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Poétique (6)

Le petit diable

Si, portant ses griffes à mon coup

Un petit diable vient graver

De ses éraflures sanglantes

Le pli de mon cou angoissé

Je resterais vivante….

Je veux être marquée

Eraflée de signifiances

Meurtrie de cris et de sens

Je veux tout sentir et vibrer

Tout, plutôt que le silence

Le froid qui devient si pressé

Parfois de poser ses instances

Moi, je préfère brûler….

Mais toujours sans pénitence

Et juste une larme jetée

Sur mes pas de déshérence

Quand je transhume sur le papier

En quelques pas de désinences

Je veux dans ce bal valser

Sur mes syllabes et mes fréquences

Avec un sourire moiré

D’encre couleur d’espérance…

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12272824499?profile=originalL'immaculée conception esr un ouvrage d'André Breton (1896-1966) et Paul Éluard, pseudonyme d'Eugène Paul Grindel (1895-1952), publié à Paris aux Éditions Surréalistes en 1930.

 

Écrit à Paris durant l'été de 1930, ce livre est, comme nombre d'oeuvres surréalistes, le fruit d'une collaboration entre deux écrivains. L'Immaculée Conception, qu'Éluard définit comme «un long texte sur l'homme», participe à la fois de la philosophie et de la poésie. Les auteurs décrivent et expliquent en ces termes leur entreprise, dans les Cahiers d'art (nos 5-6, 1935): «Ce livre fut écrit en quinze jours, et encore n'y consacrâmes-nous que nos loisirs réels. La connaissance parfaite que nous avions l'un de l'autre nous facilita ce travail. Mais elle nous incita surtout à l'organiser de telle façon qu'il s'en dégageât une philosophie poétique, qui, sans mettre jamais le langage à la raison, conduise pourtant un jour à l'élaboration d'une véritable philosophie de la poésie.»

 

La première partie de l'oeuvre s'intitule «l'Homme». Au fil des cinq textes qui la composent - "la Conception", "la Vie intra-utérine", "la Naissance", "la Vie", "la Mort" -, elle retrace les étapes de la destinée humaine. La deuxième partie du livre, «les Possessions», se présente comme une simulation verbale de divers états mentaux, ainsi que l'indique le titre de ses cinq séquences: "Essai de simulation de la débilité mentale", "Essai de simulation de la manie aiguë", "Essai de simulation de la paralysie générale", "Essai de simulation du délire d'interprétation", "Essai de simulation de la démence précoce". A travers «cet exercice nouveau de [la] pensée», les auteurs précisent qu'ils «espèrent [...] prouver que l'esprit, dressé poétiquement chez l'homme normal, est capable de reproduire dans ses grands traits les manifestations verbales les plus paradoxales, les plus excentriques, qu'il est au pouvoir de cet esprit de se soumettre à volonté les principales idées délirantes sans qu'il y aille pour lui d'un trouble durable, sans que cela soit susceptible de compromettre en rien sa faculté d'équilibre». Il s'agit, pour Breton et Éluard, d'une démarche d'avenir «du point de vue de la poétique moderne». La troisième partie, «les Méditations», comprend six fragments: "la Force de l'habitude", "la Surprise", "Il n'y a rien d'incompréhensible", "le Sentiment de la nature", "l'Amour" et "l'Idée du devenir". La quatrième partie, «le Jugement originel», se distingue des autres par sa forme: elle ne comporte aucune division et se présente comme une succession de brefs préceptes graphiquement séparés et presque tous à l'impératif.

 

Le titre de l'Immaculée Conception, emprunté au dogme catholique, place l'ouvrage sous le signe de la provocation. Le livre se situe en effet aux antipodes de la croyance religieuse, qu'il se plaît à tourner en dérision. L'épigraphe de «l'Homme» donne d'emblée le ton en vidant de son sens «la bonne nouvelle» évangélique pour la réduire à un nom de boulevard: «Prenons le boulevard Bonne-Nouvelle et montrons-le.» Le titre de la dernière partie clôt ce parcours antireligieux en renversant le Jugement dernier pour en faire «le jugement originel». Dans "l'Amour", l'expression «la Sainte Table», appliquée à une position amoureuse, procède de cette même attitude de défi à l'égard du catholicisme.

