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La petite auberge.



Je me trouvais à la petite auberge. Je m’y rendais à chaque fois que j’avais le sentiment que mon imagination littéraire se tarissait.

J’avais écrit une nouvelle d’une dizaine de pages que j’avais vendue à un magazine féminin. Un an plus tard, à la veille des vacances d’été, la responsable de la rubrique culturelle me demanda de lui en écrire une autre.
- Dans le style de la précédente que beaucoup de lectrices ont aimée.
- Une histoire de cul ?
Au travers de l’appareil téléphonique, c’était comme si je la voyais pincer les lèvres.
-Pierre ! Dois-je te rappeler que le titre du magazine est : Femme de cœur.
- Soit, pas une histoire de cul mais une histoire de fesses. Pardon, je voulais dire une histoire de cœur.
J’ai écrit la nouvelle en un seul jour, et la lui ai envoyée dès le lendemain. Une heure plus tard, c’est elle qui m’appelait.
-Pierre, je n’apprécie pas ce genre de plaisanterie. Tu me l’as vendue l’année dernière. Je suppose qu’aujourd’hui, tu vas m’expédier celle d’aujourd’hui. Imagine qu’elle soit arrivée directement au secrétariat de rédaction.
J’avais réécrit sans m’en être rendu compte la nouvelle que je lui avais vendue un an plutôt. J’étais atterré.
-Tu es fatigué, Pierre. Tu travailles trop ces temps-ci. Tu devrais prendre quelques jours de repos. Pars pour la Petite Auberge. L’air de la campagne te fera du bien; avait dit Isabelle.
Je connaissais la Petite Auberge, située au fond des Ardennes, depuis que René et moi y avions passé deux jours après la réussite de sa dernière année à l’école hôtelière. Nous en avions été les seuls occupants. La tenancière, madame Lavergne, était sa tante.
Depuis c’est là que je venais me reposer durant un jour ou deux lorsque j’avais le sentiment que mon imagination tarissait. Je me promenais dans la campagne et dans la forêt jusqu’à ce qu’une sorte de fièvre me saisisse. Je savais qu’il fallait que je rentre, que je retrouve mon écran, que j’écrive les premières lignes que j’avais à l’esprit avant qu’elles ne disparaissent. Un jour je les avais répétées à haute voix jusqu’à ce que je sois rentré chez moi.
Assis devant mon ordinateur, j’avais rédigé une nouvelle d’une dizaine de pages dont je savais qu’elle plairait.
J’ai rempli mon sac d’une chemise, d’un pantalon de toile et d’un peu de linge. Nous nous sommes embrassés Isabelle et moi comme si c’était peut-être notre dernier baiser.
Je téléphonais à madame Lavergne avant de partir, il y avait toujours une chambre de disponible. Ancien relais de chasse plus personne ne s’y rendait. La plupart du temps, j’étais le seul client.
J’étais assis dans la salle à manger en attendant que la pluie cesse, une averse comme il en tombait rarement durant cette saison. La météo n’annonçait aucune amélioration. Madame Lavergne m’avait préparé un thermos plein de café bouillant.
-Vous sortirez cet après-midi, monsieur Pierre.
- Oui, madame Lavergne.
Soudain, j’ai entendu claquer une porte, une voiture avait dû s’arrêter à quelques mètres. Une femme, un journal sur la tête, s’est précipitée dans la salle. Sa robe lui collait au corps. Quelques mètres, même parcourus en courant, avaient suffi pour la tremper.
-Ma pauvre dame, vous êtes trempée. Vous êtes seule ?
Madame Lavergne hésitait.
-Vous avez un bagage, je vais aller le prendre.
- Moi, je vais y aller.
- Je n’en ai pas. Vous êtes gentils tous les deux. Vous avez une chambre ? Je voudrais m’essuyer.
Elle était désemparée. Madame Lavergne s’est précipitée.
-Je suis sotte. Ma pauvre dame, venez vite.
C’était une très belle femme. De celles dont on dit qu’elles sont désirables. Sexuellement désirables. Je ne détachais pas les yeux de son corps. Sa robe qui lui collait à la peau n’en aurait pas montré davantage si elle avait été transparente.
-Vous ne voulez pas prendre une tasse de café chaud avant de vous changer ?
Madame Lavergne lui avait entouré le cou d’un essuie-éponge qu’elle avait été cherché dans la cuisine.
La femme m’a regardé un instant, peut-être qu’elle a souri. Je me sentais ridicule.
Lorsqu’elle est descendue, elle avait enfilé une robe de chambre en lainage que madame Lavergne n’avait pas dû porter souvent. Elle portait encore la trace des pliures qu’elle avait subies avant d’avoir été soigneusement rangée. Aux pieds, elle portait des charentaises. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire et elle a ri à son tour.
Madame Lavergne a posé un bol vide en face du mien, une bouteille de lait et une coupelle de morceaux de sucre.
-Tenez-le bien entre les mains, ça va vous réchauffer.
Nous avions l’air, elle et moi, d’un couple qui s’apprêtait à prendre son petit déjeuner.
-Vous venez de loin ?
- Je devais me rendre un peu plus loin mais je ne voyais plus rien. Vous aussi, vous avez été surpris par la pluie ?
- Non. Je connais l’auberge depuis fort longtemps. J’y viens lorsque j’ai besoin d’être seul. Peut-être pour me retrouver comme on dit. Je suis écrivain.
J’éprouvais le besoin de lui parler de moi. Je lui ai raconté comment j’y avais abouti et pourquoi j’y venais lorsque que mon imagination était sèche. Elle m’écoutait en souriant. De temps à autre, elle éclatait de rire en m’écoutant, et l’éclat de son rire m’émouvait à ce point que j’avais envie de serrer entre mes bras ce corps que je devinais tendre et tiède.
Elle devinait sans doute l’état dans lequel je me trouvais. Elle refermait le col de sa robe de chambre si maladroitement qu’elle découvrait à chaque fois une partie de sa poitrine. Elle disait :
-Pardon !
Je ne la regardais que plus fixement.
Madame Lavergne nous avait préparé une tranche de jambon fumé qu’elle avait accompagné d’une salade avec des croutons rôtis.
-Ce soir, je vous ferai une omelette aux champignons.
Elle regarda Françoise. Je dis Françoise parce que c’est le nom qu’elle m’avait donné mais aujourd’hui je ne suis plus sûr du tout que ce fût son véritable prénom.
-Pour moi, c’est oui. Rien que d’y penser je voudrais déjà que nous soyons ce soir. Mais je ne vous l’ai pas demandé : la chambre est disponible ?
-Vous êtes mes seuls clients.
Je n’ai jamais été aussi loquace. Je ne me souviens plus aujourd’hui de ce dont nous avons parlé mais il me semble qu’elle n’arrêtait pas de rire. Elle se laissait aller. Elle avait les coudes sur la table et ne se préoccupait plus de sa robe de chambre. Une seule fois, elle avait remarqué.
-Elle est chaude. Ce doit être bon en hiver.
-Vous voulez l’ôter ?
Elle parut surprise de ma réflexion.
-Je voulais dire : remettre votre robe.
-Cela n’en vaut plus la peine. Elle n’est peut-être pas encore complètement sèche. J’imagine qu’elle est froissée.
Moi, je n’ai cessé de bavarder. J’égrenais des anecdotes qui avaient jalonné ma carrière entre le moment où j’envoyais mes textes à des magazines jusqu’à ce jour où pour la première fois on m’a passé une commande.
A l’heure du dîner, nous étions devenus des amis de toujours. Françoise enjouée allait à la cuisine, se faisait expliquer des recettes de la région et revenait me les confier à voix basse comme le ferait à son référent une espionne intrépide. Elle se penchait vers mon visage et me les chuchotais à l’oreille. Je respirais avidement l’odeur de son parfum mêlée à celui de sa peau.
-Vous sentez bon.
-Vous aimez ? Je vous en frotterai derrière l’oreille.
C’est ainsi que nous sommes arrivés à l’heure du dîner. J’avais commandé une bouteille de vin rouge. Puis, après le repas, Françoise avait étendu les bras.
-Je vais aller me coucher.
J’ai bu encore un verre de vin puis je suis monté à mon tour. La porte de sa chambre qui était voisine de la mienne était entr’ouverte. L’esprit vide, comme un automate, je l’ai poussée. Françoise était étendue sur le côté, nue. Les draps étaient rejetés. Elle s’est mise sur le dos, les jambes écartées. Elle m’a regardé ôter ma chemise et mon pantalon. J’ai ôté mes chaussures et je me suis avancé vers elle en enlevant mon slip. Elle avait les paupières cernées.
Nous nous sommes aimés à plusieurs reprises affamés que nous étions de nous-mêmes. Assez tard dans la nuit, alors qu’elle dormait, la main sur mon corps, j’ai ramassé mes vêtements et je suis rentré dans ma chambre encore tout exalté.
J’ai dormi assez tard. Le soleil illuminait la chambre lorsque je me suis réveillé. Je ne savais que penser. Je suis descendu en refusant de raisonner.
L’auberge était vide. Madame Lavergne essuyait des verres derrière son comptoir.
-Vous êtes seule ?
- La dame est partie il y a plus d’une heure.
- Elle est partie ? Je n’ai pas entendu sa voiture. Vous connaissez son nom ?
-Vous le savez, monsieur Pierre. Je ne fais jamais remplir de fiche, ce n’est pas un hôtel ici.
Je suis rentré après avoir donné un coup de fil à Isabelle.

