ou j'expose ainsi que mon amie Stéphanie Dehon membre de arts et lettres
je vous invite de tout coeur à cet évènement
Racour, prés de Lincent et Hannut
Belgique
Michel Marechal
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Michel Marechal
Tous renseignements au O6 34 50 13 60 et 06 37 42 89 50
J'aime quand le hasard de tes mots te mène jusqu'à moi. J'aime quand tu voyages de mes rires à mes pleurs. Tu es fort, tu me plais de plus en plus fort. Tu es beau,
je te trouve de plus en plus beau. Tu m'émerveilles. Ma merveille.Tu n'es pas facile, mais je t'aime. Je me coule dans ta gorge aussi sucrée que ton café. Je me baigne dans ton eau fraîche pour me laver de tous les mots qui te blessent. Je me caresse de tes plaisirs, je te caresse de mes désirs. Je te cherche. Je te chante. Tu me touches. Je te souffle un vent de baisers chauds. Je te fais des baisers de ma bouche. Je me couche au creux de tes bras. Je suis au centre de la terre, je suis au centre de l'univers, je suis au nombril de ma vie, je suis à la clairière de ton bois, je suis à la lueur du bonheur, je suis à la fleur de mon essence. Je suis parfois l'essence qui te colle à la peau et qui te donne l'envie de sortir de toi-même, je suis parfois l'eau qui coule pure et qui te donne l'envie de me boire jusqu'à plus soif. Je suis la flamme qui scintille, je suis la galette d'amour, je suis l'œuf, je suis la poule, je suis le commencement, je suis à la naissance de notre amour, à la lueur de la bougie qui éclaire mon cœur. Tu me fais tourner la tête, tu me fais sorcière, tu me fais la fête, tu me fais la tête, tu me fais rire, tu me fais vivre une véritable histoire d'amour, tu me fais fondre, tu me fais perdre mes moyens, tu me déstabilises, tu me déshabilles, je perds contrôle, je lâche prise, je me livre à toi, je t'aime à cœur ouvert. Tu m'aspires au centre de l'univers, tu apparais au centre de mes perspectives sans fin, tu me centres au milieu de la sphère. Tu satellites ma planète, tu m'entoures d'un anneau de lumière, tu ensoleilles ma vie, tu sens mes humeurs qui vont et qui viennent comme mes marées sous l'influence de ta lune. Chacune de tes gouttes d’amour arrose mes idées qui poussent comme le blé dans les champs de tes campagnes. Que tu me prennes, que tu me fasses tienne, que la chance nous accompagne. Que la nature nous protège. Que les saisons se succèdent sans que tu ne te lasses jamais de moi. Que les mois passent. Que tu m’enlaces pour t’endormir, que tu t’abandonnes au sommeil, que tu te réveilles dans mes bras.
Un deux trois, que la simplicité soit.
Le repos, le repas, l’amour et le trépas.
Ainsi va la vie, ainsi s’en va t-elle.
Bonjour mon amour, que ta journée soit belle.
Mais qui dit signe au XXe siècle, dit aussi lettres et chiffres. L'intégration de texte dans les tableaux est une constante de notre siècle où clercs et lettrés ont cessé d'être de rares privilégiés. Miró poète double ici Miró peintre, le graphisme d'une phrase ou d'un mot est partie intégrante du jeu des formes, comme il se doit, mais cela ne suffit pas, la parole dite prend son sens à partir de la manière de l'écrire, le poète exige de son lecteur-spectateur une attention active qui suit l'arabesque de l'écriture, les liens, les interruptions, pour éprouver avec lui l'émotion ou l'enchantement de la parole naissante. Inspirés des "Calligrammes" d'Apollinaire, les textes insérés dans les tableaux les dépassent, en ce sens qu'ils ne sont jamais eux-mêmes images, mais références aux battements du coeur, à la joie de dire, au sentiment éprouvé exprimé parallèlement aux couleurs et aux signes picturaux, c'est la conjugaison de deux manières jumelles, écrire et peindre, d'exprimer une même émotion. Une certaine naïveté voulue préside à ces jeux de texte pendant la période purement surréaliste.
Si l'écriture manifeste une manière subjective de s'exprimer, en revanche, les lettres typographiques et les chiffres sont traités comme des abstractions; ils supposent une lecture moins assurée, perturbée par des répétitions d'une même lettre; ce sont des signes venus du dehors, des accidents, des éléments séparés les uns des autres, qui ne prennent sens que par des regroupements plus ou moins aléatoires.
Qui s'intéresse aux signes pourrait négliger la matière picturale. Il n'en est rien en ce qui concerne Miró. Dans son âge mûr, il s'est exprimé avant tout par la manière de poser la couleur, de la mélanger avec diverses matières, d'user de tel ou tel support. A cette époque on peut dire qu'il s'exprime directement par la matière elle-même, par le travail opéré sur elle; cependant ce n'est pas une découverte tardive dans sa jeunesse aussi, il était à l'affût d'un tel mode d'expression. Lorsqu'il est dans la mouvance surréaliste, André Breton lui reproche d'ailleurs d'être trop peintre. Il ne sen contente pas, en effet, comme d'autres, de faire éclater la convergence ou l'opposition entre les signes et les images, il fait parler aussi l'épaisseur, le velouté, la densité, les nuances de sa peinture.
Ce "défaut" apparaît dès ses débuts. Dans les paysages, les portraits, les natures mortes peintes avant 1921, il a un rapport sensuel avec la couleur, il se plaît à créer des effets par l'épaisseur ou la direction de la touche. Surtout il est très attentif à ce qui consitue l'aspect matériel de ses modèles. Il rend compte des différences entre tissus, plumage, pelage, carton, bois ou autres matières, mais les moyens dont il use l'éloignent de tout trompe-l'oeil, de toute valorisation tactile, il joue du tracé, des différences de couleur, de la mise en valeur d'un détail ou d'un rythme pour faire sentir la spécificité de chaque chose et seulement sa spécificité.
Par la suite, il cherche quelque temps à spiritualiser ses formes en utilisant une matière moins épaisse et moins travaillée et s'attache moins à différencier les objets par leur texture. Mais dès qu'il se libère de la représentation optique des choses pour en venir à une transcription elliptique de la réalité, il retrouve plaisir à peindre des fonds modulés et se plaît à faire surgir sur les bleus ou les ocres des taches chromatiques très denses. Lorsque viendra le temps de l'inquiétude, dans les années trente, il cherchera à vaincre ses difficultés en utilisant des supports difficiles, papiers, velours, papiers de verre, cuivre, celotex, qui le forcent à dépasser le graphisme libre et la tache de couleur, pour intégrer des matières antagonistes.