 

Le titre peut aussi renvoyer symboliquement à la «conception» même de l'ouvrage. Ce dernier participe d'une volonté de renouveler l'écriture, de la purifier en quelque sorte, de la rendre en effet «immaculée». Pour cela, il convient d'éliminer «la ballade, le sonnet, l'épopée, le poème sans queue ni tête et autres genres caducs» (Préface des «Possessions»), c'est-à-dire en somme la «littérature» (on sait que Breton, par une ironique antiphrase, fonda une revue qu'il appela Littérature). L'automatisme, la simulation, l'élaboration d'un langage réunissant essai et poésie sont les instruments de cette quête novatrice.

 

Arts 
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administrateur théâtres

Murray Perahia

Vendredi 01.06.2012 20:00

Palais des Beaux-Arts / Salle Henry Le Bœuf

 

Il est né en 1947 dans le  Bronx à New York dans une  famille de Juifs Séfarades parlant la langue ladino, langue écrite créée par les rabbins de la péninsule Ibérique. La plupart des membres de la famille qui sont restés à Thessalonique ont été déportés et tués pendant l'Holocauste. Couvert de récompenses, il a produit une discographie impressionnante : l'intégrale des concertos pour piano de Mozart, une série d'œuvres pour piano de Bach dont les Variations Goldberg, des études de Chopin, ainsi que les dernières sonates pour piano de Schubert et l'intégrale des concertos pour piano de Beethoven.  Il est également le chef invité principal de l'orchestre de l'Academy of St Martin in the Fields, avec laquelle il enregistre et donne des représentations. Aujourd'hui il vit à Londres. La reine Elisabeth II l'a fait Chevalier commandeur honoraire de l'Ordre de l’Empire Britannique.

Le public qui l’attend dans la salle Henry Le Bœuf ce soir frémit d’impatience de l’entendre. Au programme :

Ludwig van Beethoven, Sonate pour piano n° 14, op. 27/2, "Mondschein"


Robert Schumann, Faschingsschwank aus Wien, op. 26

Franz Schubert, Sonate pour piano op. 120, D 664


Frédéric Chopin, Polonaise n° 1, op. 26/1, Prélude op. 28/8, Mazurka op. 63/3, Scherzo n° 1, op. 20

Le choix des œuvres est le fruit d’une aspiration poétique où Murray Perahia se place dans la position de Robert Schumann, ébloui par son séjour à Vienne en 1839 et où il rend hommage aux figures qui ont hanté sa jeunesse : Beethoven et Schubert. Il n’est donc pas étonnant que l’œuvre d’ouverture choisie soit la  Sonate au Clair de lune, faite de soie sauvage où les grondements voluptueux contrastent avec l’innocent lyrisme de la main droite. Place à Schumann en personne  et son Carnaval de Vienne au mouvement d’ouverture fait de  pure énergie : notes roulées, déferlant entre accords plaqués. La Romanze est un passage aéré plus tendre  et plus pensif, qui se précipite à nouveau dans la fougue joyeuse évoquant l’animation des rues de Vienne dans la folie du Carnaval. Le Scherzino développe un mouvement syncopé, mélangé d’humour par la répétition taquine du thème, notes pointées, contrastées avec des effets de romantisme grandiose joués fortissimo. Le finale est décoiffant, - bas les masques ! -  volubile et incandescent : «  fingers on a hot tin roof ! »

C’est  Murray maintenant qui porte le masque de Schubert dans l’opus 120. Bucolique, léger, mutin, taquin. Au bout de la ligne musicale, le pêcheur a attaché un cœur qui bat la chamade et il pêche en eaux profondes. Murray Perahia a l’art de décrire l’eau cristalline qui éclabousse la musique et le pêcheur. C’est un créateur d’atmosphères particulièrement poétiques. S’attardant quelques moments dans des interrogations méditatives  répétées avec insistance, Murray Perahia retrouve allégresse et insouciance. Enfin voici la musique de Frédéric Chopin, accueilli avec admiration dans son cercle par Robert Schumann et  dont Murrray Perahia célèbre la parenté poétique.  Le jeu est juvénile, empli de volupté et d’esprit ludique. Il est le maître de fondus enchaînés, s’amuse à mêler le rire et la valse hésitation, un entre-deux subtil entre désir et déception pour aboutir sur une tornade sentimentale où des pianissimos sont pris dans la tourmente. Surgit une confession tendre, presque narrative clôturée par un accord vif et surprenant de la main droite. Le reste est exposition du bouillonnement intérieur chaotique et intense. Ce concert cousu d’émotion, sera couronné par trois bis fabuleux,  à fleur de touches, aux sonorités hautement définies, brillantes comme des fruits mûrs et lâchées avec une aisance souvent taquine.12272807291?profile=original

