
L'XL THEATRE
7a Rue Goffart - 1050 Bruxelles
Présente une trilogie consacrée à Stefan ZWEIG disparu il y a 70 ans
LE JOUEUR D'ECHECS du 14 au 18 février
VINGt-QUATRE HEURES DE LA VIE D'UNE FEMME du 28 février au 17 mars
LETTRE d'UNE INCONNUE du 20 au 24 mars
LE JOUEUR D’ÉCHECS ( Stefan Zweig)
Deux jeunes comédiens remarquables, Raffaele Giuliani et Marvin Mariano vont se distribuer tour à tour la parole pour évoquer les étranges personnages qui hantent la dernière nouvelle de Stefan Zweig, publiée en 1943, après son suicide. Embarqués, les spectateurs applaudiront une adaptation théâtrale du JOUEUR D’ÉCHECS très réussie. Mais la partie est …nulle car les deux comédiens jouent aussi bien l’un que l’autre. Incarnant chacun plusieurs personnages, ils maîtrisent la voix, les dictions multiples, les mimiques, la présence scénique, les mouvements, la connivence avec les spectateurs-voyageurs du même bateau.
« Remember ! » est au cœur de la houle de l’histoire. « L’Europe, ma patrie spirituelle s’est anéantie d’elle-même.» dit Stefan Zweig en parlant de l’Europe, fuyant les nazis sur le paquebot qui l’emmène en exil au Brésil. Hélas, le jeu d’échecs (et de massacre) auquel il assiste est une allégorie de l’échiquier de la folie et de la haine qui quadrille l’Europe.
Sur le navire, l’écrivain rencontre ce sinistre personnage, Mirko Czentovic, champion mondial d’échecs fascinant, impénitent, ivre de vanité, cupide qui refuse tout échange social. Loin d’évoquer la paix, son silence évoque la rupture avec l’humanité. Pour Stefan Zweig, ce sera un défi de le forcer à communiquer.
Lors d’une des parties organisées entre Mirko et un certain O ‘Connor, un inconnu intervient. L’énoncé de sa tactique est plus que brillant, il frise la folie. Interrogé, il livrera le récit poignant de sa vie douloureuse : son arrestation à Vienne par les allemands, sa détention qui l’entraîne vers la folie, privé pendant des mois de tout contact humain et torturé par l’attente kafkaïenne des interrogatoires et du verdict. Un jour pourtant il entrevoit la faille. Le détenu autrichien réussit à subtiliser dans une veste ce qu’il croit être un livre salvateur . Ce n’est qu’hélas un manuel de jeu d‘échecs mais l’espoir renait car ses fonctions intellectuelles remises en marche l’aident à résister. Il n’aura plus aucune défaillance devant la Gestapo. Hélas la folie de l’enfermement et celle du jeu stérile l’intoxiquent et le plongent dans la schizophrénie. « Mon atroce situation m’obligeait à tenter ce dédoublement de mon esprit entre un moi blanc et un moi noir, si je ne voulais pas être écrasé par le néant horrible qui me cernait de toutes parts. ». Un affrontement paradoxal, absurde comme de marcher sur son ombre s’engage et le vaincu réclame chaque fois sa revanche. « Aucune diversion ne s’offrant, excepté ce jeu absurde contre moi-même, ma rage et mon désir de vengeance s’y déversèrent furieusement. »
- Never More - Après une violente crise de nerfs, il est sauvé de justesse par un médecin qui le force à fuir l’Europe. Celui-ci le conjure de ne plus jamais toucher un jeu d’échecs. « Puissiez-vous voir les lueurs de l’aube après la longue nuit ! » and « Remember ! »
Il est hors jeu. Va-t-il le supporter ?
Sur le bateau, il veut conjurer sa folie et rechute. L’adversaire qu’il brûle d’affronter pour se prouver qu’il est enfin capable de jouer est Mirko Czentovic. Il veut jouer, non plus, seul dans sa tête, en mécanique aveugle, mais avec de vrais pions et un vrai partenaire, ce champion mondial de l’échiquier. Czentovic, monstre d’inculture, fruste, borné, vaniteux et cupide aura vite fait d’exploiter la seule faille de l’exilé : son intolérable panique de l’attente.
Où commence le jeu et où finit-il ? Certes, ce jeu totalitaire et passionnel arrive à enflammer la puissance, à tuer l’ennui, à aiguiser l’esprit. Mais l’essence indispensable du combat - la haine - est létale. Ce que l’inconnu découvre à ses dépens dans le dernier volet de l’histoire.
Le jeu des deux comédiens est un concentré d’énergie qui maintient le spectateur en haleine, fascine et horrifie à la fois. Les facettes de l’homme, alignées comme les pions noirs et blancs s’entrechoquent sur une multiplication pathologique d’échiquiers disposés sur le pont du navire. Une tension est générée par les jeux corporels on ne peut plus éloquents des deux adversaires. Leurs nerfs sont à vif. Jeu infernal, implacable et sinistre? « Jeu stérile et absurde » disait l’inconnu assoiffé de livres dans sa prison hygiénique de l’Hôtel Noble de Vienne. Jeu infernal qui nous précipite au cœur de la haine mutuelle, atavique chez l’homme non civilisé ? Une mise en jeu géniale et efficace du metteur en scène, Bernard Damien révèle le tueur dans le joueur fébrile. Cela vous fait longtemps froid dans le dos. Masterful.
Réservations : 00 32 (0) 2 513 21 78
00 32 (0) 475 519 118