Les "Constellations" semblent mettre un point final à ces recherches. Gouaches sur papier, elles tirent l'essentiel de leur expression du raffinement des tracés et du rythme des formes. Cependant les fonds sont travaillés, Miró prépare ses papiers à la gomme; en outre, dès 1942, quelques petits tableaux montrent des mélanges de techniques et une expression directe des traînées de couleur. Lorsqu'il peint sur toile, il choisit des tissages irréguliers. En fait Miró était tout à fait conscient d'avoir, dans l'isolement relatif de sa Catalogne, pendant la guerre, prit un goût de plus en plus grand pour les matériaux qui bientôt exprimeront direcement leur origine dans des compositions dynamiques où la facture joue le rôle essentiel.
Mais la peinture ne suffit plus à satisfaire Miró. Dès la fin de la guerre il est de plus en plus attiré vers de nouvelles disciplines. Parmi celles-ci on ne s'étonnera pas de voir figurer la gravure. Là, l'écrivain pouvait entraîner le peintre, son goût pour les poèmes, les siens, et plus encore ceux des autres, pour le cheminement des mots, pour les jeux subtils, jamais gratuits, de la parole, du sens, du son, de l'arabesque, de la forme graphique liée à l'impulsion de la main, pour dire la chose, pour exprimer le vécu, pour conquérir le vide de la feuille vierge, devait l'attirer auprès de la presse de l'imprimeur. Cependant il semble que ce soit seulement en 1938 que Miró commença à travailler le métal, à l'eau-forte et à la pointe sèche, dans l'atelier de Marcoussis, expérience brève. En 1944, en revanche, il éprouve un grand besoin de se trouver en présence de matières riches et hasardeuses; il s'initie à la céramique et, parallèlement, commence des lithographies; en 1947, pendant un séjour aux Etats-Unis, il grave à l'eau-forte dans l'atelier de Hayer. Tant et si bien qu'en 1948, il présentera à la Galerie Maeght une exposition conscarée uniquement à la gravure.
La série "de Barcelone", en 1944, inaugure véritablement ce grand travail de l'encre qui ne se terminera qu'à la fin de sa vie. Il exploite toutes les possibilités des encres noires ou de couleur dans des planches dont le lyrisme est toujours soutenu par une composition rigoureuse et un vif souci d'utiliser toutes les ressources de chacune des techniques mises en oeuvre.
Son goût inné pour les manipulations des choses et des matières, pour le sens du geste, a poussé Miró vers d'autres horizons. Comme ses amis surréalistes, comme, avant eux, Tatline et Duchamp ou Picasso, il crée, au cours des années trente, des assemblages. La plupart sont composés d'objets de rebut dont les matières rugueuses le séduisent, quelques-uns d'une simplicité exquise, tel de "Danseuse espagnole" réduit à une plume et à une épingle à chapeau piquées sur un panneau blanc. D'autres donnent un caractère dramatique aux associations d'objets; dans cette veine une violence maximum est atteinte avec "L'objet du couchant", fait de
bois, d'un ressort de lit, de chaînes... On n'a pas de peine à y reconnaître un pénis coupé, un sexe féminin et tous les symboles de l'asservissement et de la misère.
Nous sommes en 1937. Cet assemblage qui se trouve actuellement au Musée National d'Art Moderne, à Paris, a appartenu à André Breton.
Mais à cette époque de tels travaux restent marginaux, la peinture occupe la majeure partie du temps de Miró. En revanche, lorsque sous la conduite de son ami Artigas, il s'initie au travail de la terre et du feu, son enthousiasme va croissant; en 1949, il signe une série de sculptures en céramique, des oiseaux, des têtes, des personnages qui lui font découvrir le plaisir de créer en trois dimensions, de faire habiter l'espace par des créatures fantasmatiques qui rappellent certains bronzes.
Sorties de la terre modelée, ces figures vont être plus tard à l'origine de grandes sculptures auxquelles elles serviront, en quelque sorte, de maquettes. Ce seront notamment l' "Oiseau du soleil" et l' "Oiseau de la lune", taillés en marbre pour la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, et les grands personnages polychromes en résine synthétique des années septante.
Cette manière nouvelle de manipuler la matière, de donner sens à l'espace, séduit Miró à tel point que de 1955 à 1959, il abandonne la peinture pour se consacrer uniquement aux terres de grand feu dont il tire des vases, des figures, dans anti-plats. C'est alors qu'il commence ses murs en céramique, oeuvres monumentales dont la commande pour le mur de l'UNESCO, à Paris, lui ouvre la voie. Il exprime à la fois le plaisir de peindre, à vigoureux coups de brosse, de grandes compositions cosmiques et l'émerveillement que lui cause la mutation de ses couleurs et de ses formes dans le matériau dur, brillant, solide, conçu avec l'aide d'Artigas. Il y avait là aussi une aventure, qui, en dépit des difficultés, comblait son besoin de recherches expérimentales.
Par la suite, comme on sait, d'autres murs s'élevèrent à Harvard, à New-York, à Saint-Paul-de-Vence.
Cependant, ses capacités nouvelles l'incitent aussi à reprendre le travail des assemblages. A partir de 1950, il rassemble des morceaux de fer, des os, des débris de toutes sortes poue en faire des figures, mais c'est en 1967 que ces sculptures se multiplient en même temps que des oeuvres en terre. Les sculptures naissent de matériaux disparates: paniers, tessons, instruments agricoles ou fragments d'installation électrique mais aussi écaille de tortue, pieds ou mains de plâtre, sabots, meubles. Dans les compositions interviennent également des pièces modelées dans la terre. parfois, particulièrement dans les bas-reliefs, l'argile travaillée à la part essentielle, mais elle est traitée avec beaucoup de liberté, dans le même esprit que les assemblages. La composition terminée est moulée et coulée en bronze, parfois le métal est ensuite peint de couleurs vives.
La fonte des pièces introduit un changement radical dans la manière d'aborder l'assemblage, changement qui était apparu quelques années plus tôt, dans les sculptures de Picasso, c'est la transformation des objets trouvés en un matériau classique. Miró, dans ses premières compositions avait tiré parti, comme tous les assembleurs, de la matière même dont les éléments étaient faits, ainsi l' "Objet du couchat", en dépit de coloriages, se manifeste comme bois et fer, mieux encore, comme tronc scié et ferrailles, et c'est de là qu'il tire sa violence. En revanche l' "Horloge du vent" est issue d'un carton d'emballage, d'une cuiller à pot et d'un plat, mais dans la sculpture il n'y a plus ni carton, ni bois, tout a été transposé; malgré le rappel des matériaux originaires, l'oeuvre se donne comme bronze dans sa rigidité et son poids définitif, sa simplicité, sa rusticité demeurent, mais autres; comme étaient autres, le vrai plumage ou le crai pelage dans les natures mortes de naguère où le dessin en disait l'essence. La métamorphose donne un sens nouveau aux éléments et la poésie de l'objet vient de la mutation subie, avouée et réussie. "La jeune fille s'évadant" montre que ses jambes ont appartenu à un mannequin, que sa tête est un panier, sa coiffure une vanne de plomberie, son torse, une boîte, mais le tout a l'indestructibilité du métal et sa rigidité, et ce métal peint de couleur vive ajoute au personnage un côté comique, une fantaisie brulesque étrangers au bronze.
