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Noir JGobert

De retour dans la petite cour du Charbonnage, sur les lieux même de mes jeux, je me rappelle des souvenirs que grand-mère me contait. Elle disait : aujourd’hui, nous passons par la grande porte, la mine est ouverte depuis qq heures et la haute grille de fer nous ouvre les bras.

5 heures du matin, la  nuit est noire et profonde, on entend le bruit des sabots  à la ronde, ils arrivent, approchent…

Dans le martellement des pavés se regroupent les hommes vêtus de bleus, du petit foulard noué autour du cou et de la lampe au carbure à la ceinture.  Il fait froid ce matin comme chaque matin de leur vie. Ils se dirigent tous vers les hauts bâtiments pour y poser leurs affaires, passant encore à demi endormis devant la petite chapelle aux vitraux à peine éclairés.

Tous attendent et se retrouvent devant la fosse, ouverte et béante avec l’affreux bruit de chaine qui fait frissonner.  Arrive le premier plateau où les hommes se glissent, se tassent, serrés les uns sur les autres, pour descendre au fond de la mine remettant leur âme à Dieu ou au diable. Ils descendent, tombent pour aller rejoindre l’immonde espace de leur poste de travail.

En surface, la cour s’anime, s’active, la rangée de bureaux face aux hauts bâtiments s’éclairent, employés et comptables s’installent. Les livreurs à chevaux sont déjà là et attendent de décharger leurs marchandises.

Au loin, on entend les wagonnets circuler sur les rails en fer, les hommes vont et viennent, tous à leur poste.

Au fond de la mine, les hommes ont chaud, couverts de sueur et de larmes,  ils sont déjà tout noir de charbon. Leurs yeux éteints, flétris survivent dans l’atmosphère irrespirable de la fosse.  L’air est impur et beaucoup déjà sont malades de cette poussière qui entre partout.

Les minutes passent, les heures passent, la vie passe….

Grand-père est un homme de grande stature, 1,90 m aux cheveux noirs, avec une large moustache recourbée dont il était très fier, ses yeux bleus adoucissent ce visage fatigué par le travail. Il aime sa famille, son fils et ses filles.  Le dimanche matin, il s’amuse avec ses pigeons.  Il affectionne le jeu de balle sur la place du village, la musique, l’harmonie et la petite fanfare qui lui ravit le cœur.

Sa vie est difficile, il va aussi au café avec ses frères et ses cousins, boit facilement pour étancher sa soif de vie qu’il sent partir un peu plus chaque jour.

Sortir vivant de la fosse vaut bien un petit verre.

Grand-mère raconte cette vie sans haine, ni regrets, c’est la vie de mineur pas plus pas moins et elle dit que tout compte fait, ils vivent bien par rapport à d’autres qui sont dans la misère.

Les frères de grand-père sont partis trop jeunes, lui a combattu et a perdu contre cette maladie. Il est parti aussi.

Il y a encore tellement de choses à raconter sur ces gens que la vie n’a pas gâtés et que la mort a suivi pas à pas impitoyable, inexorable sans leur laisser le moindre répit.

Vie de mineur, vie de malheur disait-on !!!

Au cimetière, grand-mère a rejoint grand-père bien longtemps après sa mort, elle a continué sa vie seule avec son souvenir. Toujours vêtue de noir pour que l’on n’oublie pas que le noir est la couleur du charbon.

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Hommes, mes frères !

 

 

 

C’est dans la maison de retraite où ses enfants l’avait placé à la mort de sa femme qu’il me l’a raconté.

Jerry qui fût son ami d’enfance avait été parmi les premiers à étrangler un soldat allemand pour lui prendre son arme. D’autres juifs l’ont fait après lui. Et la révolte du ghetto de Varsovie a éclaté.

Ce sont des juifs qui craignaient pour leur vie qui l’ont dénoncé. Il leur en restait si peu en réalité. Ils le savaient mais l’espoir fait vivre. Peut être lui ont-ils rendu service.

Les Allemands l’ont collé  contre un mur. Un officier a crié : feu ! L’un des soldats s’est retourné, la main au ventre, et a vomi. Il a dit : j’ai du manger quelque chose que mon estomac n’a pas supporté, saleté de nourriture polonaise. 

Ils l’ont abandonné. Il est resté replié contre le mur jusqu’à ce que la nuit tombe. Les rares passants s’écartaient. L’un d’eux s’est approché et a craché sur son visage.

- Un juif aurait dénoncé par un autre juif ? Il le condamnait à mort ?

- Oui.

- Un juif ? Un autre juif ? Son frère ?

Il secoua la tête.

- J’y ai beaucoup réfléchi. C’est quoi un juif ?

Il y eut un moment de silence.

- Niemeyer, un pasteur je crois, en a accompagnés au camp, une femme, elle aussi en a accompagnés au camp.

Il se tut à nouveau.

- Cela ne compte pas qu’ils fussent juifs ou non. Ce qui compte, c’est qu’ils soient des hommes, des frères. Oui, je sais. Ceux qui l’ont dénoncé, celui qui a craché, jusqu’à ceux qui ont tiré et jusqu'à l’officier qui a crié feu avant de lamper une rasade de schnaps, tous étaient des hommes. Ses frères !

- Tous les hommes se ressemblent depuis toujours.

- Pas tous. Pas tous. 

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l'acte d'écrire,

 

L'écriture m'offre ce luxe,

 qu'est la solitude bleue ou blanche,

où les pas du soleil m'accompagnent,

mélodisent ma tête et mon corps à la fois.

Solitude libératrice,  émancipatrice,

qui à l'essentiel me distribue, me relie ;

 il s'agit là, d'une pause volontaire,

d'une liberté souterraine,

car écrire représente pour moi un acte,

un engagement,

 en même temps qu'un don ;

une clandestinité douce.

Des lettres cachées et murmurantes,

 sous une pile de pull-overs multicolores,

s'impatientent dissidentes d'ici,

 seulement d'ici !

C'est aussi une liberté arrachée,

 à une organisation où chacun et chacune,

paraît-il "a sa place", ou "la tient" ce qui est pire !

 Etroitesse existentielle, sans elle !

Écrire, est un cri silencieux,

un détricotage de ce "faux moi" .

L'écriture révèle à moi-même, mot à mot,

 ce que je suis au plus profond de moi,

met en lumière mon intériorité,

me nomme à l'infini.

Écrire enfin me donne la possibilité,

 de faire éclore des fleurs, des rires,

des couleurs, là où tout semble asséché et stérile.

Écrire est toute ma vie.

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ARAGON

Bien qu'Aragon ne soit pas un écrivain Belge, il est fort connu dans notre pays, je possèdais des documents qui pourraient peut-être intéresser ceratains d'entre vous.

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La rue des enfants

 

 

 

La rue Van Helmont se trouve à proximité de la place Rouppe mais il est difficile d’y parvenir! Ce n’est pas tant la distance ou les difficultés ou les mystères de la rue qui font obstacles mais l’appréhension qui vous saisit avant de déboucher sur la place. Vous parcourez une rue étroite et soudain vous débouchez en pleine lumière sur une immense surface couverte de deux terre-pleins de verdure.

Derrière la place, une avenue large comme plusieurs fois la rue Van Helmont conduit vers une autre place qui, elle, se trouve devant la gare. Une place immense cette fois, entourée de cafés aux noms bizarres, Le Laboureur, la Ville de Rome, Les Amis Comiques, dans lesquels un grand nombre d’hommes jouent aux cartes.  Place Rouppe, il n’a que deux cafés. On n’y joue pas aux cartes, on y joue au jacquet.

Le 11 de la rue Van Helmont se trouvait au début de la rue. C’est important de le dire parce qu’en face, à dix mètres peut-être, pas beaucoup plus en tout cas, se trouvait un magasin dans lequel on pouvait acheter des bonbons à la pièce. Les rouleaux de diable y étaient particulièrement demandés sauf par certains d’entre nous qui trouvaient que ce n’était pas beau de tirer dessus, les lèvres ouvertes par l’effort sur des dents déjà noircies. Mais ce sont les mêmes qui sur leur tablier nouaient leur écharpe sur le devant pour paraître plus âgés alors que la plupart des autres la nouaient dans le dos.

