Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Toutes les publications (181)

Trier par

Les frères Chapuisat sont entrés dans Paris

Le centre culturel Suisse basé dans le quartier du Marais à Paris accueille les Frères Chapuisat, un duo de choc au delà du tip-top.

 L'installation qu'ils proposent ici joue sur l'utilisation d'un lieu qui devient terrain de jeu pour des structures architecturales qui défient l'espace. On se situe aux confins de l'espace, de ses limites.. L'architecture délimite un espace lui donnant la sensation d'exister. Imaginez un espace sans aucune structure, seulement un socle de terre lissée  et de l'air autour. 

Ici l'espace craque sous la force de cette figure géométrique  répétée aux limites extrèmes du lieu.

les frères Chapuisat à Paris

photo gegout©adagp2011

 Le manque d'espace volontairement exploité donne la sensation d'étouffement si l'on oublie les vides qui laissent passer la lumière de façon discrète.

Figures "brutaliste"

Existantes sous la forme d'objets massif en béton "brise lames" dans les  digues portuaires..

Les Chapuisat: structuralistes et minimalistes, artistes humanistes aussi préoccupés d'espaces improbables ou l'être humain peut retrouver sa cabane d'enfance.

"Brise larmes"

 En fait, on pourrait parler d'une grande pudeur de ces deux là qui jouent dans l'espace brillamment, le coeur battant..d'une émotion sous contrôle. C'est peut-être ça qui fait la différence entre un architecte et un artiste.

Lire la suite...

Rondel au clair de lune

 

Des esprits dans la nuit parlent d’une voix douce.

Quand religieusement nous les interrogeons

Parfois c’est une envie soudaine qui nous pousse

À faire dans leur temps un émouvant plongeon.

 

Revenant à la vie, frémissant sur la mousse,

Près de l’eau chuchotant, des roseaux et des joncs,

Des esprits dans la nuit parlent d’une voix douce,

Quand religieusement, nous les interrogeons.

 

Les soirs de clair de lune, qu’elle soit blanche ou rousse,

Sur le noir velouté où se perd l’horizon,

Pleurant les fleurs fanées, célébrant les bourgeons,

Peut-être après avoir côtoyé la grande Ourse,

Des esprits dans la nuit parlent d’une voix douce.

 

7/08/2004

Lire la suite...

La maison du souvenir

Chers lecteurs potentiels,

 

Le poème "Les Vieux Murs" de Joëlle Diehl et les nombreux commentaires qu'il a suscités, me pousse à vous offrir à mon tour une bouffée d'enfance, avec cette Maison du Souvenir, publiée en 1967 par la revue littéraire "Audace". Je sais, ça ne me rajeunit pas mais je me plais à croire, comme le mari d'Agatha Christie, archéologue de son état, que plus on prend de rides et de bouteille, plus on devient intéressant. Parfois !

 

 

La maison tout entière était comme une personne vivante ou plutôt c'était une contrée fabuleuse, un pays étrange qui avait ses ombres et ses lumières, ses oasis et ses terres brûlées. J'y vivais de chambre en chambre des aventures inouïes et mon imagination y proliférait comme une plante volontaire gorgée de terreau.

La maison était grande, biscornue, bien assise sur de multiples caves et coiffée du mystère d'innombrables greniers.

Par quoi commencer ? Faut-il refaire sur les doigts le compte de ses chambres ? Le magasin, la seconde pièce, la cuisine, la cour vitrée, la chambre noire, la chambre d'Odette, la salle à manger, la chambre des hommes, la salle de bains, la chambre du bout, le cache, cela fait onze, sans compter la buanderie et le grenier à paille.

Mais cette énumération qui fait jaillir en foule mes souvenirs est insuffisante. La magie de ces mots-là et la réalité qu'ils recouvrent, qui d'autre que moi les connaît ? Faire un plan comme dans les romans policiers ne restituerait ni la couleur, ni l'odeur des choses, ni les bruits, ni l'émerveillement tapi derrière chaque porte.

Le magasin avec ses deux montres venait d'abord. Le marbre blanc de la vitrine à pâtisserie était lavé tous les jours. On y trouvait souvent des guêpes mortes d'indigestion, foudroyées et les pattes en l'air, dans le chaud soleil de midi, dont un seul rayon les avait cuites toutes vives à travers la loupe de la vitre.

Maman ou l'une des aînées faisait la vitrine à confiserie toutes les trois semaines. Je me souviens d'un étalage fort réussi, avec un bébé de porcelaine voguant sur un océan de dragées.

Cet étalage bleu, blanc, rose avec une touche de vieil argent, les mois d'été nous le ramenaient car il y a une saison pour les bébés comme pour tout. Nous n'avions pas le privilège de les voir, ces petites roses de chair, sentant bon et toutes chiffonnées, nous n'avions droit qu'aux marraines et aux grand-mères, vêtues de noir comme des fourmis processionnaires.

Maman s'empressait, avec un sourire aimable qui lui taillait le menton en triangle. Elle ouvrait d'un geste solennel la grande armoire vitrée qui occupait tout le mur de gauche et dans laquelle était rangé un abondant choix de boîtes de baptême.

La seconde pièce était presque vide, à part le rayon à pain et quelques guéridons pour les consommateurs. En ai-je guetté de savoureuses vieilles dames, comme un chaton qu'émerveillent les grands oiseaux secs, du genre cigogne, tout en ailes et tout en jambes ! D'un petit doigt retroussé et dédaigneux, elles soulevaient leur voilette pour siroter le café et mettre les gâteaux en pièces à menus coups de bec.

Au mur était fixé le téléphone à manivelle. Il avait un drôle de micro en porte-voix et, en y associant les deux cloches de métal qui surmontaient cette bouche béante et ressemblaient à des yeux gonflés, je lui trouvais des airs de vieux pochard. Pour pouvoir y crier : « bonjour, ma tante », il fallait me soulever ou bien je grimpais sur un tabouret. La voix qui demandait de mes nouvelles me mettait en colère comme s'il y avait eu supercherie là-dessous - puisque les voix n'étaient plus les voix - ou qu'à l'autre bout du fil, on contemplait en se gaussant mon air ahuri.

Je n'aimais pas ce téléphone. J'avais l'impression qu'il se payait ma tête, surtout s'il m'apportait l'accent grasseyant de l'oncle Robert qui ne parlait jamais sérieusement et prétendait me mystifier parce qu'il était le jumeau de papa.

Je n'avais pourtant jamais eu la naïveté de les confondre. Ça existe la voix du sang ! Et puis, il avait un moins gros ventre et aussi, au Nouvel An, quand il claironnait dès la porte : « Bonne année, bonne santé, une goutte et une galette après !  », son nez était tout froid et son haleine sentait déjà l'alcool.

Dans cette seconde pièce, un plateau de caramels mous me tomba sur le nez alors que je jouais à cache-cache. Je saignai un peu et pleurai à chaudes larmes. Papa me prit sur ses genoux, tout tremblant d'émotion et il foudroya la maisonnée du regard dans l'espoir de confondre le responsable de cet épouvantable accident. Mes larmes séchées, il me tint un long moment contre lui, ravie et à demi-sonmolente, un léger goût de sang et de dimanche dans la bouche car le dimanche seulement, après le dîner, il avait le temps de me prendre sur ses genoux et de m'y faire sauter en chantonnant.

Derrière une porte vitrée enjuponnée d'un rideau blanc, symbolisant le mur de la vie privée, s'ouvrait la grande cuisine aux murs de faïence. Nous y prenions nos repas autour de la table ovale. En comptant les « hommes », la servante et la couturière, nous étions souvent une douzaine. Les deux « hommes », coiffés dé la toque blanche, m'intéressaient beaucoup. Ils changeaient souvent de visage mais faisaient tous les yeux doux à ma belle et fraîche soeur Yvonne, si mignonne dans sa casaque de velours à côtes quand elle portait le pain. Quand papa faisait la tournée, ça se terminait souvent par la tournée des grands-ducs, alors...

Encore à présent, que Dieu me pardonne, lorsque j'entends une messe solennelle, c'est à ma soeur Yvonne que je pense, à ses longs yeux, au chapeau rose et velouté posé sur ses cheveux bruns, à son tailleur noir, à son foulard couleur chair qui, apparaissant dans l'ouverture de sa veste, était d'une matière si souple et si vivante qu'il semblait un morceau de sa peau.

Yvonne se tenait debout, au fond de l'église, près du bénitier, une jambe un peu ployée, dans une attitude de grâce inconsciente. Son regard doux et languissant lui donnait des airs de statue, de madone sans enfant, d'allégorie de la jeunesse et de la féminité.

Avec une indifférence très bien feinte, elle opposait le flou de ses yeux, le repos de ses traits, à l'acuité des regards. Moi-même, à quelques pas de là, je ne pouvais me tenir de la regarder de temps à autre pour m'assurer si elle était toujours aussi belle, aussi douce, aussi irréelle. Je n'étais pas loin de croire que l'encens, lancé vers la voûte par une jeune main, la voix haut perchée des angelots du jubé, le bruit de ressac des chaises grinçant sur le pavage, étaient un hommage à sa beauté.

