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administrateur théâtres

Les parfums de fleurs de couteau. Rite funéraire. Sous le chapiteau,  toute la Méditerranée en pleurs. Mantilles noires,  mains jointes, les visages chantent un Kyrie Eleison bouleversant. Lux perpetua luceat eis. Pour qui ?  On entoure la veuve.  Le fils voudrait que la mère lui rende son couteau. Tout est là : le désir, la terre et le sang. On plonge d’un coup dans l’univers de Garcia Lorca. Derrière les bribes de mélopée  qui vous prennent  au ventre, surgit le fil rouge,  l’instituteur rouge et libre penseur, ami du poète qui égrènera  son hommage tout au long du spectacle. Cela aussi c’est un rite funéraire.

Le décor est fait d’une roulotte, un fois le voile noir levé,  d’un plateau circulaire de bois blond sur lequel les chaises s’envolent comme des brassées de feuilles mortes.   Décidément, Dominique Serron adore cela! C’est beau, on attend le développement. C’est alors que l’on est pris  par la  bourrasque théâtrale. Le parcours  prend le rythme d’une  traque. Le spectateur s’accroche aux racines pour ne pas tomber.  Il est hors d’haleine, il vient de comprendre que trois histoires  différentes s’entremêlent comme des battements de cœur régulier, pour souligner les thèmes favoris du poète espagnol. C’est ingénieux, parfois dur à suivre, mais tellement palpitant. Il va de soi que les dix-sept  comédiens -danseurs,-chanteurs  changent de peau et d’histoire à chaque tournant… L’inventive Dominique Serron à la mise en scène s’amuse et se repaît des apparences, des visions fugaces, fouaillant toujours  pour atteindre le drame pur. Les yeux des spectateurs sont éblouis par les scènes de village, les chiens, la pleine lune,les malédictions,  la discussion des brodeuses, le deuil omniprésent, le rêve de vie encore plus tenace, la campagne crucifiée par la sécheresse, les préparatifs de noces, le rapport fétide filles-mère, les personnages déchaînés,  la folie, le mal, les danses, les ensembles vocaux. Le corps à corps des amants  ennemis, un paroxysme de tension dramatique,  est un sommet de la  mise en scène. Béjart en aurait fait tout un spectacle.

 Cette trilogie rurale de Lorca qui regorge de mauvais présages: « Les noces de sang », « La maison de Bernarda Alba » et « Yerma » se trouve  ainsi déclinée en musiques chorales, danses et textes  si brûlants de non-dits palpables qu'ils  émeuvent au plus  intime. Cette trilogie  devient une bacchanale envoûtante. Utile de souligner  combien Garcia Lorca  a été  un poète  de la libération féminine, lui qui est tombé sous les balles des phalangistes, quelques mois après l’écriture de ces  trois chef d’œuvres qui dépeignent  l’âme féminine et l’Andalousie profonde. 

Chapiteau Des Baladins du Miroir
Boulevard Baudouin Ier
1340 Louvain-La-Neuve
Téléphone :
0800/25 325 - Réservation préférable
Tarif :
10 à 22€
Public :
à partir de 12 ans
Internet :
https://atjv.be/Desir-Terre-et-Sang

D’après l'œuvre de Federico Garcia Lorca - Adaptation et mise en scène : Dominique Serron - Avec (en alternance) : Irène Berruyer / Léonard Berthet-Rivière / Andréas Christou / Stéphanie Coppé / Elfée Dursen / Monique Gelders / Aurélie Goudaer / Florence Guillaume / François Houart / Geneviève Knoops / Sophie Lajoie / Léa Le Fell / Gaspar Leclère / Diego Lopez Saez / David Matarasso / Virginie Pierre / Géraldine Schalenborgh / Léopold Terlinden / Juliette Tracewski / Julien Vanbreuseghem / Coline Zimmer (Sous réserve de modification. Voir www.atjv.be

Du 19 septembre au 1er octobre 2019

 

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    Espagne sous toile

    Le ciel est bas, l’atmosphère lourde et humide. Ce dimanche après-midi-là semble préfigurer le Sud profond qui se cache sous l’imposant chapiteau des Baladins du miroir. Profitez vite de leur passage en terres néo-louvanistes avant qu’ils ne replient bagages pour de nouvelles aventures !

    Pour leur toute nouvelle création, les Baladins du miroir, en duo avec l’Infini Théâtre, ont choisi d’adapter Federico Garcia Lorca, poète et dramaturge espagnol dont les affinités politiques lui valurent une fin tragique, en 1936, aux mains de la guerre civile. Il n’est pas surprenant d’apprendre que la célèbre troupe de théâtre ambulant se soit trouvée des affinités avec Lorca, lui-même directeur en son temps d’une troupe de théâtre itinérant, « La Barraca », apportant les classiques du théâtre espagnol aux classes populaires.
    « Désir, terre et sang » synthétise ici la trilogie rurale de Lorca : « Les noces de sang », « La maison de Bernarda Alba » et « Yerma ». En toute simplicité, le titre souligne les thèmes qui traversent le triptyque. Car dans les grandes étendues arides de la campagne espagnole, l’air n’est pas lourd que d’humidité. Sous le poids des non-dits, des traditions et d’une société oppressante, les passions humaines s’embrasent et consument de leur feu l’air qui les entoure, éclairant de leur faible lumière des personnages en souffrance, avant de s’éteindre sans un bruit.

    Emblématique du théâtre forain qui est la marque de fabrique des Baladins, le plateau est un grand cercle de bois brut où les histoires se mêlent et s’entremêlent. Les personnages évoluent côte à côte, parfois se croisent, aidés par une scénographie simple mais toujours ingénieuse. D’emblée, le spectacle brise le quatrième mur, intégrant à sa narration Dióscoro Galindo González, « maître rouge » et ami de Lorca, qui parsème la pièce d’anecdotes sur la vie de l’auteur et orchestre le déroulement des trois fables. Le spectacle trouve facilement son rythme, oscillant de manière fluide entre faits historiques et fictions multiples. Comme délicatement posées au milieu d’un jeu de miroirs, les pièces trouvent écho l’une dans l’autre, amplifiant l’impression de suffocation qui les caractérise jusqu’à l’asphyxie. C’est dans cette pluralité que réside la véritable force de cette adaptation qui met exergue les thèmes chers à Lorca, que les interventions de González viennent intelligemment lier à la vie de l’auteur lui-même.

    L’action est ici morcelée, éclatée dans un enchaînement qui engage sans cesse l’attention du spectateur. Ce que ce choix de format peut faire perdre en intensité dramatique, il le rattrape par un parfait maniement de la musique. Avec Line Adam à la composition, instruments plaintifs et voix profondes se mêlent dans des hymnes à la joie ou des chants de douleurs qui frôlent le mystique. Face aux transitions les plus violentes, ils nous replacent au cœur de l’action et subliment les émotions.

    L’espace de deux heures, la toile tendue du chapiteau nous semble un ciel d’été andalou et nos lèvres retrouvent le chemin de vieilles comptines espagnoles. Un bien bel hommage à un auteur encore malheureusement trop peu connu dans nos contrées. Jeudi 26 septembre 2019, par Laure Primerano

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