Des camarades plus délurés ou plus aventureux nous racontaient qu’au delà de ce que nous pouvions voir, il y avait de nombreuses rues qui ne se nommaient pas Van Helmont. Ce devait être vrai. Déjà l’école où je me rendais tous les jours se nommait rue des Six-Jetons. Néanmoins, c’est la rue Van Helmont, on le sentait bien, qui était le centre de la ville. Nicolas Pelz qui était mon ami, c’était aussi un bon élève et un fils aimant, disait ma mère, m’avait dit un jour où je me demandais pourquoi il y avait tant d’animation dès qu’on s’éloignait de la rue. « Plus tard, tu verras ».

Notre immeuble, une grande et large bâtisse avait une entrée qui donnait sur une cour où s’élevaient trois autres bâtiments. Au milieu de la cour se trouvait une auge de pierre, une pompe à main et une tôle ondulée pour frotter le linge. Je n’ai jamais pénétré dans aucun de ces trois immeubles. Notre logement se trouvait dans l’immeuble en façade.

Chacun des immeubles constituait pour chacun de ses occupants un quartier distinct au caractère singulier, peut-être même une autre ville. D’ailleurs les gens ne se connaissaient pas tous, ils étaient trop nombreux, ils n’avaient pas les mêmes horaires de travail, ils venaient de régions différentes, et leurs accents parfois les rendaient difficiles à comprendre pour des enfants.

Ce dimanche-là, Nicolas me dit que c’était le bon jour pour voir.

-Tu comprends, c’est dimanche.

Pour lui montrer que j’avais parfaitement compris, j’ai répété :

-Oui, c’est dimanche.

Et nous nous sommes mis en route, tandis que nos copains continuaient de discuter.

Finalement, il ne fallait pas aller trop loin pour déboucher dans un autre monde. Simplement prendre à gauche la rue des Bogards  et, plutôt que de traverser le boulevard comme je le faisais chaque jour pour aller à l’école, s’arrêter à la station de tram. Ca m’était formellement interdit quand je n’étais pas accompagné de ma mère ou de mon père. Mais Nicolas Pelz qui était un bon élève, mes parents avaient probablement omis par négligence de le citer parmi les personnes fiables, d’autant qu’il avait deux ans de plus que moi et que Nina, la fille de l’épicière, je l’avais déjà remarqué, lui faisait des grimaces amoureuses.

- Nous allons au théâtre, dit-il, ça te va ? Mais tu fais comme moi. .

Nous sommes montés sur le premier tram qui s’est présenté, et nous avons parcouru la distance entre deux arrêts avant que le contrôleur ne nous demande où nous souhaitions aller.

-A la gare du Midi, à répondu Nicolas.

-Pauvres gamins, vous allez exactement dans le sens contraire. Mais ne vous affolez pas, vous descendrez au prochain arrêt et vous prendrez le tram dans l’autre sens. Vous avez compris ? Et en secouant la tête, il nous a fait un sourire.

Nous sommes descendus mais nous n’avons pas traversé pour reprendre un autre tram ? Nous étions pratiquement arrivés à destination. En fait, le théâtre où nous menait Nicolas n’était pas un véritable théâtre mais un cabaret. Les gens y venaient pour boire un verre tout en regardant sur la scène qui se trouvait au fond  d’autres gens qui chantaient ou qui racontaient des histoires gaies ou tristes. Nicolas qui était un habitué, me dit qu’il ne savait pas pourquoi les applaudissements, c’était la coutume d’applaudir après chaque prestation, étaient plus nourris quand c’était des histoires ou des chansons tristes. Il avait même vu, je te jure croix de bois croix de fer, une femme pleurer si bruyamment que le monsieur qui l’accompagnait n’arrêtait pas de lui taper sur le dos en disant : «  voyons, voyons, c’est pour rire ».

Et pour rentrer, c’est simple : les enfants qui accompagnent leurs parents ne payent pas, tu fais comme moi, tu te mets auprès d’un couple, et si le monsieur ou la dame te regarde, tu leur fais ton plus beau sourire.

Ce fût un après-midi éblouissant.

Ce jour-là, j’ai appris aussi que la ville était immense. En rentrant à pied, je me suis rendu compte qu’il y avait, à côté des boulevards animés que parcouraient des trams et des voitures, de nombreuses rues Van Helmont où des enfants assis sur le trottoir, les pieds dans le caniveau, discutaient ou s’ils avaient envie de crier, jouaient au ballon. Décidément, la rue Van Helmont, N°11 ou pas, n’était pas le centre du monde. Depuis, l’enfant que j’étais et celui que je suis devenu ont perdu beaucoup de leurs illusions. J’étais âgé de dix ans, nous étions en 1936, un autre siècle commençait.

 

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DU ROSE AU NOIR...

,

Du rose au noir, la vie décline...

Les couleurs passent au gré des vents

Et si par moment on s'indigne

C'est qu'elles ne passent, au bon moment!

Au beaux jours où la vie s'éveille

Parfois tempête gronde dans les cieux

Et si un soir on s'émerveille...

Pourquoi cette brume au fond des yeux?

Du rose au noir, la vie décline...

Ils sont trop rares les pans de bleu!

A chercher soleil on s'échine...

Avec du jaune, on se sent mieux?

Et ce besoin de chlorophylle

Du vert appréciant la fraîcheur

Quand les arbres et les champs défilent

Nos sens nous portent vers ailleurs!

Dans le magma de l'inconscience

On peut rêver à l'amour fort

Il ne sera aucune science

Qui puisse nous éclairer... Alors?

Du rose au noir la vie décline...

Et se moque bien de tant de pleurs!

Elle nous murmure qu'elle nous peaufine

Encore des instants de douceur...

Les couleurs chantent, comme en folie!

Aux pleins moments d'intensité

Et quand s'égarent nos envies...

Un trop de gris nous fait douter!

Et toi, l'artiste à l’œil profond...

Si quelques couleurs tu maîtrises

Ton désespoir est tout au fond

Et le masquer est ta hantise!

Du rose au noir, la vie décline...

Tant de reflets et de saveurs...

Et si un amour illumine

Sont sublimes toutes les couleurs!

J.G.

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Bruit et fracas JGobert

 

Un paysage de campagne, des petits vallons qui s’étendent à perte de vue. Au loin, une vision surprenante, des rangées de peupliers, des vieux saules coupant par intervalle régulier l’horizon. Construite au flan d’une petite colline,  je vois se lever le soleil chaque matin depuis très longtemps. La vie s’écoule douce, elle s’égraine avec bonté depuis l’époque où rayonnante, je faisais le bonheur de mes propriétaires.  Je ne suis plus toute jeune.  J’en ai vu des évènements défiler durant toutes ces années.  J’ai vécu des temps heureux, des temps difficiles. Ils se sont succédé me laissant satisfaite, parfois amère. Aujourd’hui, ma vieille charpente chancelante sert de souvenirs, de mémoire de bois.

Depuis que mes propriétaires sont partis,  les gens de la ville viennent s’installer chez moi les mois ensoleillés et me font revivre des heures agréables, savoureuses parfois.  Je ne suis pas grande, ni belle  mais j’ai un certain charme.  Le lierre qui courre le long de ma façade me couvre de couleur et me divertit. Les portes et les fenêtres sont face à la cour du bâtiment, protégées et défendues des vents. Ma cour pavée me donne l’aspect d’une entrée de ferme avec mes vieux bacs en pierre et mon tas de bois d’un autre temps. J’aime le bruit des pas sur les pavés qui m’annoncent une visite. Le porche couvert d’une glycine mauve abrite une multitude d’oiseaux qui répandent la vie contre moi.

 Caché derrière la remise, un petit jardin aux herbes folles. Balayé par les vents chauds de l’été, il garde un vieux banc défraichi et recueille les projets d’avenir, les confidences et les mots d’amour de jeunes amoureux.  A qq mètres de là, un peu à l’écart,  dans un carré de fleurs sauvages  se noie un étang minuscule où les grenouilles élisent domicile.

Les saisons défilent et sont une succession de tableaux de maître où les couleurs  vivent, existent, subsistent comme sur la toile d’un peintre. Le printemps renait avec ses bourgeons, ses arbres en fleurs, ses prés couverts de pâquerettes, et de pissenlits qui sentent si bon la campagne. Toute une palette de couleur nait chaque année devant moi. L’été arrive avec ses longs jours brûlants et moites. Le vent chaud fait danser les champs couverts de blé d’or et les coquelicots dans un décor magnifique. Les orages de chaleur et les pluies d’été s’abattent sur moi,  me rafraichissent et me permettent de reprendre mon souffle. C’est avec délice que j’écoute le cliquetis de l’eau jouxtant mes pieds et me divertissant. Les moissons s’annoncent belles cette année.

