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Bonjour,

Nouvelle saison 2016-2017 des cafés Philo Palabres d'Incourt.
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Présentation
Ce rendez-vous mensuel est conçu comme un espace-temps de discussion et de libre expression citoyenne, qui se veut réflexif sans être élitiste, dans la lignée des cafés philo popularisés en France par Marc Sautet.
Dans un monde de communication virtuelle, à la fois réducteur et de plus en plus complexe, il est bon de pouvoir revenir à la simple et authentique discussion entre personnes dans une ambiance conviviale.
Le principe est simple : des personnes de tous horizons se rassemblent autour du désir commun de partager des idées sur le monde qui les entoure. Un animateur est présent pour assurer le bon passage de ces idées. Gardien du temps et modérateur, il donne la parole à ceux qui interpellent, interrogent et veulent exprimer le fruit de leurs réflexions dans un esprit d’ouverture et d’écoute. Un verre est servi pour installer la convivialité nécessaire au bon déroulement d’une discussion citoyenne. Les thèmes abordés relèvent de la connaissance générale.
L’attitude critique, philosophique, consiste à remettre en question, sous un angle nouveau, des faits d’actualité ou historiques, de façon à ce que chacun puisse forger sa propre opinion à leur sujet, via l’argumentation de ses idées et leurs confrontations avec celles d’autrui, dans le respect des croyances de chacun, sans que personne ne prétende détenir une vérité unique et universelle.
On reprend la saison avec un sujet amusant le 19 septembre: Qu'est-ce que l'humour?
NOUVEAUTE : à partir de cette saison, les cafés Philo se tiendront à la maison de village de Sart-Risbart (73, rue Alphonse Robert à 1315 Sart-Risbart).

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Le saut

Si j'avais écouté mamie, 

Et ce que répétait papa,
Je n'aurais certes pas la vie
Que je vais vous conter tout bas.

Refrain

Saute, saute, sautons sautez,
Par dessus tous les préjugés,
Saute, saute, sautons, sautez,
Vous pourrez bientôt en juger!

Ils me disaient, pleins de tendresse;
Le travail est une richesse.
Mais ce que je constatais, moi,
C'étaient les tristes fin de mois.

J'obtins mon baccalauréat,
Une licence, etcétéra
Mais n'ayant un radis en poche,
Je trouvais la vie sotte et moche.

Je voulus écrire un roman
Mais ce n'était pas le moment.
L'éditeur pouvait m'en revendre,
N'avait pas le goût de m'entendre.

Comme je ne savais que faire,
Je me lançai dans les affaires.
Par le plus heureux des matins

Une femme me dit soudain:

Refrain
Saute, saute, sautons sautez,
Par dessus tous les préjugés,
Saute, saute, sautons, sautez,
Vous pourrez bientôt en juger!

Je fis même des pirouettes,
Oubliant que j'étais honnête
Et je rebondis sur mes pieds
Riche à faire tout oublier.

J'ai villa, maison de campagne,
Auto, yacht, tout le superflu,
Une intelligente compagne.
À présent, je ne doute plus.

N.B: Musique de monsieur Maurice Durieux ,tango humoristique

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En bikini et en burka

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                                                              Croquis de Jacques Choucroun

Songerie

Oh ces femmes en bikini,
Superbes, faisant des prouesses,
Admirables par leur souplesse!
Leur destin peut sembler béni.

Elles feraient pourtant horreur
À des millions d'hommes infâmes
Qui créent d'insupportables drames,
Soumis au culte de l'honneur.

Fantômes noirs dans la lumière,
Leurs femmes portant burka,
Semblent soumises. Est-ce le cas?
Rêvent-elles de prendre l'air?

9 août 2016

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Vague à l'âme

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 Illustration de Jacques Choucroun, bédéiste

Pantoum

Dans mon jardinet, l'énergie,
Fait que l'herbe en tiges y abonde,
Frémissant à chaque seconde.
Me sens faiblement étourdie.



Fait que l'herbe en tiges y abonde.
Circule ardent, le vent de vie.
Me sens faiblement étourdie.
Liées, les branches se confondent.

Circule ardent, le vent de vie.
La lumière s'écoule en ondes.
Liées, les branches se confondent.
Les tiges des pivoines plient.



La lumière s'écoule en ondes.
Les nuances se multiplient.
Les tiges des pivoines plient.
J'accueille des regrets en ronde.

13 juin 2015

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Cher Ami,

Avant de vous rencontrer,

 j'étais toute bariolée,

mélangée ; mon écriture était seule

 car non lue par vous,

ni par vos yeux attentifs, écoutée.

L'écriture est musicale quelquefois, elle touche.

A présent, j'ai trouvé mes couleurs,

 mes sonorités écrites, si pleines de "nous",

 graves et légères à la fois.

Savez-vous que mon ombre

 est pleine de votre ensoleillement,

de noire elle est devenue bleue ;

 c'est l'été tout le temps,

avec des nuages bleus,

puis le chant des mots,

 l'invisibilité de vos mains

 sur elle posées, un peu perdues,

emplies de toute ma légèreté ciel .

 cet amour que j'ai de vous ,

 personne ne le soupçonne ;

 c'est un grand secret ;

 notre seul enfant extraordinairement vivant !

NINA

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Mémoires d'enfance ! Tome 2

Marie-Claude

Marie-Claude habitait juste à côté de l’atelier. Plus âgée que le petit Georges, elle fut son guide, sa seule amie, son premier amour de môme et son premier chagrin.

Que de souvenirs communiés ensemble à jouer dans la cour ou dans le jardin. Au fond de ce dernier, il y avait un dépôt de bois appartenant à une menuiserie située un peu plus bas. Souvent Marie-Claude et Georges jouaient à cache-cache sur les piles de bois parfois très instables. Un jour, voyant que les planches, empilées les unes sur les autres et séparées par des petits bois, avaient une désagréable façon de bouger comme de la gélatine, Marie-Claude dit que c’était trop dangereux de venir jouer dans le dépôt. C’est vrai, dit Georges cette pile est bancale, il faut arranger ce problème. Et çà tombait bien puisque qu’il venait de finir un livre illustré sur les Gaulois et les Romains. Georges y avait vu comment ces derniers se servaient d’un morceau de bois pour faire levier (comme ils disaient) sur les blocs de pierre. Si on pouvait bouger un bloc de pierre gros comme dix fois la niche de la chienne Eida, ces quelques planches ne devraient pas poser de problème ! Les bois pour faire levier ne manquaient pas dans le vieux dépôt et Georges commença à réfléchir pour savoir quel était le meilleur endroit où

placer le chevron. C’est ici sûrement, à mi-chemin entre le haut de la pile et le bas. Il est vrai que le haut de la pile faisait deux fois la hauteur de Georges mais, en calculant bien, ça devrait le faire !

Il plaça le chevron entre deux planches et commença à faire levier. Mais le petit Georges était gros comme un haricot vert et donc pas assez lourd pour faire bouger la pile.

- Viens m’aider s’il te plaît ! c’est trop lourd !

- Pas question, c’est trop dangereux et ça va faire du bruit si ça s’écroule!

Bon, il va falloir se débrouiller tout seul, Georges calcula qu’il était trop près de la pile de planches, il se déplaça le plus loin possible pour arriver tout au bout du levier et, han ! Un coup en avant. Chouette, la pile bouge, encore un coup ! Cette fois, c’est la bonne, elle se balance, elle va chavirer mais…. du mauvais côté, celui de Georges ! Encore un coup se dit-il pour accentuer le mouvement sinon… et la pile comme un château de cartes s’écrasa du bon côté dans un bruit d’enfer !

- C’est gagné, Marie-Claude, c’est gagné !

Le petit Georges se retourna et, comprenant le regard angoissé de sa copine, se dit qu'un événement imprévu avait eu lieu pendant le jeu. Il se retourna et le vit, la-bas, sur le trottoir de l’autre côté du chantier. Un voisin, ou supposé tel, avait tout vu ! C’était la catastrophe s’il allait le dire aux parents, Georges ne verrait plus Marie-Claude, et çà, c’était impossible, insupportable… il fallait trouver une solution et vite. Georges n’en voyait qu’une seule, traverser le chantier et aller s’expliquer auprès du monsieur dans sa blouse bleue

.

- Je l’ai fait exprès monsieur, c’était trop dangereux ! Les planches nous seraient tombées dessus !

- T’inquiètes pas petit, je ne dirai rien, ils n’ont qu’à fermer leur chantier comme il faut, et avec toute la poussière et le bruit que font leurs foutues machines, ta bêtise me fait plaisir ! Mais ne recommences pas, tu as eu de la chance que la pile ne tombe pas de ton côté. C’est toi le fils Breton ?

- Oui monsieur !

- Tu es bien aussi casse-cou qu’était ta tante. Salut mon gars !

Georges n’avait jamais su qui était ce monsieur, mais ce dont il était certain, c’était que les parents n’en sauraient jamais rien. Quant aux menuisiers, ils n’avaient jamais compris comment cette pile avait pu tomber ; il était vrai que Gorges avait refermé le passage qui leur permettait de rentrer dans le stock de bois.

Comme ils ne pouvaient plus jouer à cet endroit intéressant parce qu’interdit, il leur restait la cour, avec les billes, les cyclistes en plastique ou en métal et les fléchettes. Fléchettes dont Marie se souviendrait longtemps, surtout celle que Georges lui avait planté dans le front. Quelle drôle idée aussi de passer devant la cible pendant le tir !

  • Ce n’est pas ta faute, gamin, avait dit la mère Bauchet, mais le jeu de fléchettes est confisqué pour l’instant.

Normal se disait Georges, si elle l’avait reçu dans un œil, elle aurait été très moche avec un bandeau comme les pirates ! Peut-être que dans trente ou quarante ans pensa Georges, pour la même bêtise les parents iraient trouver un homme en blouse noire dans la grande maison de pierres place d'Aisne à Limoges.

Les jeudis de pluie ou pendant les vacances d’hiver, c’était dans la chambre de Marie-Claude qu’ils passaient les après-midi. Il y avait un lit immense presque aussi haut que Georges et, sur ce lit, un édredon de plumes, rouge très foncé. Ah ! L’édredon de plumes, doux comme une caresse de maman ! Georges aimait se rouler dedans d’un bord à l’autre pendant que sa Marie-Claude écoutait en boucle sous le saphir vieillissant une chanson d’Elvis Presley.