Une dialectique opère entre les matériaux dont l'objet est fait: le bronze unifie, donne densité, la couleur lui enlève sa dignité, son aspect "statuaire" qui ne convient pas à certains personnages sortis de l'atelier de Miró.
Cependant Miró ne s'égare pas au milieu de ses trouvailles accumulées dans l'atelier de sculpture, de même qu'en peinture le signe est accès à l'objet visible, à la situation vécue au-delà des abstractions nées de l'habitude et des gestes répétitifs, la traouvaille garde son identité, mais, à l'intérieur de la composition, désigne de surprenantes ressemblances, des potentialités inconnues, fait naître les significations multiples où s'élabore la puissance poétique de ce qui est, en fin de compte, une machine à rêver, une métamorphose à méditer, mais aussi une manière d'occuper l'espace, de l'humaniser, parallèle à celle que l'assembleur avait naguère
découverte en travaillant la terre.
Toute matière est bonne à qui aime manipuler, inventer et agir sur les choses, à les détourner un instant de l'usage quotidien pour en révéler la puissance expressive, en découvrir la beauté originaire. C'est ce qui explique que Miró s'intéressa aux textiles qu'il traitaient comme les assemblages en faisant coïncider des matières diverses dans leur aspect le plus brut: cordages, sac de jute lui servent à faire d'extraordinaires compositions murales. A la fin de sa vie, il revint aux cartons de tapisseries dont l'exécution est confiée à Joseph Royo. Cette fois, le sens de la diversité des textures, le relief donné aux fibres tranchent fortement sur le style plus classique, moins textile surtout, des cartons de 1934. On peut donc dire que les quelques trente dernières années de Miró furent consacrées à la découverte sans cesse renouvelée du sens que peuvent prendre divers matériaux dans les mains de quelqu'un qui s'en étonne et s'en émerveille.
Méditatif et secret, Joan Miró avait un grand besoin de communiquer sont enthousiasme devant la vie ou son angoisse d'être un homme ancré dans la chair et contempant les astres. Parce qu'il comprenait avec ses mains, il avait un vif désir d'offrir ses trouvailles à ses contemporains, il lui fallait trouver un public, non pour vivre ou être célèbre, ou pour s'assurer d'avoir raison, mais pour donner accès au plus grand nombre à ce qui lui paraissait important.
L'entre-deux-guerres est, on le sait, une période où le rôle de l'artiste dans la société a sans cesse été mis en jeu. De nombreux artistes d'avant-garde pensaient qu'il était aberrant de peindre des tableaux de chevalet, qui seraient ensuite possédés par une famille et exposés dans un salon ou une salle à manger bourgeoise. Le musée ne paraissait pas une solution plus acceptable, partout se retrouve la coupure entre un certain public qui capte l'art à son profit et le public, c'est-à-dire tout le monde.
Une première voie d'accès à une couche plus large de la population est la création de multiples. Lorsqu'il commence à faire des gravures, Miró se réjouit de la diffusion que peuvent avoir ces oeuvres-là; encore une fois, ce n'est pas pour être connu, mais pour être rencontré, pour que le signe vienne à celui qui en éprouve le désir sans en être conscient. La gravure le délivrait du rapport limité avec l'amateur d'art et sans doute aussi avec le marchand de tableau. Mais la diffusion lui apparaissait encore insuffisante. Il souhaitait que ses trouvailles puissent agir sur tous comme un ferment ou soit porteuses de plaisir, de questionnement, qu'elles apportent une plénitude de vie, non à quelques-uns, mais à tout le monde. Ses promenades d'enfant ou d'adolescent dans le Parc Guelle à Barcelone lui avaient révélé qu'une telle chose était possible: chacun pouvait cheminer à sa guise, librement dans une création pleine de signes, riche de formes et de matériaux métamorphosés au gré de son imagination.
Joan Miró était peintre, sculpteur, céramiste, graveur, assembleur, il était aussi poète à ses heures et, bien que sa langue fut le catalan, ses contacts avec la poésie française, avec Eluard, Leiris, Max Jacob et bien d'autres ont fait qu'il écrivit ses courts poèmes en français.
Il est difficile de faire le bilan d'une vie et surtout de mesurer ce qu'une première formation peut apporter à un créateur. La fréquentation des cours de Gali, la découverte des fresques romanes, la rencontre d'Artigas, de Gaudi, du marchand de tableaux Dalmau, de Picabia, tout cela lui a beaucoup donné, mais rien ne peut être comparé au séjour de convalescence qu'il passa au village de Montroing en 1911, à l'âge de dix-huit ans. "Montroing", dira-t-il, "c'est le choc préliminaire, primitif, où je reviens toujours. Ailleurs, tout se mesure par rapport à Montroing". Cet enracinement dans la terre catalane jouera un rôle capital tout au long de sa carrière; cependant on ne peut minimiser le rôle de Paris où le jeune peintre débarqua pour la première fois en 1919. Il parcourut les musés, les expositions d'avant-garde, il assista à l'une ou l'autre manifestation d'avant-garde, il assista à l'une ou l'autre manifestation dadaïste; il rendit visite à son concitoyen, Pablo Picasso. L'abondance des sensations le submerge à tel point que, pendant un séjour de quelques mois, il se sent incapable de tenir un pinceau. De retour à Barcelone, il recommence à peindre et il prépare son installation à Paris, pour l'année suivante. A partir de 1920, il s'installe dans un petit atelier, rue Blomet, et regagne régulièrement l'Espagne à la belle saison.
Il y a aussi tout ce que nous ne savons pas, que nous ne saurons jamais, les rencontres oubliées ou gardées secrètes, les songes perdus, les objets enfouis dans la mémoire.
Cela vaut aussi pour la suite, lorsqu'à Paris il fréquente Masson, mais aussi Reverdy, Tzara, Artaud et qu'il rend souvent visite à un marchand d'estampes où il peut voir des dessins et des gravures de Paul Klee.