 

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La naïade en péril

 

 

À Claude Hardenne

Elle s 'était lancée dans l'eau, nue et joyeuse,

Occultant les soucis ennuyeux qui perdurent.

Elle se déplaçait à une vive allure,

Se sentait revêtue d'une douceur soyeuse.

Occultant les soucis ennuyeux qui perdurent,

Délectée des caresses de vagues cajoleuses,

Se sentait revêtue d'une douceur soyeuse,

En harmonie et libre en la riche nature.

Délectée des caresses de vagues cajoleuses,

Immergée dans la paix d'une grâce très pure.

En harmonie et libre en la riche nature

Elle avait oublié que la mer est tueuse.

Immergée dans la paix d'une grâce très pure,

Elle aperçut soudain des masses furieuses.

Elle avait oublié que la mer est tueuse.

Le hasard la sauva d'une mort quasi sûre.

20 décembre 2013

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Un noël à la fois

 

                               Doux ami,

Ce sera un noël ressemblant à tant d'autres;

Atmosphère festive, cadeaux en abondance,

échangés bruyamment devant un haut sapin.

 

Le soleil s’est fait lune et joue à cache-cache,

animant peu la neige qui recouvre les toits.

En ce début d’hiver, pas de vent ni de froid.

 

Inactive et songeuse, à nouveau ce matin,

J'apprécie mon confort, la douceur de l’instant,

et laisse ma pensée avancer librement.

 

Que sera l’an nouveau? Stimulant ou bien non?

Ne devrais pas sortir du présent qui me comble

pour tenter de prévoir ce qui m'arrivera.

 

A la fin du voyage, au terminus obscur,

se trouve pour chacun une paix désirable.

C’est le temps de fêter. Un noël à la fois!

 

23/12/96

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Histoire de l'Art.

 

Je m’étais promis de ne plus jamais assister à des funérailles. Celles-ci étaient celles du plus ancien de mes amis encore vivant il y à trois jours à peine.

Comme la plupart des gens de mon âge, j’achète le quotidien du jour pour y lire essentiellement les annonces nécrologiques et les mots croisés.

 Les nouvelles, informations ou autres, ne m’intéressent plus. J’ai parfois le sentiment qu’elles ne reproduisent que des évènements qui se sont déjà produits.

Lorsque j’ai lu que Jean serait enterré au Cimetière du Sud, je me suis promis d’être à ses côtés. Qui le connaissait le mieux ? Ces quelques proches qui s’affairaient, chapeau bas, selon les instructions du représentant de la société des Pompes funèbres. Ou moi ?

Je suis parti avant que la cérémonie ne s’achève afin qu’aucun d’entre eux ne vienne m’interroger quant aux liens qui existaient entre leur Jean et moi.