Au fil des saisons, tout se métamorphose, apparaissent les couleurs d’automne. Le brun, le vermillon, l’ocre, l’or  se déposent sur les fleurs, les feuilles, les arbres. Les fleurs se fanent doucement tristement. Les feuilles meurent, s’envolent, tourbillonnent et recouvrent le sol d’une tapisserie de regrets. Les arbres nus pleurent une telle laideur.

Le froid sec arrive à grand pas et enjambe la nature d’un coup. Le gel immobilise le temps et le fige. L’hiver, fait de petits jours, est admirable, remarquable. Je suis heureuse d’être dans un tel décor.

Certains hommes aussi vivent au rythme des saisons et des récoltes, les femmes aussi s’occupent, les enfants jouent, courent.

De cette petite colline, tôt le matin, je les vois partir aux champs depuis des années. L’échine baissée et le corps meurtri mais heureux d’être là. Et un jour, je les vis partir à la guerre, la vilaine guerre laissant femmes et enfants. Après les sillons rectilignes des champs, ce furent les larmes qui formèrent des rides sur le visage des femmes et les cœurs s’emplirent de chagrin. Une grande grisaille s’abattit sur nous. Cela dura longtemps.

Un matin, ils sont rentrés, joyeux mais tristes, transformés par ce qu’ils avaient vu. Ils ne furent plus jamais les mêmes. Ils avaient perdu leur innocence, leur authenticité, et connu des moments amers. A travers eux, j’ai  perdu mon insouciance, ma transparence. Les larmes du  bonheur retrouvé se transformèrent en larmes d’épreuves et de chagrin.

Mes volets restaient fermés, interdits, clos à la vie. Les hommes souffraient en silence.  Chacun tenait sa peine cachée et cherchait l’oubli, la paix. Mes murs se couvraient de noir et certains hommes sont repartis pour ne plus jamais revenir.

Mais la vie reprend ses droits. J’ai connu d’autres épreuves. Un chagrin en a chassé un autre pour finir par accueillir, recevoir enfin un petit bonheur, une petite joie et l’oubli.

Les saisons sont le rappel de la vie. Ma colline bercée de lumière ne m’a jamais déçu. Elle a changé. D’autres bâtisses se sont s’intercalées entre moi et l’horizon. Le petit ruisseau a été détourné et ne passe plus à mes pieds. Les pavés sont usés et le petit banc a disparu. J’ai toujours mes vieilles portes vermoulues et le porche a cédé l’hiver passé. Les gens de la ville ne viennent plus passer l’été chez moi. Je suis seule. Je deviens trop vieille, une vieille maison sans chaleur, sans visite, sans vie.

 Hier matin, J’ai entendu un grand fracas dans la cour, le bruit d’un marteau qui cognait contre moi.

Un homme a posé un panneau «  A vendre »

 

 

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V E S PE R A L E

12272999661?profile=original(coucher de soleil; aquarelle)

Bien sûr la journée se termine

Et il subsiste un peu de sang

Dans le ciel au soir finissant

Et ces jours creux que tu rumines

 

 

Mais fugitif vers l'horizon

Encore ce bleu d'aquarelle

 

 

Nuit finitude et puis encor

Cette odeur du passé me vient

Comme un rêve dont se souvient

Poignardé de désirs le corps

 

 

Et subsiste encore pourtant

Un peu de ce bleu d'aquarelle

 

 

Comme une faux comme une lance

Fendant encor l'obscurité

Fugitif éclair de clarté

Un rare oiseau soudain s'élance

 

 

Et l'ombre lentement éteint

Ce peu de ce bleu d'aquarelle

 

 

 

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La femme de mes amis.

  

La femme de mes amis.

 

Le premier que j’ai tué se nommait Frédéric Dieu, cela ne s’invente pas, comme on dit. Il était l’amant de Sophie dont j’étais devenu amoureux après avoir dansé avec elle une fois seulement. Elle était très séduisante, elle le savait, et se collait contre le corps de son partenaire.

Je lui avais demandé :

- Tu ne veux pas que nous sortions ensemble ?

- Je suis fidèle, Pierre. C’est avec Frédo que je sors.

Le jour des funérailles de Frédéric, nous étions quelques uns à être présents autour de sa tombe. Lorsque les autres sont partis, Sophie et moi sommes retournés directement chez elle. Elle était nerveuse : une vraie pile électrique. Elle n’a retrouvé sa sérénité qu’après que nous nous soyons aimés. C’est vrai, la mort est un aphrodisiaque puissant. Peut être le plus puissant. Ils le savent ceux qui ont pour maîtresse une veuve récente.     

Peu à peu je me suis détaché d’elle. Je dois le reconnaitre, les jolies femmes m’excitent lorsqu’elles sont l’épouse ou la maîtresse d’un autre. Celles de mes amis de préférence. Je ne comprends jamais ce qu’elles peuvent leur trouver.

Le second à mourir, ce fut Richard, un ancien condisciple. Très ambitieux, il avait épousé Colette la fille d’un industriel dont il était devenu l’un des collaborateurs. Elle s’en était rendu compte très rapidement.

Elle m’avait dit un soir :

- Il coucherait avec son patron si ça pouvait aider à sa carrière.

- Et avec toi ?

- Lorsque ça se trouve.

- Et qu’est-ce qu’il trouve quand ça se trouve ?

J’avais trop bu peut être. J’avais les yeux fixés sur sa poitrine. Elle avait trop bu elle aussi. C’est l’excuse que chacun de nous avança.

La mort tragique de Richard l’avait bouleversée. Un  banal accident de voiture.

- Tu te rends compte, Pierre. Une voiture l’a renversé dans une rue déserte. La police ne m’en a avertie que le lendemain matin.

- Tu n’avais pas été surprise par son absence ?

- Cela lui arrivait, parfois. Oh, Pierre !

Elle s’est blottie contre moi. Elle pleurait tandis que je lui entourais les épaules.

- C’était atroce. J’en tremble encore.

En effet, elle tremblait encore et pour la calmer, je lui ai dit en mettant la main sur sa poitrine :

- Laisse-toi aller contre ma poitrine, Colette. Pleure si tu en ressens le besoin.

Elle est restée veuve durant un an. Le temps de faire son deuil comme il est convenable de le faire. En tant qu’ami de Richard, ma présence ne surprenait personne, je luis servais de garant.

Nous étions sept amis qui durant notre adolescence avions été amis ou amoureux de sept filles du Lycée des filles. Certains d’entre nous en avaient épousées mais pas nécessairement celle dont ils avaient été amoureux à l’époque. Moi je n’avais jamais pu me décider à conclure. Parce que j’étais célibataire, c’est à moi que les épouses se confiaient.

Il y avait à quelques kilomètres d’ici une maison où se rendaient les messieurs en état de manque. Je précise : manques sexuels. Je m’y suis rendu un soir afin de ne plus tromper mes amis pour satisfaire mes pulsions. Ce fut un désastre.

- Ce sont des choses qui arrivent plus souvent que tu ne l’imagines. Va, rentre chez toi. Ta bourgeoise s’occupera de toi bien mieux que je ne pourrais le faire.

La tenancière de la maison avait eu plein d’attentions à mon égard. J’étais sûr qu’elle me parlait d’expérience mais je n’avais pas de bourgeoise et je ne manquais pas de moyens non plus. Malheureusement, et cela me peinait pour eux,  je ne désirais que la femme de mes amis. Et seulement lorsque mes amis n’étaient plus. Hélas, peut être que de les tuer m’excitait également ? Ou davantage que leurs compagnes.

Tuer comme je le faisais exigeait de la réflexion, de la préparation et beaucoup d’intelligence. Ceux qui ont déjà tué pourraient en témoigner. 

Au plaisir des sens cela ajoutait un zeste d’adrénaline qui comblait le couple que nous formions dès le lendemain des funérailles. Je n’en ai jamais dévoilé la raison à mes maîtresses successives. Cependant, je savais l’attraction que peut exercer sur certaines femmes la partie la plus obscure de nous-mêmes.