En 1924, il rencontre Aragon et Eluard et participe désormais aux expositions organisées par les surréalistes. En 1929, il se marie, à Palma de Majorque, avec Pilar Juncosa, qui lui donnera une fille Dolorès, en 1931. C'est cette année-là qu'il expose des sculptures-objets. L'année suivante, il aura une commande de décor et de costumes pour le Ballet de Messine, "Jeux d'enfants", sur une musique de Bizet.
Sans qu'il se mêle activement de politique, les troubles en Espagne le touchent profondément. En 1937, il participe à la décoration du pavillon de l'Espagne républicaine à l'Exposition internationale de Paris. Son "Faucheur", haut de cinq mètres cinquante fut placé en face de "Guernica" de Picasso. Cependant il ne retourne pas dans son pays avant 1940. Il y vivra tout le temps de la seconde guerre mondiale. Ce sera pour lui une sorte de ressourcement. Isolé de la vie parisienne,
tenu à l'écart par le Gouvernement de Franco, il renoue avec ses amis de jeunesse, notamment avec le céramiste Llorens Artigas. Ensuite, après une exposition de ses "Constellations", à la Galerie Pierre Matisse à New York, il fera un séjour aux Etats-Unis, en 1947, pour exécuter une peinture dans un restaurant de Cincinnati; d'autres commandes suivront. Miró peindra un grand mur à l'Université de Harvard.
Désormais il est connu et fêté partout à travers le monde. Dès 1949, on organise des rétrospectives de ses oeuvres, la première eut lieu à la Kunsthalle de Bâle. En 1954 il participe à la Biennale de Venise comme invité d'honneur du Pavillon italien et il reçoit le prix international de la gravure.
A partir de 1956, il s'installe à Palma de Majorque où il dispose désormais de grands ateliers que lui a construit son ami J.L. Sert.
Les commandes d'oeuvres monumentales se font nombreuses, il érige de grands murs de céramique, avec la collaboration d'Artigas. Le premier et le plus célèbre est celui du Palais de l'UNESCO, à Paris, mais il faut citer aussi l'Université de Harvard, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, le Musée Guggenheim à New-York.
Miró mourra à Palma de Majorque, le 25 décembre 1983.
Sa carrière avait commencé au milieu d'un des plus grands bouleversements qu'aient connu les arts plastiques: elle s'inscrit avec le cubisme, le futurisme, l'invention des diverses formes de l'art abstrait, elle débute au milieu de l'effervescence de Dada, elle se lie étroitement au Surréalisme, dont le peintre sera une figure de proue. Par la suite, les inventions de Miró seront à l'origine de
nombreuses mutations dans les arts, sans que, pour autant, le peintre soit le centre d'une école.
Envisageaons maintenant deux aspects de ses apports essentiels: la manière dont il envisage le signal pictural et le sens qu'il donne aux matériaux.
S'il est vrai qu'il y a de grandes différences entre les toiles peintes en Espagne entre 1917 et 1920 et les oeuvres très elliptiques qu'il élabore à partir de 1923, il n'en reste pas moins que pour lui, le signe pictural part toujours de l'évocation d'un objet visible, d'une situation concrète. A l'inverse de Magritte, il ne s'interroge pas sur les rapports entre la représentation et le représenté, pas davantage sur la dénomination des choses. L'allusion figurative, même si elle fait l'objet d'une métamorphose, est liée directement à une expérience située dans l'univers quotidien, elle est claire mais elle est surchargée de sens, la chose désignée draine après elle tout un monde où se mêlent l'apparence visible et les pulsions ou les fantasmes que suscite son
apparition. Transformations et schématisations s'expliquent par la nécessité de faire apparaître cette surcharge de sens. Le contenu émotionnel suggéré par la chose, par son aspect, par son rôle dans l'existence doit être rendu visible, mais Miró part toujours du connu, du familier, de l'éprouvé pour suggérer l'invisible, l'inconnu, l'émotion qui submerge ou l'ironie qui prend distance.
Dans les oeuvres les plus anciennes, surtout dans les natures mortes, ce qui frappe c'est l'isolement de chaque élément constitutif de l'image. Le peintre vise une lisibilité parfaite afin que chaque signe ait tout son sens. Il se sert de tout l'apport de ses prédécesseurs, notamment des leçons de Cézanne, pour construire un espace à partir de points de vues multiples. Ainsi chaque élément est porté vers notre regard selon son aspect le plus significatif. Cela n'empêche pas un certain réalisme, mais c'est à partir de cette option qu'apparaissent certaines étrangetés: ici un gant conserve le volume d'une main; là, sur la table, le coq et le lapin sont vivants à côté
de l'assiette où repose un poisson mort. Par ailleurs les figures sont immobiles, mais le tableau où se multiplient les angles est comme saisi d'un mouvement interne.
Par la suite, après ses contacts avec Paris, son style se décante, s'allège, se spiritualise. Le peintre ne s'intéresse plus à la masse et au poids des objets, ce qui l'attire "c'est la calligraphie d'un arbre ou des tuiles d'un toit, feuille par feuille, rameau par rameau"; mais qui dit calligraphie ne dit pas copie; dans cette surabondance de notations se révèle une stylisation de plus en plus poussée. "La ferme", qu'on peut encore appeler réaliste, annonce "La terre labourée", c'est-à-dire une schématisation extrême des signes qui cependant se rattachent toujours à des objets concrets. On reconnaît des animaux, des plantes, des personnages, mais le rapport émotionnel avec le représenté incite le peintre à créer un nouveau vocabulaire de formes allusives où se retrouvent constamment l'oeil, l'étoile, le sexe masculin, le sexe féminin, les seins, l'insecte, l'oiseau, le croissant de lune, le soleil.
Ces signes et quelques autres vont se rouver désormais associés dans de vastes champs colorés, où, après le lyrisme débordant de "La terre labourée" ou du "Carnaval d'Arlequin", les vides, les surfaces monochromes savamment modulés vont jouer un rôle majeur. Le tableau sera constitué d'un peit nombre de figures simplifiées, d'une grande densité de matière, surgissant en couleurs très contrastées sur le fond. Certains tableaux sont symboliques comme "Maternité", d'autres
comme "La siste" ou "Le chasseur" partent de la vision d'une scène familière pour recréer, en quelques traits, un monde heureux, pour signaler un mode de vie simple, pour manifester l'émerveillement ou, plus rarement, l'inquiétude.
Les moyens mis en place par Miró pour peindre ses propres fantasmes vont bientôt lui servir pour contester les formes traditionnelles, l'art des musées. C'est ainsi qu'après un voyage en Hollande, il peint trois versions d' "Intérieur hollandais", reprenant les thèmes d'oeuvres vues à Amsterdam pour caricaturer un art auquel il reproche de prendre la réalité au piège d'un miroir, où le sens vrai se perd dans l'insignifiance du sujet, où la fausse solidité des choses masque la vanité des apparences; on peut parler pour ces oeuvres et pour d'autres de la même veine, de
satires grinçantes mais on y retrouve cependant, dans sa violence, l'élan lyrique du "Carnaval d'Arlequin".
