10-12 se tient à l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050, Bruxelles) une exposition intitulée BERNADETTE REGINSTER, ARTISTE PLURIELLEqui ne manquera nullement de vous séduire.
Plurielle, elle l’est assurément et lorsqu’on lui demande dans quel style elle se sent le plus à l’aise, l’artiste met en avant la caractéristique majeure qui anime, selon ses dires, le signe des Gémeaux : l’empressement, carrément vital, à tout faire vite et bien ! En effet, tout ressort à fleur de peau chez Madame BERNADETTE REGINSTER. Cela est perceptible tant dans ses tableaux basés sur la technique du collage que sur ses œuvres en technique mixte.
Cela se ressent aussi et surtout dans l’émergence qui s’exprime dans la résurgence de cette « image-fantôme » représentée dans la plupart de ses tableaux centrés sur des vues de New-York, à savoir l’ombre des Twin Towers. L’artiste les fait, en quelque sorte, rejaillir de Ground Zero, pour les faire revivre sur la toile.
Le 11 septembre 2001 demeure une date phare dans la vie de l’artiste. Depuis longtemps, elle désirait se rendre à New-York pour voir le World Trade Center, à Manhattan. Malheureusement, Bin Laden s’est interposé entre elle et son rêve…Et depuis lors, BERNADETTE REGINSTER ne cesse de le ressusciter, non pas comme une réalité tangible mais à l’état de silhouettes vaporeuses, existant par leur présence tout en s’effaçant dans un improbable lointain que restitue la toile, terrain fertile de notre mémoire.
L’artiste ne systématise jamais. Tout est dans l’émotion. Ses collages en témoignent le mieux. BOWERY(2010 – 100 x 100 cm – technique mixte)
associe passé et présent dans le même cadre. Le passé est symbolisé par des vieilles torpédos des années ’30 qui rappellent l’atmosphère, à la fois glauque et envoûtante, des films noirs. Le présent, lui, se concrétise par des stries faisant office de déchirures. Pour l’artiste, New-York est une ville déchirée qui garde une plaie béante.
BERNADETTE REGINSTER entretient une dialectique particulière avec les sujets de ses toiles.
Elle ne peut s’empêcher de les déplacer en les permutant de toile en toile. Il arrive aussi qu’elle les reprenne à l’intérieur d’une même œuvre, à l’instar de TIMES SQUARE(2010 – 1OO x 100 cm – technique mixte) dans laquelle l’axe vivant de la ville est repris plusieurs fois dans des angles différents.
Cette volonté de « faire revivre » New-York témoigne également d’un travail d’archéologie sur la mémoire collective. En effet, au cours d’une précédente exposition tenue dans cette ville, l’artiste a soulevé la curiosité de certains newyorkais qui ignoraient jusqu’à l’existence de certaines photographies, tellement celles-ci étaient anciennes – quelques unes remontent à la fin du 19èmesiècle ! L’artiste utilise des documents qui vont de 1890 à 1930. De quoi donner à la mémoire collective matière à réflexion!
Artiste plurielle, BERNADETTE REGISTER l’est également dans la délicatesse du trait. Cela se perçoit dans ses petites encres intitulées OPUS(1998 – 24 x 30 cm), lesquelles mettent en exergue son grand talent de graphiste dans l’extrême finesse du rendu résultant du noir et blanc, ainsi que dans le savant mélange du rouge et du noir, obtenant ainsi un juste balancement chromatique.
L’artiste est aussi sculptrice. A partir de tuyaux d’arrosage elle a conçu des silhouettes filiformes campées en couples enlacés. Et lorsqu’on lui demande si, de près ou de loin, elle a été influencée par ALBERTO GIACOMETTI, l’artiste que la question semble surprendre, confesse qu’elle n’y avait jamais pensé, même si elle adore l’œuvre du sculpteur suisse. Elève à l’Académie de Woluwé St. Pierre, elle poursuit sa formation en sculpture. Le groupe d’œuvres exposées présentent une étude de variations sur le mouvement. Chaque sculpture est « figée » dans une torsion, présentée comme un « moment » définissant l’attitude des personnages. Les titres qui les accompagnent sont extrêmement évocateurs : REGARDS, ENLACEMENT, INTIMITE….ils sont, en quelque sorte, des réminiscences remontant à l’adolescence de l’artiste, lorsque celle-ci étudiait la danse classique.
A partir d’une clé usb, BERNADETTE REGISTER sélectionne des photos (notamment celles qui ont servi pour les TWIN TOWERS, à New-York), et travaille sur grand format. Toujours poussée par son empressement à aboutir à la vitesse de la lumière, elle privilégie l’acrylique car elle sèche très vite au détriment de l’huile, trop lente à se fixer.
Le visiteur le constate aisément dans BRUME(2012 – 80 x 80 cm - acrylique).
Cette œuvre présente essentiellement deux zones (une rouge et une blanche) s’entrechoquant, créant un embrasement chromatique, à l’origine d’une brume incandescente. Technique et rendu coïncident car l’émotion que cette œuvre dégage ne peut se créer que par fusion instantanée.
BERNADETTE REGINSTER, essentiellement autodidacte de formation, est assurément une grande artiste. Une créatrice qui, au travers de ses œuvres, se cherche constamment au détour d’une émotion, véhiculée par la nécessité de la vitesse.
François L. Speranza.
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