* * *

La maman de Marie

Madame Bauchet rentrait vers 18 heures, c’était l’heure pour le petit Georges de réintégrer le domicile familial. C’était l’heure aussi où les ouvriers de l’atelier débauchaient. Il les croisait souvent sur le trottoir, les uns partant à vélo et les autres à pied.

« La mère Bauchet » comme l’appelait la grand-mère, retenait parfois le petit Georges d’une façon un peu autoritaire. Reste ici un instant mon garçon. Oh elle n’était pas méchante bien au contraire, mais elle était grande et « un peu enveloppée » dirait-on aujourd’hui, enfin, c’est du moins comme ça qu’elle lui apparaissait du haut de son mètre dix et de ses 25 kilos tout mouillés. Quant elle retenait Georges, généralement Marie-Claude était déjà assise à la table de la cuisine, le menton dans les mains et faisait semblant de regarder la nappe avec les décors de chasseurs recouvrant la table de la cuisine.

  • Assieds-toi et mets une serviette sous ton bec !

Georges obéissait de bon cœur sachant à l’avance ce qu’elle allait sortir du garde manger, sagement caché dans le placard. Il fermait les yeux et pariait sur la couleur du gâteau. Voyons nous sommes fin juin, il reste 3 jours pour être en vacances, les prunes jaunes sont encore sur les arbres, les cerises noires… ? Ben ça fait longtemps que les merles et le père Bauchet les a cueilli ! Sauf si elle a ouvert un bocal de conserve ? Mais non c’est impossible, elle garde toujours les bocaux pour l’hiver !

Les yeux fermés, Georges entendit le bruit de la faïence se poser sur la nappe et le tintement de la cuillère choquer le bord de l’assiette. Ca, c’est certain, ce n’est pas une odeur de mirabelles, ces beaux fruits jaunes qui faisaient craquer les branches dans le jardin de Marie. Indéfinissable cette odeur, curieux même…. Georges sentait une odeur forte, chaude aussi ; il avait déjà eu l’occasion de goûter ce fruit car, sans nul doute, devant lui dans son assiette, c’était un beau gâteau bien dodu et brillant comme savait si bien les faire madame Bauchet.

  • Alors, ce nez, il est en panne ! Demandait la maman de Marie. Respires et réfléchis, je suis certaine que tu en as déjà mangé, mais peut-être pas en gâteaux. Je vais t’en couper un bout, continue à fermer les yeux et ouvres la bouche !

Le morceau de gâteau se mettait à fondre dans la bouche du petit Georges, il descendait doucement et entrait... dans son esprit, il fallait absolument trouver, sinon Marie allait se moquer, et ça, ce n’était pas possible ! D’accord, elle était plus grande que lui, oh de presque rien, duex ou trois ans, mais ce n’était pas une raison pour toujours avoir le dernier mot…

Voyons, c’est sucré, c’est fort, plus fort que les cerises, mais moins acide que les prunes, quoi que…parfois un petit morceau éclatait sous sa langue et répandait un jus amère-sucré !

  • Du citron, c’est une tarte avec des citrons ! S'écria le petit Georges.

  • Ha quand même, tu y as mis le temps ! J’ai bien cru que tu ne trouverais pas !

Ouvrant les yeux, Georges vit Marie-Claude, les yeux au bord des larmes, se retenant de rire sur la blague de sa mère. Mais ce n’était pas un rire méchant, plutôt un rire complice.

  • Pourquoi as-tu fais un gâteau avec des citrons ? Maman n’en achète que pour Noël quand on mange des huîtres ! Tu es sure qu’on peut faire des gâteaux avec ?

  • Est-ce que c’est mauvais Georges ?

  • Oh non ! C’est très bon, mais heureusement qu’il y a beaucoup de sucre, sinon ça piquerait la langue.

  • Hé oui, le vinaigre c’est pour la salade, et le sucre c’est pour les gâteaux !

Georges compris plus tard que l’on pouvait associer cette phrase à beaucoup d’événements de la vie dans le monde souvent ignoble  des « marchent debout ». Les petites phrases vinaigrées à souhait pour appuyer là où ça fait mal, et la confiture bien sucré, pour te faire passer une vacherie que l'on vient de te faire ou qui est en cours.

Le goûter dura plus longtemps que prévu et les deux enfants montèrent dans la chambre écouter quelques disques sur le Teppaz de Marie. Des disques de ses parents ! Mais aussi quelques-uns uns qui venaient des Amériques.

  • Georges ! Tu as vu l’heure, le père Bauchet vient d’arriver, tu vas être en retard pour passer à table, dépêches-toi de descendre !

En effet Georges venait de reconnaître le lourd roulement de moteur du camion benne de Monsieur Bauchet. Le monstre d’acier bleu devait se garer le long du trottoir, ses grandes roues pleines de boue, et son tuyau d’échappement puant la vieille huile brûlée ; un peu comme celle dont se servait le grand-père René pour allumer le feu dans le grand jardin de la rue Armand Dutreix.

  • Marie, vite un bisou, je suis en retard !

Marie se retourna et fit, comme tous les jours, un bisou pigeon à Georges. C’est la mère Bauchet qui avait baptisé ainsi la façon qu’ils avaient de se dire au-revoir ; un bisou sur la bouche : un bisou pigeon. Pour la bise du bonjour, c’était sur la joue, une seule bise, une bise qui claque pour faire comprendre à l’autre qu’on était content de se retrouver pour quelques heures, mais la bise de l'au-revoir c'était le bisou pigeon, Marie-Claude et le petit Georges n'y voyaient aucun mal, et il n'y en avait pas... En 1956 !

  • Au revoir madame Bauchet et merci pour le gâteau au citr…

Georges fût freiné net par une barrière infranchissable. Le père Bauchet avait garé son camion plus vite que prévu et Georges venait d’enter en contact avec cet homme, gentil mais balourd, petit et carré, sentant toujours l’essence et le tabac. Il fumait sans arrêt des Gauloises et Georges avait mémorisé cette odeur de fumée bleue qui sortait de sa cigarette. C’était curieux car lorsque la fumée sortait de la cigarette, elle était bleue et quand elle quittait sa bouche, elle était grise. Pourquoi changeait-elle ainsi de couleur ? Il n’empêche que cette odeur mélangée à l’essence du gros camion, c’était, pour Georges, le parfum du père Bauchet, fragrance  qui restera à jamais associée à l’homme à la Gauloise et au gros camion bleu.

- Allez, passe donc petit, c'est l'heure de la soupe.

Et le père Bauchet d'un geste affectueux se contentait de tapoter la tête de Georges. Ce n'était rien ce simple geste, mais il voulait dire : - je t'aime bien toi ! Et ça c'est un petit bonheur à ramasser à la main et à conserver dans sa mémoire. Presque 60 ans après, je sens encore sa main, l'odeur du diésel et de la fumée de Gauloise, comme si j'étais sur les marches le la maison de marie-Claude ;

* * *

L’aube blanche

Ou... la fin d'un temps !

C’était un jour de grand soleil, un mercredi sans école. Après avoir fait les devoirs et rangé l’ardoise grise dans le cartable de cuir, Georges sortit dans la cour pour rejoindre l’atelier. Deux ouvriers coulaient le plâtre, blanc comme des œufs en neige, tournaient les moules, tandis que d’autres ébarbaient les coulures sur les statuettes de la veille, déjà sèches et prètes à partir à l’atelier de peinture.

Henriette était devant la hotte un pistolet à la main, et peignait en marron une pirogue dans laquelle une jeune femme déjà peinte en noir, pagayait le long d’une rivière imaginaire.

  • Alors mon petit Georges, c’est mercredi tu es tout seul et tu t’ennuies !

  • Non, je suis venu te faire un bisou, et après je vais voir Marie-Claude.

  • Marie-Claude ? Aujourd’hui tu ne la verras pas, elle est partie avec la mère Bauchet pour essayer son aube de communiante !

Son aube de communiante ! Georges se rappelait en effet que parfois Marie-Claude parlait de sa « petite «communion », de son apprentissage du catéchisme comme elle disait, et qu’après elle ferait sa communion solennelle. C’était certainement pour cette occasion qu’elle était partie en ville aujourd’hui.

Les semaines passèrent très vite après cette fin d’hiver de 1958. Le printemps, les fleurs roses sur les pommiers, les premières hirondelles qui passaient si bas qu’on pouvait voir leurs yeux – il va pleuvoir, les hirondelles volent bas – aurait dit la grand-mère. Puis les vacances de Pâques, suivies de la rentrée ; l’école, toujours l’école.... Heureusement, il y avait l’histoire et le calcul mental. Puis un jour du mois de mai…

  • Georges, demain je ne serai pas à la maison, il faudra que tu joues tout seul, je pars en car pour faire ma communion solennelle !

  • En car ? Et tu rentres quand ?

  • Le soir. Nous partons en car parce que nous sommes presque 30 communiants et communiantes. Tu viendras me voir ? Le car s’arrêtera devant la maison ?

  • Où veux-tu que je sois ! Bien sur que je serai là !

Georges passa une nuit agitée. En car et pourquoi en car ? Et puis pourquoi lui dire de ne pas oublier l’au revoir puisqu’elle revenait le soir même ?

Les premiers rayons du soleil filtrèrent au travers des persiennes en fer et se frottèrent sur les paupières de Georges. Il se leva aussitôt et se dirigea vers la cuisine.

  • Tu es déjà debout, il est à peine sept heures !

  • J’ai promis à Marie-Claude de lui dire au-revoir, elle fait sa communion aujourd’hui.

  • Ah oui c’est vrai, le car vient vers dix heures tu as le temps de faire ta toilette et de déjeuner.

Il est presque dix heures, Georges est dans la rue, assis sur le pas de la porte, les pieds posés sur une barre en fer qui sert à frotter la semelle des chaussures. Il fait beau ! Dommage qu’elle s’en aille, on aurait pu jouer aux fléchettes dans la cour, pensait le petit Georges.

