Du 30 – 09 – au 16 – 10 -16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), a le plaisir de vous présenter une exposition dédiée à l’œuvre du peintre belge, Monsieur MARC BREES, intitulée FLORILEGES SURREALISTES.
MARC BREES nous démontre, par son œuvre, que le surréalisme peut se décliner de multiples façons tout en conservant la magie des éclairages ainsi que les éléments fondateurs dans ce domaine pictural, tels que le bleu magrittien du ciel, ex. LES PARADIS PERDUS (80 x 100 cm – huile sur toile),
le chapeau melon du VESTIAIRE IMAGINAIRE (50 x 60 cm – huile sur toile),
le côté épuré de l’espace au centre duquel se distingue le sujet de C’EST ASSEZ, CETACE (60 x 60 cm – huile sur toile)
ainsi que sur l’essence même du surréalisme dans l’expression de sa sacralité : ESPECES EN VOIE DE DISPARITION (50 x 60 cm – huile sur toile).
L’artiste nous redonne également la preuve que cette écriture peut réinterpréter les classiques de l’histoire de l’Art, comme il le démontre dans LA MORT DU DOGE (162 x 97 cm – huile sur toile).
Comme toute forme d’art, le surréalisme (qu’il soit pictural, cinématographique ou littéraire) procède par signes ou plus exactement, par la mise en signes à l’intérieur de l’espace, laquelle dialogue avec le visiteur par la présence provocatrice de chaque élément l’interpellant directement.
LES PARADIS PERDUS (cité plus haut) nous montre, au centre de la composition, juché sur un socle, le personnage biblique d’Eve, prise à l’instant où elle est encore en accord avec l’injonction de Dieu de ne point manger du fruit défendu. Ce fruit, que l’on traduit depuis maintenant des siècles par « pomme », est représenté dans un registre inférieur, reposant sur le chapiteau d’une colonne antique. Remarquons que la pomme vient d’être à peine entamée. Derrière Eve, un diptyque séparé par l’arbre de la Connaissance resplendit au cœur d’une végétation luxuriante. L’ensemble de la composition repose sur un sol en damier lequel commence déjà à se désagréger, à l’avant-plan. Ce qui conduit notre regard vers la droite de la toile, sur laquelle se profile la même scène dans une répétition du récit où la mort se manifeste par l’apparition d’une Eve en décomposition, répondant à l’arbre de la Connaissance réduit à l’état de squelette. Cette scène symbolise la chute d’Eve, chassée de l’Eden. Oui mais…et Adam dans tout ça ?
Eve n’était pas goinfre au point d’engloutir la pomme toute seule ! Dirigeons à présent notre regard sur la partie gauche de la toile.
Une scène à l’aspect assez hermétique nous interroge sur l’exégèse totale du tableau. L’on y voit, pendant sur un petit bout de bois taillé en pointe, un lambeau de tissu famélique. Le visiteur peut passer cent fois devant ce détail sans qu’il ait la moindre idée quant à sa signification. L’interprétation de l’artiste est la suivante : le morceau de tissu est en fait le fragment d’une burqa, symbole de la soumission de la Femme par un islamisme intolérant. Dès lors, la présence de la seule Eve se justifie par une apologie de la Femme en souffrance. Le titre de l’œuvre LES PARADIS PERDUS dépasse le récit biblique. Par l’actualité de son contexte politique, l’artiste détourne l’histoire vétérotestamentaire, laquelle par le fait même de la présence d’Adam, permet au couple primordial (même maudit) d’entrer dans l’Histoire, en donnant un futur au genre humain par le biais de la désobéissance originelle. En d’autres termes, d’une histoire finalement positive, l’artiste donne au récit une finalité tragique. La présence de la pomme, à peine croquée et qui déjà commence à s’oxyder (au centre de la composition), laisse entrevoir la possibilité d’une issue mortifère. Néanmoins, l’élément surréaliste reprend le dessus en enveloppant la scène du bleu tributaire de Magritte que nous évoquions plus haut. D’un point de vue strictement sémantique, le véritable sujet de la composition n’est pas l’Eve trônant sur son socle mais bien le personnage squelettique à la droite de l’image, violé et ostracisé par un univers machiste et rétrograde.