Papa ne faisait pas partie des « hommes ». Il était le patron. Albert, de la maison depuis trente ans, s'il dormait dans la chambre des « hommes », occupait lui aussi une place à part.

Garçon de confiance, confident et nounou bénévole, il nous avait gâtées tour à tour toutes les six, nous menant à la ducasse, nous berçant, nous consolant et soufflant la fumée de sa cigarette dans notre fourneau-miniature pour nous persuader que le feu était allumé sous les casseroles.

J'aimais particulièrement l'un des « hommes » pour ses yeux fous et parce qu'il se prétendait marquis de la Riboisière Il m'écoutait parler sans jamais me contredire. Une amitié d'enfant à enfant s'était établie entre nous et je le suivais volontiers dans le grenier à paille. Il s'allongeait sur le sol et, debout à ses côtés, je lui faisais part de mes impressions tandis qu'il ne me quittait pas du regard, riant de ce rire particulier dont on ne savait jamais s'il s'adressait à vous ou à un interlocuteur invisible caché au fond de sa poitrine.

De la cuisine, pour atteindre la cour vitrée, il fallait grimper trois hautes marches de pierre bleue. C'est là que refroidissait le pain frais. Un jour d'inspiration satanique, mon amie Marcelle l'Abeille et moi avions grappillé une pincée de mie chaude à la saignée des pains de fantaisie, là où la carapace dorée et croustillante s'ouvre comme une délicate blessure.

Comme nous jouions à avoir peur du puits sombre de la cave à pâtisserie, maman survint, vit un pain entamé, puis deux, puis trois, crut un instant à une souris, à une invasion de souris et enfin, devant l'ampleur du désastre, commença à se poser des questions pertinentes. Alors nous eûmes réellement peur et, n'y tenant plus, nous quittâmes notre abri. En nous voyant passer, rasant les murs, maman cessa de se poser des questions.

La cave à pâtisserie était le domaine d'Albert. Au moment des grandes fêtes, il s'y engloutissait pour de longues heures, comme les gnomes qui s'enfoncent au coeur de la terre pour accomplir de mystérieuses besognes.

Ce n'était pas l'anneau des Nibelungen qu'il battait sur le marbre noir des tables mais le feuilletage... Il fouettait les oeufs en neige, pilait les amandes, cuisait le riz et les marmelades dans une affolante et lourde odeur de vanille, en léchant d'une langue distraite et professionnelle le doigt qu'il avait trempé dans différentes mixtures et l'essuyant ensuite à son tablier empesé de sucre et de farine.

Marcelle l'Abeille et moi le guettions souvent au faîte de l'escalier, attentives à ses allées et venues que nous signalait le frottis de ses espadrilles. Embusquées derrière les paniers d'osier, nous attendions l'instant de faire « ouh » lorsqu'il nous frôlerait.

A chaque fois il s'y laissait prendre, absorbé dans ce moment où il passait de l'ombre à la lumière, en portant à bout de bras, comme une bannière, le signe matériel de son excellence professionnelle. Oeufs de Pâques tout neufs, bûches de Noël et parfois gâteaux de mariage : crémeux chefs-d'oeuvre, jardins baroques aux roses trop bien moulées, plates-bandes liserées d'angélique et piquées de cerises, potagers de massepain, tours de Babel de l'ingéniosité naïve avec, au sommet, en guise d'étendard, un petit couple de cire.

L'hiver, la neige accumulée sur la verrière en pente de la cour vitrée y faisait régner un jour glauque. L'escalier de bois s'entortillait autour d'une rampe de fonte avant de plonger là-haut vers l'aile gauche. Mais à droite, au bout d'une passerelle, s'ouvrait la première porte de la chambre de maman. Cette chambre était posée comme un pont, comme une vigie, entre la façade noble et souriante de la maison et le labyrinthe sombre et, mystérieux, s'étendant au-dessus de la boulangerie et de la buanderie.

Là nuit, maman y était comme un capitaine à la barre de son navire. Malgré la double porte capitonnée, elle entendait les allées et venues des boulangers et les vibrations sourdes du pétrin mécanique brassant la première fournée.

Elle enregistrait la sonnerie du réveil dans la chambre des « hommes » car le vernis léger de son sommeil craquait au moindre bruit, laissant refluer la conscience. Immédiatement, les soucis étaient là, en foule et tout armés. Elle tendait l'oreille, anxieuse de percevoir le pas feutré du premier levé, chargé d'allumer le four.

Au bout de dix minutes, si elle ne l'avait pas entendu, elle traversait la passerelle à tâtons pour frapper à la porte des « hommes », la deuxième à gauche dans le couloir obscur. Puis, fantôme pudique enveloppé de la tête aux pieds d'une longue chemise blanche, elle rentrait chez elle, rabattant sans bruit la porte capitonnée.

La double porte de la chambre de maman en faisait un sanctuaire. Lorsque, retenant d'une main la première porte, je découvrais le cuir brun parsemé de gros boutons ternes de la seconde, une appréhension solennelle me prenait qui suspendait mon geste.

En jouant à cache-cache, il m'arrivait de me blottir entre ces deux portes mais j'avais le coeur battant comme si je commettais un sacrilège, une profanation. Et aussi écrasée par le velours épais de la pénombre, n'étais-je pas un peu comme au cercueil ? Mort plus troublante que la vraie mort puisque je vivais, le souffle seulement un peu court à cause de la chaleur et du manque d'air.

Très petite, j'ai dormi dans un lit-cage, dans un coin de cette chambre. Plus tard, lorsque j'en fus exilée, j'y revins une fois ou deux à l'occasion d'une maladie, d'une grosse fièvre. Et la nuit lorsque je m'éveillais en proie au cauchemar, maman me prenait dans son lit, entre elle et papa.

0 délectable rougeole, angine bénie qui me transportaient dans le monde rouge sombre de la fièvre ! J'étais lucide et bien éveillée et pourtant je délirais. Par une illusion dont, adulte, je me suis malheureusement guérie, il me suffisait de serrer très fort les paupières dans le noir et, ensuite, de les écarter, pour voir danser devant moi une multitude de petits cercles rouges. Un léger effort d'imagination et ces petits ronds devenaient des perles, des bijoux qui roulaient devant moi et m'escaladaient, enjambant ma poitrine, glissant et ondulant dans l'air comme sur un tapis roulant. Dans la chaleur du grand lit, le jeu était encore plus dépaysant. Sauf la tête, j'étais d'une merveilleuse légèreté.

Venait ensuite la convalescence et cela aussi était très amusant. Je continuais à être un personnage. Le docteur m'avait jugée pâlotte et conseillait la crème fraîche. Papa en avait apporté un grand saladier et mes soeurs, rangées autour de la table, s'extasiaient. Je la vois encore, cette matière blanche et précieuse, destinée à moi seule et dans laquelle je trempais royalement, gravement, quelques fraises.

Dès l'enfance, le sommeil et la nuit tinrent une grande place dans ma vie. Dans cette maison pleine de filles, il nous fallait dormir par paires dans un grand lit. Je dormis tour à tour avec différentes soeurs, changeant au fil des événements, de chambre, de lit et de sensibilité nocturne.

J'occupai même un moment la chambre de bonne, voisine de l'immense grenier dont les lucarnes s'ouvraient sur les lointaines cheminées de Jeumont. Pourquoi avons-nous dormi à la mansarde, Lison et moi ? Par pur caprice peut-être. Il y avait de grossières couvertures rouges (les bonnes dorment sous des couvertures de soldat, c'est bien connu !) et cela sentait le moisi. Le sommeil y était lourd, violent, vénéneux, propice aux cauchemars et aux rêves troubles.

Lorsque je sortis de mon petit lit-cage pour dormir avec une grande, je partageai d'abord le lit de Louise. Odette venait de se marier et nous couchions dans ce qui resta toujours sa chambre. C'était une chambre de la façade où je trouvais mal le sommeil. Le bruit des voitures m'y tenait longtemps éveillée. Je guettais la trace lumineuse dont le plafond se trouvait balayé à leur passage, comme l'émouvant sillon d'un phare sur la mer calme. Et ce long doigt de lumière effleurant la placide surface émaillée était vraiment une invitation au voyage.

L'été, je n'en finissais pas de m'endormir. Une rumeur de voix montait de la rue, un piétinement doux comme le bruit de l'averse. Des gens prenaient le frais sur le seuil, des enfants s'activaient à une interminable partie de gendarmes-voleurs, courant sans fin sur les beaux trottoirs lisses, ivres de mouvement et de vitesse, fuyant sous la nuit tombante comme l'hirondelle sur la mer, avec l'espoir insensé de retenir un instant encore l'aile soyeuse du soir qui déjà les frôlait, moite, douce et aveugle comme une chauve-souris.