Un grand car bleu descendait doucement la rue Mariette, ce devait être lui. Il s’arrêta devant une des maisons et un enfant que Georges connaissait peu car les parents disaient qu'il habitait trop loin du magasin, monta dans le car accompagné de plusieurs adultes. Etrange, il avait un manteau blanc ! Ha ! La chienne Eida aboie, Marie-Claude ne va pas tarder à sortir ! Georges écoutait tout et savait tout ce qui se passait. Les bruits des portes qui s’ouvrent ou se ferment, les semelles sur le sable ou les graviers, tous ces bruits lui permettaient en fermant les yeux d’imaginer le parcours de celui ou celle qui se déplaçait. Ecoutons ! Deux, non trois personnes sont sur les graviers de la cour, ça fait scrunch, scrunch… ils descendent l’allée de sable, ça fait criii, criii. Cling, ça c’est le bruit de l’ouverture du loquet du portail, dans trois secondes ils seront sur le trottoir, qu’est-ce que je suis malin, pensait Georges ! Je suis certain d'avoir encore gagné.... Oui, ils sont trois !

Il ouvrit grand les yeux pour confirmer qu’il avait gagné une fois de plus à ce petit jeu. Il les ouvrit et resta assis, impossible de se lever, de décrocher ses fesses de la marche de béton. Ce n’était pas possible, ce n’était pas sa Marie-Claude qui était là ? Non, ses yeux voyaient quelqu’un d’autre, une jeune fille dans une robe blanche avec un livre à la main, un livre qui avait les côtés qui brillaient comme de l’or sous les rayons du soleil. Marie-Claude quitta sa mère et se dirigea vers le petit Georges. Qu’elle était belle comme ça, toute blanche !

  • Et alors tu es collé à la marche ? Viens me faire un bisou, le car arrive.

  • Oui !

Etrangement, Marie-Claude lui fit un bisou pigeon devant l'air heureux de sa mère et de son père, habillés comme pour aller à un mariage. C'était la première fois que Georges voyait Monsieur Bauchet avec une chemise et une cravate, et surtout sans sa Gauloise allumée. Plus haut dans la rue, la Vedette tournait au ralenti, un peu comme Georges sur sa marche en béton, la vie semblait se ralentir, le temps s'arrêter... ou presque.

Le car bleu stoppa devant la maison, il était à moitié rempli d’enfants habillés de blanc comme elle. C’était donc ça les aubes ! Elle grimpa les marches, prit l’allée centrale et s’assit contre la vitre. La porte du car claqua, le moteur cracha une fumée bleue qui puait autant que le camion du père Bauchet, puis elle leva la main et Georges resta là, planté sur le bord du trottoir sans même pouvoir lever la main pour dire au-revoir. Georges n'avait pas vu sa mère arriver derrière lui, son père devait, comme d'habitude, être derrière ses factures ou dans l'atelier. Que Marie-Claude s'en aille habillée en mariée avec ses parents semblait peu lui importer.

  • Bon alors tu vas rester dans la rue jusqu’à demain ? Lui demanda sa mère.

  • Elle est partie !

  • Elle revient ce soir vers six heures !

  • Non, maman tu ne comprends pas, elle est partie, ce ne sera plus jamais pareil ! Hier, j’avais une copine et ce matin, dans sa robe blanche j’ai vu une mariée.... Elle a grandi maman, pas moi, tu vois bien qu’elle est partie !

Et Georges rentra en courant dans l'atelier, se réfugia dans les bras d'Henriette qui devait se douter de ce moment de solitude.

Le mois de mai, le car bleu, la robe blanche, les mains qui se lèvent, le car qui s’en va, diminue.... C’est fini, il a tourné le coin de la rue. De fait, cette journée fut le début d’autre chose, car Marie-Claude avait en un seul jour, quitté son enfance pour entrer dans l’adolescence et donc laisser Georges gérer seul ses sept ans. Ce fut son premier chagrin d’amour ! Mais c'est toujours celui-là qui reste à jamais gravé dans la mémoire d'un môme en culottes courtes.

Il s'était passé peu d'années entre l'orage à travers les clayettes et l'aube blanche, mais ce furent de très loin les plus belles ; après... Ce sera pour une prochaine histoire ! Mon histoire !

                                                                                 *  *  *  *  *

Appelez-moi Georges, comme mon oncle, ou Yves et René comme mes grands-pères, ou Antoine comme la plupart de mes ancêtres Bretons, j'aurai l'impression de les voir derrière mon épaule me regardant tapoter sur le clavier !

A suivre...

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Mémoires d'enfance ! Tome 1

Bonjour. Texte un peu long à lire. je vous conseille de l'enregistrer, voir de l'imprimer, pour en faciliter la lecture. Certains noms ont été modifiés.

                                                                                    *  *  *

Petite enfance - Moments de vie ou de non-vie - Les souvenirs sont là, encrés, et restent jusqu'au dernier jour pour certains (es) ou se dilueront dans un monde inconnu, ne laissant qu'une enveloppe vide pour d'autres!  Fragments de mémoires certes, mais pas une autobiographie, je n'en ai pas la prétention.


                                                                                   *   *   *

A travers les Clayettes

J’ai entendu une voix sourde, comme un roulement lointain, mais je ne sais pas analyser les bruits étouffés qui m’enveloppent ou m’emprisonnent. Autour de moi tout est doux, liquide, calme et rassurant. Je ne sais pas qui je suis encore, mais je sais que je ne suis pas vraiment moi et que je me laisse bercer et aimer lentement, au gré du corps qui m’abrite.

Je ne suis qu’un fœtus, gros comme un melon sans doute, enfin d’après ce que j’entends, mais je vais grandir très vite dans ce doux cocon, et dans quelques mois on dira de moi que je suis un bébé, un futur footballeur, un boxeur, ou que sais-je ou ne sais-je pas encore. Les autres, ceux qui sont de l’autre côté, ont semble-t-il beaucoup d’imagination pour donner des titres ou classer les « marchent debout » dans des tiroirs.

  • Alors il va bien ce bébé, il ne bouge pas encore ?

  • Non, mais bientôt je pense !

  • Mon premier c’était un vrai footballeur, il n’arrêtait pas de donner des coups de pieds, ho le cochon, il m’en a fait voir les deux derniers mois !

Les jours passent, les semaines, j’ai grandi je suis un peu à l’étroit dans ma bulle d’eau, et puis je donne des coups de pieds quand ceux qui sont dehors parlent trop fort. J’entends les bruits de la cour, le roulement des chariots avec leurs roues en fer, il y a parfois une odeur de fumée de bois qui semble dégoûter le corps qui m’abrite et me cache de l’extérieur. Je ne vois pas, je ne sais pas, je ne touche pas, je ne sens pas mais je sais quand l’amour est là. Je sais aussi quand la colère s’infiltre sournoisement dans mon espace-temps. Je sais quand la tristesse envahie l’univers qui me protège ; je ressens tout ça, je « sens » tout ça ! C’est étrange !

Presque neuf mois se sont écoulés d’après ce que disent les voix que j’entends à l’extérieur de ma bulle, je grandis, je bouge de plus en plus, je deviens curieux et impatient, j’en ai assez de cette espace devenu trop petit. Qu’y a t-il de l’autre côté de cette prison d’amour ? Un désir que je ne m’explique pas me pousse à aller voir de l’autre côté, à quitter ce nid pourtant fait de tendresse. Il faut que je sorte…

  • Poussez ! Je le vois, il se décide enfin à venir, je commençais à désespérer, il se trouvait bien au chaud et il ne voulait pas voir sa maman ce galopin ! Allez Madame poussez encore ! Non ça ne va pas assez vite, on n’y arrivera pas… Forceps !

Et puis, j’ai mal ; quelque chose me fait mal, ça serre mon crâne, enfin je crois que c’est la partie de mon corps que les « autres » appellent ainsi.

« On » me serre la tête avec quelque chose de froid en parlant très fort. Je ne sens pas sa main mais un étau qui me tire vers l’extérieure de cette bulle chaude où je flottais avec plaisir, presque avec jouissance. Puis soudain, le froid, la lumière, le bruit, le frottement rugueux de quelque chose sur ma peau et une grande douleur dans la poitrine, un déchirement venant de l’intérieur ; c’est ça dehors ? Il faut souffrir ? Alors je souffre, j’entends une voix. Ma voix… Je crie, enfin je crois ! Puis « l’autre » parle à son tour :

  • c’est un garçon, il a tout ce qu’il faut, il est marrant avec sa tête en pain de sucre à cause des forceps! Et puis la bosse qu’il a derrière la tête, ça lui servira à mieux tenir son béret ! Mais non Madame je plaisante, ne vous inquiétez pas, cette déformation passera en quelques semaines. A cet âge, les os sont plus souples que du fromage, dans 3 mois son crâne sera redevenu beau comme celui d’un angelot !

Et puis plus rien ne s’enregistre, un espace vide sans aucun souvenir, rien.

Plus rien pendant trois ans,  peut-être… Les journées, les semaines, les mois ont passés comme passent les hirondelles, très vite, tellement vite qu’on n’a même pas le temps de voir leurs yeux ! Elles tournent autour de toi dans la rue, passent entre les fils électrique, grimpent, plongent, tournent à droite, à gauche, piquent au raz du sol, et toi tu n’as le temps que de voir passer un petit oiseau noir avec une tâche blanche.

  • Pourquoi vont-elles si vite, demanda Georges à son père ?

  • Elles chassent les mouches et les moustiques pour les manger, mais comme ils volent vite pour ne pas se faire attraper il faut qu’elles se dépêchent !

Ha bon, elles mangent des mouches ? Drôle d’idée pensa le petit Georges.

                                                                                 *  *  *

L’orage

Ma vie avait véritablement commencé ce jour-là, ce soir d’orage, avant rien ! Le néant ! Aucun détail ne venait agrandir l’album de souvenirs de ma petite enfance, comme si ces mois passés à marcher à quatre pattes, puis à deux pattes s’étaient effacés de ma mémoire, ou même, n’avaient pas existé.