LE VESTIAIRE IMAGINAIRE (cité plus haut) joue avec la suspension des éléments picturaux dans l’espace, offrant à l’image une grande légèreté narrative. Compris entre deux zones rouge-clair (en haut et en bas de la toile), un porte-manteau fait office de vestiaire sur lequel pendent les mythes de Tintin et des thèmes de Magritte, en un seul tracé évocateur. Trois chapeaux melons reposent sur une surface plane, au bas de laquelle sont suspendues trois cannes. En partant de la gauche, nous remarquons que le premier couvre-chef appartient à un certain Dupond (avec un « d »), que le second est au nom de Dupont (avec un « t ») tandis que le nom du propriétaire du troisième chapeau melon n’est (en apparence) pas mentionné. Dupond est associé au chiffre 07 et Dupont au chiffre 77. Le troisième chapeau, apparemment sans propriétaire, est associé au chiffre 67. Mais voilà que les choses se précisent quant à son identité puisqu’une pomme s’affiche sur sa droite. Sous le couvre-chef de Dupond apparait le monogramme « R » tandis que sous celui de Dupont se trouve un second monogramme : « G ». Pour les « tintinophiles », abonnés jadis au « Journal de Tintin », l’énigme se précise, en ce sens que l’addition de tous ces signes indique que l’âge des lecteurs du journal est compris entre « 7 et 77 ans ». Que les monogrammes « R » et « G » cachent le pseudonyme d’Hergé (Georges Remi à l’état civil). Mais….tonnerre de Brest ! Que vient faire le chiffre 67 dans tout cela ? Et cette pomme ? Ne perdons pas de vue que nous avons trois chapeaux melons, alignés l’un à côté de l’autre…que le chapeau melon est l’élément distinctif des détectives Dupond et Dupont. Mais aussi celui d’un certain Magritte, associé à cet autre élément qu’est la pomme (LE FILS DE L’HOMME - 1964) Dès lors, l’énigme trouve sa réponse. Quant au chiffre 67, il correspond à la date du décès de René Magritte, survenu le 15 août 1967. Sous le chapeau de ce dernier, pend une canne couleur bleu-ciel, la couleur du surréalisme. Les deux autres cannes sont, évidemment, indissociables des deux détectives.
C’EST ASSEZ, CETACE (cité plus haut), est sans doute la toile qui répond le plus à l’esthétique magrittienne. De la surface épurée (évoquée plus haut), se dégage le sujet dont nous n’apercevons que la partie visible (la queue de la baleine) s’apprêtant à plonger à travers un rideau rouge-vif, rappelant la scène d’un théâtre. La mer est réduite à l’état d’écume. A l’avant-plan, un harpon. Il s’agit, de par le sujet comme de par le titre, d’une œuvre de dénonciation de la chasse aux cétacés. Remarquons l’excellent effet visuel obtenu par le mariage chromatique du bleu-gris de la baleine et du rouge (en dégradés) du rideau ainsi que par celui de l’arrière-plan, séparé par le blanc immaculé de l’arc en plein cintre. L’écume de l’océan qui se retire ainsi que le brun du planché, évoquant non pas la douceur du sable mais bien une matérialisation de la dureté, à l’avant-plan, ainsi que la symbolique du rideau sanglant (la baleine se vidant de sa consistance), termine notre prise de conscience du signe.
ESPECE EN VOIE DE DISPARITION (cité plus haut) est une œuvre répondant à une sémantique entremêlant histoire universelle et souvenir personnel dont il ne reste plus que l’empreinte. Il s’agit de l’évocation du net recul du catholicisme au sein de la société. Cela se perçoit par l’absence de la croix dont nous ne voyons plus que l’empreinte à partir d’un cadre dont le verre a été brisé (ce qui sanctionne un état de révolte). Réduite à l’état de squelette, la grenouille de bénitier bondit vers le visiteur. L’image pieuse qui rappelle la récompense distribuée jadis aux élèves des écoles catholiques ainsi que le rameau d’olivier, sur la droite de la toile, évoquant une paix qui tarde à arriver.
Le surréalisme, à l’instar de bien d’autres styles parcourant l’histoire de l’Art, a fait souvent des incursions dans d’autres époques.
En l’occurrence, LA MORT DU DOGE (cité plus haut) fait référence à LA LECON D’ANATOMIE DU DOCTEUR TULP de Rembrandt (1632).