Louise venait enfin se coucher. C'était une très gentille grande soeur. Elle nous préparait des salades de fruits, avait des taquineries si tendres, des pincettes si amicales dans nos joues, des surnoms si drôles à nous prodiguer. « Sidonie Panache, ma petite vieille, Caroline Dindinne », que nous lui pardonnions son indiscrète manie de nous vérifier les ongles et les oreilles, ainsi que sa façon de nous flairer comme un chien de chasse et de nous tâter dans tous les sens, pour se faire une opinion de notre santé.

Mais elle était hypersensible. Pour un rien elle était dégoûtée ou elle avait le nez rouge. C'était une écorchée vive et il ne fallait ni remuer trop fort dans le lit, ni lui souffler dans le cou, ni lui effleurer les pieds d'un coup d'ongle. Elle aimait dormir avec moi car ma chaleur lui était douce. Elle m'impressionnait fort et il lui arrivait de s'agenouiller, certains soirs, au pied du lit pour faire sa prière, avec un visage si froncé et le coeur tellement gonflé de soupirs que j'aurais voulu la consoler pour cette peine obscure avec laquelle je sympathisais.

L'hiver Louise empruntait les longs caleçons de papa et elle les portait sous sa chemise de nuit. Elle dormait avec un chandail et un passe-montagne mais son nez restait rouge et frémissant. Meurtri, vexé, martyrisé, héroïque, il pointait seul avec désolation, comme un fanal dérisoire, de ce paquet de lainage, de flanelle et d'ouate thermogène dont elle était tapissée.

Parfois, malgré mon amitié pour Louisette, je souhaitais dormir avec une personne moins rétractile, surtout lorsque de la chambre noire m'arrivaient les beuglements de joie de la grosse Lison qu'Yvonne faisait rire en se livrant à des drôleries. Pour ma part, j'aimais surtout la danse des bols mais ça, c'était à la cuisine, quand elle essuyait la vaisselle.

Un soir, j'obtins de dormir avec Yvonne. J'en éprouvai une grande joie, suivie aussitôt de la profonde mélancolie du désir enfin satisfait. La nuit, je m'éveillai, mal à l'aise. Peut-être parce qu'Yvonne dormait trop bien, en respirant fort et que sa présence la nuit m'était étrangère ? Je m'agitais, luttant contre l'impulsion d'aller rejoindre Louise. Je finis pourtant par céder. Je me levai, traversai la salle à manger à tâtons et, toujours sans songer à allumer, le palier.

Je m'arrêtai, indécise, à la porte de l'autre chambre, n'osant pas entrer carrément car je risquais d'éveiller Louise. Toutefois, je ne pouvais rester là. Je me mis donc à gratter au chambranle, espérant et redoutant être entendue, comme un chat maraudeur, poussant de la patte et du museau, au retour de ses expéditions nocturnes, la porte qu'il ne peut franchir sans éveiller l'attention.

Louise avait l'ouïe fine, une de ces ouïes promptes surtout à saisir les bruits suspects ou imaginaires. Mon manège la glaça d'horreur. Elle mit d'abord la tête sous les couvertures et puis, de nouveau, elle écouta. Cette fois le doute n'était plus possible. D'un grand élan elle se rua à bas du lit, s'élança sur la porte et, l'ouvrant, cria d'une voix sépulcrale : « Qui est là ? »

Son soulagement et sa rage en me découvrant à la place du fantôme ou du malfaiteur furent si grands qu'elle me savonna chaudement les oreilles. Je ne pus jamais fournir d'explication à ce caprice pour la raison excellente que je n'en trouvais pas.

Le matin, avant de partir en tournée, Yvonne tenta une dernière fois de me faire parler. Elle s'agenouilla devant moi et, levant la tête pour mieux me scruter, elle dit : - Qu'est-ce qui t'a pris cette nuit ?

Je ne répondis pas. Je n'avais rien à dire. Je me contentais de la regarder et de la trouver belle. Elle portait un béret alpin incliné sur l'oreille, une veste de velours à côtes et la courroie de la sacoche de cuir lui barrait la poitrine comme un baudrier. Ses souliers étaient bien cirés et elle portait une jupe de gabardine grise. Son visage de belle brune, aux traits réguliers, était encore éclairé par un maquillage vif (elle avait une rosette de fard sur le menton). Ses longs sourcils arqués, soulignés de crayon brun, éveillaient surtout mon admiration.

Lorsque je commençai à dormir avec Lison, je connus une dormeuse bien différente de Louise. Elle avait un sommeil innocent et paisible. Le soir, il me fallait l'endormir en lui racontant des histoires. Heureusement elle sombrait vite, parfois même avant que je m'en aperçoive, ce qui me permettait de lui resservir le même épisode que la veille. Parfois pourtant elle ne marchait pas et il fallait vraiment inventer.

Un rouge soir d'été m'est ainsi resté dans la tête. Par la fente des tentures, un peu de couchant colorait la chambre tout entière, avivant l'orange de notre couvre-lit et rosissant les joues roses de Lison qui m'écoutait, avec un demi-sourire satisfait, en faisant un menton gourmand, les yeux fermés mais les paupières frémissantes, ce qui prouvait qu'elle ne dormait pas encore. Et moi, du coin de l'œil, je la guettais, attendant que son sourire se fige pour tarir, comme on ferme un robinet, le filet de voix monotone dont je la berçais.

Et maintenant que j'y songe, dans la cave à pâtisserie nous avons aussi dormi, Lily et moi. Pendant la guerre, la gourmandise étant devenue un vice honteux, frustré et inassouvissable, la cave à pâtisserie était entrée en sommeil. Ses voûtes lui donnèrent bientôt une nouvelle affectation. Elle devint « l'abri », une sorte de lieu bizarre et un peu macabre, tel le salon sous-marin du ténébreux capitaine Nemo.

En dépit des soupiraux occultés, des outils et de la lampe à carbure rassemblés dans un coin, au cas où nous nous serions trouvés ensevelis et encore cela semblait-il toujours un jeu - le plaisir pervers de se faire peur - on s'était ingénié à rendre les lieux confortables.

Un vaste canapé dans lequel cinq personnes pouvaient se tenir côte à côte était adossé au mur, flanqué de deux sièges d'auto. Le vieux phono à pavillon avait été extrait du grenier avec sa collection de disques nasillards et il était là, plus « voix de son maître » que jamais, prêt à faire le beau et à japper au moindre tour de manivelle pour bercer nos nuits blanches.

Dès que les meurtrières abeilles commençaient à bourdonner, Lison et moi, nous nous levions. Si nous nous attardions un peu, Mme Camille, qui dormait chez nous, venait ululer à la porte, d'une voix propre à nous flanquer la frousse si nous ne l'avions pas eue : « Tu viens, Lison ? »

Nous descendions donc toutes les trois et nous rejoignions Albert, les yeux papillotant de sommeil. Maman arrivait ensuite, serrant sur son ventre la cassette à sous. Quant à papa, rien ne l'aurait fait sortir de son lit. Cet homme tranquille cultivait en effet l'ambition de mourir dans son lit, bombe ou non, guerre ou pas.

Tout le temps de l'alerte, Mme Camille accompagnait les avions et le phono, mezzo voce, d'un sourd et continu gémissement qui lui montait des entrailles. Sa panique était devenue si obsédante pour Lison et moi ‑ nous en essuyions les premiers effets ‑ que nous imaginâmes de dormir à la cave dans des lits de fer. Cette solution avait l'avantage de supprimer les désagréables descentes, à peine éveillées, dans les escaliers tout noirs, talonnées par le souffle court de Mme Camille. Mais, notre projet mis à exécution, il en résulta une nuit si lugubre que les pérégrinations dans les escaliers furent encore jugées préférables.

La salle à manger se trouvait au premier étage. Elle avait trois fenêtres donnant sur la rue. C'était pour moi le lieu du recueillement et des rêves de grandeur. Chaque bibelot m'en paraissait unique et je ne doutais pas que ce fût là l'endroit le plus élégant et le plus raffiné du monde. Les meubles Louis XV, à l'acajou marqueté et pâli, regorgeaient de belle vaisselle à filets d'or et de nombreux trésors : inutiles couverts d'argent dans des écrins toujours clos, serviettes damassées, menus à l'encre pâlie et si un camion passait dans la rue, il éveillait la voix grelottante des verres de cristal.

Un ensemblier minutieux avait peint aux quatre coins du plafond des corbeilles de fruits et il avait encadré les fenêtres voilées de tulle de tentures de soie bleue, rayées et doublées de jaune, comme je n'en vis jamais plus.

Blottie près de la fenêtre, au creux d'un fauteuil, j'étais une marquise tandis que dans la rue ensoleillée et pleine de rumeurs, le commun des mortels défilait, dans l'odeur fraîche du matin : ménagères flâneuses, le cabas-alibi à la main, ouvriers à vélo et la petite vieille colportant son cresson. Par l'échappée d'une ruelle j'apercevais un morceau de voie ferrée, un panache de fumée ou une tranche de locomotive. Je regardais ça de très haut, de très loin, comme d'une tour car j'étais revenue de tout, depuis des siècles que je trônais dans mon fauteuil.