C’était en 1952 je crois. A travers les clayettes des contrevents fermés, les éclairs illuminaient la chambre aux murs recouverts de papier à fleurs. Des fleurs rouges et roses avec des feuilles vertes sur le mur du côté des fenêtres qui regardaient l’avenue, et sur l’autre mur, en face, les couleurs semblaient avoir été lavées, les rouges étaient roses, et les feuilles étaient de la même couleur que le verre de la bouteille de vin du grand-père Yves. Georges avait peur, peur de ce bruit, peur de ces coups de tonnerre qui ne revenaient jamais tout à fait régulièrement. Peur de cette grande chambre dont le plafond semblait si haut que même l’armoire semblait ridiculement petite. Dehors, l’orage grondait et les gouttes d’eau tombant sur les volets faisaient autant de bruit que les martèlements des sabots de chevaux qui passaient parfois sur les pavés de l’avenue de Naugeat.

  • Viens petit, avait dit la grand-mère, nous allons regarder l’orage tous les deux. Tu n’as pas peur au moins ?

  • Si j’ai peur, ça fait du bruit, et la lumière fait mal aux yeux !

Des éclairs passaient au travers les clayettes des volets, et déformaient tout l’environnement dans la chambre, l’armoire voulait se mettre à bouger, le cadre avec la photo en noir et blanc sur le mur semblait surgir de nulle part, et disparaître aussitôt. Bien sûr que Georges avait peur, quelle question !

Ses parents étaient partis en voyage, et leur absence devait durer plusieurs jours avaient-ils dit avant de partir à la gare de Limoges. Ils avaient confié le petit à la grand-mère Marguerite. Quelques mois plus tôt, le grand-père Yves « était parti pour un long voyage » avait dit la famille ; un très long voyage, sans doute, car les semaines avaient passé et il n’était toujours pas revenu, alors ce soir, c’est avec la grand-mère et l’orage, que la soirée s’écoulait au gré des coups de tonnerre et des éclairs. Demain, il pleuvrait encore et la journée se passerait comme les autres, à tourner les pages d’un journal écrit pour les grands, et à regarder le chat dormir comme un idiot dans le cageot d’oranges posé sous la fenêtre donnant sur la cour.

La grand-mère ne parlait pas beaucoup, à Georges en tout cas. Aux autres, bien sûr, les discussions semblaient normales, voir parfois chaleureuses quand il était question de l’atelier de papa. Peut-être que le grand-père était trop long à revenir de son voyage et le regard aux yeux bleu clair, presque transparents de la grand-mère semblaient ordonner le silence, Georges se demandait pourquoi, mais du haut de ses quatre ans il n’avait pas de réponse à donner. Dehors les éclairs se succédaient les uns aux autres et les grondements de canons qui suivaient ne pouvaient pas rassurer le petit Georges.

  • Un, deux, trois, comptait la grand-mère, il se rapproche. Tout à l’heure, j’avais compté jusqu’à cinq !

Il se rapproche ! Que veut-elle dire par là ? L’orage pourrait-il entrer dans la chambre aux murs de fleurs ? La grand-mère prit Georges sur ses genoux, bien en face des volets de bois bien fermés qui donnaient sur l’avenue de Naugeat. A chaque déferlement de lumière, les éclairs passaient à travers les clayettes et se répandaient dans la pièce en couvrant tout d’un flash blanc. Les objets et les meubles semblaient danser au gré des éclairs et leurs ombres mouvantes alourdissaient les murs. Georges serra très fort le bras de la grand-mère mais elle resta sans réaction à cette manifestation de peur. Georges était seul, l’orage dura longtemps, la grand-mère s’endormit et Georges descendit de ses genoux pour aller se cacher sous le gros édredon rouge tout en haut du lit. Puis l’orage s’éloigna, le calme revint dans la grande pièce, et le gamin ferma les yeux, laissant la grand-mère dormir sur la chaise de la chambre. Ces longs moments de bruits et de violence blanche se mélangèrent intimement et sournoisement dans sa mémoire avec un sentiment de solitude, et d’abandon, au début avec tristesse et incompréhension, puis bien plus tard avec indifférence. Après tout ce n’était pas bien grave, on ne peut pas être aimé de tous le monde.

Indifférence, Georges en eu le sentiment toute sa vie et il ne compris jamais pourquoi, mais c’était ainsi il fallait vivre avec ce manque de tendresse et passer à autre chose, c’est ce qu’il fit avec une totale indifférence étrangement mélangée à un soupçon d’amertume.

                                                                                    *  *  *

L’atelier de plâtre

Une année passa, sans autres souvenirs que cette soirée d’orage derrière les clayettes. Des pages blanches sans rien écrit dessus, sans odeurs, sans bruits, comme si la mémoire de Georges n’avait retenue que : la douleur de l’accouchement, l’orage, et quelques bribes de souvenirs floues, des odeurs, des bruits de machines aussi, Georges s’en souvenait, mais des adultes, des « marchent-debout » rien ou pas grand-chose ne venait alimenter ses souvenirs, sauf son père et sa mère bien sûr, mais aussi un homme un peu rond, un Italien, le Rital comme disait papa, qui sentait bon le saucisson à l’ail ! C’est vrai que certaines odeurs restent à jamais gravées dans la mémoire et sont associées à un événement, un lieu, une personne ; la mémoire olfactive, encore un mot qu’il faudrait retenir plus tard à l’école avait dit maman. Mais pour l’heure il ne s’agissait pas de se rappeler d’un mot, mais de l’inverse, il fallait relier l’odeur du saucisson à l’ail à ce qui ne pouvait être que celle du Rital dans l’atelier de plâtre. Georges se rappelait un court moment de sa toute petite enfance comme s’il avait eu lieu hier, parfois certains souvenirs s’effacent comme des traces sur une plage, tandis que d’autres sont gravés aussi durablement que dans le marbre.

  • Assis-toi pétit ! Viens manger un bout !

  • Je viens de boire mon chocolat !

  • Et alors ? Si tou veux être come io, mangi un pezzo di salame !

  • Mangi, quoi ? Du salame ?

  • madre di dio, di sauci… ? du saucisson, dans mon pays on dit salame !

  • Ca sent bon tu me fais goûter s’il te plait !

Plus de cinquante ans après ce goûter imprévu juché sur une caisse en bois dans l’atelier de plâtre, le souvenir du saucisson à l’ail explosait dans la bouche de Georges. Ce bon pain qui croustille et cette tranche de saucisson rose, l’odeur un peu fade du plâtre mouillé d’eau, ce n’était plus des souvenirs, mais une tranche de vie qui défilait comme un nuage bleu dans un ciel blanc, ou l’inverse peu importait. Une année passa, peut-être moins, ce n’est pas facile de réfléchir au temps passé, au temps qui s’est enfui sans s’être inscrit sur une page blanche. Le souvenir d’un bruit, d’une odeur, d’un mot qui claque, ce ne sont que des morceaux de vie, des miettes de souvenirs. Alors un mois, six mois, un an peu importe, mais le souvenir du saucisson à l’ail était accroché à la mémoire du petit Georges, le Rital, le plâtre, l’odeur du plâtre mouillé, tout était là, bien blotti au creux de son enfance.

Puis ce fût la veille du grand jour, la grande aventure vers l’inconnu ! Tout le monde en parlait ; dans les ateliers, à la maison, chez les voisins, tous semblaient attendre quelque chose d’extraordinaire et, inlassablement, répétaient les mêmes phrases.

  • ça ne peut pas toujours durer, les vacances, avait dit Madame Bauchet la voisine. Et puis, ça va nous faire du bien de ne plus avoir la marmaille sans arrêt dans nos jambes ! Chacun son tour, maintenant, c’est les instituteurs qui vont s’en occuper. Ma Marie-Claude, c’est sa troisième année.

Et la « mère Bauchet », comme disait la grand-mère, regardant gentiment Georges, lui demanda :

  • Alors, Georges, c’est pour demain ? Tu n’as pas peur au moins ?

Encore la peur ! Mais peur de quoi ? Il paraît que demain c’est le jour de la rentrée des classes et que les enfants quittent la maison, c’est vrai que c’est triste mais ce n’est pas bien grave puisque maman a dit qu’elle viendrait à l’école.

Et puis pourquoi faire toutes ces histoires puisque maman m’a dit en me prenant dans ses bras et en me serrant très fort :

  • Je viendrai te chercher à onze heures et demie pour revenir manger à la maison. Tu vas voir, tu vas trouver plein d’enfants de ton âge dans l’école. Tu vas te faire plein d’amis et tu vas aussi apprendre à dessiner. Tu sais, la maternelle, c’est la première étape vers la grande école pour apprendre à lire et à compter.

Enfin, c’est ce qu’a dit maman ! Mais pourquoi me serrait-elle si fort ? En y réfléchissant, n’avait-elle pas ce regard étrange qu’on parfois les grands quand ils font un gros mensonge ?

Georges resta sur cette mauvaise intuition le restant de l’après-midi, naviguant entre les bacs de plâtre de l’atelier de moulage et l’atelier de peinture qui sentait si bon.

En passant près du père Jaccopucci qui tournait et retournait les gros moules de plâtre, il l’interpella avec cet accent italien si étrange pour les oreilles, mais si facile à aimer même si l’on ne comprenait pas tout. Régulièrement, il mélangeait les deux langues, le français et l’italien et, ce, sans aucun scrupule ; même papa ne comprenait pas toujours ce que le père Jacopucci voulait expliquer.

  • Té voilà lo bambino ! Démain qué l’écolo…. Termina l’amousémi, termina !

Mais qu’ont-ils tous ? Lui aussi rigole pour demain ! Ce n’est pourtant pas son habitude de se moquer de moi et, même avec son mauvais français, j’ai compris ce qu’il voulait dire ! « Tiens voilà le petit. Demain c’est l’école, fini de t’amuser, fini ! »

Georges décida de recommencer un tour de l’atelier. Dans une heure, les ouvriers partiraient et le silence se poserait sur les chiens, les biches et les marquises en plâtre : alors ce calme donnerait une autre dimension à l’ensemble. Toutes les choses prendraient une proportion différente et deviendraient un peu plus inquiétantes. En faisant le tour des ateliers Georges se mit à penser à cette fameuse nuit ou il avait eu si peur.