Cependant c'est un dernier feu d'artifice avant que ne s'installe l'inquiétude. Au début des années trente Miró abandonne la légèreté de ses arabesques pour chercher, parfois de manière pénible, un style plus construit. Pour y arriver, il fera d'abord des papiers collés, ensuite il peindra d'après d'autres collages. Une commande de cartons de tapisseries lui permettra, en 1934, de retrouver un moment, avec plus de vigueur, la liberté graphique de naguère, mais il reste angoissé et, en 1937, il passe plusieurs mois à peindre une nature morte réaliste qui tranche sur tous ses autres travaux de l'époque.
C'est au moment où commence la deuxième guerre mondiale que Miró, contre toute attente, retrouve la liberté de son graphisme; il commence une série de gouaches, "Les constellations", en Normandie, où il s'est réfugié en 1939, il les achèvera en Espagne en 1940 et en 1941. C'est vraiment l'aboutissement des travaux élaborés en 1923. Tous les éléments narratifs ont disparu au profit d'un jeu rythmique de signes. Les taches de couleur sont rares mais éclatantes, les fonds
sont clairs. Les figures nombreuses, liées entre elles par des tracés qui se rejoignent dans une sorte de labyrinte, sont dominés par les signes cosmiques, mais on reconnaît aussi des têtes, des yeux, des sexes. Miró dira de cette série: "La nuit, la musique et les étoiles commencèrent à jouer un rôle majeur dans mes tableaux".
Ces oeuvres dont les titres enchantent ("L'échelle de l'évasion", "Le bel oiseau déchiffrant l'inconnu au couple d'amoureux", "Le passage de l'oiseau divin"...) vont devenir pour Miró un prodigieux réservoir de formes; pendant plusieurs années il composera des toiles où il reprendra pour les approfondir quelques-uns des thèmes traités dans les gouaches. C'est aussi à partir de là qu'il composera ses premières peintures murales, voire ses murs de céramique.
Mais la perfection du tracé des "Constellations" pourrait, si la recherche se poursuit dans ce sens, aboutir à une sorte de formalisme. C'est pourquoi Miró revient volontiers, parallèlement, à des travaux plus rapides où l'improvisation reprend sa place. Il utilise alors des empâtements qui enrichissent la matière mais modifient la forme. A partir des années 1952-1953, les traits s'épaississent, la matière se fait plus dense, signe et mouvement du pinceau se confondent pour donner sens. Ce graphisme direct, souvent impulsif, incite parfois le peintre à reprendre des toiles
antérieures à la guerre, pour y ajouter en contraste violent, les traits épais de sa nouvelle peinture.
Ce qui caractérise les toiles de l'âge mûr, c'est l'importance croissante attribuée au mouvement. En fait, cette manière de concevoir la peinture comme l'expression du geste physique ou mental, du dynamisme corporel, comme du projet ou de l'espoir apparaît très tôt dans l'oeuvre de Miró. C'est qu'en effet pour lui, comme pour beucoup d'autres peintres, la chose est immobile lorsque nous la découvrons devant nous, mais le monde ne l'est pas, ni nous-mêmes qui regardons, ce qui est ressenti, à partir du regard sur la chose, c'est le désir, la menace, le corps dans l'action.
Beaucoup ont excellé à rendre le mouvement, à suggérer des trajectoires par l'orientation des lignes, par le vide, par l'instabilité des masses. Cela ne suffit pas à Miró pour qui le geste est aussi signifiant que la parole; c'est pourquoi il multipliera les signes du mouvement: des lignes, des pointillés, des accents figureront directement le trajet des êtres et des choses suggérés. Déjà les triangles, qui soutiennent les compositions des années 1917-1920, jouent ce rôle, mais cette
première solution n'était ni assez directe, ni assez simple pour résoudre le problème, car, dans ce cas, c'est la toile entière qui est entraînée dans un dynamisme sans direction privilégiée; c'est pourquoi, par la suite, Miró préférera tracer explicitement les trajectoires ou les suggérer par des flèches. Dans "La sieste", une flèche désigne ainsi le chifre 12 dans l'angle de la composition, l'heure attendue du repos au milieu du jour; une série de scènes de cirque, pentes en 1925,
sont le prétexte à dessiner littéralement les sauts, les culbutes, les jeux du jongleur,
la rapidité fulgurante du lasso; ailleurs le vol de certaines figures est suggéré par l'allongement des formes. Partout la trace du geste est retenue directement par le mouvement du pinceau, la ligne noire, rouge ou blanche est jetée sur la toile avec la vivacité même de l'action. Les rubans ondulés du "Carnaval d'Arlequin" reparaîtront pour figurer le mouvement hystérique dans "Intérieur hollandais". C'est cependant dans les "Constellations" que je jeu des lignes actives atteint son point culminant.
On ne s'étonnera pas, dès lors, de voir, dans les années 60, apparaître des signes qui sont en eux-mêmes, mouvements. Miró applique à cette époque, à la lettre, les indications données naguère par Paul Klee au sujet du dynamisme des lignes: le signe reste ouvert, il exprime de manière directe l'impulsion qui l'a fait naître.
L'aboutissement de ces recherches sera le tracé, exprimant immédiatement l'espérance ou l'angoisse, dans les deux tryptiques de la Fondation Joan Miró à Barcelone: "Peinture murale pour la cellule d'un solitaire", de 1968 et "Tryptique de l'espoir d'un condamné à mort", de 1974. Le dépouillement est absolu, quelques taches de couleur sur le fond blanc où s'inscrit, suivant la méditation elle-même, une épaisse trace noire qui s'élance, se courbe sur soi ou s'interrompt.
A partir du moment ou le geste est directement signifiant, il devient moins important de représenter, même de manière elliptique et allusive, des objets du monde; ce qui doit apparaître, c'est l'émerveillement devant le surgissement des formes colorées sur le panneau ou sur le mur; toutes sortes d'expériences seront alors possibles: coulées, traces de la main posée à plat, jets de couleurs. L'accident devient signe, il prend sens sous nos yeux, c'est l'événement pur, la chance, la joie de voir naître l'imprévisible.
ERIC VAN HOVE & INVITÉS
Workshop et exposition
Une installation et un workshop sur la frontière (linguistique) et les questions communautaires qui écartèlent la Belgique depuis plusieurs années. Volontiers jusqu’à l’absurde.
