un texte de louis Richardeau sur ma peinture
Dauby Noëlle ou le chant des couleurs
Pourquoi une toile peut-elle vous toucher ? Comment expliquer l’émotion qui surgit de la couleur ou d’un geste. Cela reste un mystère.
Noëlle Dauby a gagné l’abstraction pied à pied.
Sa pratique de la peinture et du dessin ininterrompue depuis 1975 a mûri au fil des
années et a permis le surgissement de cet art actuel riche non seulement d’un
savoir-faire mais aussi d’une réflexion sur l’espace, la matière, la structure et le dialogue intense des couleurs
C’est ce qui frappe dès l’abord : la somptuosité de la palette, la générosité de la pâte colorée, la franchise dans la touche posée sans repentir.
Dans ses paysages qui disent parfois leur nom, se faufilent
des souvenirs de voyages, des empreintes tenaces, des impressions persistantes.
Mais que l’on ne se méprenne pas ! La démarche de Noëlle Dauby ne relève nullement du relevé topographique ni de l’image réaliste.
La transmutation s’opère là sur la toile : les choses vues, engrangées, rêvées, archivées dans la mémoire physique ou affective, par le sortilège du pinceau, du geste, de la pensée, par la pression interne du besoin de peindre sortent et se donnent à voir d’une manière féérique, transcendée, quasi onirique.
Et cela nous donne des compositions qui pour être lyriques,
libres, expansives n’en sont pas moins structurées tantôt par une ligne d’horizon, le marquage d’une croix ou d’une ligne oblique, tantôt par l’étagement de plans qui sollicitent notre regard depuis l’avant-scène jusqu’aux recoins mystérieux d’une anfractuosité lointaine.
L’artiste joue subtilement des ombres et de lumières, de cris et de chuchotements.
Curieusement, son monde se formule en un savant langage binaire : clair et obscure, luisance et matité, tons chauds et tons froids, rugosités et tendresses, plages lissées ou brossées en larges traits.
Dans ses poèmes symphoniques, s’orchestrent les quatre éléments fondamentaux :
l’air, le feu, l’eau et la terre.
L’air, la respiration du tableau se lit dans les trouées
blanches, les zones de repos doucement bleutées ;
le feu est souterrain, toujours prêt à jaillir d’une faille en des échappées fulgurantes qui sont de
l’ordre de l’éruption volcanique ;
la terre ou la pierre se conjuguent en d’infinies nuances d’ocres ou de gris granitiques.
L’eau est souvent présente
qu’elle soit métaphore de mer, de lac ou d’étang, elle étanche nos soifs visuelles de fraîcheur et d’apaisement.
On assiste dans cette démarche picturale à une véritable
appropriation de l’espace par des masses cubiques débitées sur des falaises géantes.
Si, dans ses dernières œuvres, l’artiste a évacué toute référence figurative directe, la lecture attentive de ses toiles révèle une gamme de formes tirées de l’observation : ici, l’architecture suggérée d’un domaine mystérieux; là, une arche plein cintre évocateur de l’Italie renaissante ;
ici encore un rivage idéal ; là, un abri rocheux des premiers âges du monde.
Au total, la peinture de Noëlle Dauby s’avère un art maîtrisé de la couleur, des couleurs et de leurs vertus signifiantes : sensuelles, intimistes, puissantes, denses ou éthérées.
Cela donne à son univers une dimension intemporelle, cosmique et pourtant familière.
Le spectateur qu’il soit poète, historien, esthète, géologue ou promeneur solitaire y trouve matière à contemplation, à voyages intérieurs.
En un mot, un art singulier, riche de potentialités à venir.
Louis Richardeau