Un soir, Georges s’était promené dans l’atelier pendant que les parents dormaient. Seule, la lumière de la lune entrait par les grandes baies vitrées tout en haut des murs ; alors, tout était devenu différent : les dizaines de chiens loups blancs, sortis des moules et bien alignés sur les planches de sapin pour les faire sécher, semblaient aussi froids et tristes que le monsieur mort, sur la photo du journal que papa lisait à midi. Mais eux, les chiens loups, en plus ils étaient nombreux, prêts à bondir vers le plancher de béton pour rejoindre Georges. Très vite, il se faufila vers l’atelier de peinture. Là, au moins, il y avait des couleurs et peut-être que madame Henriette, la dame de la peinture, avait décoré les belles jeunes filles aux cygnes ? Qu’elles étaient belles ces statues ! La dame était allongée sur l’herbe et elle caressait le cou d’un cygne blanc ; elle avait un regard tellement gentil qu’on avait l’impression que le cygne était son amoureux !

Il y avait aussi les enfants au parapluie ! Ceux-là ils étaient marrants, ils se faisaient un bisou sur la bouche sous le parapluie jaune et rouge. Pourvu qu’Henriette ait peint ces modèles, pensait le petit Georges en approchant des box de peinture. Il approchait d’une des deux cabines quand soudain au détour d’un chariot, il le vît. Pétrifié d’effroi, il resta tétanisé devant cette ombre gigantesque tendant un bras vers lui comme pour l’attraper. Georges recula et s’enfuit de cet atelier, maudit dans le noir, et si attirant le jour ! Cette nuit-là, il fit pipi au lit et, bien entendu, tout le monde mit ça sur le compte de la future rentrée des classes… Quant au géant de l’échappée nocturne… le lendemain matin, à l’embauche, Eliot (le deuxième mouleur) l’attrapa de son cintre et l’enfila en secouant le plâtre blanc qui le recouvrait. Le vilain fantôme n’était qu’une salopette, déposée la veille à la débauche.

Que de souvenirs dans ces ateliers, l’odeur du plâtre gorgé d’eau qui séchait sur les étagères en sapin. Venant d’un ancien baraquement des Américains que papa avait acheté aux domaines. Et puis la peinture glycérophtalique avec son odeur forte, lourde, enivrante, mais qui reste gravée dans la mémoire…du nez. Le plâtre qui s’infiltrait partout quand on le battait. Tout môme Georges avait appris à imiter les grands. Quand les statuettes étaient sèches, les ouvriers grattaient les « barbes » de plâtre qui avaient coulé entre les deux coquilles du moule, puis les ouvriers ponçaient les statuettes pour rendre le plâtre bien lisse. Après le ponçage il fallait « battre » les sujets pour éliminer la poussière avant la peinture. Antoine, le père de Georges, avait fabriqué avec des morceaux de manches à balais, des sortes de fouets avec des lanières de vieux chiffons, et c’est avec ces fouets improvisés que l’on enlevait la poussière du ponçage. Elle volait partout, entrait dans les narines, sous les ongles, dans les oreilles, sur les cheveux, mais c’était formidable, Georges travaillait comme les grands, on lui avait même confié une spatule en métal pour racler les « barbes » de plâtre, quelle fierté pensait Georges.

  • Tu rêves encore? Lui dit grand-mère Marguerite avec ses yeux bleus gris !

  • Non ! Mais si je rêve, c’est pas bien ?

  • Heu ! Si !

Tiens, c’est curieux la grand-mère n’avait pas su quoi répondre pour une fois, pensait le petit Georges. Mais il est vrai que les grands eux, ils savent tout ! Mais là sur le coup la mamy n’avait pas su quoi dire, pensait Georges un petit sourire au coin des lèvres.

                                                                                              * * *

                                            Premier jour !

Huit heures ! La cuisine sent bon le chocolat, mélangé à l’odeur âcre du café chauffant sur le gaz. Du bon chocolat en poudre cuisant tout doucement dans du lait. Il fallait sans cesse le tourner pour ne pas le faire coller au fond de la casserole. Les vapeurs de chocolat se dispersaient dans la maison en descendant du bord de la casserole, pour se répandre comme une brume au soleil, et enfin arriver dans les narines. Cette odeur parmi tant d’autres que la mémoire grave à jamais dans nos sens. En écrivant ces quelques lignes, Georges semble entendre la cuillère de bois de sa mère tourner dans la casserole en porcelaine blanche, et sentir l’odeur du chocolat noir fondant doucement dans le lait chaud !

Maman a mis ses habits du dimanche ; elle est belle comme ça, elle a un grand sourire mais Georges devine dans ses yeux, qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pourquoi a t-elle fait tomber le bol vide en disant :

  • Décidément c’est la journée, il ne manquait plus que ça !

Maintenant que le grand jour était arrivé, comme ils disent, Georges a peur de quitter la maison, peur de ne plus y revenir. C’est quoi l’école ? Pourquoi tous ces mystères ? Il se regarde dans la glace du couloir, il a les yeux tristes, il ne veut plus y aller ! Puis, il repense à la trousse toute neuve qu’il doit avoir pour franchir les portes de la maternelle, cette inconnue qui fait rire les grands, mais qui semble poser comme une brume, sur les yeux de maman.

A ce moment, son père lui tend un paquet en disant :

  • Voilà de beaux outils tous neufs Gérard; à toi de bien t’en servir!

  • Elle sent bon !

La trousse est bien là, semblant prête à sauter dans un cartable en toile que maman a cousu avec du tissu donné par le grand-père René. Elle sent bon le vrai cuir la trousse, et les crayons de couleurs sentent le bois coupé et la peinture fraîche ! Encore une odeur qui reste en mémoire. Les chaussures aussi sont neuves, un peu dures mais maman et grand-mère ont dit qu’il fallait marcher pour les rendre douces et que le chemin de l’école servirait à cela.

De l’atelier de la rue Mariette à la maternelle de l’avenue de Naugeat, il ne fallait que cinq minutes pour y parvenir. Cinq courtes minutes pour passer devant toutes ces maisons que Georges semblait découvrir pour la première fois, les yeux grands ouverts sur les façades aux volets gris, sauf celle du docteur, une grande maison bourgeoise aux persiennes et fenêtres blanches. La dame du docteur, c’est comme ça que l’appelait grand-mère Marguerite, était toujours habillée dans des habits du dimanche et ses cheveux, même le matin, semblaient en permanence sortir des mains habiles du coiffeur. Des gens chics, disaient les voisins, pas causant du tout avec les autres gens de la rue. Pensez ! Un docteur ! Un spécialiste en plus, ça ne se mélange pas à tout le monde !

Juste en face, une grande maison, neuve celle-là, pas belle du tout, carrée comme les cubes de bois avec les dessins de Mickey collé dessus. En bas une porte d’entrée avec un carreau ou l’on ne voyait pas à travers, et une porte de garage. Au dessus deux fenêtres et encore deux autres fenêtres plus haut. Dans cette maison habitait deux enfants, un garçon et une fille. Pourquoi Georges n’allait jamais jouer chez eux et pourquoi ne venaient-ils jamais à la maison, c’était un mystère mais c’était comme ça. Des fonctionnaires paraît-il ! Grand-mère disait que la dame avait une petite bouche. Ce n’est pas grave ça, pensait Georges ! Petite bouche ou grande bouche, le principal c’est bien d’en avoir une, non ? C’était tellement évident dans la tête d’un petit garçon de six ans que Georges pensait que parfois, les grands parlaient vraiment pour ne pas dire grand chose.

La maison plus haut était une grande bâtisse, aussi grande que la maison du docteur. Dans cette grande demeure, un peu austère avec sa façade grise, elle aussi, mais avec des volets rouges foncés vivaient quatre familles. Dans le couloir deux ou trois enfants, peut-être plus, se chamaillaient régulièrement ! Les gens qui habitaient là allaient tous au travail le matin de bonne heure et ne rentraient que tard le soir… Georges savait que l’un d’entre eux travaillait comme conducteur de Trolleybus, il avait un fils qui allait à l’école lui aussi, mais il ne sortait jamais jouer dans la rue. Les parents de Georges disaient que derrière la maison, il y avait des jardins que les hommes cultivaient de légumes et peut-être aussi de fraises, de groseilles et de cassis, des cassis gros comme des yeux de lapins, bien noirs ! Des cassis qui tâchaient les doigts si on ne faisait pas attention en les cueillant….

Une fois chez le grand-père René, Georges avait sali son pantalon et sa chemise ! Hum les cassis étaient bons mais…pas la fessée qui a suivi. Certainement que dans ce jardin, les groseilles, les fraises et les cassis étaient aussi bons mais il était inutile de demander à y aller, Georges connaissait d’avance la réponse.

  • Non mon petit, tu vois bien qu’on n’a pas le temps, et puis, ces gens on le les connaît pas assez pour les embêter chez eux. On verra l’année prochaine.

Tous les ans, il y avait une année prochaine, et en grandissant, il avait l’impression que son territoire ne s’agrandissait pas beaucoup.

Georges tenait la main de maman, ils arrivaient au carrefour de la rue de Fontaubert, encore quelques pas et….. Ce fût la panique ! Un mur de pierre immense, aussi haut que les fenêtres de l’atelier de peinture ! Sur le dessus, il y avait des tuiles rouges comme sur un toit de maison. Au détour du mur, l’avenue de Naugeat, et là, des enfants et des mamans. En y regardant mieux, il y avait beaucoup plus d’enfants qu’au premier regard car, la plupart d’entre eux étaient tellement accrochés aux robes de leurs mères, qu’ils semblaient se fondre avec elles.

Que va-t-il m’arriver ? pensait le petit Georges. Pourquoi pleurent t-il ? Je suis sûr que l’on m’a menti et que maman ne reviendra pas me chercher pour manger à midi ! Même cette dame pleure... et celle-là aussi… et celle-là également ! Moi, je ne pleurerai pas, je vais attendre onze heures et demi et, si maman ne vient pas me chercher, je partirai à pied à la maison ; après ? On verra ! Ainsi passa sa première matinée à la maternelle de l’avenue de Naugeat.

Georges s’en souvenait comme si c’était hier. Une petite porte de bois peinte en gris clair pour entrer dans la cour, de grands bâtiments sur la gauche avec des marches en pierre qui arrivaient presque aux genoux ; devant les marches, des pavés biens ronds à force d’être usés par les sabots des enfants, et au milieu de la cour du sable jaune, bien dur, qui arrachait la peau quand on se cassait la figure. Les deux murs de côtés se rejoignaient pour former une pointe et, au milieu de celle-ci, trônait un arbre centenaire, l’écorce polie par les petites mains des élèves. Cet arbre allait devenir son plus fidèle compagnon, oh certes un peu isolé du reste de la cour, mais de là, il pouvait regarder les autres et choisir celles et ceux qui allaient devenir ses futurs copains.