Sur le mur de la maison d'en face se détachait une affiche vantant l'eau de Spa. Un pierrot vêtu de rouge jouait à saute‑mouton par-dessus la bouteille. Léger, joyeux, fantasque et les jambes largement écartées, avec une bouche souriante qui semblait dire « holà » parce que l'eau pétillante qui jaillissait de la bouteille le portait, l'élevait dans l'air comme ces balles dansant à la foire sur un jet d'eau.

J'aimais beaucoup ce pierrot chevauchant un geyser. Sa folie, son impossibilité me fascinaient. La gaîté, la fantaisie, les bulles de rêve et de contre‑réalité qui sortaient sans arrêt de sa bouche en forme d'O m'enchantaient, me fortifiaient dans la conviction encore informulée que ce qu'il y a de plus prodigieux dans l'existence se passe dans notre esprit.

Le piano était bien entendu dans la salle à manger. J'aimais en soulever le couvercle, ôter des touches, comme on pèle un fruit, la bandelette de feutre rouge et, sur l'ivoire jauni, jouer La valse à Hélène ou A toute vapeur, sommets que mon indolence ne dépassa jamais. Pourtant, je faisais consciencieusement mes gammes et Mme Lami (0 nom prédestiné !) me disait douée.

L'après‑midi, il faisait très calme dans la salle à manger. A peine percevait-on vaguement la sonnerie du magasin et le bruit des gammes n'étouffait pas la rumeur de mon sang qui me bruissait curieusement aux oreilles. L'estomac serré, j'avais peur. De quoi ? De rien, si ce n'est du calme et de la solitude.

Cependant, le théâtre de mes plus savoureuses peurs restait sans conteste l'autre extrémité de la maison. Débutant avec le long couloir obscur, ma panique progressait avec lui par quelque bout que je le prisse. Si je m'y engageais venant de la cour vitrée, j'avais d'abord à ma gauche, le grenier à farine avec son escalier raide, aux marches incurvées par où, dans un cauchemar que j'avais régulièrement, endormie ou non, un homme à vélo me fondait dessus, armé d'un long couteau acéré.

Moi, pressentant sa venue et regardant la porte encore close avec des yeux écarquillés, je restais clouée sur place. Lorsqu’enfin je parvenais à m'élancer en avant, la porte s'ouvrait et mon persécuteur cycliste fondait du haut des marches comme un aigle. Pour lui échapper, je devais m'élancer dans l'escalier qui descendait en tournant dans la cour vitrée. A nouveau paralysée, il me fallait le contact de la lame entre mes omoplates pour me décider à plonger, volant à mon tour et effleurant à peine l'arête des marches.

Venait ensuite la chambre des « hommes » où j'entrais parfois sur les talons d'Albert. Elle répandait une odeur de lits pas faits et de farine et était poudrée d'un léger duvet blanc. C'était vraiment une chambre de boulangers, ne fût-ce que par ce curieux conduit qui la coupait du plafond au plancher et à travers lequel transpirait l'impalpable poussière de froment. C'est par là qu'avec un bruit sourd de cataracte, la farine dévalait jusqu'au pétrin mécanique de la boulangerie, entraînant un jour avec elle une souris vivante.

Au fond du couloir était la salle de bains. Elle ne servait pas qu'à se laver. C'était le pensoir de Louise. Elle aimait s'y asseoir par terre, le dos au mur et regarder mélancoliquement les cafards qui allaient et venaient, dédaigneux de la poudre verte déposée à leur intention le long des plinthes. Nénette la chatte, installée dans une boîte en carton, y allaitait ses petits.

Le couloir tournait ensuite à angle droit, butait contre la porte du grenier à papier, simple placard bourré de sacs d'emballage mais qui par son seul nom de grenier miniaturisait pour moi les terreurs du grenier à farine. A droite enfin, la chambre du bout, au bout de laquelle se trouvait pourtant une petite chambre éclairée par une lucarne : le cachot.

Ces deux pièces servaient de salles de jeux. Lorsque j'y jouais avec Lison et nos amies, je ne songeais évidemment pas à avoir peur mais si je m'y retrouvais seule, la panique me prenait au bout d'un moment.

Papa venait y tenir sa comptabilité. Il avait un bureau à volet fort impressionnant et quand il travaillait, il allumait un petit réchaud à gaz. Parfois il descendait brusquement, ne laissant derrière lui que l'odeur de sa cigarette, un peu de fumée bleue qui s'étirait. Je fixais le bureau en désordre, les factures, les bouts de papier griffonnés, le grand livre comptable et, tout à coup, le silence me pénétrait avec violence, un léger bruissement touchait mes tympans (le bruit même du silence), je restais immobile, sentant venir la peur comme on pressent le plaisir et demeurant lourde, impuissante à remuer. Mon cauchemar familier me prenait. Tout devenait menace, les objets autour de moi grimaçaient, l'air même de la chambre me collait à la peau et je respirais difficilement, oppressée comme un plongeur des abysses.

Dans le tumultueux silence, un tuyau de décharge coassa et me fit sursauter et puis, tout redevint calme.

J'aurais pu me sauver mais je ne le voulais pas, attendant, attendant... Et soudain, cela arriva. Le déclic, quoiqu’imperceptible, se produisit. Les portes de la maison se verrouillaient les unes après les autres, me coupant la retraite, me livrant à l'homme au couteau pointu qui bientôt surgirait. Alors, à la dernière seconde, avant que la porte de la chambre du bout se fermât elle aussi, je me ruai vers la sortie, galopai, titubant, vers la trouée lumineuse que faisait au bout du couloir la verrière de la cour.

La maison comptait une profusion de greniers et de chambres mansardées mais mon grenier préféré était le grenier à paille, pas un grenier d'ailleurs, une écurie veuve de son cheval depuis que papa avait acheté une automobile. Le souvenir du cheval demeurait dans la famille. Papa évoquait souvent Gamin, contant ses tours d'animal vraiment domestique, habitué à recevoir là un morceau de sucre, ici une caresse.

C'est donc là, dans la soupente, que je faisais mes confidences, au marquis de la Riboisière. Bien après son départ, je continuai à grimper dans notre grenier. Je découvrais de là quelque chose d'absolument merveilleux, une vue plongeante sur les jardins des voisins, quelque chose que personne ‑ à mon avis du moins ‑ à part le marquis et moi, n'avait vu : l'envers du décor en somme, l'angle insoupçonné.

Dans les riches potagers aux beaux légumes verts et luxuriants, tout laqués des violentes averses de l'été, quand un rayon de soleil fondait du haut du ciel et venait allumer les flaques, le monde entier se mettait à briller. Sur les fils télégraphiques, des milliers de gouttelettes glissaient, rapides et aériennes, comme un signe tangible de la multitude de mots qui s'y bousculaient, invisibles, acrobatiques, se tenant d'une main et courant vite, vite vers leur destinataire. De ces gouttelettes diamantées il en tombait de partout, en franges, en colliers brisés, en cascades, en perles étincelantes.

Le ciel redevenait bleu, se hâtant, jouant des coudes pour accélérer la fuite des gros nuages blancs parce que s'ils restaient là, on ne savait jamais. Le vent se mettait de la partie : les nuages se défaisaient, s'effilochaient, se réduisaient à un peu d'étoupe fuyant bien loin vers d'autres jardins et d'autres petites filles.

Les ramiers, les hirondelles, tous les oiseaux des environs s'élevaient dans l'air, le fouettaient en tournoyant avec un empressement de petites ménagères et s'activaient à la toilette du ciel. Lorsqu’enfin  il était net, ils s'y promenaient nonchalamment, virant de bord comme des voiliers.

Dans le jardin de chez Delhaize, un tablier rose à carreaux pointait au bout du sentier. C'était Gisèle venant nourrir sa basse‑cour.

Pour moi, c'était la grande époque de la zoologie. Je ne me lassais pas d'examiner nos propres poules avec la curiosité et la conviction d'un entomologiste tenant sous sa loupe un insecte rare. Leur affairement, leur prétention les rapprochaient tellement de l'être humain que je n'aurais pas été étonnée de les entendre parler, tout en grattant la terre d'une patte active, du prix du ver de terre aux dernières mercuriales et de la rareté de la feuille de salade dans les épluchures ménagères que je leur portais le midi, serrée dans mon sarreau noir d'écolière.

Me captivaient-elles ces poules ! Je ne me fatiguais pas de les regarder pondre, s'installer gravement sur le nid avec des airs concentrés de grand sage. Mais je détestais le coq ! Glorieux et rutilant, il faisait figure de pédant parmi mes braves poules toutes simplettes. Et il était brutal, la sale bête ! Il les martyrisait... Toujours grimpant sur elles et leur mordant la crête, tandis qu'elles caquetaient, affolées et battant des ailes.