Après la femme de Richard, ce fût Evelyne. Celle que nous avions baptisée la ‘nunuche’. Elle ne l’était pas autant que la plupart d’entre nous le prétendaient. A voir le visage creusé de son mari, mon ami Jacques, à l’heure où les citoyens normaux se rendent au bureau, on pouvait imaginer que ses nuits n’étaient pas destinées au sommeil pour se remettre des fatigues du jour. C’est durant le jour au contraire qu’il se remettait au bureau des fatigues de la nuit.

Après avoir bu un certain nombre de bières avant de rentrer chez lui, Richard s’était égaré sur un des quais du fleuve et, la tête la première, il était tombé à l’eau. Evelyne comme Sophie et Colette devint veuve beaucoup trop jeune. A croire qu’une malédiction frappait les anciennes élèves du Lycée. 

Elle se laissa conquérir par moi une semaine après la mort de Jacques. De devenir la maîtresse d’un des plus anciens amis de son mari la soulageait. Elle avait le sentiment de lui rester fidèle. D’Evelyne aussi, je me suis détaché.

Ces femmes si proches à la fois de mes amis et de moi auraient pu constituer un club intime où elles auraient parlé de moi et de leur époux décédé. Elles ont préféré garder leur secret. Au-delà de l’amitié qu’elles se portaient, chacune pouvait penser que son secret était le plus précieux.

Je l’avoue, j’étais déçu de ne pas être reconnu comme l’amant de ces femmes si sages du temps de leur mari. Pourquoi ne pas le dire, j’étais déçu tout autant sinon plus, de ne pas être reconnu comme celui qui avait fait disparaitre leurs mari. Cocufier quelqu’un, c’est bien, cela vous valorise auprès des dames, le tuer froidement est autrement méritoire.

Je m’en persuadais chaque jour davantage, je voulais laisser une trace qui ne soit pas clandestine.

Restait à choisir ma future maîtresse et l’épouse d’un mari qui la laisserait éplorée à mes bons soins.

- J’ai besoin de le dire, Pierre. Je n’en ai plus pour longtemps. Je ne peux pas le dire à Louise. J’ai besoin d’en parler.

René et moi étions assis au fond de la salle du Réjane, une taverne que nous fréquentions déjà du temps de nos études. René était atteint d’une maladie insidieuse et fatale.

- Tu la connais, Louise. Elle ne peut pas rester seule ne serait-ce qu’une nuit : elle a peur. Elle ne sait pas de quoi mais elle a peur. Dans quelles mains va-t-elle tomber ? Promet-moi de t’occuper d’elle. Elle est belle et bien faite, tu n’auras pas à le regretter.

- Je te le promets René

Honnêtement, je ne pouvais pas refuser. Mais ça ne résolvait pas mon problème. Au décès de René, à l’aide de ses précieux conseils, je devins très vite l’amant de sa veuve. Tout se passa très bien entre nous mais j’étais frustré. Il me manquait le plaisir de tuer le mari ou l’amant de ma maîtresse.

Parmi mes amis restants, on se douta bientôt qu’une étrange relation se constituait dès les premiers jours de leur veuvage entre de jeunes veuves, que leur mari et ami venait de quitter définitivement, et moi. Malgré une amitié de toujours, nos liens devenaient plus distants. Lorsque nous nous rencontrions, ils regardaient tour à tour leur femme et moi.

Eux exceptés, personne ne parlait de moi. Le journal local, c’est de mes amis qu’il disait quelques mots dans la page consacrée aux notices nécrologiques. Alors que moi, j’en avais de plus en plus conscience, c’est en première page que je souhaitais figurer. Le texte, accompagné d’une photo, je l’aurais volontiers rédigé moi-même.  Les lecteurs, et les journalistes, sont ce qu’ils sont. Il leur fallait un mort plus spectaculaire.

La psychologie d’un serial killer, c’est dans ce constat qu’il faut le rechercher. Ce n’est pas romantique, peut-être, mais c’est humain. Je décidai d’agir.

La femme d’Edgar, le seul de nos amis qui avait mal tourné, était une vraie beauté. Elle était fascinée par le monde de la nuit. Pour elle, je me mis à fréquenter les endroits louches, il en existe dans toutes les villes. Edgard, enchanté de ce que un de ses condisciples ait des goûts similaires aux siens m’invitait aux parties qu’ils étaient deux, sa femme et lui, à apprécier sans fausse pudeur.

Je ferais d’une pierre deux coups, pensais-je. L’éliminer et faire œuvre pie.

Une nuit, et sous les yeux de sa femme, je lui plantai un couteau dans le dos. Cécile se mit à crier, elle fuyait en criant, tandis que j’attendais la police.

J’avais vu juste. Le quotidien local me consacra une page entière le lendemain puis durant de nombreux jours une ou deux colonnes surmontées d’une photo.

Aux assises, les femmes dont j’avais occis le mari étaient là. Chacune de ces femmes qui avaient été, faut-il le dire, mes amies avant d’avoir été mes maitresses, était persuadée que quoi que je dise, c’est pour chacune d’elle que j’avais tué. Mu par un élan irrépressible.

Nul ne devrait dévier de sa nature. J’ai été condamné mais j’avais l’âme en paix.   

 

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administrateur partenariats

12272998279?profile=original

"Coupe-feu flamboyant "

12272999054?profile=originalPhoto de Christian Michaux

Une aventure d'amitié suite à une belle rencontre au mois d'Août 2013...

Inspirée par les belles photos de Christian, amoureux des Fagnes et photographe amateur confirmé, je vous présente ici une des aquarelles inspirées de ses photos

 Je le remercie pour sa générosité.

Un partenariat 

Arts 12272797098?profile=originalLettres

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12272998672?profile=originalJusqu’au 3 août, le Palais des Beaux-Arts offre au grand public une introspection dans l’imaginaire de l’artiste belge contemporain Michaël Borremans. La puissance évocatrice de ses œuvres le place au premier rang des plasticiens de sa génération. Une initiative majeure dans le paysage culturel européen.

Diplômé du Collège des Arts et des Sciences de Saint Luc à Gand, Michaël Borremans commence une carrière d’enseignant, de graveur et de photographe avant de se lancer bien plus tard dans la peinture. Ses premières expositions révèlent d’emblée un talent affirmé, une maturité artistique qui au-delà de l’esthétisme, renvoie au discours social, politique et culturel. Héritier de Velasquez, de Goya ou de Manet, influencé par la littérature, la photographie, le cinéma, la culture pop, l’œuvre de Michaël Borremans est la fois contemporain et intemporel. Sa peinture, qu’il qualifie lui-même de suggestive, ouvre l’espace imaginaire à la manière d’autres maîtres belges comme René Magritte ou Paul Delvaux. Mais que l’on parle de surréalisme, de réalisme magique ou de symbolisme pour qualifier ses compositions mystérieuses, sa signature inscrit la cassure, le rêve avorté.

12272999079?profile=originalSous le pinceau de Michaël Borremans, le monde familier, réel, tourne autour de lui-même pour dévoiler son aliénation et ses plaies. Comme dans une représentation théâtrale, la réalité se colore d’une dimension absurde. Les jeux de symétries, l’alternance entre représentations sérielles et détails intimistes pénètrent les zones frontières entre ce qui est exposé et ce qui est occulté. Il en résulte une impression de réalité figée, fragile, coulée dans une mélancolie et une tristesse diffuse. Son sens de l’espace et de la lumière font que toutes ses toiles gardent, en dépit d’un pessimisme et d’une déchirure évidents, une beauté fascinante et presque effrayante. Les sujets surgissent comme des natures mortes, stéréotypes d’hommes et de femmes, symboles fantomatiques d’un siècle où la désillusion l’emp12272998858?profile=originalorte sur l’idée de bien-être. L’iconographie de Borremans s’approprie les cadrages et les plans cinématographiques au profit d’un langage pictural dans lequel les contrastes ne se focalisent pas sur les couleurs (« les couleurs fortes ont leur langage propre et cela ne m’intéresse pas, dit-il) mais sur les superpositions d’échelles de plans, sur les signifiants. Par le choix des angles, la fragmentation et la recomposition des images, il brise la quiétude des représentations et suscite un étonnement que l’on qualifie d’hallucinatoire. La mise en perspective des diverses facettes de son travail témoigne d’une construction déstabilisante où l’esthétique joue sur la pâleur des sujets en accord avec le climat brumeux de la Belgique, source d’inspiration pour l’artiste.