Enfin c’est comme ça que Georges voyait la vie, la regarder de loin pour se faire une idée et prendre une décision. C’était sa perception des choses du haut de ses six ans. La suite lui prouva que le fond de la cour n’est pas toujours la meilleure place et c’est bien souvent que Georges fût obligé de monter en première ligne et de forcer le passage pour avoir le droit d’espérer et de rester droit dans ses bottes. Il écrira plus tard, cinquante ans après:

  • Droit dans ses bottes, c’est bien, à condition qu’elles soient à la bonne pointure !

                                                                            * * *

   Le verre de lait

Michèle avait l’air triste ce matin, pourtant, d’habitude, sa bouille toute ronde avec ses joues couleur de barbe à papa au goût framboise, respirait la gaieté et l’espièglerie. Que s’était-il passé pour que son visage soit si triste ? Georges se posait la question mais n’osait pas demander à Michelle la raison de cette tristesse. Elle le raconta aux autres enfants dans la cour ; une première petite fille s’approcha d’elle et lui parla, elle répondit quelque chose en pleurant. Alors une autre gamine s’approcha à son tour puis, le grand Alain se joignit au groupe, suivi bien entendu, par ses inséparables chiens de garde : Jean-Claude et André. La cloche sonna, les enfants se séparèrent et les rangs se formèrent devant les escaliers de granit gris. Georges se mit dans la file et brusquement une claque lui tomba sur le sommet du crane !

  • Alors le moustique, t’as peur de nous ? Tu crois qu’on t’a pas vu tourner autour de Michèle sans oser t’approcher ? Georges est une vraie nouille, Georges est une vraie nouille, Georges est une vraie nouille, se mit à crier le grand Alain.

  • Monsieur Rougerie, cria une surveillante, vous monterez tout à l’heure au tableau et vous dessinerez des nouilles et puis, vous recommencerez sur votre ardoise ! Ce qui est certain Rougerie, c’est que si vous estimez que Georges est une nouille, vous, vous n’êtes qu’un vilain roquet !

Après l’intervention de la dame dans sa blouse rose et blanche, Rougerie fut mon premier « ennemi ». Deux années passèrent dans cette grande école bien douce. Deux années de joie, de chutes sur les graviers de la cour, de rires et de verres de lait à quatre heures ; un lait blanc, lourd et chaleureux. Il n’avait pas tout à fait le même goût que celui des vaches de l’oncle Paul mais presque, ou alors, c’était sa température qui faisait penser qu’il n’était pas le même. Il est vrai qu’à la ferme de Saint-Junien, avoir le bonheur de boire le lait juste tiré des pis de la vache, c’était un délice que les enfants de la ville ne connaissaient pas, hélas ! Puis, un jour de printemps, juste après le verre de lait, la maîtresse nous dit que nous allions la quitter pour aller à la grande école.

La grande école ? C’est quoi encore ce changement, maman ne m’a rien dit, pourquoi une école plus grande ? Celle-ci est déjà immense avec ses murs de pierres aussi hautes que quatre petits Georges. Avec des salles tellement hautes que, parfois, le plafond faisait tourner la tête et se confondait avec le blanc du ciel.

Georges demanderait en rentrant le soir, il était certain que la maîtresse avait raconté une histoire de grand et que tout ceci n’était que plaisanterie.

  • Papa, la maîtresse n’a dit que bientôt j’allais aller à la grande école, c’est quoi ?

  • Va demander à maman, pour l’instant je n’ai pas le temps de t’expliquer, mais elle a raison !

Bon et bien voilà, il faillait encore aller demander à maman. Les grands ont quand même une drôle de vie : toujours à travailler, à bouger, à transpirer, et ils n’ont jamais le temps de parler…de parler aux enfants bien sur, car, entre grands, il n’y a jamais de problème !

  • Maman, c’est quoi la grande école ? La maîtresse m’a dit que bientôt j’allais y aller !

  • La grande école c’est la même chose que la maternelle mais, dans cette école là, on apprend à lire et à écrire. On fait des devoirs, on apprend toutes les choses de la vie qui nous entoure et aussi celle des autres. On apprend la géographie, l’histoire, la grammaire, le calcul et, plus tard, la physique, la chimie, mais çà c’est encore dans une autre école !

  • Une autre école ? Encore ! Mais on change tout le temps alors ! Pourquoi dit maman ?

  • Pour avoir un bon métier et un bon travail. C’est bien non ?

Un métier ? Un métier comme le père Jacopucci ! Remuer sans cesse d’énormes sacs de plâtres et tourner et retourner toute la journée des moules aussi lourds que le petit Georges ? Après tout pourquoi pas, il a l’air heureux de faire ce métier-là ce vieil homme ! Les ouvriers chantent souvent pendant leur travail et, au repas de midi, dans la « gamelle » comme ils disent, ils rient et semblent se raconter de belles histoires ; ils sont heureux de travailler ensemble à fabriquer les statuettes de plâtre ! Oh, parfois bien évidemment, ils se fâchent entre eux, mais d’après la grand-mère quand les hommes s’engueulent, comme elle dit, c’est toujours à cause de la politique ou des fesses ! Des fesses ? Se fâcher pour un derrière ! Il ne voyait pas du tout ce qu’elle voulait dire…. Mais la grand-mère avait sûrement raison, même si Georges n’en comprenait pas le sens.

Et puis, il y avait Henriette et les autres dames de la peinture. Cette bonne peinture qui sentait bon mais qui faisait mal à la tête si on restait trop longtemps le nez dans la hotte d’aspiration. Henriette aussi était certainement heureuse de faire ce métier, toujours le sourire aux lèvres sous ses grands cheveux bouclés. Quand Georges la voyait dessiner de l’herbe sur le socle des statuettes, c’était un instant magique. D’abord elle pulvérisait sur le socle une couche de peinture qui avait la couleur jaune de la terre sèche puis, quelques minutes plus tard, quand les étagères en bois étaient pleines, elle changeait la couleur dans le réservoir du pistolet et, après avoir posé la première statuette sur la tournette au milieu de la hotte, elle attrapait de la main gauche une boule de frise de bois, et « pistolait » la nouvelle couleur sur les fibres. Et là ! C’était là l’instant magique ! La peinture passait ou ne passait pas au travers et dessinait les brins d’herbes sur la première couleur. Pour Georges, c’était un moment de bonheur.

Mais l’instant où Henriette était la plus heureuse, c’est quand elle peignait les visages. Avec de minuscules pistolets à peinture, elle rougissait les lèvres des belles dames, des messieurs et des enfants au parapluie, puis soulignait, en gris et noir, le nez et les yeux, et là : c’était à nouveau la joie que l’on voyait dans les yeux d’Henriette. Au fur et à mesure que les traits du visage apparaissaient à la sortie de la buse du pistolet, ses yeux brillaient et semblaient rire. Ce qui parfois avait surpris le petit Georges, c’est quand Henriette arrivait triste le matin, avec parfois les yeux un peu plus rouges que d’habitude ; étrangement, les statuettes de la journée avaient le même regard triste. Curieux cette façon qu’ont les grands de transmettre leur tristesse ou leur colère par leurs mains ou par leur bouche !

Le petit Georges appris plus tard, bien plus tard, que la main ou les mots retranscrivent souvent ce que le « cœur » leur dit.

Et puis, il y avait aussi le métier de maman et papa… Métier qu’il comprenait mal. A quoi pouvait bien servir de fabriquer des caisses et des caisses de statues, si c’était pour les redonner aux messieurs, qui venaient les enlever à l’atelier ? Le petit Georges compris le sens de ces interrogations le jour où il vit un client emporter trois caisses et donner en échange des billets à maman qui à son tour lui donnait une feuille de papier. Il avait vu des billets identiques dans son porte monnaie et elle les échangeait à l’épicerie de Madame Barget contre des légumes, du jambon ou de la farine, et aussi de temps en temps, contre quelques bonbons. Le petit Georges se dit que s’il fallait aller à l’école pour apprendre à peindre ou à vendre des statuettes, pourquoi pas, on verra bien demain !

                                                                                   * * *

Le gros soulier

Christine habitait la grande maison en pierres taillées, presque en face de la maternelle. Cette immense bâtisse grise et froide me faisait penser aux tombes du cimetière où la famille se promenait en hiver. Il était beau et froid ce jardin plein de fleurs, froid mais sans tristesse car Georges avait remarqué que si les grands se promenaient entre les tombes en traînant le nez vers le sol, dès qu’ils avaient quitté cet endroit, ils parlaient de rentrer au chaud et de préparer le repas ou de passer chez le parrain boire le thé. Pourtant, le cimetière, c’est un endroit magique avec toutes ces petites maisons pleines de fleurs, avec toutes ces belles lettres en or gravées dans la pierre. Ce que Georges préférait, c’était le vieux cimetière, celui où était le Monsieur de la photo, le grand-père Yves. Les tombes étaient posées au sol dans tous les sens, certaines étaient à moitié enfouies d’un côté, pendant que d’autres n’avaient plus qu’une vieille croix en fer et quelques pierres dessus, comme si un plaisantin avait bousculé cette rangée de cubes. Mais çà, les grands ne le voit pas, trop peureux sans doute par la tristesse des lieux. Ils disent que cette journée de fleurs est nécessaire pour se souvenir de ceux qui sont morts, qu’il ne faut pas oublier, qu’il faut toujours entretenir les tombes et le souvenir des anciens. Mais ils disent aussi que c’est du vrai gaspillage, qu’on a pas besoin uniquement de venir au cimetière ce jour-là pour se souvenir de ces chers disparus !  Ils ne sont pas faciles à comprendre les grands, car lorsqu’ils parlent du grand-père Yves ou d’autres aussi, ils disent souvent des choses pas très gentilles !

  • Ha ! ton grand-père Yves ! un sacré gaillard avec la vie qu’il a mené avec ses copains de marchés ! il l’a quand même un peu cherché non ? Donnes moi cette plante, petit, et passes moi la brosse que je nettoie cette fichue mousse !