Pauvre innocente ! Pouvais‑je me douter, à douze ans, que cette hâte, cette exigence, cette pauvre poule portant sur son dos son bourreau, comme une belette cherchant à la saigner et trouvant enfin la veine du cou, celle où la vie coule tout entière rouge et tumultueuse, et y plongeant les dents, pouvais-je penser que c'était l'amour ? Il fallut, des années plus tard, de longues explications pour m'en convaincre.

Du haut du grenier à paille, j'observais mes amies, les rousses, les grises, les noires, grassouillettes et déhanchées, avec leurs culottes de plumes qui les faisaient ressembler à des grosses femmes en dessous démodés et douillets. Je passais aussi des heures dans le poulailler, heureuse de recueillir les oeufs frais, à la coquille brune, encore tièdes parfois. Je restais tellement immobile et sage, perdue dans ma contemplation, que les poules pondaient devant moi, roulant un oeil grave et perplexe en s'installant sur le nid, avec des airs de couvre‑théières en plumes, si pareilles à ces cocottes en faïence peinte dans le ventre desquelles on trouve des bonbons, que je ne pouvais démêler qui copiait l'autre.

Avec la même foi dans le nid « inaccessible » du grenier à paille, assise je ne sais plus comment ni sur quoi, je pondais mes premiers vers. Une vieille poussière grise épaisse comme du velours et entremêlée de rayons de soleil, tapissait tout. La fenêtre s'ouvrait sur l'enchantement et les mystères quotidiens du monde que je regardais avec l'âpre ferveur d'un astronome solitaire, contemplant Vénus tous les soirs à l'heure où ses voisins vont se coucher.

J'évoquais la Dordogne que j'avais connue pendant la guerre et ses roses « petits coeurs brûlants doucement se fanant au soleil » et l'eau, la pluie, la neige, le soleil, le feu, toutes ces énormes et banales découvertes d'une sen­sibilité d'enfant.

0 ma maison natale, s'en est-il passé des choses dans ton caravansérail pittoresque et désordonné ! Tu fus le nid tiède et unique où nos parents nous aimèrent, où nous apprîmes à être ingrats, à aimer mieux ailleurs. Mais les années ne font que redorer ton image. Il suffit de penser à toi pour que se déploie la fleur de l'enfance, pour que l'amour filial que nous portons au coeur nous fasse mal à la façon d'une déchirante blessure car le temps est proche où nos parents seront plus impalpables que la poussière de tes briques, où nous nous dirons : « Les avons-nous assez aimés ? ». Déjà notre tendresse nous encombre. Nous n'osons pas leur dire trop souvent et trop fort combien nous les aimons, de peur qu'ils devinent d'où vient ce redoublement d'amour.

Songer à toi, la maison, c'est retrouver un kaléidoscope d'images mises de côté avec soin par notre mémoire, comme si nous avions pressenti que les souvenirs seraient un jour notre seule richesse.

Pourquoi sinon aurais-je retenu cette image de papa ? Un lendemain de joyeuse sortie qui lui avait attiré la rancoeur de maman et des grandes, profitant d'une accalmie dans le travail, il entra vers dix heures à la cuisine, sans se douter que son « petit pierrot » allait le photographier pour la vie. Une veste d'alpaga gris passée sur sa chemisette enfarinée, il s'assit à table et se mit à déjeuner d'un oeuf mollet dans lequel il trempait des mouillettes. Ses yeux étaient un peu gonflés et il avait déjà perdu ses dents éblouissantes qu'Odette lui connut jusqu'à quarante ans. Ses cheveux noirs commençaient à devenir rares. Sans examen et sans analyse, je le trouvais beau, malheureux de surcroît, lui qui respirait la bonté et l'innocence, d'être critiqué pour quelques fredaines sans importance.

Je m'assis à côté de lui et le regardai intensément, espérant lui faire comprendre par ce regard plein d'amour que j'étais de son côté et l'absolvais. Mais il ne remarqua rien et continua paisiblement à manger.

Un beau matin, je débouchai fièrement du porche, en blanc de la tête aux pieds, dans une petite robe de toile d'albène avec des manches ballon, un diadème dans les cheveux et tenant sur mon ventre, pour souligner mon élégance, un petit sac bon marché, choisi dans la boîte à jouets. J'entends encore le rire amusé des badauds faisant la haie sur le trottoir pour voir apparaître la mariée. Mon premier essai de mondanité fut donc un échec. J'avais cinq ans et j'étais demoiselle d'honneur d'Odette. Arborer ma première robe longue avait quelque peu perturbé un sens aigu du ridicule. Le rire des voisins me le rendit sans tarder et je tournai prestement les talons, me retenant à grand-peine de taper du pied.

Avec la même netteté, je revois le jardin : une pelouse mal peignée, deux lilas fusant inattendus de la jungle burlesque et dépenaillée où des chats noirs et tigrés jouaient aux fauves et nous, les enfants, à Robinson Crusoë.

Les lilas... S'ils n'avaient pas été là, Albert les aurait inventés. A la fête des Mères, il cueillait aux plus petites de gros bouquets. Ensuite, il restait là, derrière les branches mauves que nous tendions à maman, la bouche fendue, gêné et souriant avec une tendresse respectueuse. Et bien sûr c'est dans le jardin aussi que descendaient les cloches le jour de Pâques.

A présent, la maison a cessé d'être ma maison. Il m'arrive de loin en loin de passer devant elle et c'est à peine si je la reconnais. D'autres boulangers lavent à leur tour les vitrines, tuent les guêpes et cuisent le pain. D'autres petits enfants la parcourent et l'explorent.

Ai-je tellement grandi depuis l'époque où ma tête n'atteignait pas le comptoir de bois crème ? La maison, grande comme un continent tout entier, n'est plus qu'une étroite façade de briques rouges, vieillotte, dérisoire et gauchie comme si elle avait rétréci au sortir de l'eau bleue du souvenir. Ou comme si je n'avais atteint l'âge adulte qu'au prix de cette diminution de ce que j'ai trouvé si beau et si unique. Ainsi dans les contes de fées, sous un coup de maligne baguette, l'enfant grand comme un petit pois, s'allonge sans fin et se déchire de sanglots en cherchant à tâtons dans la poussière les débris volatilisés de ses jouets.

Lire la suite...

Morts Conjointes - Extrait 1

Mons, 16 mai

Il a été pris au  dépourvu ! Je ne puis pas jurer qu’il soit persuadé du fait que je ne suis pas coupable du crime qui m’a été attribué avec tant de générosité. Il m’a même proposé de plaider coupable en y ajoutant des circonstances aténuantes pour attendrir les jurés. Je me suis opposé avec virulence à ce projet funeste. Je n’admettrai plus d’endosser une culpabilité qui ne m’appartient pas ni que l’on doute de mon innocence !

Lorsque je suis rentré au tribunal, les gendarmes m’ont directement entraîné vers le banc des accusés.

Toutes les attentions m’ont accompagné. Arrivé à la place qui  m’avait été désignée, j’observai les spectateurs, tous ces voyeurs à entrée gratuite. Certains d’entre eux avaient le regard colérique qui semblait expliquer leur présence dans ce cirque romain.

Aucun des membres de l’assistance ne me regardait  avec la sollicitude que l’on réserve au présumé innocent. Je ne la trouvai même pas dans les yeux des membres du jury ! C’eût pu m’inquiéter dans d’autres circonstances.

Le témoin était assis loin de moi, sous la fenêtre, à quelques mètres des magistrats déguisés. Il me lança un regard franc, haineux, mais sincère.

L’espace d’un instant, j’hésitai, je doutai de moi-même : n’aurais-je pas quand même tué ? L’acte n’aurait-il pas été effacé de ma mémoire en réponse à un choc émotionnel ? »

Je ne pouvais pas croire à une telle éventualité. Je ne la retins donc pas dans le cadre de ce qui était réellement à envisager.

Le témoin avait un noir dessein dont j’étais incapable de déterminer la nature. Il était mon ennemi, le seul et unique que je n’eusse jamais eu !

Avouer aurait été mettre de l’eau au moulin de sa vanité, lui donner l’opportunité d’être félicité par une société en mal de vengeance.

Mon regard rencontra le sien. Je le maintins jusqu’au moment où il baissa les yeux. Je refusais sa présence à mon spectacle, je ne voulais pas qu’il se délecte de ma mise à mort due au piège qu’il avait tendu et dans lequel j’avais été entraîné. Mais il était là, pour jouer la pièce qu’il avait écrite, probablement avec la collaboration du Commissaire

de Police ou du Juge d’Instruction.

Le cirque pouvait commencer. Les présentations furent vite faites. J’entrais d’emblée dans la cage aux lions sous la houlette du  magistrat entouré de ses adjoints.

Le spectacle comprenait l’image de la malheureuse étranglée par le vilain dentiste, le témoin qui avait vu le méchant assassiner et jeter ensuite sa victime à l’eau !

Je ne pouvais en entendre plus. Je mis mon esprit en veille, comme j’avais appris à le faire en prison pour ne plus percevoir les bruits parasites qui troublaient ma quiétude.