Je faisais le compte à rebours. Quatre-vingt moins quinze, Jean et moi nous nous  connaissions depuis soixante cinq ans. Depuis les premières années de nos études secondaires.

Et nous nous connûmes mieux encore quelques années plus tard grâce à Cécile qui fut son épouse. Et ma première maîtresse. Elle était belle, Cécile. J’ignorais de quoi le corps était capable, c’est elle qui fut mon initiatrice.

Un jour que j’étais chez eux, je voulais leur emprunter une valise, j’ai accompagné Cécile au grenier. Beaucoup de cartons s’y trouvaient en désordre parmi quelques vieux meubles. Les valises étaient au fond  sous la lucarne. Curieuse atmosphère que celle des greniers. C’est leur odeur souvent qui  me surprend, une odeur devenue le mélange des odeurs qui furent celles des lieux et des époques où  et quand les objets avaient vécu.

Cécile s’était avancée avec précaution. Elle a glissé. J’ai voulu  la retenir mais nous sommes tombés l’un sur l’autre. Je me suis appuyé sur ses fesses et elle a dit :

- Pierre !

Elle s’est retournée. Elle avait le regard éperdu. C’est elle qui m’a serré contre sa poitrine, le ventre contre le mien. Nous ne nous sommes pas dit un mot. Seuls quelques geignements lui sortaient de la bouche.

Elle s’est relevée la première. Elle a saisi une valise et c’est sans me regarder qu’elle est sortie du grenier.

Puis nos vies se sont séparées.

C’est durant que j’étais aux Etats-Unis que j’ai appris que Cécile était morte. J’avais envoyé une lettre de condoléances mais je ne me souviens plus de ce que Jean m’avait répondu. Nous avions échangé des banalités sans doute.

Malgré mon âge, mes compétences en matière d’art me donnaient  beaucoup d’autorité auprès des collectionneurs. Si bien que je recevais du courrier d’un peu partout dans ce monde qui avait été si longtemps le mien. Ce monde dont désormais j’étais incapable de dire lequel de nous s’était détaché de l’autre.

Je me souviens qu’un jour à Milan le conservateur d’une galerie m’avait fait porter un siège après qu’un de ses employés lui avait montré une ancienne revue qui avait mis mon portrait en couverture. C’est ce jour-là que j’ai décidé de me retirer. Place aux jeunes, avais-je dis.

J’ai fait une carrière en histoire de l’Art. Je collaborais à des revues et mes articles faisaient l’objet de digressions universitaires. J’étais invité à faire des conférences à l’étranger. 

Je ne m’étais pas marié, peut être n’en ais-je jamais eu le temps. Cela n’empêchait en rien les aventures sexuelles même si  nous parlions davantage de peinture que de sexe. Un certain intellectualisme peut mener au lit mais il ne suffit pas pour souhaiter y rester sinon pour y dormir. 

Bref, je croyais qu’une vie aussi remplie que la mienne était un réservoir inépuisable de souvenirs. Je croyais que de relire les revues qui avaient imprimé mes articles et les jugements que je portais sur l’un ou l’autre me suffiraient pour remplir des journées qui désormais me paraissaient longues alors que me paraissait court le nombre des années à venir.

Hélas, aucune image n’émergeait de ce qui  n’était plus un réservoir de souvenirs bien rangés mais un fatras de sensations.

Mes voyages, les conférences dont j’étais la vedette, les peintres que je faisais revivre, ceux que je projetais dans l’avenir, rien de cela ne me revenait en mémoire de façon précise.

 En revanche, une scène de ma vie me revient souvent avec une acuité extraordinaire. Je me souviens au point que j’en ai le ventre noué de cette après-midi de septembre lorsque j’étais monté dans le grenier de leur maison, à Cécile et à Jean, pour y chercher une valise.

Lorsque Cécile s’était retrouvée face à moi, étendue sur des cartons. C’est avec précision que je me souviens de chacun de ses gestes.

 

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Joie de Noël

 

 

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Tout commence comme une danse.

C’est comme de la joie qui vient,

Qui descend doucement du ciel.

C’est joli, c’est frais et c’est doux

Mais, quand le soleil n’est plus là,

Tout est devenu blanc et froid.

Lors, dans les rues de Saint-Laurent,

Presque toutes en même temps,

Les maisonnettes s’illuminent.

Les sapins colorés clignotent.

La joie de Noël nous arrive

Et nous donne envie de chanter

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Inspirée d'une poésie de Claudine Quertinmont

Amour Rose d'automne

 

Une aquarelle d'Adyne Gohy

 

 

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Amour Rose d'automne

de Claudine Quertinmont

 

Il était une rose transie d'un frêle amour,

Pour un papillon bleu, aux ailes si douces

Qui lui rendait visite, lui faisait des mamours,

Il était une rose transie d'un frêle amour,

Son parfum voletait de pétale en frimousse,

Des boutons ravissants de ses jeunes pousses.

Il était une rose transie d'un frêle amour,

Pour un papillon bleu, aux ailes si douces.

 

Peu à peu l'été s'endormit et son coeur se givra,

Embrasant les feuilles, les incendiant de feu,

Couvrant la nature de robe d'apparat.

Peu à peu l'été s'endormit et son coeur se givra,

Rose et doux papillon se firent de longs adieux,

Le coeur las et brisé, des perles pleins les yeux.

Peu à peu l'été s'endormit et son coeur se givra,

Embrasant les feuilles, les incendiant de feu.

 

 

 

 

 

 

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12272983094?profile=original12272983470?profile=originalIl s'agit d'un essai de l'écrivain belge d'expression française Marie Delcourt (1891-1979), publié en 1958. Hermaphrodite est l'exemple privilégié d'un mythe pur, né de la pensée de l'homme cherchant à projeter et à cerner "la représentation la plus capable à la fois de rendre compte de ses origines et de symboliser quelques-unes de ses aspirations". Des légendes, des croyances, des rites archaïques sont à l'origine de ce mythe qu'ont cultivé à la fois les écoles, les théologies, les cosmogonies de toutes les races. "Tout se passe, en somme, comme si les Anciens avaient nettement perçu le symbolisme de la bisexualité, sans toutefois lui permettre de se fixer dans un grand mythe divin, mais en le laissant s'exprimer dans les rites, dans des cultes et dans des légendes où, du reste, sa valeur est souvent défigurée." Si les recherches des sociologues ont permis de voir dans le mythe d' Hemaphrodite la signification première de l' androgyne, C. G. Jung nous a montré son rôle dans l'univers des alchimistes, lequel reproduit dans ses grandes lignes la rêverie où le conscient rejoint l' inconscient, où animus s'unit avec anima pour recomposer avec elle une psyché en équilibre".

