« O douce soirée! Moment enchanteur! Mon âme enivrée renaît au bonheur! » Chaque année, une jeune et riche aristocratique nommée Angèle quitte le couvent pour se rendre à un bal masqué sous le couvert d’un «Domino noir». Horace est tombé amoureux d'elle, l’an dernier au bal de Noël donné par la Reine sa cousine, et il la retrouve aujourd’hui. Angèle porte bien son nom… « Qui je suis? Une fée, un bon ange qui partout suit vos pas, dont l'amitié jamais ne change, que l'on trahit sans qu'il se venge, et qui n'attend pas même, hélas un amour qu'on ne lui doit pas! » Tout l’art sera de faire tomber un à un les masques afin que les deux amants soient capables de s'unir.
Daniel-François-Esprit Auber a écrit de la musique sur un livret de Scribe qui est léger et brillant, Berlioz le décrivant comme "vivant et amusant, une de ses plus belles partitions". Avec Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois dans les rôles principaux, nous avons été enchantés. Mais le reste de la production n’est pas moins scintillant. Un brillant François Rougier dans le rôle de Juliano, le compagnon d’Horace et Brigitte la suivante d’Angèle forment un duo jubilatoire mi-paon, mi-mimosa comme en témoignent leurs incroyables parures. Antoinette Dennefeld, tellement primesautière dans son air "Au réfectoire, à la prière" à l’acte III.
Beaucoup moins poétique et un peu lourdeau, ce faux accent anglais de Lord Elfort qui, gonflé de jalouse possession a laissé sa femme à l’hôtel et vient faire des ronds de jambe au bal masqué, déguisé en prétentieuse pintade/hérisson, grossissant ses plumes après chaque réplique ou couplet, en vertu de la ponctuation. Mais il faut bien que l’on se moque… Beau masque!
Dans un jeu d’aiguilles fantastiques, le temps s’emmêle et Angèle, ayant perdu son amie et fuyant le bal comme Cendrillon, se retrouve à jouer le rôle de servante Aragonaise auprès de la plantureuse Jacinthe, une ultra généreuse Marie Lenormand, gouvernante de Juliano le vieux garçon… Un morceau de choix, où courtisée par quarante gaillards, et contrefaisant un accent du terroir, elle leur tient la dragée… haute! Horace qui est arrivé, la reconnait… Quelle imposture et quel supplice! Se pourrait-il qu’elle ait la cuisse légère? Pour récupérer les clefs du couvent elle se présente en noir fantôme à Gil Perès (un drolatique Laurent Kubla), l’amoureux de Jacinthe et concierge du couvent, qu’elle terrorise… Encore une métamorphose réjouissante! Pire encore, la voilà devenue Abbesse surmontée d’une tiare en forme de tout Eiffel… à qui le jeune Horace confie ses peines de cœur, cette fois sans la reconnaître! Mais il suffira d’un coup d’ordonnance royale pour réordonner cette ludique et malicieuse Midsummer night’s dream à la française. Coup de chapeau à dame Ursule sous la voix bien timbrée de Sylvia Bergé.
Les décors, les costumes façon Boris Vian, et les mélanges techno / opéra de nos grands-parents ont de quoi faire rire et combler nos attentes d’univers féerique en Absurdie. Ce beau morceau de dépaysement lyrique et visuel est mis en scène par les metteurs en scène Valérie Lesort et Christian Hecq, l’homme de Nivelles qui habite à Paris et dont c’est la première mise en scène lyrique. Il est Sociétaire de la Comédie Française. Ensemble, ils déploient une belle verve dans la construction et un esprit de gaieté éblouissant!
Ainsi le théâtre caracole joyeusement , les comédiens-chanteurs sont engagés, la musique joue gaiement les quadrilles sous la baguette enjouée de Patrick Davin tandis que les portes mystérieuses du Bal et du couvent, s’ouvrent et se referment gracieusement et qu’un chapelet ininterrompu de voix charmeuses et cabotines, de timbres ravissants naviguent avec aisance sur une partition que l’on croyait oubliée. Qui donc pourrait prétendre que l’on n’entend que de la musique italienne à L’Opéra de Liège?
Une presse unanime!
https://www.forumopera.com/le-domino-noir-liege-0-de-matiere-grasse-100-de-plaisir
http://www.crescendo-magazine.be/retour-brillant-dun-chef-doeuvre-parfait/