Tout dans cette œuvre respire la mort. Les personnages, bien qu’humains, n’ont pas de visages. Ceux-ci sont remplacés soit par des masques, en ce qui concerne les médecins. Tandis que les élèves, assistant à l’origine à la leçon d’anatomie, ont des têtes de rapaces. Le visage du Doge, mort, est enveloppé d’un foulard opaque (lequel, stylistiquement considéré, n’est pas sans rappeler LES AMANTS de René Magritte (1928), dont le visage est recouvert d’un même foulard dont la forme évoque celle porté par le Doge). Ce qui à l’origine, était une pince à extraire les viscères, devient une tige se terminant par une main en réduction, faisant un geste de bénédiction. Elle est posée sur la robe rouge du Doge ornée du Lion de Saint Marc. Sur la droite, quatre colonnettes de marbre blanc reposent contre le mur. Deux d’entre elles se terminent également par des têtes de rapaces. Pour accentuer le côté masqué des personnages, la tête des assistants en forme d’oiseaux de proie, repose sur une fraise d’un blanc immaculé, laquelle contraste violemment avec la couleur terne de leurs manteaux (brun en dégradés et noir), tout en accentuant leur aspect féroce. Le masque des médecins, lequel n’est pas un masque protecteur contre les miasmes mais bien un masque de carnaval (nous sommes à Venise…), couvre toute la surface supposée du visage et se distingue nettement du vêtement noir. Il ne s’agit pas simplement de la création d’une œuvre sur une autre mais bien de la réinterprétation d’une œuvre déterminée en termes culturels et politiques, participant d’une approche à la fois contemporaine et personnelle. Dans ce cas-ci, l’interprétation relève d’une attitude de défi par rapport au pouvoir politique (illustrée par le Doge). Le médecin atteste de sa mort comme d’une délivrance. A y regarder de près, l’interprétation de l’artiste ne varie guère de celle de Rembrandt, puisque ce dernier avait conçu le tableau comme un manifeste en faveur de l’autopsie, condamnée par les autorités religieuses. Toutes deux sont des œuvres de contestation.
Il est impossible de ne pas s’incliner devant la maestria de MARC BREES, à la vue de cette interprétation picturale!
Les perspectives avec l’œuvre de Rembrandt ont été restituées ainsi que le flou duquel surgit le brun de l’arrière-plan avec ses éléments à peines perceptibles. La position des neuf personnages ainsi que le jeu des mains (sortant des vêtements) est identique.
La dynamique formée par les cinq personnages à la droite du médecin (à gauche pour le visiteur), formant un mouvement rotatif a été respectée. Enfin, le raccourci du corps du Doge, conçu presque de trois-quarts pour que celui-ci « entre » dans l’espace, ne laisse aucun doute sur la virtuosité de l’artiste. Dans l’œuvre originale, le corps est nu et presque translucide. Le médecin lui ouvre le bras gauche duquel surgissent les muscles et les veines. Ici, la pince se terminant par une main en miniature est posée sur la robe rouge du Doge, à hauteur du ventre, surplombant la tête du Lion de Saint Marc, c'est-à-dire, la tête pensante du pouvoir politique.
Vous serez surpris d’apprendre que MARC BREES est un autodidacte. Mais, à la différence de certains autodidactes qui commencent tard, l’artiste a débuté son chemin dans la magie de la peinture vers les dix ans. Son premier choc pictural fut Chagall et bien sûr, Bosch. Du côté maternel, l’artiste provient d’une famille de musiciens. De ce fait, il est extrêmement sensible à la musique et cela se perçoit dans la mise en scène de ses couleurs, lesquelles ne se livrent jamais à outrance mais respectent l’harmonie chromatique qui sied au surréalisme. Inutile de préciser qu’il adore Magritte et qu’à ses dires, il s’est toujours senti « surréaliste ». Il se définit également comme une espèce de « touche à tout », ce qui lui a permis d’évoluer comme Directeur du marketing et de la communication au sein d’une entreprise. Cette expérience se retrouve, notamment, dans l’arrière-plan d’ESPECE EN VOIE DE DISPARITION, conçu pour évoquer la brillance du papier peint couleur or.
MARC BREES est habité par l’innocence du surréalisme. Il l’exprime comme il respire, sans fards ni maniérismes, en trempant sa pensée dans un vocabulaire plastique personnel, se perdant dans son univers, oubliant, l’espace d’un trait que l’on est volontairement surréaliste !
Lettres
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Robert Paul, éditeur responsable
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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza
Marc Brees et François Speranza interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
(29 septembre 2016 photo Robert Paul)
Exposition Marc Brees à l'Espace Art Gallery en septembre 2016 - Photo Espace Art Gallery
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