Un gars de la bande des magistrats se leva et vint briser mon isolement. Il me posa des questions auxquelles je répondis vaguement pour satisfaire sa curiosité et l’éloigner le plus rapidement possible.

Cette séance de méditation d’isolation fut suivie par plusieurs autres que je décrivis dans mon journal.

Je les consacrai à des sujets aussi nobles, toutes dans l’esprit de mon refus d’exister dans le contexte de la justice que l’on voulait m’imposer.

Physiquement, j’étais assis parmi ces chacals sans qu’ils pussent s’adresser  à moi, ni aiguiller mon attention vers le jugement. J’étais auto anesthésié.

Mes prédateurs ne parvenaient même plus à avoir de l’influence sur ma pensée.


Lire la suite...

Les rêves peut être dans une autre vie......

J'ai dans la tête des idées mélancoliques

ma mémoire semble vide d'espoir

je rêve d'un monde idyllique

avec cette envie de tout voir.

 

 

J'ai dans le coeur des envies de vivre

mais les pensées obscurent mon désir

j'imagine un tableau peint tout en couleurs

avec comme fond des images de bonheur.

 

j'avance à petit pas , m'observe dans le miroir

pleurant parfois le passé , le temps qui passe

j'aimerai arrêter l'horloge de la vie juste un soir

m'arrêter au coeur de l'histoire et m'y faire une place.

 

j'entendrai alors le soufle du vent me parler

me dire qu'il traverse les siècles , les années

pour lui la vieillesse n'est qu'un passage

que les humains ne peuvent controler.

 

J'aime avoir le regard marquant mon âge

comme un buvard dont l'encre a laissé des traces

J'aime retrouver le goût de mes voyages

les souvenirs qui me laisse le coeur en mélasse.

 

Je retombe alors peu à peu dans ma réalité

réalité enrichie d'imaginaire , d'espérance

afin qu'un jour se reveille mon enfance

où tout me semblait en cohérence

où tout m'était perçue avec sincérité.

 

 

Lire la suite...

Ce soir , je suis en Corse...

Ce soir, je suis en Corse...

La mer caresse les rochers,le soleil depuis longtemps a enflammé le ciel et cajolé les étoiles...

L'air du maquis m'enivre et me porte par delà la montagne, vers ces villages de pierres et de chants, de silence et d'amour ...

Des rues abruptes, quelques vieux qui discutent sur le banc, des femmes en noir qui tricotent en surveillant les gamins du coin de l'oeil, ici , tout respire le calme et la sérénité...

Et puis ,aux abords de la nuit,un chant s'élève, doux, lancinant, ajoutant à la tendresse ambiante.

Cette voix de femme caresse le temps, le suspend un instant.

C'est un chant d'amour qu'elle offre à son enfant aux portes du sommeil.

D'un coup, ce chant se propage bien au-delà du village, se jouant de la montagne, effleurant pins et châtaigners, caressant les rivières, il va , là où la brise l'emporte, là où la vie le mène, là où le coeur l'entend...

Bientôt ,il gagne le rivage, la mer, puis s'envole autour de la Terre où, d'Afrique en Amérique du Sud et d'Asie en Australie, il trouve des échos, des réponses. Comme un appel, comme une caresse...

Et à travers ces réponses, à travers ces partages, il se nourrit, il se grandit et semble renaître à chaque rencontre nouvelle...

Bientôt le chant revient par les montagnes de Corse. Là-haut,dans ce petit village de pierres, l'enfant s'est endormi,au sein de sa mère.

Le chant continue doucement de bercer le premier sommeil de ce petit être qui déjà voyage bien loin, au pays du magique et du  merveilleux...

Ce soir , je suis en Corse...et mon être, mon coeur, mon âme se laissent bercer par la Tendresse de cet instant,par la Tendresse du premier instant...

Ce soir je suis en Corse...Là-haut, la lune a pris son chemin, les étoiles lui tracent sa route et peu à peu la nuit envahit ce petit village de pierres...

Ce soir, je suis en Corse ...

 

Texte de Jacques Staempfli..(Rencontre lors de mon séjour dans le Jura).

 

Amitiés.
Liliane.

Lire la suite...
administrateur théâtres

"La fausse suivante" de Marivaux (Théâtre Le Public)

  12272732654?profile=original12272754053?profile=original

LA FAUSSE SUIVANTE

de MARIVAUX
Mise en scène: Patricia IDE / Avec Serge DEMOULIN , Baptiste BLAMPAIN , Xavier DELACOLETTE , Jeanne KACENELENBOGEN , Caroline KEMPENERS et Chloé STRUVAY

 

DU 09/09/11 AU 19/11/11

 

 Aucune fausse note dans cette partition  féroce et magnifiquement écrite de Marivaux.  La langue est succulente, la vérité empoisonnée. Si on s’attendait à une pièce célébrant l’amour et picolant dans le marivaudage, on a tout faux. Il s’agit d’une éducation sentimentale tout à l’envers. La mélodie est plutôt une impitoyable farce en sous-sol. Le décor romantique est pourtant bien planté : ajoncs, mare au diable, barque retournée, chant d’oiseaux et de batraciens,  mousses, lichens, lierres dont la devise  est « je meurs ou je m’attache. » Eh non !  La devise c’est le louis d’or, l’écu, l’euro. Une mine d’or dans la tête et rien dans le cœur. Modernité ?   Tout  est pur calcul sordide : comment augmenter mon bénéfice ? La grille du château est là, entr’ouverte, face aux spectateurs, et personne ne s’aventurera dans les paysages bleus de l’amour.   Et ce magnifique décor représente à lui seul l’illusion d’optique voulue entre les sentiments et  la rouerie, l’art de feindre et de dissimuler.

Confusion des sentiments, des valeurs et des sexes. Déguisements. Une belle aristocrate  s’est déguisée en chevalier pour tenter de connaître les intentions  réelles de Lélio qu’elle doit bientôt épouser. «J'ai du bien ; il s'agit de le donner avec ma main et mon cœur ; ce sont de grands présents, et je veux savoir à qui je les donne. » C’est une femme de caractère.

Elle découvrira bien vite que ce dernier, mû par l’arrivisme et l’appât du lucre plus que par les nobles sentiments, est  déjà engagé auprès d’une comtesse avec laquelle il a signé un dédit. Selon ce contrat, sorte d’avenant à leur promesse de mariage, le premier qui trahit l’autre devra lui verser en dédommagement une rente de plusieurs milliers de livres. Or, pour Lelio, la comtesse vaut moins que l’aristocrate de Paris et son choix est vite fait. Comment donc se défaire noblement de la comtesse sans payer le dédit ! Il utilisera le chevalier à ces fins. « Le chevalier, à part. Ah ! L’honnête homme ! (Haut.) Oui, je commence à te comprendre. Voici ce que c'est : si je donne de l'amour à la Comtesse, tu crois qu'elle aimera mieux payer le dédit, en te rendant ton billet de dix mille écus, que de t'épouser ; de façon que tu gagneras dix mille écus avec elle ; n'est-ce pas cela ? »

Et la comtesse, légère,  tombera follement amoureuse du mystérieux chevalier. Cela vaut son pesant d’or! Mais, elle non plus, n’a pas envie de payer un dédit.

Qui est le plus fourbe, le séduisant Lelio aussi froid que la mort ou le chevalier si habile au complot ? Avant de révéler sa véritable identité, la parisienne fortunée se sera fait passer pour chevalier, et ensuite comme servante de ladite Parisienne. « Je suis fille assez jolie, comme vous voyez, et par-dessus le marché, presque aussi méchante que vous. »

 Pour souligner la poursuite effrénée du gain il y a deux autres personnages, des valets, presque des gueux, prêts à tout pour une obole, et qui n’arrêtent pas de courir dans tous les sens. Trivelin : qui porte bien son nom,  sorte de SDF truculent, manipulateur et rapace. Arlequin : moitié elfe, moitié laquais  affamé, qui vit sans doute de la cueillette d’escargots quand il ne peut pas noyer sa misère dans le vin. Ils rendent tous deux  le propos encore plus cru, les scrupules encore plus inexistants. Lelio accumule les formules à l’emporte-pièce : «  Lelio : Est-il besoin d'aimer sa femme ? Si tu ne l'aimes pas, tant pis pour elle ; ce sont ses affaires et non pas les tiennes. » Le public gronde.

 

Le mot de la fin est chanté par le guitariste.

Cet amour dont nos cœurs se laissent enflammer,

Ce charme si touchant, ce doux plaisir d'aimer

Est le plus grand des biens que le ciel nous dispense.

Livrons-nous donc sans résistance

À l'objet qui vient nous charmer.

Au milieu des transports dont il remplit notre âme,

Jurons lui mille fois une éternelle flamme.

Mais n'inspire-t-il plus ces aimables transports ?

Trahissons aussitôt nos serments sans remords.

Ce n'est plus à l'objet qui cesse de nous plaire

Que doivent s'adresser les serments qu'on a faits,

C'est à l'Amour qu'on les fit faire,

C'est lui qu'on a juré de ne quitter jamais.