C’est en 2002 qu’il s’attèle à une série de travaux dont chacun est l’amorce d’une série d’images interconnectées et constamment revisitées sous forme de dessins, de toiles ou de films comme « The House of Opportunity » qui compte déjà 18 travaux autour d’une réflexion sur l’architecture vue comme la transposition du rêve et de la métaphysique du monde. Une démarche similaire sous-tend les projets « The Journey » ou « The Automat  ».

Michaël Borremans a commen12272999260?profile=originalcé à travailler sur base de photos découpées dans les magazines ou prises sur Internet pour évoluer ensuite vers des modèles vivants qu’il dirige selon ses propres scénarios. Au fil du temps, il a développé une activité de cinéaste absente de narration, où le film fonctionne comme un tableau (v. The Storm – 2006), où les angles de prises de vue et les variations de la lumière sont les véritables protagonistes. Travailleur acharné, il aime s’imposer des rituels comme ceux d’inaugurer un costume neuf chaque fois qu’il entame une nouvelle recherche et d’éviter les contacts sociaux jusqu’à la touche finale. http://www.rectoversomagazine.com/l...

L’exposition « As sweet as it gets » est organisée en deux pôles : des tableaux à grande échelle et des toiles plus réduites et intimistes. Une centaine de travaux (peintures, dessins et maquettes provenant de collections privées et publiques) et 5 films explorent leurs relations mut12272998871?profile=originaluelles.

La Cinémathèque a offert à Michaël Borremans une carte blanche de quinze films. On y découvre parmi d’autres titres : L’obsédé de William Wyler, Inland empire de David Lynch, Frenzy de Hitchcock, Bellflower de Evan Glodell , Images de la vie de Douglas Sirk et… Le fils des frères Dardenne (à découvrir du 1er mars au 30 avril).

L’exposition quittera Bruxelles cet été pour s’installer d’abord à Tel Aviv, à Dallas ensuite.

Palmina Di Meo

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A Hélène,

En cette fin de journée hivernale, je me joins de tout cœur à votre tristesse.

J'ai pour vous, mais aussi pour Hélène, qui était devenue une amie chère, une pensée affectueuse.

J'ai choisi cette carte, en souvenir des balades que nous faisions Hélène et moi, dans la forêt de Taverny, les jours où il ne faisait pas trop froid.

Je sais qu'Hélène est à présent auprès de ses parents, dont elle me parlait avec beaucoup d'amour et d'admiration, fort souvent !

Un délice que de l'écouter .....

Puis, cet infini plaisir que je prenais (partagé) lorsque je fleurissais sa chambre à l'aube du printemps ; les grands yeux bleus d'Hélène remplis de joie et de chaleur.

Un vrai soleil bleu !

Notre relation entière, fut amicale et respectueuse toujours, parfois un peu houleuse, mais extrêmement vivante.

Et puis Hélène, avait un côté "baba cool, un peu hippie", qui me séduisait terriblement ; une jeune femme de 80 printemps, dotée d'un humour incontesté, qui se moquait éperdument des protocoles, des chichis en général !  

Hélène était à la fois musicienne et grande lectrice : une intellectuelle qui ne se prenait absolument pas au sérieux, fantaisiste ça oui, elle l'était !

Elle aimait infiniment les fleurs, particulièrement les jonquilles, les plus sauvages, sans oublier les chats .

Hélène dont j'ai été, pendant trois ans, son accompagnatrice, vient de s'éteindre, enfin pas tout-à-fait car dans le ciel un petit soleil vient de naître, une étoile toute particulière.

C'était une très belle personne, qui restera à jamais dans mon cœur

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Les Lorrains à l'honneur du 1er mars au 9 mars

Trois membres d'Arts et Lettres exposent à Cormontreuil

Françoise Buisson, Christine Mathis et Claude Carretta.

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Les discours et la présence de Roland Palmaerts

Champion du monde de l'aquarelle

au

Guinness

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Françoise Buisson

Christine Mathis

12272998097?profile=original12272998483?profile=originalClaude Carretta

Ce fut un grand plaisir d'assister à cet événement

parfaitement mis au point par Claude Carretta.

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Minia


J’éprouve soudain le besoin de me souvenir. C’est dû à l’âge, j’imagine. A quoi me raccrocher sinon aux visages et à l’histoire de ceux qui m’ont connu. Ou de ceux que j’ai connus. Ils ne sont plus. Ils vivent, dit-on dans la mémoire des autres. Encore faut-il qu’ils vivent encore, eux, les autres. Combien de vies différentes ont-ils vécues, dès lors. Et peut être qu’aucune d’entre elles ne correspond à la réalité. Qu’importe aujourd’hui ?
Minia est le premier nom dont je me souvienne. C’était celui d’une fillette de cinq ans que j’ai rencontrée en Pologne lorsque mes parents m’y ont envoyé pour saluer mes grands-parents. Je tirais sa natte en riant bêtement. C’était ma cousine. Je l’aurais épousé si elle avait vécu. A l’occasion de son sixième anniversaire sa mère m’avait envoyé sa photo en couleurs, son nom était imprimé en bleu, un petit rectangle de dix centimètres sur cinq. Je l’ai conservée longtemps dans une poche de mon portefeuille. 
Le second, c’est celui de Jeff. Il me servait d’ange gardien à l’école primaire lorsqu’un condisciple me poussait de la main en criant « Fier cul ». Il prétendait que j’étais arrogant alors que je n’étais que réservé et timide.
J’ignore ce qu’il est devenu. Son frère braquait les commerçants de la ville, et pratiquait la boxe française. Il était très habile de ses jambes. Il s’était fait arrêter et Jeff l’avait remplacé. Il fallait bien manger. Sa mère était veuve, et ils étaient six enfants. 
J’ai longtemps conservé une toile de 30 x 30 que m’avait offerte Esteban. Elle représentait un intérieur dont je ne sais plus s’il était flamand ou espagnol. 
Esteban était un réfugié qu’une famille amie de la nôtre avait recueilli durant la guerre civile espagnole. Ses parents, ais-je appris par la suite, étaient communistes. La famille qui l’avait recueilli était catholique affichée.
De lui aussi, j’ignore pratiquement tout. Est-il vivant ou est-il mort, je ne l’ai jamais revu. 
Un jour, j’ai voulu écrire un livre qui devait répondre à des questions qu’on appelle métaphysiques. Le titre en était « le chemin de la vie ». Je le reconnais aujourd’hui, il m’avait été inspiré par « la porte étroite » d’André Gide. Un éditeur l’avait publié parce que ces livres étaient à la mode à cette époque. Il n’en avait vendu que très peu. Peu de temps plus tard, il a voulu éditer de petits livres, à l’américaine, dont chacun raconterait une histoire haute en couleur à la manière dont les dessinateurs racontent une bande dessinée. 
Je lui avais proposé « le commandant Zorovski » qui lui avait plu et qui avait eu un succès extraordinaire en l’espace de quelques semaines. J’avoue qu’un ami journaliste à la radio l’avait cité comme étant le prototype de la littérature des adolescents d’aujourd’hui.
- Il faut creuser cette veine, Pierre.
Il me secouait les épaules en riant.
- Les aventures de commandant Zorovski sont un chef d’œuvre. Vous avez du génie, il me faut une suite pour la fin du mois.
Je pensais que c’était idiot mais je lui ai écris une nouvelle aventure du commandant Zorovski en huit jours. A la Foire du Livre de Berlin, il en a vendu les droits pour l’Allemagne et l’Italie. Ma carrière était lancée.
C’est Isabelle qui me l’avait conseillé. 
- Il faut tenir un journal où tout sera noté. Et des évènements de ta vie qui sont ta matière première, et les livres écrits. Une vraie comptabilité dont je me chargerai.
Elle sourit en me tendant la bouche.
- Enfin, pas tout.
Isabelle était ma maitresse depuis que j’avais rompu avec Louise. Louise était la femme avec laquelle je vivais à mes tout débuts. C’est grâce à elle que nous mangions. Elle disparaissait un jour par semaine, et le lendemain elle ramenait des billets de banque qu’elle étalait sur la table. Elle disait : 
- Je vais prendre un bain.
Nous nous sommes séparés après que deux de mes livres dont le héros était Zorovski aient paru. Isabelle qui était agent littéraire m’avait emmené à une foire, et le soir même, elle s’était introduite dans ma chambre vêtue seulement d’un string de dentelles. Elle faisait l’amour comme Louise ne l’avait jamais fait. Avec moi en tout cas. C’est elle d’ailleurs qui l’avait confié à Louise.
Depuis, tous mes livres eurent du succès et Isabelle notait les tirages dans ce fameux petit livre où on pouvait lire Zorovski – France : 152.000 ex. Italie : 66.000 ex. puis à la ligne suivante Isabelle -Pierre : 2 fois. 
Cela nous faisait rire, et parfois…
Isabelle s’occupait de ce qu’on nomme l’ordinaire. Moi, j’écrivais tout les matins de 9 heures à midi. Plus de la moitié du temps, nous le passions à voyager soit pour visiter des éditeurs étrangers soit pour parcourir le monde. Ces parties de la planète dont je savais qu’elles existaient au travers des brochures touristiques, je les ai visitées de nombreuses fois. Elles situaient souvent le lieu qui était le théâtre des aventures du commandant Zorovski. Au début de ma carrière, nous nous déplacions avec seulement un sac au dos. Plus tard, je réservais un guide et une voiture mais nous descendions toujours dans les hôtels que fréquentaient les gens du cru. Au Skri-Lanka, nous avons changé de chambre trois fois durant la même nuit à cause du bruit que faisaient deux cérémonies nuptiales différentes, à deux étages différents.
Isabelle en parfaite psychologue fermait les yeux lorsque je faisais la cour à la secrétaire d’un hôte qui m’éditait. La renommée est un aphrodisiaque puissant.
Quarante ans plus tard, après la mort d’Isabelle, j’en jouissais encore. Un écrivain renommé âgé de septante ans dispose toujours d’un attrait physique considérable.
Mais aujourd’hui à quatre-vingt, je suis seul et je m’ennuie. J’ai cessé d’écrire. Je ne lis plus rien. Même les journaux et leurs nouvelles ne m’excitent plus.
Je reste accoudé sur ma table de bureau, devant mon ordinateur fermé, et je m’efforce de me souvenir. Le livre de ma vie, comme Isabelle avait baptisé quelques carnets à spirales remplis de son écriture, je l’avais rangé depuis longtemps. Aucun personnage qui y figurait, aucun des évènements qui avaient marqué mon existence ne m’apparaît plus comme certain. Peut être que je les avais imaginés. 
Un seul souvenir m’apparaît clairement. Celui d’une fillette de cinq ans à qui je tirais la natte en riant bêtement. Son portrait figurait sur petit carton que sa mère m’avait envoyé à l’occasion de son anniversaire. Petit carton que je n’ai jamais plus retrouvé. Elle se nommait Minia.
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GERT SALMHOFER OU LA CONSCIENCE DU SIGNE