 

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La poétique de l' espace

Cet ouvrage de Gaston Bachelard, publié en 1957, clôt le cycle qui commence avec "La psychanalyse du feu" et en même temps, en élargit l'horizon. Après avoir analysé les images poétiques nées de la méditation spontanée sur les quatre éléments, Bachelard en arrive à définir ici l'image poétique comme ayant un dynamisme propre, relevant d'une "ontologie directe"; l'étude objective qu'il a menée à bien à travers les cinq livres précédents doit être complétée par une étude de la "transsubjectivité", grâce à laquelle peut seulement s'expliquer le pouvoir de l'image sur d'autres âmes que celle de son créateur. Cette étude se doit d'être phénoménologique, c'est-à-dire de saisir le départ de l'image dans la conscience individuelle". La poésie apparaît bien en fait comme une "phénoménologie de l' âme"; l'image comme un "devenir  d'expression, un devenir de notre être", c'est ici l'expression qui "crée de l'être". Telle est la thèse que le philosophe s'apprête à soutenir dans ses ouvrages suivants -voir Poétique de la rêverie- , ici le domaine de l'enquête où elle s'applique est limité à ce que Bachelard appelle "l'espace heureux", c'est-à-dire l'espace possédé, défendu contre les forces adverses, l'espace aimé, et tout d'abord l'espace intime, l'espace refuge, la maison qui, à travers la rêverie et l'oeuvre des poètes, apparaît comme un véritable principe d'intégration psychologique du monde au moi, la maison avec ces lieux divers, divertissement valorisés: la chambre, la cave, le grenier. La maison c'est à la fois l'origine, la maison natale et l'avenir: la maison rêvée. Procédant du contenant aux contenus qui sont encore des contenants, Bachelard étudie ensuite les "maisons des choses", le tiroir, le coffre, l'armoire qui "portent en eux une sorte d' esthétique du caché". Deux chapitres consacrés au "Nid" et à "la coquille", ces deux "refuges du vertébré et de l' invertébré" analysent les rêveries humaines d'intimités imaginaires, aériennes, posées à la fourche des branches ou durement incrustées comme le mollusque dans la pierre qu'il secrète. Avec "les coins", il explore ces cachettes où l' enfant se blottit, se crée à lui-même sa petite maison au sein de la grande et il nous montre que les plus grands écrivains n'ont pas dédaigné ce thème. "La miniature" et "l'immensité intime" développent la dialectique du petit et du grand telle qu'elle apparaît dans la poésie et conduisent le philosophe à exposer de manière toute personnelle "la dialectique du dehors et du dedans", enfin, déduite des images des poètes, une "Phénoménologie du rond". Ici encore la subtilité toute en nuances de Bachelard, son attention extrême à la parole écrite l'amènent à découvrir, sous la surface des mots, des images, la résonnance qu'ils ont au plus profond de nous-mêmes et par là à mettre au jour les structures de notre inconscient.

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Poétique de la rêverie

Avec cet ouvrage publié en 1960, le philosophe français Gaston Bachelard (1884-1962), complète l'importante série d'études consacrées à l'imagination poétique, qui va de la "Psychanalyse du feu" à la "Poétique de l'espace". Cette fois, ce ne sont plus les objets de la rêverie, mais la rêverie elle-même dans son mécanisme, dans ses modalités, qui est en cause. C'est ici encore la méthode phénoménologique -école de naïveté", dit l'auteur -qui est utilisée, afin d'élucider le processus de la rêverie, que la psychanalyse, faisant porter tous ses efforts sur le rêve, a laissé de côté. Pourtant la rêverie "nous donne le monde d'une âme"; l'image poétique "porte témoignage d'une âme qui découvre son monde, le monde où elle voudrait vivre. Où elle est digne de vivre". Leur étude seule peut permettre d'édifier une "phénoménologie de l' âme".