La maison, où habitait Christine, avait, elle aussi, des pierres grises et des fenêtre de la même couleur. Une grande porte marron en haut de trois marches et, au milieu de la porte, une grande vitre avec des barreaux en fer. J’avais grandi maintenant, je pouvais aller à la grande école tout seul et je passais souvent la chercher. Christine me parlait toujours de l’école, de ce qu’elle avait appris la veille, de ce qu’elle apprenait le soir. Elle voulait toujours tout dire de sa journée et je n’arrivais pas souvent à placer une phrase pendant le trajet qui nous menait de sa maison à l’école, comme si elle voulait oublier quelque chose ou quelqu’un. Mais parfois, elle ne disait rien, pas un mot. Alors, je respectais son silence et je lui parlais de plein de choses : de l’atelier, des chiens en plâtre, du gros camion du père Boucher mais aussi des leçons de grammaire que Georges ne comprenait pas, de l’imparfait du subjonctif, du futur antérieur… Gentiment, elle lui expliquait, avec ses mots à elle, ce qu’il n’arrivait pas à comprendre avec l’instituteur et, curieusement, il faisait moins de fautes dans la dictée suivante.

Pendant le trajet, Georges l’aidait à marcher car elle avait une jambe aussi raide qu’un bout de bois. La polio, lui avait dit maman. Alors, ils mettaient un peu plus de temps pour aller à l’école, la grande car, cette année ils avaient changé d’école. Fini la maternelle avec son gros arbre centenaire, ils avaient grandi et gagné le droit de se servir de leurs trousses, pour apprendre à lire et à écrire, à l’école du Canadier pour les uns, ou de Jules Ferry pour les autres.

Christine marchait mal avec sa jambe droite comme un crayon et son gros soulier, mais ils étaient habitués à arriver juste pour le tintement de la cloche, enfin, la cloche de la cour des garçons car maintenant les filles étaient dans des bâtiments séparés. Le soir, la maman de Christine venait la chercher et Georges rentrait tout seul. Il les suivait à quelques mètres et il attendait avec impatience qu’elles s’arrêtent pour traverser la rue François Perrin et enfin pouvoir croiser le regard de Christine. Elle lui faisait toujours un sourire qui voulait dire : désolée, mais si je me retourne en marchant, je me casse la figure et, de toutes façons, je sais que tu es derrière nous, alors ça va !

Un jour, ce premier jour maudit qui le fit souvent souffrir dans sa vie de petit garçon, il lui a demandé :

  • Christine, c’est quoi la polio ?

Elle l’a regardé avec une telle tristesse dans les yeux que Georges s’est bêtement mis à pleurer. Maman lui avait expliqué que si Christine boitait, c’est qu’elle avait eu la polio quand elle était petite, en elle lui a fait comprendre qu’il était trop jeune pour comprendre ce qu’était ce mot étrange « poliomyélite ». Alors, pour savoir, ne valait-il pas mieux demander à Christine ? Depuis ce jour gris où il a sans doute posé la mauvaise question, elle n’a plus jamais accepté qu’il lui tienne la main pour aller à l’école. Puis, un matin, comme beaucoup d’autres, ils ont changé leur trajet. Ils avaient grandi sans doute, leurs vies avaient connu un court chemin identique et puis, quelque chose s’était bêtement cassé. Il n’a jamais revu Christine, ni sur le chemin de l’école, ni à l’école, comme si cette année de complicité devait être isolée du reste du temps, comme un rêve ou une légende.

                                                                                       * * *

                                                                   La poule naine

Les jeudis, ces journées où il n’y avait pas d’école, ces journées où j’allais chez le grand-père René et la grand-mère Marguerite, ces journées avaient une autre couleur, un autre goût, un autre ciel ! oh, j’aimais bien ma maison avec les parents et l’atelier, ma copine Marie-Claude et sa blouse de carreaux Vichy, mais, les jeudis, c’était les vacances ! Ces journées là….

Le feu brûlait dans la cuisinière et la grand-mère avait mis à sécher quelques serviettes sur le fil de la cuisine. C’était marrant de voir le grand-père tourner la manivelle d’une boite accrochée au mur et dérouler la ficelle qui servait à étendre les serviettes. Le chocolat chauffait doucement sur le coin du fourneau et des vapeurs lourdes emplissaient la pièce. A côté de l’école Jules Ferry, il y avait une usine de chocolat, les chocolats D’accord et quand ils faisaient cuire la pâte, tout le quartier ressemblait à un magasin de friandise… Les jeudis matin en avaient le goût mais avec en plus la grand-mère qui surveillait la casserole fumante.

  • Combien de tartines beurrées veux-tu mon petit ? Deux comme d'habitude ?

Bien sur que Georges voulait deux tartines ! Quelques fois, grand-mère Marguerite les garnissaient de beurre bien jaune et, parfois, elle posait une crème fraîche venait du lait qui avait bouilli sur le fourneau… Après la toilette, qui succédait au chocolat, Georges allait dans le jardin avec le grand-père, un grand jardin avec des rosiers jaunes, des marguerites, des œillets mauves mais aussi des légumes et ….. des poules et des pigeons. Quel plaisir de donner à manger aux poules, mais quelle fierté de s’occuper sous l’œil attentif de grand-père René, des pigeonneaux garnissant les nichoirs !

  • Allez, Georges, vient m’aider ! Tu vas me passer le maïs qui est à tes pieds.

Et une partie de la matinée se passait à changer la paille des nids, l’eau des abreuvoirs et parfois à repeindre à la chaux les lames de bois du pigeonnier. Il y avait là des Mondains et des Texans, de bons gros pigeons au vol lourd qui avait du mal à grimper jusqu’aux nichoirs. Certains autres, plus petits,

  • Ah, la rousse chante, elle a pondu un œuf ! Vas le chercher, Georges, et ne le casse pas s’il te plaît, elles pondent moins ces temps-ci !

Bien sur que j’allais faire attention, c’est fragile un œuf et puis, quand la grand-mère fait chauffer le jaune dans du lait avec un peu de sucre, c’est le bonheur assuré !

Un matin de printemps, grand-mère Marguerite revint du marché avec une petite boite en carton.

  • Georges, viens s’il te plaît ! J’ai une surprise pour toi !

Une surprise ? Un cadeau rien que pour Georges ? Ce n’était pas souvent que les enfants avaient des cadeaux en dehors des fêtes de Noël et des anniversaires ! Ce devait donc être une chose exceptionnelle ! Qu’avait fait Georges pour mériter un cadeau en plein mois d’avril ? Il était né en décembre et sa fête était en février. Georges ne comprenait pas mais courrait vers les deux anciens aux cheveux blancs qui souriaient devant la maison.

Le grand-père prit Georges sur ses genoux et la grand-mère lui tendit la boite en carton. A l’intérieur, ça bougeait, ça faisait un bruit comme ….les pigeonneaux ! Impossible pensa Georges, il leur faut une maman, ils ne peuvent pas rester dans une boite, sans eau et sans grain.

  • Alors, tu l’ouvres ce carton ?

Pas facile de tenter l’aventure, pas facile d’ouvrir la boite. Et si c’était un coq qui pique les mollets ? Georges ouvrit doucement, très doucement le couvercle et….découvrit une petite poule, la même que celles du grand-père mais beaucoup plus petite, avec des plumes blanches et noires.

  • C’est « ta » poule naine mon petit Georges, Pépé lui a coupé les plumes des ailes. Comme ça, tu pourras jouer avec elle dans le jardin et le soir on la rentrera avec les pigeons !

Que de jeudis ont passé à jouer avec la poule naine qui se cachait dans les rosiers pour avoir la paix. Un jour, elle a même réussi à s’envoler chez Madame et Monsieur Bonnet. Comme ce n’était pas le grand amour avec les grands-parents, c’est moi qui suis allé la chercher dans le jardin et j’en ai profité pour rester un moment avec mon copain Michel, le fils de marraine.

Puis je revins à la maison. La grand-mère avait arraché les fanes de haricot verts et avait fait un tas dans le jardin. Quel beau matelas, pensa Georges ! et hop, les fesses les premières sur le tas de branches vertes. Un bruit étrange arriva à ses oreilles… un bruit de porte qui grince, un bruit qui rend mal à l’aise… Georges écarta doucement les branches et aperçu la poule naine qui s’était caché dans le tas de fanes de haricots. La grand-mère avait vu la scène et ne dit rien car le chagrin, qui envahit Georges en soulevant le corps sans vie de son premier cadeau, suffisait sans doute à la punition. Casser un jouet, c’est grave mais …ôter la vie de la poule naine, c’était très certainement, pour lui, une vie entière de méchants souvenirs !

Oh bien sur ! le petit Georges en rentrant chez les parents retrouverait les poules de la mère Bauchet, mais elles étaient grosses, moches et méchantes avec leurs becs pointus qui vous piquaient les mollets. Sa fille, Marie-Claude, riait à gorge déployée quand le vieux coq gris piquait les fesses. Non, Georges n’oublierait pas la poule naine, jamais !

                                                                                    * * *

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LE GOÛT DU SEL...

Il prend les formes les plus diverses

Exalte nos sens et nos papilles

Si dans nos vies il pleut à verse

Titille nos lèvres quand nos yeux brillent!

Le goût du sel...

Quand l'été sonne à notre porte

Que du bon temps on peut saisir

Que la mer au loin nous emporte

Son parfum évoque le plaisir!

Un goût de sel...

Si des embruns caressent nos joues

On peut sentir sur notre peau

Une fraîcheur qui nous enjoue

Puis une ardeur qui nous rend beau!

Le goût du sel...

Dans notre vie si nécessaire

Et bien trop souvent malmené

Il doit assumer de déplaire

Car être certes un mal aimé...

Goût trop salé?

J.G. 

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Larmes d'été

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Larmes, perles de solitude, 
sur les joues forment un menu sillon salé,
tiède énurésie diurne, coule doucement,
délice rafraichissant comme pluie en été.
 
Pas de ces violents orages de mousson
que les nerfs ont lâchés, en trombe,
par saccade spasmodique
en hoquets symphoniques.
 
Non, un collier fragile, léger, pudique
un voile de larmes de fond tirées de l’âme,
juste de quoi réhydrater 
un coeur un peu aride, à force de retenue.
 
Larmes salées, amères et douces
trépas maladroit d’une illusion perdue
Larmes à gauche, larmes à droite
Larmes au point final.
 