L’installation d’Eric van Hove intitulée Exonymie consiste en la recomposition d’un rayonnage original de la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) tel qu’il se présentait avant la scission linguistique et la création de l’Université Catholique de Louvain (UCL). C’est alors, en 1971, que la collection de livres de la bibliothèque universitaire fut équitablement et absurdement répartie en deux sections : les numéros pairs pour l’UCL, les impairs pour la KUL.
Workshop ouvert au public du 19 au 23 avril, de 11h à 17h30
PARTICIPANTS : Véronique Caye (metteur en scène - FR), Emmanuel Lambion (commissaire - BE), Jean-Christophe Lanquetin (scénographe - FR), Nina Støttrup Larsen (graphiste - DK), Jérémy Tomczak (artiste, FR), Pathy Tshindele (artiste, CG), Maarten Vanden Eynde (artiste - BE)
Eric van Hove (artiste, BE). Né en 1975 à Guelma (Algérie), Eric Van Hove a étudié à l'École de recherche graphique à Bruxelles et a reçu une Maîtrise en Calligraphie Traditionnelle Japonaise de l'Université Tōkyō Gakugei en 2005. Il est docteur ès arts de l'Université des Arts de Tokyo depuis 2008. Teinté d'existentialisme, le travail d’Eric Van Hove repose sur une volonté néo-nomadique qui traite simultanément des problématiques locales et globales. Sa pratique est pluridisciplinaire allant de l'installation à la performance, la vidéo, la photographie et l'écriture.
Nida Sinnokrot (artiste – USA). D'origine palestinienne, né en 1972 aux États-Unis, Nida Sinnokrot est un artiste et un réalisateur. Après des études de Radio, Télévision et Film à l’Université d’Austin, Texas ; il a suivi un MFA en Film et Vidéo au Bard College de New York. Il a aussi participé au Whitney Museum of American art independant study Programm en 2001. Ses films, installations et sculptures explorent les notions de temps et d'espace dans une recherche phénoménologique de la conscience de la diaspora. Il emploie une diversité de médiums pour transformer les objets ordinaires ou les actions en expériences sensorielles qui révèlent la complexité des formes. Ses diverses réalisations ont été accueillies et récompensées aux États-Unis comme à l'étranger notamment pour son documentaire « Palestine Blues ».
PARTICIPANTS :
Jérémy Tomczak (artiste, auteur, compositeur, interprète – FR). A suivi un cursus en recherche picturale et tridimensionnelle et suit actuellement une formation de spécialisation à la scénographie et mise en place d'exposition. Son travail mêle photographie, vidéo, installation et performance. Il a reçu le Premier Prix lors de la Biennale de la Chanson française de Douai en 2009, dans la catégorie "Auteur-compositeur-interprète".
ERIC VAN HOVE
« Souviens-toi Jean, on a commencé par partager les livres portant un numéro pair et impair. Ensuite, on a partagé les meubles, les bureaux, les chaises. Puis, pièce par pièce, le service à café en porcelaine bleu. Si une tasse était ébréchée vous aviez droit à une cuiller en plus... » Anecdote racontée par un collège à l'occasion de la cérémonie organisée pour le départ à la retraite de Jean Germain, directeur de la bibliothèque générale des sciences humaines (BGSH) de l'UCL.
Exonymie/ Exoniem Année: 2010 Artiste: Eric Van Hove
L'une des premières universités munie d'une faculté des arts en Europe de l'Ouest, l'Université de Louvain, fut fondée en 1425 grâce à l'édit d'un pape issu du grand Grand Schisme d’Occident, Martin V. Jusqu'à l'indépendance de la Belgique en 1831, cette ancienne Université donnait son enseignement en latin. En 1971, sur base d'oppositions linguistiques grandissantes entre francophones et néerlandophones, l'Université de Louvain se verra scindée en deux universités autonomes, la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) et l'Université Catholique de Louvain (UCL). En 1972, à la suite de cette séparation, le Parti social-chrétien unitaire sera finalement scindé en Parti Social Chrétien et en Christelijke Volkspartij. Conséquence de la scission de l'université et de la bipartition sociale qui s'accentue, la répartition absurde et borgesienne du million de livres de la bibliothèque centrale de l'Universiteit van het hertogdom Brabant fut opérée: les livres furent séparés « par équité » entre numéros pairs (pour l'UCL – FR) et numéros impairs (pour la KUL - NL).
La pièce proposée consiste en la recomposition d'un rayonnage de la bibliothèque originale. La moitié des livres la composant viennent donc de la KUL à Louvain et l'autre de l'UCL à Louvain-la-Neuve, et ils seront enchâssés alternativement, réunissant par là même, la trame de l'histoire à l'endroit de l'accroc. L'objet sera donc réalisé obligatoirement en collaboration avec ces deux institutions (1000 livres sont empruntés sous contrat à chacune), en suivant les « cotes » (étiquettes) de classification d'époque qui sont encore apposées à ce jour sur ces livres).
Assistance technique: Jean Germain (ancien directeur de la bibliothèque centrale des sciences humaines de l'UCL - conseils).
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LE BON BOUT
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du bout du coeur
du bout des lèvres
j'ai bien dû vivre
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sans voir le bout
et jusqu'au bout
il fallait suivre
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à bout de souffle
et de courage
j'ai mis les bouts j'ai pris le large
j'étais à bout
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j'ai fait naufrage et je m'en fous
de bout en bout
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1999
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MUSOIR
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après l'âge de pierre et de feu et de fer
viendra l'âge de soie
ourdissez-la pour moi
je voudrais tant palper cette tendresse-là
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la mer bruit en silence
où m'attendait le soir
sans peur sans impatience
me voici au musoir
où s'arrêtent les pas
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que j'aimerais entendre
un chant plein de douceur
fluide comme soie tendre
avant qu'il ne soit l'heure
de ces comptes à rendre
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2001
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QUAND DANSAIENT LES CETOINES
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SCARABEES
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longtemps j'ai arpenté cette lande brûlante
cailloux, chardons gris, ronces argentées
et sous mes pas naissaient en étoiles filantes
les éclats colorées des sauterelles grises
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j'ai plongé au coeur des chardons blanchis
c'est toujours là qu'ils sont paisiblement blottis
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ce n'étaient pas des cancrelats
mais de ces cétoines dorées
petits scarabées de lumière
goutte de cuivre
solidifiée
vert métallique
pour la beauté
teinté de miel pour la douceur
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leurs élytres brillaient
armure dérisoire
ongle fendu en deux
frémissant
si mobiles !
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je les attachais à un fil
et leurs ailes se déployaient
ils dansaient au soleil absorbant sa lumière
revenaient se poser
et la restituer
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oh ! leurs pattes griffues dans mes paumes ouvertes !