L'ouvrage débute sur des considérations très personnelles, des rêveries sur la rêverie", divisées en deux parties: "Le rêveur de mots", qui fixe des "pensées vagabondes" sur le genre des mots et leur signification, à propos de la différenciation qu'établit le langage entre la rêverie (féminin) et le rêve (macsulin), "Animus"-"Anima", où le philosophe, reprenant la distinction établie par Jung entre ces deux principes dialectiques de la psychologie des profondeurs, montre qu'elle s'applique parfaitement à l'objet de son étude: "La rêverie est sous le signe de l' anima. Quand la rêverie est vraiment profonde, l'être qui vient rêver en nous c'est notre anima."

C'est vers l'enfance que nous ramène le plus souvent la rêverie, mais vers l'enfance rêvée, vers les "images animées" conservées dans un coin de la mémoire, car "l' enfance dure toute la vie". Le chapitre consacré aux "Rêveries vers l' enfance" constitue une "ébauche d'une métaphysique de l' inoubliable". Le plaisir qui naît de la rêverie est, contrairement à celui du rêve, un plaisir conscient, actuel. Le rêveur nocturne ne peut énoncer un "cogito", "le rêve de la nuit est un rêve sans rêveur, alors que le rêveur de rêverie garde assez de conscience pour se dire: "C'est moi qui rêve la rêverie". Lorsque celui qui s'abandonne à la rêverie s'est détaché du quotidien, du souci, il s'ouvre au monde et le monde s'ouvre à lui, il devient un "rêveur de monde". La rêverie aide à habiter le monde, à habiter le bonheur du monde.

S'appuyant sur des exemples puisés aux meilleures sources, chez les grands écrivains, chez les poètes, Bachelard mène à bien ici une véritable réhabilitation de la rêverie, qui est un retour à l'essentiel, une espèce d'hygiène de l' âme. Souplesse et rigueur de l'analyse, appliquées au presque inalalysable, font la valeur de ce livre, un des plus personnels, un des plus profonds qu'il ait écrits.

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C’est en 1907 que Claudel publie son « Art poétique », qui est en fait un ensemble de trois traités.

 

Le premier traité, "Connaissance du temps", avait paru en Chine en 1904. Il est daté de Kouliang, 12 août 1903. Le deuxième, "Traité de la connaissance du monde et de soi-même", est daté de Foutchéou, 1904. Le troisième enfin, "Développement de l' église", avait été écrit en France, d'avril à juillet 1900. Les trois traités s'inscrivent entre la première et la seconde partie de la première des "Cinq grandes Odes", "Les muses". Ce fut une période particulièrement tragique et déchirée dans l'existence de Paul Claudel, d'où est sorti le "Partage de midi".

 

De ce déchirement rien n'apparaît, d'ailleurs, dans les traités qui ont une forme sévèrement didactique. Le premier, ainsi que les différents articles du second, qui est, du reste, le plus long et le plus important, sont précédés par des "Arguments" analytiques où se trouvent résumés les principaux thèmes et la démarche de la pensée. Si l'ensemble a reçu le titre d' "Art poétique", cette expression ne doit pas être prise dans le sens d'Horace ou de Boileau. La traduction allemande de Robert Grosche s'intitule "Ars poetica mundi", et ce titre latin répond beaucoup mieux au contenu de l'ouvrage, car il s'agit, en réalité de goûter la création, telle qu'elle est sortie des mains du divin Poète (faiseur, créateur) et telle que peut l'apprécier, somme toute, un confrère. C'est en quoi la connaissance poétique diffère radicalement de la connaisssance scientifique ou de la connaissance métaphysique.

 