                          GERT SALMHOFER OU LA CONSCIENCE DU SIGNE

 

Du 26-02 au 16-03-14, l’ESPACE ART GALLERY (35, rue Lesbroussart, 1050, Bruxelles) propose l’œuvre de l’artiste Autrichien GERT SALMHOFER dans une exposition intitulée PALIMPSESTE.

Quelle est la nature profonde des œuvres de GERT SALMHOFER ? Cette question est fascinante par l’impact de l’interrogation que chacune d’elles suscite. Au-delà de la dimension symbolique et humoristique qui se dégage de ses thématiques, c’est avant tout une mise en conscience que l’artiste provoque chez le visiteur. Et cette interrogation sur la nature profonde de ses œuvres se retrouve exprimée par une savante technique mixte qui brouille les pistes du regard. Car brouiller les pistes s’avère être la mission première de l’artiste, précisément pour inciter le regardant à prendre conscience par la réflexivité issue de l’œuvre (servant de miroir), de sa propre condition humaine, laquelle par toute une myriade de symboles, devient à la fois philosophique, par conséquent politique. Cette technique mixte déconcerte le visiteur dans la perception de ce qu’il a sous les yeux car à de nombreuses reprises, la tentation de vouloir toucher la surface du tableau le saisit, exaspéré par la nature, en apparence absconse de ce qu’il voit. L’artiste insiste, d’ailleurs, pour que l’on touche ses œuvres afin que la dimension tactile fasse partie du vocabulaire cognitif. Est-ce encore de la peinture que le visiteur regarde ou bien est-ce autre chose ? Au fur et à mesure qu’il s’avance, des détails prenant la forme de ciselures et de fines incrustations apparaissent, révélant plus que de la peinture au sens classique du terme, de la matière peinte, donnant naissance à une œuvre dont la consistance est pleinement picturale dans laquelle chaque élément occupe son propre espace.

EUROPICTUM (60 x 85 cm – technique mixte – 2003)

 

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Avec GERT SALMHOFER, le « tableau » perd de son esprit strictement esthétique pour aborder une dimension essentiellement tactile. Cette dimension tactile se décline à partir d’un cinétisme presque abyssal où tout se confond dans tout, créant un sentiment d’effondrement.

PALIMPSESTE SPIRALE XVIII (75 x 74 cm – technique mixte – 2013)

 

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ainsi que STELE (65 x 85 cm – technique mixte)

 

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mettent en exergue la problématique de l’écrit.

PALIMPSESTE SPIRALE XVIII prend, de prime abord,  l’aspect d’une sorte de jeu de l’oie pour former une spirale à l’intérieur du cadre. L’artiste nous offre un panorama historique de l’écriture. Il aborde le hiéroglyphe égyptien, l’écriture cunéiforme des cylindres-sceaux mésopotamiens, les glyphes aztèques, la calligraphie chinoise, etc. Notons la présence de la figure humaine comme référant à la fois historique et discursif accompagnant les glyphes égyptiens et aztèques ainsi que sur des coupures de presse contemporaines.

Même discours avec STELE qui nous montre une pièce antique rappelant vaguement la pierre de Rosette égyptienne avec son cortège d’écritures appartenant à l’Histoire, encadrée d’une page de journal.

URBANO (104 x 95 cm – technique mixte -   1996  )

 

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est une symbiose entre une coupe de Sainte-Sophie de Constantinople et deux buildings modernes. Les couleurs sont tendres : le blanc pour les immeubles, le bleu pour le ciel ainsi que pour l’édifice byzantin, le jaune – de part et d’autre de la composition – pour renforcer le rythme ascendant de l’ensemble scandé par la présence des fenêtres. Le rouge vif de la grue précise toute la symétrie de l’immeuble. Conçue en plan, l’artiste confère à Sainte-Sophie le rôle d’arrondir les angles en la contenant à l’intérieur d’une structure carrée, elle aussi de couleur bleu.  Juste en dessous de l’édifice figure, en relief, le plan basilical d’origine de l’actuelle mosquée.

PICTOTHEQUE (91 x 100 cm – fermé) – (45 x 100 – 90 x 105 cm) (45 x 100 cm – ouvert –technique mixte – 2001)

 

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Ce triptyque est un condensé de symbolisme. Il pourrait même être l’expression d’une parabole, en ce sens qu’il appelle de ses vœux un futur lequel verrait l’Art contemporain atteindre la sphère du Sacré, en se libérant du Musée, que l’artiste considère comme une boîte de conserve. Cette œuvre est une satire sociale prenant la forme d’un empilement de musées (le profane), matérialisé à l’intérieur d’un retable (le sacré). La partie  extérieure des panneaux nous montre la façade du Louvre devant laquelle trône la fameuse Pyramide de l’architecte Leoh Ming Pei. En haut, à droite sont représentés le devant et l’arrière du Centre Beaubourg.
Tandis qu’en haut, à gauche figurent la coupe du Musée Guggenheim de Bilbao ainsi que celle du Musée Ludwig de Cologne. 

 

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L’intérieur du triptyque est parsemé d’images-référents faisant partie du patrimoine mondial de l’Art, telles que le DAVID de Donatello, l’HERMES de Praxitèle, La BATAILLE de Paolo Uccello, le portrait d’ELIZABETH TAYLOR de Warhol ou l’URINOIR de Marcel Duchamp. Des phrases issues de propos d’artistes majeurs sont reprises ça et là à l’intérieur du triptyque : il y a plus d’esthétique dans un sous-marin nucléaire que dans tout l’art contemporain. (Joseph Beuys).