Dans l' antiquité, les hommes se déguisaient en femmes et les femmes en hommes lors de nombreuses fêtes religieuses, beaucoup de divinités avaient une forme masculine et une forme féminine, souvent les êtres (comme Tirésias) changeaient de sexe et la Grèce honorait un dieu Hermaphroditos que tardivement l'on représente debout (Berlin, Epinal) ou couché, voire endormi (Louvre, Vatican...).

Marie Delcourt, qui semble avoir pénétré les secrets des magies de l' antiquité, traite ce sujet délicat dans tous ses détails, expliquant bien que cet être hybride était né d'une idée (réunir dans une créature les qualités et les forces des deux sexes) que l'on a voulu concrétiser, idée qui se retrouve chez la plupart des philosophes, entre autres dans le fameux mythe du "Banquet", où Platon raconte comment des êtres doubles furent séparés par Zeus en deux moitiés qui cherchent toujours à se rejoindre. C'est ainsi que dans son dernier chapitre, "le symbole androgyne dans les mythes philosophiques", Marie Delcourt étudie les auteurs et leurs oeuvres, qui, à partir de l'image d' Hermaphrodite, ont traduit une commune aspiration à l' unité, un rêve de régénrérescence, "un effort aussi pour rattacher l'une à l'autre l'idée d'un Dieu qui doit être parfait et la réalité d'un monde qui ne l'est pas". L'auteur commente dans un exposé sommaire, mais brillant: I "L' Orphisme", II "Platon", III "La Gnose et l' hermétisme", IV "Le phénix", V "La magie et l' alchimie". Petit livre, mais en tous points excellent par la richesse de l'information, la clarté et la fermeté de l'exposé, la façon dont Marie Delcourt initie au monde de la tératologie.

Bibliographie

Antiquité

La vie d’Euripide, Éd. Gallimard, Paris, 1930.
Eschyle, Éd. Rieder, Paris, 1934 (Maîtres de Littérature, 18).
Stérilités mystérieuses et naissances maléfiques dans l’antiquité
classique, Éd. Droz, Paris, 1938 (FacPhLLg, 82).
Périclès, Éd. Gallimard, Paris, 1939.
Légendes et cultes de héros en Grèce, Éd. P.U.F., Paris, 1942.
Images de Grèce, Éd. Libris, Bruxelles, 1943. Rééd., Éd.
Wesmael Charlier, Namur, 1959.
Oedipe ou la légende du conquérant, Éd. Fac.Phil.Lett., Liège,
1944, (FacPhLg, 104). Rééd., Éd. Gallimard, Paris, 1981.
Les grands sanctuaires de la Grèce, Éd. P.U.F., Paris, 1947
(Mythes et Religions, 21).
L’oracle de Delphes, Éd. Payot, Paris, 1955. Rééd., ibid., 1981.
Héphaistos ou la légende du magicien, Éd. Belles-Lettres, Paris,
1957 (FacPhLLg 146).
Hermaphrodite, mythes et rites de la bisexualité dans
l’antiquité classique, Éd. P.U.F., Paris, 1958 (Mythes et
Religions, 36). Rééd., 1992.
Oreste et Alcméon. Étude sur la projection légendaire du
matricide en Grèce, Éd. Belles-Lettres, Paris, 1959 (FacPhLLg
151).
Pyrrhus et Pyrrha. Recherches sur les valeurs du feu dans les
légendes helléniques, Éd. Belles-Lettres, Paris 1965, (FacPhLLg
174).


Histoire de l’humanisme

Thomas More, œuvres choisies, Éd. La Renaissance du livre, Paris, 1936 (Les Cent Chefs-d'œuvre étrangers)
Érasme, Éd. Libris, Bruxelles, 1944. Rééd., Éd. Labor, Bruxelles, 1986

Traductions

Tragiques Grecs. Euripide, Éd. Gallimard, Paris, 1962, (Bibliothèque de la Pléiade). Rééd., Éd. Gallimard, coll. Folio classique, Paris, 1988
Thomas More. L'Utopie, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1966
La correspondance d’Érasme, Collectif, tomes 1, 10, 11, Éd. Presses Académiques Européennes, Bruxelles, 1967-1982

Varia

Jean Schlumberger, essai critique, Éd. Gallimard, Paris, 1945
Méthode de cuisine à l'usage des personnes intelligentes, Éd. Baude, Paris-Bruxelles, 1947, Rééd., Éd. Université de Liège, Fac. Phil. Lett., 1985
Marie Delcourt. L'autre regard, Ed. Le Cri/Académie royale de langue et de littérature françaises, Bruxelles, 2004. Coll. Chroniques du Journal Le Soir

N. B.:

Membre de l'équipe dirigeante de l'Union des Femmes de Wallonie présidée par Léonie de Waha (1912-1926), Marie Delcourt signe de nombreux articles dans le bulletin de l'Union sur le droit des femmes au suffrage.
Elle aborde aussi le thème du droit au travail pour les femmes (1930- 1935)

Elle fut la première femme chargée de cours à l'Université de Liège, à partir de 1929, y créant le cours d'histoire de l'humanisme.

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Des certitudes du coeur

 

 

Lune cachée aux yeux aveugles,

étoiles perdues dans la brume,

trésors du fond des mers et rayons invisibles,

ont des témoins crédibles et des effets certains.

Le soleil n’exclut rien de tout ce qui existe

Il caresse, éblouit, réchauffe.

Inoculant son énergie, il assèche et il brûle aussi.

Il peut tuer des imprudents.

Il n’est point besoin d’affirmer

qu’il est le carburant du monde.

Ressentie intuitivement

ou acceptée sans réticence,

L'évidence s’impose à tous,

on ne peut pas y échapper.