 

Lorsque l’on remonte du sous-sol, on emporte avec soi,  l’art sûr de ces jeunes  comédiens talentueux qui excellent dans leur jeu, dans leurs poses, leurs regards,  dans la transmission de la vivacité de la langue de Marivaux. Un exploit.  On a été éblouis et confondus.

 

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=283&type=1

 

 

 

Lire la suite...

Jusqu’au 12 novembre 2011-09-18

 

La caricature a été un genre triomphant en France à partir du XIXe notamment au travers du dessin de presse (qui ne se nomme pas encore ainsi), c'est d'ailleurs en représentant le roi Louis-Philippe sous la forme ridicule d'une poire que le maître du genre Honoré Daumier va entraîner des restrictions de la liberté de la presse, fruits de la colère royale.
Mais la caricature n'est pas née au XIXe, on suppose même que le genre, issu de la satire, est aussi vieux que le monde puisque l'on en trouve des traces dès l'Antiquité. La caricature se niche sur d'innombrables supports : céramique, sculptures, monnaies et médailles et toutes les formes picturales. Elle peut n'avoir pas d'autre objet que d'amuser mais elle sert aussi de puissant instrument de propagande (entre autres durant la Réforme où malgré leur haine déclarée des images, les Protestants n'hésitent pas à l'employer pour dénigrer les Papistes). Elle tient aussi une place de choix dans les pamphlets diffusés par des nations en guerre, Anglais et Hollandais dépeignent ainsi Louis XIV sous des formes grotesques ou odieuses et dans la période pré-révolutionnaire, personne ne sera plus caricaturée que Marie-Antoinette, inlassablement représentée sous les apparences les plus monstrueuses : sorcière, créatures mythologiques terrifiantes et figures de débauche variées.
La diffusion à grande échelle de la presse écrite assure ensuite à la caricature une fortune inédite même si elle alimente parfois les pires messages, elle sera entre autres, un vecteur redoutable de l'antisémitisme, de l'Affaire Dreyfus à la fin de la Seconde guerre mondiale. 
Aujourd'hui, c'est dans le dessin de presse et le champ politique qu'elle continue de s'épanouir.


(Document Culturebox)

 




Lire la suite...

Flash-back

 

Il m’attirait vers un miroir

Et prenait plaisir à y voir

Se refléter nos deux visages.

Certes une bienheureuse image!

 

C’était l’année de nos vingt ans.

Nous partagions chaque instant.

À la fac, assis côte à côte,

Où pour nous, il prenait des notes,

 

Après les cours, chez ma logeuse,

Pleine d’humour et généreuse,

Très fréquemment, au cinéma,

Assez souvent, à l’opéra.

 

Passage enivrant de ma vie

Mais, vite chassée l’allégresse!

Me vint une immense tristesse,

Suivie d’intense nostalgie.

 

Le temps sournois m’a enlaidie.

Or, il arrive par magie,

Quand je suis face à mon image,

Que la remplacent nos visages.

 

18 septembre 201

Lire la suite...

A vous tous qui aimez les abeilles !

Bonjour à tous,

J' achève la lecture d'un livre - témoignage fabuleux : " Le rucher du père Voirnot " de Frédérique Volot,  sorti  aux Presses de la Cité - Terres de France - en 2011.

Cet homme, né en 1844 et décédé en 1900, féru d'apiculture ,   a consacré sa vie aux abeilles , a imaginé  et créé un modèle de ruche , basé sur le nombre " 33 "...

Ce roman, passionnant, évoque  également  la vie rurale de cette époque, et  me paraît un outil  indispensable à découvrir par tous ceux qui aiment et protègent les abeilles ; il est aussi interpellant,  quant à son questionnement sur  la protection de l'environnement .

J'ai eu la possibilité de lire ce livre grâce au " Bibliobus de la Communauté Française " qui sillonne régulièrement  les villages de Wallonie .

Belle fin de journée à tous ! Nicole

Lire la suite...

Merci

12272760054?profile=originalMerci à Guy de Boek, artiste peintre et écrivain, Bruxelles, Belgium
D' avoir publier cette toile de moi dans son billet quotidien
Michel Marechal
Lire la suite...

L'ORAGE GRONDE

12272759667?profile=originalAA

Par les petits matins d'insomnies
L'orage gonde , les yeux en éclairs

L'ire du ciel percute l'esprit

L'objet de mes tourments en ces espaces lointains

se brise en fragments colorés

AA 

Orages sur Toulon ce matin chagrin

Lire la suite...
administrateur théâtres

12272732654?profile=original  

"Désordre public" (pièce d' Evelyne de la Chenelière)

 

Désordre public ou désordre mental ?  Voici une pièce sans prétention de la canadienne Evelyne de la Chenelière, jouée avec humour, dérision, et pétillements. Les acteurs sont jeunes, dynamiques, et il y a même un surdoué. L’action se passe dans un autobus. "Max dans l’autobus", le comble de l’anti-héros, a été lâché par sa femme et son boulot. Il a perdu même sa voiture, c’est pour cela qu’il prend désormais l’autobus, et se retrouve tout-à-coup sur le pavé.

 

 Et soudain, alors qu’il commence tout doucement à ne plus se sentir exister, il perçoit les bruits des autres, les bruits d’âme et du cœur des autres passagers de la vie. Est-il en train de devenir fou, schizophrène, à devoir  ainsi  être le témoin de leurs transports intérieurs ?  Les gens anonymes qui roulent autour de nous soudain deviennent audibles. Egoïste dans l’âme, il rejette cette nouvelle faculté, sous-entendant qu’il a déjà bien assez  à faire avec ses 5 sens pour survivre. Mais il ne peut s’empêcher de parcourir ce chemin obligé de la compassion. On tombe donc avec lui dans la cour des miracles de notre société contemporaine, faite de solitude et de « foule sentimentale assoiffée d’idéal ». Il y a tous les paumés de la vie  qui se trompent de reflet dans le miroir.  Dans le kaléidoscope, on rencontre des personnages cocasses, dont l’enfant surdoué.  Mais on se serait aisément passé des allusions à la politique belge puisque tout  se passe au Québec, terre de rêve. Laissez-nous donc rêver ! …  Les allusions par contre au métier d’acteur font mouche.  On remonte dans le temps avec des chansons phares comme "Let the Sunshine in",  "Unbreak my Heart !" ," I will survive!", chorégraphiées comme au Club Med ! On invite même des spectateurs à danser. Tout cela est très peace and love. Le matériau est donc souvent décousu, hétéroclite ou expérimental, mais la vie n’est-elle pas que chaos et expérience ?

 

On retiendra en revanche le très beau monologue final de Max qui donne une certaine  profondeur humaine à la pièce. « Plus j’entends, plus je disparais. Je suis le réceptacle de tous leurs maux. On traîne tous les échos superposés de ce qui s’est dit. Je suis devenu les autres, (rires). Suis-je devenu un grand acteur, enfin ? Mais je n’ai plus de vanité. Personne ne fait le poids de centaines d’ êtres humains. Le monde m’envahit, j’entends tellement loin que je n’entends plus rien. Tout se superpose, tout s’empile pour me rendre sourd. Je ne peux plus rien dire, je n’ai plus de mots. Tous ces balbutiements… quelque chose dont je ne trouve pas le sens !  »

DESORDRE PUBLIC

d’ÉVELYNE DE LA CHENELIÈRE
Mise en scène: Olivier Coyette / avec Benjamin Boutboul, Olivier Coyette, Sophie Jonniaux, Virgile Magniette, Mirabelle Santkin et Emilienne Tempels

 

DU 16/09/11 AU 05/11/11

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=284&type=2

 

 

Lire la suite...

Attente comblée


 

 

Epaisse couche de nuages,

absorbant la mémoire,

créant un fond nacré,

au feuillage foncé des érables géants.

 

Je fixe l’écran nu,

qui s’amincit et se déchire,

laissant se répandre une eau bleue,

alimentant des lacs et de jeunes rivières.

 

La couleur s'éclaircit

entre les câbles électriques,

perchoirs désertés des oiseaux.

L’instant s’écoule au ralenti, dans le silence.

 

Des masses floconneuses,

faites de neige immaculée

m’apportent une joie enfantine.

Mon esprit vogue en liberté vers l’infini.

 

Mon âme est en attente.

La paix, qui naît de l’harmonie,

engendre un courant de tendresse.

Le soleil apparaît, sa présence me comble.

 

                                                                               24/8/1998

Lire la suite...
administrateur théâtres

 12272758467?profile=original

Oscars ou Toques pour  Patrick de Longrée et Stephen Shank qui nous ont ravis avec leur adaptation grandiose -sensible et juste  - du chef-d’œuvre de Victor Hugo : LES MISERABLES ?

Une trentaine de scènes toutes dynamiques,   majestueuses même dans le sordide,  illuminées de passion pour la justice, l’amour et  la bonté vont se dérouler devant nos yeux ébahis. La mise en scène sera explosive, les odeurs de poudre au rendez-vous dans toute la plaine. « Waterloo, cela vous dit quelque chose ? » Les costumes sont d’une richesse imaginative à couper le souffle.