 
P.L
Photo Man Ray
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L'aube du grand soir

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Au chevet de la rive 
un homme était assis,
 écoutant dans la mer
 l'histoire de sa vie.
 
A l'aube du grand soir
 il contemplait son oeuvre,
incertain que ce fut 
la sienne tout à fait.
 
Sans espoir de retour, 
il revoyait les heures
qui paisibles ou cruelles 
avaient scandé son temps.
 
 
Heures bleues, heures vertes, 
plus souvent pure perte
heures noires, besogneuses 
à la Machine offertes.
 
Heures volées sans conscience, 
à la tâche employées,
brave soldat cravaté
à sa mission vissé 
 
Alors que toute sève 
en lui se retirait,
éloignant de sa peau 
le goût du merveilleux.
 
L'eau mouvante racontait
 dans son immensité
l'éphémère passage
et son absurdité,
 
le mystère de la vie,
 ressac de l'immanence, 
parfum d'éternité, 
reflux de transcendance.
Pascale Landriq
                                                 
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Une parade de mots

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Ue parade de mots

Croquis de Jacques Choucroun

À M.Robert Paul

Des mots qui s'accrochent, se collent.
Des mots qui s'écartent, s'envolent. 
Des mots fripons qui déshabillent. 
Des mots qui hésitent, qui n'osent.
Des mots qui claironnent, s'imposent.
Des mots qui se métamorphosent.


Des mots planant en esseulés.
Des mots demeurant enlacés.
Des mots galopant, effrénés.
Des mots mourant déracinés.


Des mots forgés, créant la peur.
Des mots délavés, sans couleurs.
Des mots parfumés comme fleurs.
Des mot portés par la douceur.

6 août 2016

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La saveur de l'innocence

Pantoum

Le vent souffle sans violence.
Certes je me sens exister
Dans la claire réalité.
Ce jour n'offre pas de nuances.

Certes je me sens exister,
En n'ayant aucune importance.
Ce jour n'offre pas de nuances.
Je paresse sans hésiter.

En n'ayant aucune importance,
Me suis arrêté de chanter.
Je paresse sans hésiter.
J'aime à planer dans le silence.

Me suis arrêté de chanter.
Dans l'indifférence, je pense.
J' aime à planer dans le silence.
Ne cherche pas la vérité.

Dans l'indifférence, je pense. 
Oublie les printemps, les étés.
Ne cherche pas la vérité.
Vienne légère l'innocence!

5 août 2016

 

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Les fées JGobert.

 Debout autour du berceau, les fées ont, d’un coup de baguette magique, façonné le destin, la destinée d’un nouveau-né. Innocente victime du XXI me siècle, il a reçu d’étranges pouvoirs. Cadeaux dont il pourra se servir. Près de lui, venue avec les fées, une alliée de l’enfant, qui ne le quittera pas. Elle s’est installée à ses côtés et compte bien y rester.
Les adultes l’entourent, le gâtent, l’admirent. Mais la vie d’un nouveau-né n’est pas toujours  aisée. Dans son couffin, l’enfant pleure, gémit, hurle. Il a faim, il a soif. Arrive la nuit, il crie, s’époumone. Sa mère le prend, le cajole, le berce mais ce petit bout d’homme est en proie à d’horribles cauchemars.
Son amie est à ses côtés et commence sa délicate mission. Doucement elle le rassure de mots sublimes, incompréhensifs par les humains. Elle s’oppose délicatement aux abominables songes de l’enfant sachant que les hommes ne peuvent les contenir. Rien n’est simple, facile mais elle s’invente des raisonnements, des arguments pour lutter, le protéger.
Devant ce petit cœur en détresse, elle prend sur elle l’épreuve qui trop tôt accable ce petit homme.
Elle est debout dans les terribles cauchemars et repousse fermement ces visions qui terrorisent l’enfant. Au petit matin, apaisé, l’enfant dort dans les bras de sa mère. L’esprit encombré d’images, marqué par la peur.
Les fées ont de tout temps donné des pouvoirs, fabriqué des êtres étranges, insolites, les rendant parfois fragiles, souvent sombres. Cette fois, elles n’ont eu qu’indélicatesses, goujateries pour ce petit homme.

Les nuits se suivent. Son amie ne se considère pas vaincue. De peur en peur, elle finit par inventer des jeux pour que les rêves s’adoucissent, s’apaisent. L’enfant deviendra de plus en plus tenace. Un sentiment étrange de puissance lui montre le chemin.
Le petit garçon a grandi et son imagination s’est développée, libérée. Son amie est toujours présente à ses côtés et l’éduque avec sagesse. Son esprit est maintenant en mesure de se défendre et de comprendre. Il a bien évolué. Sa mère en est fière.

Les fées se sont trompées. De l’être extraordinaire, façonné par elles, est né un homme sage, éclairé qui n’a pas révolutionné, bouleversé  le monde. Il est resté naturellement humain et a trouvé une route vers le bonheur.
Sa mission accomplie, l’alliée des mauvais jours est partie vers d’autres horizons. Elle a rejoint un autre nourrisson marqué  d’un coup de baguette magique.

L’homme la regrette mais il sait qu’il n’a plus besoin d’elle.

Chassez ces fées qui, autour du berceau, font des sermons, des louanges. Rien n’est plus important que la paix de l’âme aussi petite soit-elle.

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Une attaque odieuse

Soliloque

Dans la fraîcheur et la brillance,
J'éprouvais un plaisir intense
Écoutant parler Jean Joubert,
Poète en prose autant qu'en vers.

« L'homme de sable », un heureux choix!
Face aux aveux de ses émois
Et à sa touchante allégresse,
Me sentais emplie de tendresse.

Quand ils ne sont pas emphatiques,
Mais descriptifs et véridiques,
Les mots ont un pouvoir immense.
L'art d'en user est une chance.

Mon corps ne bougeait nullement;
Or tressaillit subitement.
Il subit l'attaque odieuse
D'une bestiole venimeuse.

Je trouve inouïs les effets
Que cause une petite plaie.
Je pensais souffrir quelques heures.
Cette espérance fut un leurre.

Je me surprends à méditer
Sur ce qu'on ne peut éviter.
Je veux garder ma confiance,
Mon agréable insouciance.

4 août 2016

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À New York, la nuit dernière

Alors que mon regard distrait
Erre sur le gazon doré,
La mélancolie me pénètre.
Mon rêve de la nuit, peut-être?

J'étais à New York, exaltée,
Une fausse réalité.
En cet instant je ressuscite
Et près de mes parents, j'existe.

Ils ne savent rien de mon trouble,
Par décence, je me dédouble.
J'adore un être exceptionnel.
Il a trente ans est colonel.

Cardiologue remarquable,
Il a un charme incomparable,
Essaie de parler en français,
Nous incite à l'encourager.

Débarquement américain,
Sur les rivages marocains.
En notre pauvre résidence,
L'introduisit la providence.

Mon père invitait des soldats.
Ce haut gradé n'hésitait pas,
Quand il s'éloignait des souffrances,
À les suivre dans leurs errances.

À New York, la nuit dernière,
M'est apparu dans la lumière
Un homme blond. Était-ce lui?
Une immense joie m'envahit.

3 août 2016

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Le beau dans la modernité


Souvent pour la première fois,
Quand exposé à la brillance
Un drap épinglé se balance,
Suis ravie de ce que je vois.

Formes et couleurs combinées,
En harmonie, artistement,
Révèlent l'art et le talent
De qui sut les imaginer.

Des choses utiles et belles
Me charment accidentellement.
Je les emploie aveuglément,
Apprécie qu'elles soient fidèles.

Aux lieux ou perdure l'aisance,
L'immense créativité
Affirme sa modernité.
Ne s'impose aucune évidence.

Fascination, recueillement
Quand le divin est de passage.
Chacun le reçoit en partage.
S'offrira éternellement.

2 août 2016

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Jusqu'à la lie

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Dans le partage ou dans l'ivresse les vapeurs ainsi libérées de la tourie
nous livrent dans leur langage empreint de poésie le sacré de la terre.
Alors que la bouche et l'âme se rapprochent de sa féconde robe
son feu et son parfum bienfaisant deviennent l'enchantement
sensuel qui prend le cœur d'une étreinte infinie.
Ô chaleur suave, ta délicate sapidité circulant dans l'esprit
met nos sens en lévitation et illumine de couleurs
vermeilles nos voyages insulaires.
Ainsi, avant que l'éclat de la nuit ne se retire
tu enlaces de ton soyeux nos verbes nuancés,
laissant nos corps alanguis dans une sorte d'apostasie.

Nom d'auteur Sonia Gallet

recueil © 2016
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Solidarité avec la chaîne humaine qui traverse le monde pour Oscar NOTTIN avec toutes les petites souris de Bout de Zinc, amitiés à ses parents, Virginie et Pascal, et courage à Oscar.

L’enfant Oscar

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.

Entouré d’amis

L’enfant souffle les bougies

Sur le gâteau

La maison envahie de cris d’enfants

Crée une gaieté grouillante

L’amour explose des yeux de ses parents

.

Le soir venu

La paix revenue

Le corps fatigué par tant de bonheur

Prend un repos mérité

Voulu salutaire

Sauf que …

La suite en suivant ce lien :

https://librebonimenteur.net/2016/08/01/lenfant-oscar-solidarite-avec-la-chaine-humaine-pour-oscar-nottin/

.

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Seule, s'écrit une autre page


Rêverie

Même quotidien qui varie,
Selon la dose d'énergie,
Dont chaque matin je dispose
Et des choix que je me propose.

Laissant se reposer mon corps,
Que je dispense des efforts,
Je consacre certes à mon âme
Mon attention de vieille dame.

J'apprécie des instants de vie
Quand ma mémoire est assoupie
Et que soudainement surgissent
Des grâces qui la rajeunissent.

Elle reste emplie d'innocence
Faisant perdurer sa jouvence.
Elle accueille l'indifférence
Qui neutralise la souffrance.

Je me sens souvent agacée
Rendue contrainte de penser.
Mon esprit jamais ne s'endort
Ne demeure pas au point mort.

Subitement des mots m'arrivent,
M'entraînent sur une autre rive.
De l'errance passe au langage
Seule, s'écrit une autre page.

Ier août 2016

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