Or des certitudes du coeur,

révélées exclusivement

à des élus privilégiés,

ne deviennent pas vérités.

Ces évidences désaltèrent

des malheureux qui avaient soif

et les illuminent parfois.

28\08/1991

 

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À l'aventure

  Pour Adyne

 

P2030042

Répandre avec ardeur différentes couleurs,

sur une toile blanche,

fait plus que me désennuyer.

Les rouges vifs et les verts tendres,

le jaune-joie, l’orange-feu,

le bleu, le brun, le violet,

s’harmonisent en se mariant

et le garde-fou noir, partout,

met en relief d’étranges formes.

Le blanc, qui répand la lumière,

égaye, anime le décor.

Je pénètre ravie et libre

Dans un lieu secret qui m’enchante.


15 janvier 1990

 

 

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La deuxième mort de Jésus.

L’idée m’était venue d’écrire un texte sur Judas. Sa personnalité m’avait toujours fasciné, il avait été le plus déterminant des apôtres. Sans lui rien de ce que nous vénérons, rien de notre culture et de notre civilisation, rien de ce qui est notre histoire, rien n’aurait été. C’eût été mieux ? Qui le sait ?
Ce serait une pièce de théâtre. La vie sur un plateau de théâtre vous renvoie à la vôtre et fait de toute une salle un seul spectateur. Un seul acteur.
Il y aura Marie-Madeleine bien sûr. En revanche Myriam, celle dont on ne parle jamais, l’amie de Judas, s’éprendra peu à peu de Jésus l’homme de pouvoir, l’homme en vue. Celui dont chacun des propos, même le plus trivial, suscite le débat et la controverse. N’est-ce pas une raison suffisante pour que le Magistère souhaite sa mort ?

Judas a été l’instrument du Pouvoir. Il accomplira son destin. Jésus accomplira le sien. Et le peuple de Judas, c’était aussi celui de Jésus, accomplira celui qui lui était dévolu de toujours.
En réalité, le thème de la pièce ne sera pas celui-là.

Judas tuera Jésus par jalousie. Comme un homme trompé le ferait dans une banale histoire de coucherie. Mais comme tous les faibles qui n’osent pas regarder leur vérité en face, il se voudra un juste et donnera à son acte un motif politique.
Les trente deniers ont été à la fois le déclencheur de la nouvelle histoire du peuple juif et le moteur de la déification de Jésus. Ce rôle terrible et grandiose, c’est à lui, Judas, qu’il sera donné de l’écrire. Pour ce qui n’était qu’une histoire de fesses.
Dans la pièce, Jésus ressemblera à un bel éphèbe tout juste bon à se regarder dans un miroir. Narcissique, c’est ça ! Peut-être souhaite-t-il vraiment sa propre mort ? Aux yeux de l’Univers elle projetterait de lui cette haute image qu’il a de sa personne.
Dans une histoire vieille de plusieurs milliards d’années, depuis qu’un poisson minuscule a été rejeté sur une grève, des années bien plus extraordinaires que ce court épisode de l’histoire des hommes, il a suffi d’un banal fait divers, la mort d’un juif, pour que l’Histoire avec un grand H cette fois, prenne un nouveau cours.
- Tu comprends, Jean ?
Je m’exaltais de plus en plus.
- Et quel rôle pour Judas ! Tu comprends Jean ?
Jean était un homme qui comprenait tout mais n’était jamais sûr de rien. Les objections lui tenaient lieu d’arguments. Il me regardait effrayé. Il dit :
- Le rôle de Judas apparaitra plus grand que celui de Jésus. C’est impossible. N’oublie pas l’opinion de millions et de millions d’êtres humains. Ceux qui sont morts pour lui et tous ceux qui se sont efforcés de vivre à son image. Le public n’acceptera pas le sens que tu veux donner à ta pièce.
- C’est moi qui tiendrai le rôle de Judas.
Je travaillais avec Jean depuis trois ans environ. Ensemble, nous avions monté deux spectacles qui ont eu du succès auprès d’un public plus exigeant que celui qu’on rencontre en général. Je ne peux pas écrire des choses simples.
Avant l’intrigue proprement dite, j’imagine les personnages, et parmi eux celui dont la vie modifiera celle des autres. Parfois, en cours d’écriture, je m’aperçois que ce n’est pas le personnage prévu qui est le personnage clef de la pièce mais un autre que la pièce révèle. La pièce prend alors un sens différent.
Parfois, je me demande qui est l’auteur d’une pièce. Le personnage ou moi ? Il me semble que je découvre l’intrigue en même temps que lui. Comment exprimer mon ivresse quand il se met à parler en moi pour la première fois.
Judas, je voulais que ce soit moi qui le joue, je savais que je lui donnerais une image qui frapperait les esprits. Pour Jésus j’en destinais le rôle à Julien, mon ami et mon double, un double opposé.

 Il a les traits d’une fille de photo de mode, le corps triangulaire, mince de hanche et large d’épaules, la chevelure blonde à peine ondulée, bref il est beau de cette beauté fragile que l’âge, très vite, recouvrira de graisse.

 Moi, j’ai le visage aigu, et je suis plutôt maigre que mince. Ce sont mes yeux, m’a-t-on dit, qui font mon charme. Ils donnent à mon visage cette ombre de mystère qui intrigue et qui parfois effraye mais ne laisse pas indifférent. Hélène, ma compagne, prétend que je joue un rôle, c’est normal pour un homme de théâtre, celui du beau ténébreux.

