« Comment je fais, avec ta mort, sans toi ? » Adèle pleure sa grand-mère Maria. Une femme immense, « au large de l’amour, posée sur l’autel de la mer… » comme le dirait Brel !
Comment ne pas tomber immédiatement amoureux de la comédienne, de la jeune enfant bâtarde, de la jeune femme en quête de réponses, de sa grand-mère disparue, de son ténébreux amoureux voyageur, de ce village naufragé aux confins des terres, de ces embruns de vastes mers, de ce cœur féminin et vaillant qui bat à travers tout cela et ne rêve que d’indépendance ?
Nous voulons parler d’une histoire d’amour, de ce qui s’imprime dans le corps. Parler des choix de vie, des tournants, des rêves, des passions, de l’imprévu. Nous sommes faites de nos héritages et de ce que nous voulons devenir.
Le personnage d’Adèle apparaît à la croisée de ces chemins, entre deuil, projets et naissance.
Le texte de Veronika Mabardi a du souffle et la langue est primesautière. En marche sur le fil de la vie, sur l’écume des jours, il fait œuvre de transmission et de filiation. Le rythme d’interprétation d’Agathe Detrieux est une sorte de perfusion rafraîchissante continue, d’une fluidité parfaite, aux sonorités marines. Et au cœur des failles, entre les rocs du souvenir on voit briller les feux de cette histoire emblématique, l’histoire de cette pirate rebelle des années 1720, Anne Bonny. Une énergie fondatrice, qui autant que le personnage de la grand-mère, devenu, lui aussi légendaire, a fabriqué l’étoffe dont la jeune Adèle est faite. Cette toile de marin, à toute épreuve ! Rien à voir avec l’écharpe de Pénélope !
On pourrait écrire: « Ce à quoi elle croit, est lié à un attachement, et à une personne : Maria. Son point d’ancrage. Dans cette croyance, elle va pouvoir soutenir quelque chose qui, à son tour, la soutiendra et qui continuera à vibrer, bien après la disparition des êtres… » si on jouait avec les mots de Christian Bobin à propos d’Adèle. Sur la route noire du spleen, se profilent ses souvenirs, qu’elle rallume, patiemment, comme une fée ou une sorcière. Les grand-mères ne sont-elles pas toujours un peu les deux ? La jeune femme trimbale dans une carriole improvisée, tout ce qui a fait son enfance dans le village de bord de mer en Armorique : du moulin à café, au châle, à la mouette rieuse, aux paniers, au tabouret de cheminée ou de prairie, aux boîtes à malice, aux livres rescapés rouge et or, aux lampes de nuit, en fleurs ou en guirlandes, le tout arrimé en un énorme baluchon.
Est-ce un cerveau gigantesque et mystérieux qui est juché sur le tricycle bleu ciel…ou un paquet de tripes soigneusement ficelé sur un trois roues, mère, fille et petite-fille… ? Et cela roule, sur les pointillés de la vie avec des arrêts sur image époustouflants de vérité, poudrés du plus pur bonheur. N’oubliez pas d’enrouler le cordage : ce lien qui lie la petite fille à sa grand-mère est indéfectible ! A l’encodage ! « Voici venu le temps de vivre. Voici venu le temps d’aimer » Encore Brel !
Le message de la grand-mère tutélaire, elle l’assimile par petites goulées comme des gorgées de rhum, en fier matelot qu’elle est. Et quand cela descend dans le ventre… comme cela fait du bien ! C’est dans ce ventre que s’arriment et l’amour et la vie. Elle a tout compris. Elle est prête. « Laisse faire ton corps, Adèle ! » « Descends dans ton ventre, pirate ! » entend-elle les vagues lui dire ! Elle réplique, complice... Sois libre, mon enfant, comme le vent…
Ce spectacle ? Tu rigoles ou quoi ? Il vous envole et il vous envoie des paquets de mer, il vous sale du sel universel qui se mêle intimement à la vie et à ses embruns. Une bouteille à la mer qui arrive à bon port !
Un texte de Veronika Mabardi
Mis en scène par Patricia Houyoux
Avec Agathe Détrieux
Scénographie : Chloé De Wolf (Collectif Marvayus)
Création lumière : Renaud Ceulemans
Assistanat à la mise en scène : Laure Tourneur...Le texte de la pièce est édité aux Éditions Émile Lansman.