Claudel commence par la "connaissance du temps", c'est-à-dire de ce mouvement perpétuel et circulaire, qui anime l'ensemble de la création visible, et dont les hommes se servent pour marquer le temps. Il traduit l'insuffisance de la création, dont l'homme est à la fois le témoin et l'oblateur. Si aucune de ces choses qui passent était suffisante, elle ne passerait point. Or, non seulement elle passe, mais elle a besoin pour "être" du concours de toutes les autres. La connaissance du temps, c'est d'abord la connaissance de cette simultanéité totale qui fait, par exemple, qu'à l'heur même où Napoléon perdait la bataille de Waterloo, un pêcheur de perles, dans l'Océan Indien, émergeait de sa longue plongée. A une heure donnée, il est toutes les heures à la fois, et le poète s'efforce de percevoir cette heure totale, qui est en même temps une heure unique, et que l'on ne reverra jamais plus. Achevant ce premier traité, Claudel écrit: "Il ne me reste à tirer sous ces lignes aucune barre: que ce discours débouche dans le silence et le blanc! Où seule ne peut se dissoudre cette dernière question: Mais enfin, le sens, ce "sens" de la vie que nous appelons le temps, quel donc est-il? Tout mouvement, nous l'avons dit, est d'un point, et non pas "vers" un point. C'est de lui que part le vestige. C'est à lui que s'attache toute vie déroulée dans le temps, c'est la corde sur laquelle l'archet commence et achève sa course. Le temps est le moyen offert à tout ce qui sera d'être afin de n'être plus. Il est "l'invitation à mourir", à toute phrase de se décomposer dans l'accord explicatif et total de consommer la parole d'adoration à l'oreille de "Sigè" l'Abîme".

 

 

Le second traité repose en partie sur un jeu de mots que l'on rencontre dans son titre même: connaître, c'est co-naître, c'est-à-dire naître avec. Nous naissons, nous existons dans un certain rapport avec toutes les autres créatures, de sorte que, d'un bout à l'autre de la création, il ne cesse pas d'y avoir continuité. Nous avons affaire à une immense série d'existences complémentaires, et la vocation du poète est précisément de saisir ces rapports, qui sont l'origine et la justification de toute métaphore. Le traité est divisé en cinq articles, dont le premier porte sur la connaissance brute; le second sur la connaissance chez les êtres vivants; le troisième sur la connaissance intellectuelle; le quatrième sur la conscience, c'est-à-dire la connaissance que l'homme a de lui-même; le cinquième enfin sur la connaissance de l'homme après sa mort. Il ne saurait être question ici d'analyser en détail cette somme poétique, où l'on trouve tous les principes de la poésie claudélienne. Une citation encore donnera le ton: "O lecteur patient, dépisteur d'un vestige élusif, l'auteur qui t’a conduit jusqu'ici en menant ses arguments comme Cacus faisait des bêtes volées qu'il entraînait vers sa caverne, t'invite à bien te porter. Glissante est la queue de la vache biscornue! Ramène vers la crèche légitime cet animal maltraité, et que te rémunère l'ample don du laitage et de la bouse! Pour moi, les mains libres, je regagne la pipe et le tambour, je referme derrière moi la porte de la Loge de la Médecine. Qu'ai-je promis de vous donner la connaissance de vous-mêmes, quand, à celà, suffit au bout de votre bras votre main que vous refermez?"

 

 

Le troisième traité, moins important, est une sorte d'application des principes posés à un cas particulier, le développement de l' église; non de l'Eglise communauté des fidèles, mais de la maison où ils se réunissent. Claudel compare et oppose l'église chrétienne au temple païen, celui-ci étant la demeure du dieu, jalousement fermée aux fidèles qui se réunissent autour, et non pas à l'intérieur, tandis que celle-là est un carrefour de routes que l'on a barrées, un lieu de réunion et de communion.

 

 

On ne saurait exagérer l'importance de "L'art poétique", non seulement dans l'oeuvre de Claudel, mais aussi dans le développement de la poésie contemporaine. Ce sont ici les leçons de Mallarmé, les exemples de Rimbaud, tout l'effort poétique depuis Baudelaire qui trouvent leur aboutissement dans une vision cosmique, qui est en même temps celle de la philosophie de l'Ecole, puisque Claudel avait longuement lu et médité saint Thomas d'Aquin avant d'écrire son ouvrage. Le style est un mélange unique et savoureux de didactisme parfois très sec et d'élans poétiques qui interrompent tout à coup le développement, l'ouvrent ou l'achèvent. L'enseignement de "L'art poétique" se retrouve, sous une autre forme, dans les "Cinq grandes Odes" et il est impossible de vraiment comprendre les procédés dramatiques de Claudel si l'on n'a pas médité "L'art poétique", dont le style s'apparente, par ailleurs, à celui des poèmes de "Connaissance de l'est", qui furent écrits sensiblement à la même époque ou un peu auparavant. "L'art poétique" est à la fois l'oeuvre la plus dense et, à bien des égards, la plus importante de l'auteur du "Soulier de satin".

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