 Après avoir fait l’amour, les yeux fermés, du doigt elle caresse comme si elle les dessinait, les traits anguleux de mon visage et la courbe de mes lèvres. J’aime la sensation que ces caresses me procurent.
Hélène tiendrait le rôle de Myriam, la compagne de Judas. Celui de Marie-Madeleine, la prostituée amoureuse de celui à qui elle lave les pieds, et qu’elle réconforte quand il est fatigué ou qu’il doute de lui-même, je le destinais à Simone, la femme de Jean. Jean assurerait la mise en scène.
Les évènements seraient ceux qui ont précédé de peu la crucifixion de Jésus mais le premier acte serait celui du jour de la crucifixion. Et la première scène du premier acte se passerait le soir, juste avant la nuit, quand il ne reste au pied de la croix que Marie-Madeleine, le visage enfoui dans un foulard et, autour, quelques gardes dont la torche est en train de s’éteindre.
Il fait noir quelques instants puis à gauche de la scène, sous l’éclat de la lune, avant que le jour ne se lève, on voit Jésus serrer Myriam dans ses bras. A droite, on reconnait la silhouette de Judas.
Maintenant, le plateau est entièrement éclairé, c’est une journée chaude de Palestine. Jésus et ses disciples occupent une grande partie de la scène tandis que des paysans et des commerçants les regardent.

Jésus parle à ses disciples, il a le geste ample du discoureur professionnel qui prend tout le monde à témoin. Judas, au fond de la scène est auprès d’un rabbi qui lui tient le bras. La mécanique prévue est en marche.
Le petit théâtre de soixante places ou nous jouions était plein tous les soirs depuis quinze jours. Jean était ravi. Au début il avait manifesté quelques craintes quant au scénario. Jean est un consensuel. Il a peur de blesser les convictions, elles sont toutes honorables, prétend-il, mais le succès de la pièce aidant, il estimait qu’il fallait bousculer les idées reçues.
Julien lui aussi paraissait transformé. Au fur et à mesure que le spectacle suscitait l’intérêt du public, il prenait de l’assurance et j’avais le sentiment qu’il ne récitait pas un rôle. Les répliques que je lui avais écrites lui venaient naturellement. C’était un Christ plus vrai que nature. Hélène de son côté ne le regardait plus comme avant.
Tandis que le succès de la pièce se prolongeait, je n’aimais pas l’intérêt que désormais Hélène semblait porter à Julien. C’est ridicule à dire, je regrettais le rôle que je lui avais dessiné. C’est avec une vigueur plus grande que je jouais le mien, celui du Judas qui vend son frère pour répondre aux vœux du destin mais dont la mort le débarrasserait d’un rival.
Est-ce que dans la réalité, les choses s’étaient passées comme je le disais ? Deux histoires différentes greffées sur une histoire de coucherie. Deux histoires parallèles, l’une sordide et l’autre édifiante et terrible, qui marquent des peuples innocents durant des siècles ?
Je me suis demandé si je n’aurais pas dû modifier le scénario ? C’est sa disparition après la crucifixion qui propulse Jésus vers l’éternité. J’aurais pu insister sur sa disparition. Qu’est ce qui prouve son élévation ? Qu’est ce qui prouve qu’il a eu les jambes brisées même si les hanches sont affaissées ? Qu’est ce qui prouve que l’assertion de témoins selon lesquels il aurait été vu en Asie est fausse ?
Jean était littéralement tétanisé par mes propos.
- Tu es fou. Modifier la pièce en cours de représentations.
- Les spectateurs ne viennent pas voir la pièce deux fois. Ils ne s’en apercevront pas. Et puis, quel exploit littéraire et dramatique !
- Mais pourquoi ?
- Je crois, Jean, que je suis passé à côté du vrai thème de la confrontation entre Jésus et Judas. C’est Judas qui devrait être l’homme vénéré et, pour ceux qui croient en lui, le Fils de Dieu.
Jean était étourdi.
- Tu es fatigué. Je l’ai toujours dit : écrire un grand rôle, et le tenir soi-même, soir après soir, ce n’est pas tenable.
Après une représentation, ce devait être au bout de deux mois, je m’apprêtais à ramener Hélène chez elle.
- Je suis fatiguée.
- Tu ne veux pas que je te ramène ?
- C’est pour toi que je dis ça. J’ai une migraine atroce.
Ce soir là, je suis rentré chez moi, Hélène n’a rien fait pour me retenir, et j’ai su que je haïssais Julien.
La pièce se terminait dans le même décor que celui de la première scène mais c’est Myriam, cette fois, qui se trouvait au pied de la croix dans la pénombre, les yeux levés vers Jésus qui gémissait. Les deux larrons ne s’y trouvaient plus ni les gardes. A droite du plateau, sous un halo de lumière, Judas contemplait Myriam. Il avait dans la main une bourse ouverte d’où tombaient des deniers. Je savais que cette scène prêterait à équivoque.
Non ! Il ne l’avait pas dénoncé et condamné à mort pour de l’argent mais parce que Myriam commençait à l’aimer et partageait avec lui les secrets et les fantasmes de nos exaltations sexuelles. Les obscénités qui nous brûlaient n’étaient plus que les gestes ordinaires des accouplements ordinaires.
Marie-Madeleine aimait Jésus, soit, mais Simone, l’épouse de Jean, ne devrait-elle pas aimer Julien? L’homme aux idées toutes faites. Blanches ou noires. Celui qui pérorait en disant que l’amour d’un couple tient à sa volonté d’être un couple qui s’est promis fidélité. Qu’il mérite le déshonneur, la mort peut-être, celui qui a manqué à son serment.
Un soir, après la représentation, j’ai dit à Simone.
- Il me semble que tu ne mets pas beaucoup de conviction dans ton rôle. Ca ne crève pas les yeux que tu aimes Jésus qui est en train de crever, lui.
Je m’étais tourné vers Jean.
- J’ai peut-être peur de me mettre en avant au détriment d’Hélène.
- C’est de Myriam qu’il s’agit, pas d’Hélène. C’est toi, Marie-Madeleine, qui aime Jésus. Plus que ne l’aime sa mère. Il t’importe peu que Jésus s’amourache de Myriam, c’est l’amour que tu lui portes qui compte. Plus que tout. Aime le fort !
J’ai ajouté avec ce rire gras que je déteste :
- Il n’est pas beau, Julien ? Combien de spectatrices aimeraient l’avoir dans leur lit.
Jean m’approuvait de la tête.
A la manière dont Simone jouait son rôle depuis lors, je devinais que le regard qu’elle portait sur Julien n’était plus seulement celui d’une partenaire.
C’était la première fois qu’un de nos spectacles durait aussi longtemps. Le bouche à oreille fonctionnait remarquablement et, plus extraordinaire encore, la Télévision avait envoyé un cameraman pour nous filmer. En réalité c’est Julien qu’il voulait avoir et Julien ne se sentait plus. Il était désormais le plus grand.
Peu de temps auparavant j’avais vu Hélène et Julien sortir d’une maison de rendez-vous. A proximité du théâtre, située dans une rue étroite, la façade anonyme, elle n’était connue que des fonctionnaires ou des employés du quartier qui s’y rendaient avec une collègue durant l’heure du déjeuner. J’y avais parfois emmené des conquêtes pour une coucherie rapide.
D’Hélène, je jouissais de ce qu’elle me donnait mais ce n’étaient que des gestes convenus qui nous soulageaient. Je devinais que ce n’est pas à moi qu’elle s’offrait mais à Julien.
Au théâtre, entre Simone et elle, la tension augmentait imperceptiblement tous les jours. Une rivalité s’installait. Les mots leur venaient du ventre. Julien comme un mannequin qui déclame allait de l’une à l’autre, leur donnait la réplique et souriait avec la fatuité d’un séducteur sûr de lui.
Je m’étonnais que Jean ne s’aperçoive de rien. Que fallait-il faire pour qu’il ouvre les yeux ? A moi, il me semblait que le théâtre tout entier était l’écho des amours de ce trio obscène. Que tout le monde riait, que c’était un vaudeville, et que seul le texte que je leur avais écrit leur donnait cette dimension singulière, celle d’hommes et de femmes ordinaires soudain désignés par le destin.
Lorsqu’après les répétitions de l’après-midi, Simone et Julien partaient ensemble, je les suivais discrètement. Si j’avais pu, je les aurais guidés moi-même vers la maison de rendez-vous mais cela n’avait pas été nécessaire. Ils semblaient la connaître aussi bien que moi.
Un jour qu’après la répétition Julien et Simone quittaient le théâtre, j’ai vu Jean qu’un billet anonyme avait averti qui les suivait et pénétrait derrière eux dans la maison de rendez-vous. Il y eut des coups de feu, et j’ai appris que Jean avait tiré à plusieurs reprises en criant : Judas, tu n’es qu’un Judas tandis que Julien tombait sur le dos, les mains ouvertes, et les bras en croix.