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mais je les détachais
attendais avec eux
de les voir savourer la liberté offerte
conservant à jamais leur éclat dans mes yeux
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le berceau des cétoines
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les hurlements de Neptune
*
POST HOC
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reçois l'eau de mes yeux pour effacer l'image
qui pleure au fond des tiens
le sable lisse et doux dort encor sous la plage
la vie attend son heure
se défend avec rage
nous le verrons demain
-
oh laisse-moi ce soir arracher ton bagage
dénouer les raideurs qui te tiennent en cage
partager ton chagrin
atténuer en toi le fracas de l'orage
regarder longuement s'apaiser ton visage
blotti entre mes mains
-
colette haddad
-
Béatrice Smith.
Sculpteur autodidacte, Béatrice Smith est née en 1960 à Clermont-Ferrand et vit en Belgique depuis 1991.
Elle commence son apprentissage artistique par la peinture à l’huile et le dessin, orientant son instruction vers le corps humain.
Sa rencontre avec la sculpture se fera en 2003. Elle suivra pendant deux ans une formation poussée, axée sur l’anatomie humaine, auprès de l’artiste sculpteur Annie Jungers.
S’appuyant sur le figuratif pour plus de vérités, elle explore avec poésie l’âme humaine et met en avant la beauté, l’élégance et la grâce du corps de la femme.
Depuis 2006, elle présente ses œuvres dans des galeries à Bruxelles, à Knokke et à Lasne.
Ses sculptures sont réalisées en argile, et coulées en bronze selon la technique de la cire perdue. Elles sont numérotées de 1 à 8 selon les normes européennes.
Formation artistique :
• L’Atelier des arts de Dominique Scheers : peinture à l’huile, dessin.
• Atelier de sculpture d’Annie Jungers : sculpture et dessin-anatomie.
• Atelier de Jean Coyette : sculpture.
• L’Atelier d’art de Béatrice Vastrade : dessin-anatomie.
Expositions / Manifestations:
- 2006 : Galerie Ransbeck, Ohain.
Galerie Alphonse D’Heye, Knokke.
Balade Art Lasne, Lasne.
- 2007 : « La Petite Galerie », Bruxelles.
Galerie Alphonse d’Heye, Knokke.
- 2008 : Galerie Alfican, Sablon, Bruxelles.
Balade Art Lasne, Lasne.
Indigo studios. Bruxelles
- 2009 : Galerie Alphonse d’Heye, Knokke.
- 2010 : Cobalt International Gallery, Bruxelles
Béatrice Smith.
Une page de mon CD-ROM consacré à l'oeuvre d'Eugénie De Keyser (Série Le testament des Poètes)
Présentation de son livre "Degas, Réalité et métaphore" édité par l'Institut supérieur d'archéologie et d'histoire de l'art à Louvain-La-neuve en 1981.
La conclusion de l'auteur:
Le souci de la vérité enracine profondément Degas dans son temps, dans une réalité
expérimentée au jour le jour, en ce Paris de fin de siècle, où il se mit en espalier
pour capter avidement ce qui se passait à portée de son regard. C'est pourquoi son
oeuvre nous raconte un monde presque aboli: chapeaux hauts de forme, tutus,
lumière du gaz, mais aussi tableaux de chevalet, passion du collectionneur, secret
jalousement gardé des corps et des sentiments. Mais à creuser tout près de soi,
comme il le fit, il arrive qu'on fasse apparaître ce que nul n'avait vu auparavant, et
qu'au-delà des grimaces d'une société et d'une époque, on mette à nu un visage où
chacun craint de se reconnaître.
La plupart des sujets qu'il a peints ne nous intéressent plus, mais Degas nous a
révélé une manière neuve d'envisager toutes choses. Il a cherché, dans la solitude
de son atelier, des moyens inédits de peindre, de modeler, de graver, de mélanger
les couleurs, d'unifier l'espace, non pour la vanité d'être différent des autres, mais
parce qu'il cherchait à dévoiler ce qu'il était seul à voir. Chacune de ses découvertes
mettait tout en cause, si bien qu'aujourd'hui, contemplant danseuses, nus ou
portraits, les limites de son époque disparaissent, et nous découvrons ce que peut
exprimer la peinture à propos de l'existence elle-même.
Son acharnement à dévoiler la vérité lui a permis de mettre à jour, sous la futilité de
la mode et des divertissements, l'emprise dévorante des objets, fétiches de
l'apparence, et l'amère découverte de l'incommunicabilité des êtres. Finalement, ce
qui est rendu visible, c'est l'impossibilité de posséder jamais l'objet de son désir, et
l'absurdité de projets toujours inaccomplis.
Le réalisme de Degas se manifeste à travers l'oeuvre entière, il est absolument
différent de celui de Courbet ou des impressionnistes, il s'appuie sur une
documentation minutieuse, qui rapproche le peintre des danseuses, des romanciers
de son temps, mais la documentation reste morte, si on ne la met pas en oeuvre
dans un sens déterminé. Ici, le voir se double d'un savoir. C'est pourquoi il faut une
longue cohabitation avec gens et choses pour déceler la vérité. Or, il y a deux
façons de cohabiter, la première met de plain-pied visiteur et visité, ce qui se
découvre là, c'est l'univers de ceux avec lesquels le peintre entretient des liens
d'amitié; la deuxième est celle de l'étranger, qui pénètre dans un univers auquel il
ne s'intégrera jamais, c'est Degas assistant aux exercices des danseuses et
s'intéressant aux métiers féminins et à l'intimité des femmes.
Le voir se double d'un savoir mais, en outre, ce qui est vu polarise les désirs. C'est
ce qui explique que les peintures de Degas nous montrent, non seulement des
objets-signes, des objets-métaphores, mais encore que chaque tableau, chaque
sculpture peut se lire comme une métaphore. Le spectacle attire Degas, parce qu'il
est l'image même du leurre, ce que montrent très bien les salles d'exercices, envers
du décor, jeu du faux et du vrai, de la réalité décevante et de son double, la scène
prestigieuse mais irréelle.
Les courses de chevaux et la danse permettent au peintre et au sculpteur d'exprimer
la manière dont il vit le temps. Ce que nous avons dit de sa façon de travailler, de
ses difficultés à finir, du goût qu'il a pour les techniques qui permettent de tout
recommencer toujours, est absolument parallèle à ce qui est exprimé dans les
oeuvres: rien ne peut être saisi, stabilisé, affirmé, une fois pour toutes, rien n'est
jamais donné, le projet dévore l'instant présent, dans une fuite perpétuelle, dans une
fuite vers "ce qu'on pourrait faire un jour.