Comme nous l’avons spécifié plus haut, le pilier qui soutient l’édifice créatif de GERT SALMHOFER, c’est la force du symbole : la symbolique est une signature récurrente dans l’œuvre de cet artiste. Elle est à la fois discrète et présente. Néanmoins, transcendant un langage déjà évocateur, à l’exemple de la structure en plein effondrement d’EUROPICTUM,

 

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cette symbolique trouve sa destination percutante dans la présence de ce drapeau de l’Union Européenne flottant en haut à droite de la composition : le symbole est l’image d’une E.U. en pleine déliquescence. Il en va de même pour URBANO où la référence : « une réalisation SALM et HOFER – SARL promoteurs » associe, par le biais de l’humour, le sacré de la basilique primitive de Sainte-Sophie convertie en mosquée avec le gratte-ciel moderne, aliénant et concentrationnaire, défigurant le paysage humain. Le symbole parcourant l’ensemble de sa peinture est politique au sens étymologique du terme : dans le premier cas, il dénonce l’instabilité de l’U.E. Dans le second cas, il prend en compte la polis (la cité), dans son acception humaine, intellectuelle et dynamique. Bien que l’artiste n’ait jamais étudié l’architecture, il ne cesse de s’y intéresser car ce qui est urbanistique témoigne de l’activité humaine.  Sa démarche, comme nous l’avons souligné, se distingue par le désir de créer de la confusion en brouillant les pistes cognitives tout en aboutissant vers une lecture simple. Une foule de signes constellent son œuvre. Ces signes, posés pêle-mêle dans l’espace pictural, sont les composantes d’une sémantique appartenant à l’Histoire, dans une perspective laquelle ne devient évolutive que dans la culture personnelle du visiteur. Aucune chronologie ne régit ses tableaux. Ici encore, le symbole se manifeste dans la représentation : la spirale constituant l’œuvre éponyme, formée d’une myriade de signes est une image de l’infini dans de nombreuses mythologies. Il y a, par conséquent, une adéquation entre le bouillonnement créatif de l’écrit à l’intérieur de la forme et la spirale aboutissant sur l’infiniment possible. Il en va de même avec STELE où le réceptacle du signe (la pierre – l’archaïque) débouche sur la souris de l’ordinateur censée contenir le support technologique moderne ordonnant le savoir.

Comme à son habitude, l’humour n’est jamais loin : une image de Dominique Strauss-Kahn sert de clin d’œil au regardant. Cet engouement à brouiller les pistes est un incitatif à l’endroit du visiteur à rechercher la vérité du discours par lui-même. On retrouve cette volonté de l’égarer volontairement même dans la façon qu’a l’artiste de cacher sa propre signature apposée sur le tableau, en la « symbolisant » par le monogramme « S » atrocement déformé, placé généralement du côté gauche de la composition, auquel répond sur la droite, la date d’achèvement. 

La consistance des tableaux exposés qui fait que l’œil du visiteur est trompé par ce qu’il voit, en ce sens qu’il n’arrive pas toujours à déterminer la matière avec laquelle l’œuvre a été réalisée, est en fait une pâte que l’artiste fabrique lui-même. Lorsque celle-ci est sèche, il taille dedans et la ponce ensuite. De sorte qu’il n’est pas toujours aisé de reconnaître l’élément peint du sculpté, comme pour EUROPICTUM, où l’architecture enchevêtrée est en réalité, un collage extrêmement subtil, associant peinture, bois et pâte (la colonne de droite, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, n’est pas de la peinture à l’huile mais bien de la pâte travaillée). D’où une forme de cinétisme qui n’a rien à voir avec la perspective proprement dite.

Sa peinture est également une œuvre philosophique, en ce sens qu’elle propose tel thème, préalablement exploré, pour le reproposer sous un éclairage nouveau, d’où l’intitulé de son exposition : PALIMPSESTE, à savoir, un     manuscrit sur parchemin dont on a préalablement gratté le contenu existant pour en rédiger un  autre. Cette technique était usitée par les moines du 7ème au 12ème siècle. L’inconvénient majeur à cette façon de procéder est que tout ce qui fut écrit auparavant s’avéra définitivement perdu.

Du grec ancien, « Palipsêstos » signifie « gratter à nouveau ». Or, le grattage fait précisément partie de la technique d’approche du matériau par l’artiste, lorsque la pâte qu’il a conçue est à demi-sèche et prête à être poncée.

Le parcours  de GERT SALMHOFER est typique de l’artiste ayant fréquenté les Beaux Arts mais qui pour trouver sa propre voie a dû s’en distancier.

Excellent orfèvre au demeurant, il habite Bordeaux. Lorsqu’on lui demande de nous parler de ses projets immédiats, il nous répond tout de go : « retourner à Bordeaux ! »  Humour quand tu nous tiens…

PALIMPSESTE participe d’une volonté de connaissance dans laquelle le signe, produit culturel, renouvelé par l’œuvre dans son intemporalité, devient, par le biais d’une fine poésie, le véhicule d’une conscience qui nous implique, au détour de chaque regard que nous portons sur l’œuvre profonde et prolifique de GERT SALMHOFER.

François L. Speranza.

 

 

Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: 

Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.

 

A voir: 

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

 

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François Speranza et Gert Salmhofer: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles (26 février 2014).

(Photo Robert Paul)


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Un besoin de faible utilité

 

Soliloque

J'eus durant des années besoin de tricoter.

Ne faisant pas d'efforts, je pouvais méditer.

Quand cessa ce besoin , j'en perdis l'habitude,

En conservant l'envie d'avoir des certitudes.

L'espérance toujours engendre la confiance,

Pourtant, je conservais le choix de la prudence.

Mon âme romantique, heureuse, s'exaltait

Alors que j'avançais en quête de beauté.

Me sentant inspirée, lors d'un instant de grâce

J'éprouvais le désir d'en garder une trace;

Lors me servant de mots venus spontanément,

J'exprimais des émois sans travestissement.

Naïve poésie, d'essence naturelle,

Qui devait demeurer strictement personnelle.

D'un pouvoir infini, la providence en fit

Une abondante manne de petits fruits confits.

Étourdie, j'ai quitté la tendre solitude

Apportant bien souvent une douce quiétude.

Je me confie au vent avec assiduité,

Subissant un besoin de faible utilité.

4 mars 2014

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Un souvenir

 

C‘est dix ans après la libération que Gaston nous avait réunis tous les cinq pour la première fois. Il disait que c’était rendre hommage à Fernand qui avait été fusillé deux jours avant que la guerre ne soit achevée.

Nous devons faire notre devoir quoiqu’il nous en coûte.

Il nous avait installés autour de la table ronde qui leur servait, à son épouse et à lui, à recevoir leurs amis sans qu’une préséance quelconque irritât l’un ou l’autre de ses invités. En réalité, c’était la seule occasion que Juliette avait de sortir de l’armoire la nappe ronde qu’ils avaient achetée près d’Avignon.

Il y avait six chaises. L’une d’entre elle était inoccupée,  celle qui était censée être celle de Fernand. C’était symbolique ; disait Gaston. Symbolique ou non, Fernand était bel et bien mort et n’existait que dans nos mémoires. Et durant la comédie que nous nous jouions.

Chacun de nous aurait pu être celui que ses amis honoraient aujourd’hui. Tous nous aurions pu être de ceux que les survivants évoquent en disant : nos morts. 

Je ne me souviens pas du jour où Gaston nous avait proposé de nous réunir afin d’évoquer la libération de notre pays. Pas de notre pays seulement mais celle de tous les pays qui s’étaient trouvés en guerre contre les Allemands et qui avaient étés occupés par eux.

Gaston aimait à se souvenir pour de vrai si je puis dire. Ce jour-là, il avait revêtu le costume qu’il portait durant la guerre. Moins fripé parce qu’il le conservait dans une housse après l’avoir délicatement repassé. C’est une tâche qu’il ne confiait pas à Juliette. Repasser son pantalon l’aidait à se souvenir.

Quant aux autres, il avait bien fallu qu’ils mettent leurs vêtements habituels. Les années avaient passé, ils étaient plus corpulents, les matières textiles utilisées n’étaient plus les mêmes et, après la guerre, ils avaient repris sans regret leurs occupations habituelles.

Finalement, seul Gaston était ému. Il contemplait avec complaisance les pinces-pantalons qu’il conservait pieusement. Ces pinces-pantalons qu’il utilisait pour se déplacer à vélo durant la guerre pour transporter des tracts à la barbe des policiers allemands. Des policiers qui se moquaient de lui lorsqu’il enfonçait  son béret jusqu’à hauteur de ses oreilles. Nous l’appelions : Gaston la pincette.