 

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ET ON DIRA....2014!

A MONSIEUR ROBERT PAUL et à tous ceux qui font partie du magnifique réseau d'ARTS ET LETTRES...

C'est bien une façon d'acter

Qui un jour nous a emmenés

En ce cocon si convivial

Qu'il en est devenu familial!

Alors en cette fin d'année

Je vous envoie cette pensée...

Non, je ne dirai pas la phrase

Qu'on distribue avec emphase...

"Joyeux Noël et bonne année"

Me semble un peu trop exploitée!

Pour vous je veux tout un bouquet

De vœux sincères de mots discrets...

Je vous souhaite de rêver

Que rêve devienne réalité

Que le ciel bleu soit votre lot

Que le bleu ne soit jamais trop!

Je vous souhaite l'impossible

Que le possible vous soit audible!

Et puis aussi ce grain de folie

Folie de rendre la vie jolie...

Et puis de vivre les yeux ouverts

Sans vous mettre tête à l'envers!

Je vous souhaite d'oublier

Que nous ne faisons que passer!

Et puis d'ignorer les toujours

Mais de toujours croire en l'amour...

Je vous souhaite du fond du cœur

D'un cœur de trouver le meilleur...

A l'année prochaine

J.G.

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Un inoubliable chagrin d'enfant

 

Certaines scènes de la vie,

Que l'on en aie ou non l'envie,

Se présentent restées vivantes.

Certaines furent éprouvantes.

Petite fille pleine de charme,

Sans répit, le visage en larmes,

Elle réclamait sa maman.

Son désespoir était poignant.

Cependant le soleil brillait.

Près d'elle, tout le monde riait,

Sans prendre garde à sa détresse.

Au lieu de compatir, un garçonnet l'agresse.

Je réagis sévèrement,

En provoquant l'étonnement

de cet enfant impitoyable,

Déjà, petit bourgeois minable.

Je mis alors sur mes genoux,

Pour la bercer de mots très doux

La petite fille éplorée.

Je l'ai quittée inconsolée.

Peut-on confier son enfant

Sans être sûr absolument

Qu'il n'aura crainte ni tristesse,

À défaut de vive allégresse?

18/12/2013

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Nélie en son domaine (Chaalis, 3e partie)

12272972290?profile=originalManquement aux règles élémentaires de courtoisie, j'ai délaissé et même omis de vous présenter notre charmante hôtesse !

Cornélia -petite moue réprobatrice-, qui changea son prénom en Nélie, fut d'abord peintre (voir son autoportrait dans le précédent billet). Elle fut l'élève de Léon Cogniet, peintre romantique dans la veine de Delacroix et de Géricault, puis d'Ernest Hébert, portraitiste et auteur d'oeuvres d'un romantisme teinté de symbolisme. Elle connait un beau succès comme portraitiste de la bonne société, ce qui l'amena à rencontrer Edouard André. Ce politicien issu d'une riche famille de banquiers, amateur d'art et collectionneur fervent d'oeuvres hollandaises du XVIIe siècle, qu'elle épouse en 1881. Ils se rendent régulièrement en Italie où elle l'initie aux artistes vénitiens et toscans de la Renaissance, et acquièrent ainsi un grand nombre d'oeuvres d'art. Son mari décède en 1894, elle continue d'enrichir ses collections et voyage beaucoup en Orient. En 1902 elle achète le domaine de Chaalis où elle accumule ses souvenirs de voyages. Elle meurt en 1912 en léguant son domaine et l'hôtel particulier du boulevard Haussmann (Paris) à l'Institut de France. Elle est inhumée dans la chapelle royale de Chaalis.

... Mais elle nous invite à passer au jardin...

Un jardin, que dis-je, un parc avec sa roseraie...

12272978082?profile=originalPeace and love (roses)

... son orangerie, son atelier des parfums, et les ruines si romantiques de l'abbatiale du XIIIe siècle ou la chapelle royale dont je vous ai entretenu (voir Chaalis et le Primatice).