La passion pour la vérité est un des moteurs de l'aspect décevant des rapports du
désirant et du désiré, c'est parce qu'on cherche à savoir, au-delà des apparences qui
se donnent complaisamment à voir, ce que peut être l'objet du désir, qu'on découvre
une fille vulgaire sous un tutu, qu'on aperçoit, traînant sur une commode, une
mèche de faux cheveux, mais ce n'est pas le seul moteur. La différence entre l'ami
et l'étranger joue également un rôle capital dans la métaphore du temps, selon
Degas.
Le leurre, le refus apparaissent là où se situe l'autre. Sous un certain aspect, la
femme est, dans l'oeuvre de Degas, irréductiblement étrangère. Elle appartient à un
monde dont on ne connaît ni la langue, ni les rites, qu'on découvre avec une sorte
d'étonnement et qui choque. Elle séduit par sa chair, par le prestige de sa grâce, elle
apparaît même comme le seul symbole possible de la vie dans son frémissement le
plus authentique, ainsi que le montrent les sculptures, mais il n'y a pas d'échange ni
de partage possible. On pourrait dire que le désir charnel, qui se manifeste dans les
danseuses et surtout dans les femmes à leur toilette, détruit toute possibilité de
dialogue entre les partenaires. C'est déjà ce qui est symbolisé dans "Intérieur".
Hommes ou femmes, enfants ou adultes, les personnages des portraits ont tout autre
dimension, mais c'est aussi le temps qui est exprimé dans ces peintures. Les enfants
s'en vont, ils grandissent, ils s'éloignent, les femmes se marient, elles vieillissent,
tout le monde est voué à la mort. Le rapport avec le spectateur n'est plus ici celui du
désir toujours déçu, mais celui du souci sans cesse en éveil. Les vérités amères sont
celles des ruptures possibles. Le jeu métaphorique des objets se situe au niveau des
liens affectifs, l'humour peut y trouver place, mais les choses prennent un aspect
poétique et sont destinées à créer un univers où se retrouvent les souvenirs.
Dans cet univers du souci s'inscrit le caractère irremplaçable des personnes et le
désir de les protéger, de les arracher au temps et aux séparations. Là aussi, le temps
dévore et éloigne. Une autre angoisse transparaît dans les rapports de Degas et de
ses modèles: comment, entre des êtres pareils, aller jusqu'au bout de la rencontre?
Les visages méditatifs, les étranges enceintes qui enveloppent les figures
témoignent de la crainte, toujours renaissante, d'être exclu, non seulement de la
chambre close où se réfugie l'autre, la femme anonyme, qui peut-être n'a pas d'âme,
mais du dialogue qui s'ébauche avec l'amie, et qu'on voudrait sans cesse
approfondir, recommencer, et devant lequel chacun se dérobe à l'intérieur de sa
méditation solitaire.
Ce qui est exprimé ne se limite pas aux images, c'est la structure picturale et le jeu
des volumes dans l'espace qui sont signifiants. Degas a été largement pris au piège
de la littérature, et il a pu croire, quand il essayait de mettre au point "La femme de
Candaule", qu'il suffisait de peindre un corps tranquille avec l'oeil "brûlant de
pudeur et de vengeance", pour exprimer l'émotion qu'il éprouvait devant un tel
sujet. Un an ou deux plus tard, il découvrait que l'espace n'est pas un lieu vide où
installer des personnages, mais une structure qui peut exprimer une situation
dramatique, comme il apparaît dans "La fille de Jephté", enfin il passe de
l'affabulation, où l'image est à la fois illustration d'une histoire et signe plastique, au
thème métaphorique. La danseuse, le cheval ne racontent plus rien et, parce qu'ils
ne racontent plus rien, ils renvoient à d'autres significations, où le temps et le désir
offrent d'inépuisables possibilités.
Parce qu'il n'y a plus de récit, l'espace prend tout son sens. Le corps sculpté peut, à
son tour, être un moyen de faire éclater la vérité du mouvement au-delà de tout
sujet, mais aussi d'exprimer, une fois de plus, le sens du temps et l'exclusion par
rapport au désiré.
Le caractère, à la fois subjectif et métaphorique de l'art de Degas, vient de ce qu'il
s'agit essentiellement d'un art du regard. Le sens de l'oeuvre se lit à partir du
spectateur, virtuellement présent devant elle. C'est évident pour les tableaux,
construits longtemps suivant des perspectives savantes et, par la suite, toujours
élaborées à partir d'un point de vue précis, mais c'est vrai aussi des sculptures, dans
la mesure où elles montrent, sous des aspects multiples, le corps de l'autre. C'est à
partir de là que Degas rend visibles les rapports avec autrui, qui sont l'essentiel de
ses préoccupations, et exprime le temps lui-même, comme rapport avec autrui.
L'angoisse qui se manifeste dans l'oeuvre est, à ce point de vue, quelque peu
différente de celle qui apparaît dans la correspondance de l'homme vieillissant, ou
dans sa manière de travailler. ce qui est en cause, d'une part, c'est l'impossibilité de
se réaliser; d'autre part, c'est la fragilité de tous les liens avec autrui et les obstacles
infranchissables entre les hommes, aussi bien dans le domaine de l'amitié que dans
celui des relations sexuelles.
Ce peintre du regard est donc un peintre de la solitude. Il montre l'isolement sans
retour, non de ceux qui sont représentés mais de celui qui, de la place où il assiste à
la représentation, découvre la vérité amère d'un monde d'où il est exclu et d'objets
désirables, refusés à son désir.
Eugénie De Keyser
*
L'ARBRE ROUGE
*
je suis l'arbre rouge à la rude écorce
le porte-oiseaux des rires d'enfants
je n'en finis pas de creuser la terre
ma nourrice-mère où j'ai jeté l'ancre
j'essuie les tempêtes
lutte dans le vent
arc-bouté au sol
je fais tresse au temps
je suis l'arbre rouge à jamais vivant
je suis l'arbre rouge au pied libéré
libre de danser au coeur des tempêtes
même foudroyé je reste debout
et de branche en branche
attends les printemps
qui toujours reviennent
je suis l'arbre rouge à jamais vivant
je suis l'arbre rouge irrigué de sang
avec un coeur grand comme une montagne
ma couronne oscille agitée de vent
et mes bras ne sont que mâts de cocagne
baignés de soleil
parés des nuages
qu'iront décrocher des oiseaux sauvages
je suis leur abri
planté dans le vent
je suis l'arbre rouge à jamais vivant
*
*
* *
*
tendre
comme le vert tout neuf
au bout des branches
généreux
comme l'arbre offrant sa floraison
*
Je suis en train de marcher en rond, en route vers l'infini.
©charlinelancel