Crédit Photos: Maxime Pistorio
Une coproduction du Festival Royal de Théâtre de Spa et du Théâtre des Riches-Claires - Remerciements à l’Infini Théâtre et au Centre Culturel d’Auderghem.
Du 10 au 26 novembre
Le mercredi à 19h
Du jeudi au samedi à 20h30
Lundi-Théâtre : le 14/11 à 20h30
Petite Salle
Infos et réservations : 02 548 25 80 - www.lesrichesclaires.be.
https://lesrichesclaires.be/une-rencontre-de-femmes-une-rencontre-de-pirates/
https://journaladele.wordpress.com/
Commentaires
Aujourd'hui au Centre culturel d'Auderghem pour la Chandeleur 2017!
Des paquets de Bonheur!
Mercredi 1er/02 et Jeudi 2/02 à 20h
RÉSERVATIONS : https://journaladele.wordpress.com/reservations-propulse/
Adèle retrouve le village de pêcheurs et la maison de son enfance, celle de la vieille Maria qui l'a élevée et lui a tant appris. Maria n'est plus là. Adèle se sent perdue. Il y a quelqu'un dans son ventre dont elle est responsable désormais, et un homme l'attend, là-bas, en ville. Ce n'était pas prévu. Ce qui était prévu, c'est qu'elle partirait en mer, comme Anne Bonny, l'héroïne de son enfance, la femme pirate qui affrontait tous les dangers pour être libre.
Texte : Veronika Mabardi
Mise en scène : Patricia Houyoux
Interprétation : Agathe Détrieux
Scénographie : Chloé De Wolf (Collectif Marvayus)
Création lumière : Renaud Ceulemans
Assistanat à la mise en scène : Laure Tourneur
Diffusion : Amandine Vandenheede
Une coproduction du Festival Royal de Théâtre de Spa et du Centre-CulturelLes Riches-Claires
Le texte de la pièce est publié chez Lansman Editeur - Emile&Cie.
Durée : 1h15
Merci Deaschelle
Agathe Détrieux est une intrépide Adèle, jeune femme qui veut pirater la domination masculine sur toutes les mers du monde.
http://www.lecho.be/actualite/archive/La_fiancee_du_pirate.9833057-...
Adèle qui eut la sienne bercée par la houle de Maria, le ressac de ses histoires, celle de son René marin disparu, d'Anne Bonny, la pirate elle aussi enceinte et trahie par Rackham le rouge, son fiancé...
Son fiancé, Nicolas, un terrien qui à la mine dessine, veut un enfant tandis qu'Adèle architecte navale, ne souhaite renoncer à son premier périple sur le mâle océan de l'ambition professionnelle. Prête à prendre le large, marquée par l'exemple malheureux de sa propre génitrice, Adèle hésite à se risquer en mère....
Histoire féminine
Très joli texte à l'eau salée que celui de Veronika Mabardi qui met en perspective et en lien l'histoire féminine de la piraterie, la lutte toujours d'actualité des femmes pour conquérir la mer, et la terre des seuls hommes, et le désir ou le souhait de maternité confronté à celui de l'affirmation de soi, sans pour autant renoncer à perdre les eaux. L'océan comme liquide amniotique où l'on tente de voguer sans pouvoir contrôler les éléments, soumis que l'on reste aux éléments, comme l'amour, quand ils se déchaînent. Faut-il devenir Pénélope cousant sa vie sur le fil des jours ou Anne Bonny et ne pas faire de quartier tout en prenant son quart?
Si la pièce dans la mise en scène sans vagues de Patricia Houyoux cabote un peu au début, l'imaginaire finit par prendre le large et le spectateur de se laisser porter par le souffle, l'émotion et la poésie jamais bateau que dégagent le texte et l'interprétation pleine de fougue et de nuances, celles que met Agathe Détrieux dans les quatre personnages qu'elle incarne.
La jeune comédienne tient le cap et le gouvernail une heure et un "quart" durant, le pied marin, tandis que le personnage d'Adèle finit à force de virer de bord par larguer les amarres, se mettre à flots, le précieux butin dans sa cale, et se taire.
"Adèle" jusqu'au 26 novembre aux Riches Claires à Bruxelles, www.lesrichesclaires.be, 02 548 25 80.
"Adèle" De Veronika Mabardi, mise en scène de Patricia Houyoux.
Avec Agathe Détrieux
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