12272979057?profile=originalRien d'austère, tout au contraire ici tout respire la fraîcheur et la gaieté. De quoi contenter grands et petits.

Tenez la chapelle, avec ses gargouilles...

12272979093?profile=original... les enfants ne s'ennuieront pas, un vrai conte de fées (prévoir des jumelles, même si vous n'avez qu'un enfant ! Le parc d'attractions de "la Mer de sable" se trouve aussi en face du domaine).

12272980059?profile=originalDétail d'une gargouille

(dont on dit qu'il s'agit du portrait d'Edouard Corroyer, l'architecte et restaurateur de la chapelle au XIXe)

12272980094?profile=originalLa chapelle et les ruines de l'abbatiale du XIIIe siècle.

12272980693?profile=originalLe parc du domaine de Chaalis.

Et tout près de là, le parc Jean-Jacques Rousseau et ses fabriques à Ermenonville dont je vous reparlerai peut-être...

Alors pourquoi pas y aller faire un tour aux beaux jours, lors des "Journées de la rose" par exemple qui ont lieu chaque année début juin.

Michel Lansardière (texte et photos).

Une donation remarquable : "Je lègue à l'Institut de France mon domaine de Chaalis... pour faire du château, tel qu'il a été arrangé par moi, sans y toucher, un musée de l'abbaye... Je désire qu'on entretienne, comme de mon vivant, ces sites historiques... et surtout je défends de vendre, sous aucun prétexte, aucune parcelle du domaine : qu'il demeure éloigné de toutes les usines qu'on pourrait menacer de construire alentour, et qu'il reste toujours un des plus admirables paysages de France."

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Un rendez-vous amoureux.

 

 

J’avais vingt ans. La première femme que j’ai failli connaitre, bibliquement  comme on dit, n’était ni belle ni laide. C’était la nièce de Marcel, le cafetier de la place Saint Pierre. Elle avait épousé peu de temps auparavant le photographe qui avait sa boutique entre la Grand Place et la place des Corbeaux.

Nous avions fait connaissance en jouant au ping-pong. Marcel avait aménagé une salle de ping-pong assez rudimentaire à l’étage, soit une table de ping-pong et une table ronde de bistrot pour y déposer les verres qu’il nous montait.

- Marcel, deux demis.

- Deux demis, ça vient.

Elle et moi, nous changions de place en nous frôlant d’un peu plus près à chaque fois. Après avoir bu quelques verres ma timidité avait disparu.

Gaston, le photographe qu’elle avait épousé était absent pour la nuit. Tout le monde disait qu’il était cocu. Cela lui était égal disait-on aussi. Elle lui faisait l’amour comme s’il avait été son amant.

J’ai éteint la lumière en la regardant. Elle s’est mise à rire de ce roucoulement stupide à quoi ressemble parfois le rire de certaines filles. Les garçons aussi ont une forme de rire bête.

Nous nous sommes embrassés, et je me suis frotté contre elle.

- ça va, là-haut ?

C’était la voix de Marcel. Il avait éclairé l’escalier qui mène à l’étage. Elle s’est écartée.

-Sors avant moi, tu m’attendras devant la cathédrale.

Je suis descendu, j’ai demandé une bière à laquelle j’ai à peine touché et je suis sorti en disant :

- A demain.

Je me demandais si elle allait venir. Elle avait la réputation d’une coureuse dont les promesses n’étaient  pas toujours tenues. Je me demandais s’il fallait attendre ou rentrer chez moi.

Soudain, elle s’est trouvée à mes côtés. Elle se frottait les cheveux contre ma bouche. Je lui enserrais le corps, elle résista un instant puis s’abandonna en se frottant contre mon ventre.

Nous étions à l’angle d’un portail de la cathédrale.

- Il faut que je rentre, il va téléphoner.

- Tu vas me laisser comme ça ?

- Demain, je t’attendrai à l’hôtel de la gare.

C’est en nous caressant, la démarche titubante, que je l’ai ramenée chez elle. Elle m’a embrassé,  sa langue me fouillait la  bouche, elle salivait, puis elle s’est écartée brutalement tandis que j’essayais de la retenir.

- A demain.

C’était la première fois que je caressais le sein tiède d’une femme. C’était la première fois qu’une femme me caressait. Je ne me suis endormi qu’à l’aube.  J’avais la tête qui me tournait. Je devais être malade. 

Nous avions rendez-vous à deux heures. Je ne tenais plus en place. Je pensais à la fois qu’il fallait y aller et, en même temps, que j’allais me ridiculiser devant elle. J’étais fiévreux. J’ai décidé que je n’irais pas.  

A une heure trente, j’ai vérifié si ma montre fonctionnait correctement, je me suis rendu à l’hôtel de la Gare. Je ne suis pas entré directement, je voulais la voir arriver avant moi. A deux heures, je me suis demandé si elle n’était pas arrivée bien avant moi. Si c’était le cas, je l’avais rendue nerveuse inutilement. Je suis entré.

Elle n’y était pas. J’ai été soulagé même si l’espace d’un instant, j’avais souhaité le contraire. Les W.C. se trouvaient au fond de la salle  de sorte que j’ai vérifié qu’en effet, elle n’était pas encore arrivée.

Je me suis attablé près de la porte et j’ai commandé un café. Une bière aurait atténué ma timidité mais aurait peut être laissé une odeur au moment de nous embrasser.

A trois heures, elle n’était pas encore arrivée. Peut être m’étais-je trompé d’heures ? Je revoyais la scène de la veille. J’hésitais. Deux heures ou trois ?  Au bout d’une demi-heure encore, j’étais convaincu que je ne m’étais pas trompé. Ni d’heure ni de jour. C’est elle qui avait oublié notre rendez-vous. Oublié ou renoncé à venir.

Je savais bien que c’était une coureuse sans scrupule mais j’avais le sentiment qu’elle serait différente avec moi. Pour me calmer, plutôt que de renter chez moi ou d’aller chez Marcel, je suis allé au cinéma.

C’est là que je l’ai revue ce jour-là. Deux rangs plus avant que la rangée où je me trouvais, Cécile embrassait François, un copain avec lequel, assez souvent, je jouais au ping-pong chez Marcel. 

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