Nous étions âgés d’une vingtaine d’années. Pas beaucoup plus pour l’aîné d’entre nous. Je ne sais plus si le courage de nous opposer à l’occupant nous guidait ou le sentiment de participer à un jeu plus excitant que d’autres. De toute manière, chacun de nous avait le sentiment qu’il était immortel. Ceux qui ne l’étaient pas, nous ne l’avons appris que plus tard.

Les jeunes aiment à jouer au grand amour mais nous n’avions pas de liens réellement sentimentaux. Seul Fernand qui était presque marié. A Juliette précisément. Juliette qui avait épousé Gaston après la guerre.  

Ce que Gaston voulait évoquer en nous réunissant, je ne l’ai su que plus tard. Nous pensions que c’était  Fernand qu’il voulait honorer. En fait, il voulait évoquer la dernière image qu’il en conservait.

Fernand avait rendez-vous avec Gaston à la petite imprimerie qui imprimait leurs tracts. Ce jour-là, le texte qu’il avait écrit, il voulait le soumettre à Gaston avant de le remettre à l’imprimeur. Le texte appelait à la lutte armée. En gros, il disait : à chacun son allemand.

Était-ce le moment ou non ? Les jeunes gens que nous étions ne mettaient pas toujours en balance ce qu’ils préconisaient par rapport aux risques encourus. Fernand pensait que c’était le moment, c’est la raison pour laquelle il attendait Gaston chez l’imprimeur.

Gaston de son côté était au lit avec Juliette. Après qu’ils se fussent aimés, ils avaient pris la décision de dire à Fernand  qu’ils s’aimaient, qu’ils avaient l’intention de vivre ensemble et de se marier.

Lorsque Gaston était arrivé à proximité de l’imprimerie, une voiture de la police allemande stationnait devant la porte. Trois militaires en sortaient et parmi eux Fernand et l’imprimeur.

Si Fernand n’avait pas attendu Gaston, si Gaston n’avait pas fait l’amour à Juliette, si…si. Avec des si, dit-on, on peut mettre Paris dans une bouteille.

Nous avons cessé de nous réunir.

 

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La balade du grand macabre

Il s'agit d'une farce en trois actes et en prose de Michel de Ghelderode, pseudonyme puis patronyme d'Adémar Adolphe Louis Martens (Belgique, 1898-1962), publiée à Bruxelles aux Éditions Tréteaux en 1933, et créée sous le titre la Grande Kermesse à Paris en 1953.

Comme toujours chez Ghelderode, il est ici question de la mort: mais elle est comiquement orchestrée à partir de variations sur le thème de la Danse macabre et de l'Apocalypse. En quelque sorte, une catharsis.

En proie à une ivresse joyeuse, le pochard Porprenaz importune deux amoureux assis dans un parc près d'un tombeau. Excédés, ils l'éconduisent. Grimpant alors à l'arbre proche il y rencontre Nekrozotar, sinistre personnage qui le malmène, lui annonce la fin du monde pour cette nuit même et qui, après avoir enfermé dans le tombeau les amoureux ravis d'être enfin seuls, part pour la ville en se servant de Porprenaz comme monture. Nous sommes chez Videbolle, astrologue, philosophe officiel et chroniqueur de la principauté de Breugellande. Sa femme Salivaine le fait danser à coups de fouet, lui impose des fantaisies grotesques avant de s'endormir ivre-morte. Videbolle s'inquiète d'une rougeur dans le ciel coïncidant avec le passage d'une comète, qu'il a prédit, tandis qu'arrivent Nekrozotar et Porprenaz. Nekrozotar se précipite sur Salivaine, prise de délire érotique pendant son sommeil, mais son étreinte vampirique la tue (Acte I).

Les ministres Aspiquet et Basiliquet donnent une leçon d'équitation, puis d'éloquence au jeune prince Goulave, mal fait de sa personne, et bègue de surcroît. Ils le traitent en irresponsable. Dans la rue, le peuple, pris de panique «sans motif sérieux», exige de voir le prince. Celui-ci alors se métamorphose, fait taire ses ministres et calme la foule par des promesses de libations. Sur fond de Dies irae, Nekrozotar paraît à cheval sur Porprenaz en brandissant une faux; Videbolle annonce le minuit apocalyptique, le «grand raffut», et le choeur se lamente (intermèdes 1 et 2). Dans une salle du palais, Videbolle cache Goulave ivre sous la table, tandis que Nekrozotar-le-Grand Macabre fait son entrée, toujours juché sur Porprenaz. Il se met à boire afin de prendre courage pour le «grand fauchement». Le tonnerre gronde et, saisissant sa faux, il enfourche en titubant un cheval de bois pour fondre sur la foule (Acte II).

Videbolle et Porprenaz, revêtus d'un linceul, jettent le cadavre de Nekrozotar à la cave. Goulave, qui ne bégaie plus, se croit un instant «prince sans sujet», mais constate son erreur. Ceux qui avaient du coeur ont survécu, Videbolle et Porprenaz sont nommés ministres, Salivaine ne ressuscite que pour le châtiment. Les amoureux de l'acte I sortent de leur refuge: ils ne se sont aperçus de rien (Acte III).

La pièce est construite comme un triptyque démultiplié: de part et d'autre d'un épisode central marqué par l'irruption de l'horreur, trois «stations» nous menent du parc chez Videbolle et enfin au palais, puis l'inverse. Dans cette géométrie rigoureuse se déploie une vision carnavalesque du monde incarnée par un jeu de masques: nous assistons au «spectacle tumultueux de la fausse mort trépassée un jour de fausse apocalypse». Fausse mort en effet que ce Nekrozotar qui s'est identifié au Grand Macabre mais qui n'est en réalité - nous l'apprenons à la fin - qu'un pauvre hère devenu misanthrope, par suite des mauvais traitements que lui a infligés Salivaine dont il fut le premier mari. Fausse apocalypse - comme celle de l'an Mil - que cet orage mâtiné de comète au cours duquel les victimes mourront de leur propre peur et de leur propre bêtise. «Farce pour rhétoriciens», a dit l'auteur, ajoutant que les rhétoriciens étaient des âmes simples. Comme dans toutes les farces, il y a bastonnades, mais celles du théâtre de Molière, comparativement, sont à l'eau de rose. Quelle féroce imagination chez Salivaine qui, après avoir roué de coups son mari en dépit de la précaution qu'il a prise de se cuirasser le derrière avec un couvercle de casserole, s'écrie: «Le faraud, il est mort! Il a osé mourir! Et il s'imagine que je vais le laisser mort?», puis le ranime avec une gigantesque araignée. Poussée à ce degré, la mascarade révèle la nature profonde des personnages: masques difformes exprimant des instincts élémentaires qui leur insufflent un délire verbal. La farce, chez Ghelderode, n'exclut pas la profondeur: bien au contraire, elle la révèle.

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Le jour et la nuit

 

Chaque jour, je me sens heureuse,

Stimulée, maintes fois ravie.

Je peux méditer, paresseuse

Sur les perfections de la vie.

J'oublie qui se suis, où je vais.

Fort souvent, un mot me provoque.

D'où vient-il? Je ne le sais,

D'ailleurs ou d'une ancienne époque.

Ma mémoire est coffre à merveilles.

Au hasard, en sort un cadeau,

Des parfums ou bien, en bouteille,

Un message dans un bateau.

La nuit le ciel perd ses attraits.

Me rendaient ivre les étoiles.

N'ai plus ni chagrin ni regrets,

Aveugle face à une toile.

Quand finit le temps d'une veille

Et qu'il me faut aller au lit

Je m'inquiète, et je me surveille,

Car mon entendement faiblit.

Couchée, j'accueille la colère;

Je crois ne pouvoir supporter,

De la Nature notre mère,

L'intolérable cruauté.

Je trouve le calme à la fin,

Ensommeillée devenue lasse,

Peut-être arrivée au matin.

Lors l'indifférence m'enlace.

3 mars 2014

 

 

 

 

 

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Les présents de la vie

P7060014.jpg

Cinq pivoines resplendissantes,

il y a seulement deux jours,

décolorées et rabougries,

appuyées sur leurs feuilles vertes

paraissent soudain émouvantes.

Quand je vois dans mon jardin

ce qui est advenu la nuit,

je soustrais aux regards les fleurs

qui ne sont plus du tout jolies,

sous l'éclairage du matin.

Dans un courant de poésie,

d'une beauté incomparable,

s’épanouiront à leur tour,

d’autres vivaces éphémères,

dons renouvelés de la vie.

23/6/2001

 

 

 

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