Un menu en 12  tableaux :

1.   L’accueil de Jean Valjean chez Monseigneur Myriel

2.   Monsieur Madeleine, maire de Montreuil

3.   Fantine et Cosette

4.   La mort de Fantine

5.   La rencontre de Jean Valjean et de la petite Cosette

6.   La taverne des Thénardier qui “vendent” Cosette à Jean Valjean

7.   Javert poursuit Cosette et Jean Valjean qui trouvent refuge dans le Couvent du Petit Pic-Pus  

8.    L’éducation de Cosette  

9.    La rencontre de Cosette et Marius  

10.  Eponine

11.  Les barricades et les combats  

12.  La mort de Jean Valjean

 12272759059?profile=original

Ce roman en deux tomes  est une fresque épique, sociale, humaniste et c’est tout un art que d’en savoir dégager ainsi toute la substantifique moelle. Emotion, humour, violence, romantisme et crises de conscience sont chorégraphiés avec soin extrême sur les pentes douces de ce décor splendide et subtil, fait de pavés de Paris ou d’ardoises de chez nous, surplombés de panneaux de vitres de notre siècle.  Les images sont superbes, les tableaux esthétiques. La musique et les lumières ricochetant sur la mosaïque de petites vitres donnent un relief extraordinaire à l’ensemble.

 Il y a cette valse récurrente de Chostakovitch, jouée dans le ton ou en discordances…de plus en plus perceptibles. 

 Il faut observer la rosace de Notre-Dame de Paris, ou les ponts, ou les pieds de la Tour Eiffel qui se répandent sur la butte.

 Il faut se laisser conduire par la voix délicieuse de la narratrice, Sylvie Perederejew.

 Il faut craquer avec l’interprétation exceptionnelle de Jean Valjean par Pascal Racan.

Il faut ricaner sur le funeste Javert, et aussi s’émouvoir sur sa crise de conscience. Par trois fois, il a un ‘Non’ colossal qui fusera dans la plaine. Inoubliables, celui de Jean Valjean qui soudain décide de se convertir à la Bonté et celui de Javert qui se jette à la fin  dans les égouts de Paris. Et le non avorté dans le  croassement rauque de la Thénardier qui pleure le corps sans vie de sa fille Eponine.

 Après les conversions, il y a les illuminations : celle de l’amour entre Cosette et Marius, un morceau de féerie d’ailleurs orchestré par la fée de la narration. Et tout ce chapelet d’actes de compassion de Jean Valjean, ce forçat, cet homme dangereux. 

Il a a la mort de Gavroche.

12272758661?profile=original

 Il y a ces détestables gueux, les Thénardiers, qui n’hésitent pas à détrousser les cadavres, voler et séquestrer les enfants, manier  le chantage le plus sordide.  Des misérables. Des sauvages. « Sauvages. Expliquons-nous sur ce mot. Ces homme hérissés qui dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse-tête levé, la pique haute ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l’homme, l’instruction pour l’enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l’égalité, la fraternité pour tous, l’idée pour tous, l’édenisation du monde, le Progrès ; et cette chose sainte bonne et douce, le progrès , poussés à bout, hors d’eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche. C’étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation.» « Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l’épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit. » IV, 1, 5 Les Misérables

Et voilà de quoi réfléchir. « « Ni despotisme, ni terrorisme. Nous voulons le progrès en pente douce. Dieu y pourvoit. L’adoucissement des pentes, c’est là toute la politique de Dieu. »

Tout est dit.

Revenons quand même à cette  pléiade éblouissante d’acteurs, à leurs  prestations exceptionnelles car on savoure encore bien après le spectacle, l’amour maternel désespéré de Fantine,  le charme angélique et innocent  de sa fille Cosette, la séduction intense et l’agilité nerveuse de la provocante ingénue Eponine et surtout  la façon inoubliable dont tous les comédiens ont fait chanter la magnifique langue française de l’écrivain Victor Hugo sur cette terre chargée d'histoire.

 

12272759267?profile=original

 

http://www.tvcom.be/index.php/info/news/6947

La distribution

PASCAL RACAN (Jean Valjean)
LAURENT BONNET (Javert)
JEAN-LOUIS LECLERCQ (Thénardier)
JACQUELINE NICOLAS (La Thénardier)
STÉPHANIE VAN VYVE (Fantine & Cosette)
VALENTINE JONGEN (Cosette enfant)
CLÉMENT MANUEL (Marius)
JÉRÉMIE PETRUS (Gavroche)
STEPHEN SHANK (Mgr Myriel)
FRANÇOISE ORIANE (Mme Magloire)
JEAN-FRANÇOIS ROSSION (Enjolras)
DENIS CARPENTIER (Grantaire)
PETER NINANE (Laigle)

http://www.deldiffusion.be/prochaines_productions/prochaines_productions.asp

Lire la suite...

Lettre ouverte à l'ami absent

 

Sans ta tendresse, je chemine.

En méditant, je me souviens.

Parfois la réalité mine

Ma certitude d’être bien.

 

Certainement, ma foi persiste,

Je loue la chance que j’ai eue

Et celle du présent: j’existe!

Cependant, je ne chante plus.

 

Quand, non pas la mélancolie,

Mais l'apathie me tient maussade,

Le fait d’écrire me délie,

Je te compose une ballade.

 

Tu m’as dit ceux de mes poèmes,

Les plus aimés, souvent relus.

Structures nouvelles d'un thème:

Ma fidélité rien de plus.

 

Cette lettre que je t’adresse,

Sera lue par qui le voudra.

Ceux auxquels elle parviendra,

Seront imprégnés de tendresse.

 

16 septembre 2011

 

 

 

 

Lire la suite...

S’aiguiser l’esprit

S’aiguiser l’esprit

 

Comme le rémouleur

Aiguise ses couteaux

En affutant la lame,

J’aiguise avec flamme

Mon esprit renouveau

Pour mon plus grand bonheur.

 

Ses outils métalliques

Maniés avec passion

Sur les lames éraflées

Animent sa volonté

De faire restauration

Des couteaux en musique.

 

Les livres que je dévore

Depuis que je sais lire

Nourrissent mon esprit,

Raffinent ce que je vis.

J’ai envie de vous dire

Qu’ils sont mon doux mentor.

 

La lame subit la lime

Qui fait son va-et-vient

En vue de l’affiner

Et de la faire briller

Doucement, l’air de rien,

Pour lui donner bonne mine.

 

Mes yeux déchiffrent les mots.

Mon esprit leur donne sens

Dessinant leur image

Et, dans ce doux sillage,

Ce que mon cœur ressent

C’est l’émotion du lot.

 

Deneyer Viviane 30/08/2011

Lire la suite...

Des mots à dire

Des mots à dire

 

J’ai des choses à dire.

Cela fait des années

Que j’avale ces mots

Qui me glacent et me peinent.

 

Je les empêche de naître,

D’étinceler au grand jour

De peur de déplaire

Ou de blesser autrui.

 

Ils en ont assez

D’être toujours refoulés,

Ne souhaitent plus

Être ainsi enfermés.

 

Ils se manifestent

En me brûlant la gorge,

S’attaquent aux parois,

Barreaux de mon gosier.

 

Ils veulent être libres

De danser, de valser

Et d’éclabousser

Tous ceux qui les méritent.

 

Pourquoi ai-je choisi

D’être une fille trop sage

Dans un corps qui souffre

De ces mots, maux à dire ?

 

Les autres ne se privent pas

De parler dans mon dos,

Craignent ce qui m’habite,

Vérités à entendre.

 

Alors ils ont peur,

Inventent des scenarii,

Sèment une zizanie

Qui atteint mes oreilles.

 

Ils discutent entre eux

De ma lave qui bout

Tout en ayant peur

Que mon volcan s’éveille

 

Et ouvre la porte

De ces mots prisonniers

Que je préfère taire

Au point de me blesser.

 

Ma gorge brûlante

Vient de se soulager.

Je sens qu’elle enfante

Une femme libérée.

Deneyer Viviane 14/09/2011

Lire la suite...

Bonheur fragile

 

Il est des îlots de bonheur,

Où le hasard peut nous conduire

Vite, on s’y laisse séduire,

C’est l’exaltation du bonheur.

 

Où le hasard peut nous conduire,

Par chance, en un heureux ailleurs.

C’est l’exaltation du bonheur,

L’oubli des craintes pouvant nuire.

 

Par chance, en un splendide ailleurs,

Où les espoirs peuvent reluire,

L’oubli des craintes, pouvant nuire,

L’instant nous offre le meilleur.

 

Où les espoirs peuvent reluire,

Dans un cadre certes enchanteur,

L’instant nous offre le meilleur,

Distrait de ce qui va détruire.

 

16 septembre 2011

 

Lire la suite...
RSS
M'envoyer un mail lorsqu'il y a de nouveaux éléments –

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles