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Sur mon chemin

Puisqu'en ce jour, j'ai tout mon temps,
Il m'appartient de me distraire.
Indifférent, mon regard erre,
Pas de nuages fascinants.

Il m'appartient de me distraire.
Or cela est-il important?
Pas de nuages fascinants.
Me grise encore le mystère.

Or cela est-il important?
J'aime flâner à ne rien faire.
Me grise encore le mystère.
D'où vient le sublime envoûtant?

J'aime flâner à ne rien faire,
Figée face au ravissement.
D'où vient le sublime envoûtant?

De mon corps l'âme se libère.

14 avril 2017

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D'un clic...

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D'un clic

 

D'un clic, on devient ami

D'un clic, on t'élimine

Faut être bien armé contre la déprime...

 

D'un clic, j'ai tout dit

D'un clic, j'efface tout

Je restaure tout, d'un clic...

 

Comme dans un jeu de simulation

Où se perd la raison

L'adversaire n'est plus qu'un pion...

 

D'un clic, le monde entier j'atteins

D'un clic, il m'appartient

D'un clic, je l'abats et le restreins...

 

Dans ce combat sans âme

Que la distance condamne

Se jouent tous les drames...

 

Sans une explication à la clé

Aussitôt dit, aussitôt fait

Ton Coeur est touché...

 

Amour-passion

Sans beaucoup d'option

Que de devenir destruction...

 

Perdu dans un monde sans visage

Où s'aimer semble d'usage

D'un clic, tu en deviens l'apanage...

 

Des amours naissent

D'un clic, disparaissent

Il n'y a plus que des jours sans lendemain

A portée de main !...

 

Marianne Leitao ©

Ecrit le 13 avril 2017

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La Dame de Nara

La Dame de Nara

Il fallait que je te dessine sur un fond doré
tu ne quitteras jamais mes plus intimes pensées
Là, alternativement j'écris et te regarde
souvent mon instinct me met en garde.

Je ne dois pas trahir nos secrets
te souviens-tu de nos précautions
Nous avons pris soins d'être discret,
avons nous jamais entendu des allusions!

Ne pas être bras dessus bras dessous
Ne pas s'embrasser en public
Ce n'était pas nécessaire après tout.
Nous n'avons pas eu de critiques

Tes regards sont là, plein de tendresse
M'inondant encore d'une profonde chaleur
Tout en toi n'est que délicatesse
même si de la jeunesse tu n'as plus la candeur

Tu maîtrisais l'art de l'eau et de l'aquarelle
comme une écriture simple et naturelle
Quelques coups de pinceau et s'était une réussite
comment ne pas penser à toi comme à une érudite

Tu m'as fait découvrir une autre façon de penser
par la voie du divin et ses multiples divinités
Vénération de tes ancêtres et des forces de la nature
Nous unissaient dans un lien profond vers le futur

Elle est née des années après que la vie nous ai séparée
Un rendez-vous un après-midi au François Coppée
Nous nous sommes reconnus au premier regard
pas un mot, un grand désarroi, nous étions hagards.

Et elle parlait et je te voyais là, sourire,
m'emportant vers je ne sais quel avenir
tu portais ton Kimono beige ton obi bleu
comme à l'époque où nous étions deux

Les souvenirs qui sommeillaient sont éveillés
ils défilent, nos promenades, notre intimité
La force de tes divinités nous a rendu serein,
Nos pensées nous éclairent, le temps n'efface rien

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Séance solennelle de rentrée des cinq Académies -2014

- "Nécessité et responsabilité", par Jean-Claude Casanova
- "Arrière et avant-garde", par Gilbert Amy
- "La science dans la guerre, et la guerre dans la science", par Jean-Pierre Kahane
- "L'art et la guerre", par Roland Recht
- "La marque et la trace", Pierre Nora

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Une disgrâce possible

Soliloque

La pensée de ne plus jouir
Du pouvoir qu'offre le langage,
Dont je garde parfait l'usage,
En ces jours vient m'entretenir.

Un afflux de mots spontanés,
Emplis d'énergie affective,
Longtemps me rendit créative,
Sans que j'aie à imaginer.

Des vers, venus je ne sais d'où,
Que je m'empressais de transcrire,
Avaient l'effet d'un élixir,
Ils me parlaient de rendez-vous.

Intacts, ils sont silencieux
Dans le livre de mon histoire.
Bien plus précis que ma mémoire,
Ils y demeurent mélodieux.

13 avril 2017

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La littérature byzantine

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Le temps des incertitudes (395-610)

De la mort de Théodose à l'avènenement d' Héraclius, on compte deux siècles pendant lesquels Byzance hésite encore entre sa vocation orientale et le mirage d'une restauration de l'Empire universel où s'épuisera Justinien. Constantinople n'est pas encore le centre unique d'un empire où le grec n'est pas encore la seule langue de culture, où la foi de Chalcédoine n'a pas encore rallié toutes les âmes. La plupart des éléments politiques, sociaux, culturels qui formeront l'Empire proprement byzantin apparaissent durant cette période, mais encore mêlés aux structures caduques héritées du passé.
Cette incertitude se reflète dans la vie intellectuelle, qui se partage entre les vieux centres de l'hellénisme: Alexandrie, Antioche, Gaza où prospère une célèbre école de rhétorique, Athènes où meurt l'Université païenne. Du paganisme religieux il ne reste à peu près rien après le règne de Justinien: mais les curiosités esthétiques de l'alexandrinisme touchent encore beaucoup d'esprits. Le dernier romancier antique, Achille Tatios, le dernier épistolographe, Aristénète, sont probablement tous deux du Ve siècle: ils trouvent des lecteurs, qui ne sont sûrement pas tous des païens. Ni l'un ni l'autre n'ont éprouvé le besoin de changer quoi que ce soit aux formules traditionnelles des genres qu'ils ont cultivés. On peut en dire autant des poètes profanes: auteurs de petites épopées dans le goût alexandrin, comme Tryphiodore, ou Colouthos, qui versifia (fin du Ve siècle?) L'Enlèvement d'Hélène; épigrammatistes surtout. L'épigramme est peut-être le seul genre de poésie profane qui soit resté en honneur jusqu'à la fin de la période byzantine. Elle connaît un regain de faveur au VIe siècle, grâce au cercle littéraire réuni autour d'Agathias le Scolastique (536-582 env.), d'où est sorti le Kyklos, recueil d'épigrammes anciennes et nouvelles disposées par genres et futur noyau de l'Anthologie palatine. C'est à ce cercle qu'appartenait entre autres Paul le Silentiaire, officier de la cour de Justinien, poète sensuel et passionné qui, en d'autres temps, eût pu être un grand élégiaque.
La tradition alexandrine se perpétue aussi dans le domaine des sciences, où l'on voit déjà poindre, cependant, un goût très byzantin pour les florilèges et les abrégés. On peut citer les monumentales Ethnika du géographe Étienne de Byzance, malheureusement perdues, le traité sur l'astrolabe de Jean Philoponos, précurseur de la mécanique moderne, l'Onomatologos, ou dictionnaire des écrivains célèbres, d'Hésychios de Milet (VIe s.), surtout la Médecine en douze livres d'Alexandre de Tralles, frère de l'architecte de Sainte-Sophie, remarquable par l'importance qu'y prend l'observation méthodique.
Si la fermeture de l' université d' Athènes en 529 porte le dernier coup à la philosophie païenne, il faut se rappeler que, depuis plusieurs siècles, celle-ci occupait une place secondaire par rapport à la rhétorique dans l'éducation grecque. Loin de proscrire la philosophie, l'époque pré-byzantine lui a ouvert une nouvelle carrière en l'appelant à fournir une base rationnelle aux doctrines qui s'affrontaient dans les grandes batailles dogmatiques. Certains esprits tâchent d'appliquer à cette fin la méthode d'Aristote, sa logique et ses conceptions scientifiques, jetant ainsi les bases de la scolastique: c'est le cas de Jean Philoponos, païen converti, qui réfuta la théorie de l'éternité du monde (De la création du monde), et de Léontios de Byzance (475 env.-542), qui chercha une formulation philosophique du dogme des deux natures du Christ. Mais c'est surtout au platonisme et au néo-platonisme que les philosophes de ce temps ont demandé d'unir la rasion et la foi. Leur influence est sensible dans l'oeuvre des maîtres de l'école de Gaza (Énée de Gaza, 450 env.-534; Procope de Gaza, 465-529 env.; Zacharie le Scolastique), d'ailleurs plus rhéteurs que philosophes, et surtout dans celle du pseudo-Denys l'Aréopagite, fondateur de la théologie mystique.

La littérature religieuse

La période de répit qui sépare la crise monophysite de la crise monothélite voit fleurir la littérature ascétique, genre appelé à un grand avenir à Byzance. Jean Climaque (525 env.-605), dans L'Échelle du paradis, enseigne à ses moines du Sinaï l'impassibilité par la méditation de la mort; Jean Moschos (550 env.-619) propose dans les anecdotes du Pré spirituel l'exemple des grands ascètes de Palestine. Tous deux sont d'origine orientale, tous deux écrivent dans une langue populaire. Ces deux traits se retrouvent dans l'hymnologie liturgique de cette époque, qui est remarquable par sa puissance et son originalité. Elle s'exprime dans un genre propre à Byzance, bien qu'il dérive probablement de modèles syriaques adaptés au public grec: c'est le kontakion, sorte d'homélie rythmée et chantée, dont les strophes, d'une structure métrique compliquée, se terminent toutes par le même refrain. En dehors de Romanos, bien peu d'oeeuvres des mélodes ou poètes de Kontakia nous sont parvenues: les plus remarquables, encore en usage dans l'office actuel, sont le Chant funèbre d' Anastase, et surtout l' Acathiste, hymne à la Rédemption et litanie à la Vierge, d'une luxuriante abondance. L'hagiographie enfin, autre genre à la fois religieux et populaire, trouve d'emblée son maître dans la personne de Cyrille de Scythopolis, moine de Palestine (514-557 env.), biographe de saint Sabas et des grands abbés de Terre sainte, qui, par le sérieux de sa documentation, fait figure de véritable historien.

L'histoire

L'histoire est en grand honneur dès les premiers siècles de Byzance, où elle se partage en deux genres bien distincts. D'un côté, on a les historiens proprement dits, qui limitent leur sujet à l'époque contemporaine et mettent en oeuvre avec intelligence, sinon toujours avec objectivité, une documentation de première main, dans la grande tradition des historiens classiques, dont le souvenir imprègne jusqu'à leur langue. Tels sont Procope et ses continuateurs: Agathias, déjà cité comme poète (Le Règne de Justinien); plus rhéteur que Procope, Ménandre le Protecteur, dont il ne reste que des fragments; Théophylacte Simocatta (Histoires), historien de Maurice. On peut leur adjoindre un historien ecclésiastique, Evagrios d'Épiphanie (né en 536) qui a su exposer avec clarté les conflits doctrinaux du Ve et du VIe siècle.
D'autre part, les chronographes, plus moralistes qu'historiens, s'adressent à un public populaire qu'ils prétendent édifier en retraçant - sans aucune critique, bien entendu - l'histoire de l'humanité depuis Adam, et en s'attachant surtout aux événements frappants: pestes, éclipses, séismes, naissances de monstres, etc. Ils sont liés entre eux, non par un lien de continuité, comme les historiens, mais parce qu'ils puisent tous plus ou moins à un fonds commun dont on peut suivre la formation jusqu'à Julius Africanus, au IIIe siècle. Ces chronographes sont encore rares au VIe siècle: le principal est Jean Malalas, moine d'Antioche, d'esprit fort particulariste, et le plus «vulgarisant» des écrivains de cette époque.

Du monothélisme à la crise iconoclaste (610-843)

Entre Héraclius et Michel III, dans ce qu'on a appelé ses «siècles obscurs», se situe l'étiage intellectuel de Byzance. Dans l'Empire appauvri, diminué, ravagé par des guerres continuelles, amputé des deux grandes métropoles d'Antioche et d'Alexandrie, déchiré par deux crises religieuses qui opposent l'orthodoxie à l'autorité impériale, la culture est en décadence; seule la science médicale est encore illustrée au VIIe siècle par Paul d'Égine, dont l'Abrégé de médecine servait encore à l'Université de Paris au XVIIIe siècle. Il n'y a pas d'historiens; du moins, à défaut d'un Procope, les campagnes d'Héraclius ont-elles trouvé leur Homère en la personne de Georges Pisidès, dont les poèmes patriotiques, notamment l'Héracliade, d'une facture très traditionnaliste, ont connu un succès durable. Vers la fin de cette période, donc à la veille de la renaissance macédonienne, paraît aussi une poétesse de valeur, Cassia.
La littérature de ce temps, essentiellement religieuse et surtout monastique, intéresse donc plutôt l'histoire de l'Église byzantine. L'orthodoxie est défendue contre le monothélisme par Sophronios de Jérusalem (mort en 638) et Maxime le Confesseur (582 env.-662). Celui-ci, influencé par le pseudo-Denys, expose dans son Livre ascétique une ascèse plus sereine que celle de Jean Climaque; on peut rattacher à son école Anastase le Sanaïte. Au siècle suivant, Jean Damascène (675 env.-754 env.), dans sa monumentale Source de la connaissance, dresse en face de l'iconoclasme un exposé systématique de la foi orthodoxe qui paraîtra définitif aux chrétiens de Byzance et qui met comme un point final à la dogmatique grecque. C'est encore à un moine et à un adversaire de l'iconoclasme, Théophane de Sygriana (mort en 817), que l'on doit une Chronographie célèbre et très tôt traduite en Occident; en l'absence d'autres sources historiques, elle nous est précieuse par l'ampleur de son information.
Mais l'influence monastique se fait sentir plus encore dans le domaine de l'hymnologie. Bien que le kontakion soit encore cultivé, notamment par Joseph l'Hymnographe et l'école sicilienne, il est progressivement évincé par un genre nouveau apparu au VIIe siècle, le canon, composition formée de plusieurs «odes» à strophes courtes, et dont le caractère n'est plus narratif ou dramatique comme dans le kontakion, mais purement lyrique. Chez le plus ancien maître connu du genre, André de Crète (660-720), Syrien d'origine, et auteur du Grand Canon de deux cent cinquante strophes, on sent encore l'influence de Romanos. Le canon reçoit sa forme définitive au siècle suivant, dans deux écoles d'hymnographes: celle de Syrie avec Jean Damascène et son frère Cosmas de Maïouma et celle du Stoudios, le grand couvent constantinopolitain, avec Théodore le Studite (759-826), connu aussi comme polémiste et écrivain ascétique, son frère Théodore et Théophane Graptoï (775-844 et 778-845). Leurs oeuvres forment la base des livres liturgiques actuels. Ce bouleversement de l'hymnologie traditionnelle s'explique, non seulement parce que le canon permet de varier le rythme et par conséquent la mélodie, mais aussi par un souci de plus grande précision dogmatique dans le texte de l'office. Cette précision a pour rançon une certaine impersonnalité de style.

Renaissance des lettres (843-1025)

Avec la dynastie macédonienne commencent pour les lettres byzantines des temps meilleurs, annoncés dès la fin de la période précédente par la réorganisation de l'Université sous Théophile, puis sous Bardas, ministre de Michel III. C'est alors seulement que, dans l'Empire en pleine expansion, Constantinople devient vraiment la capitale intellectuelle. Elle le doit surtout à deux personnages exceptionnels et aux cercles de lettrés réunis autour d'eux. Le premier est le patriarche Photius (820 env.-891) qui, bien plus qu'un homme d'Église, fut un érudit à la curiosité universelle. En tant qu'écrivain, il est surtout connu pour son Myriobiblion ou Bibliothèque, qui est en fait un ouvrage collectif: c'est le recueil des comptes rendus des livres, très divers, lus par les membres de son cercle. Son disciple, l'empereur Léon VI le Philosophe (866-912), fut comme lui un érudit, un mécène et un animateur. Mais son fils, l'empereur Constantin VII Porphyrogénète (905-959), le fut bien plus encore. Savant en toutes choses, polyglotte, artiste, poète même, il régna moins sur Byzance que sur une équipe de lettrés avec laquelle il édifia un vaste monument encyclopédique, dont la plus grande partie a malheureusement disparu. Ce qui nous en reste, notamment le traité De l'administration de l'Empire, le traité Des thèmes, surtout le Livre des cérémonies, est très précieux pour l'histoire des institutions et de la société byzantines. C'est certainement à l'impulsion donnée par Contantin VII à la compilation érudite que l'on doit des ouvrages comme le Lexique de Suidas (ou la Souda), la nouvelle Anthologie, réunie vers 900 par le poète Constantin Képhalas et dont une seconde édition sera l' Anthologie palatine, ou le vaste recueil hagiographique de Syméon Métaphraste (Xe-XIe s.), qui rhabille de rhétorique moralisante les anciennes vies de saints.
L'histoire aussi subit l'influence de Constantin VII; mais c'est parce que celui-ci met les historiens au service de la propagande impériale: c'est le cas des «continuateurs de Théophane», parmi lesquels Constantin VII lui-même, auteur d'une Vie de Basile Ier, et de Joseph Génésios, qui écrit quatre Livres des Rois (de Léon V à BasileIer); leur objectivité est évidemment sujette à caution. À la fin du Xe siècle, Léon le Diacre (né en 950), dans ses dix livres qui vont de 959 à 976, fait preuve d'une impartialité et d'une intelligence qui sont d'un véritable historien; son style fleuri et compliqué est imité d'Agathias. Sous le règne de Michel III, on trouve encore une chronique très représentative du genre, celle de Georges Hamartôlos ou Georges le Moine. Mais, après lui, la chronographie tend à se rapprocher de l'histoire parce qu'elle cesse d'être un genre monastique.
L'Église des IXe-Xe siècles, après la victoire des moines orthodoxes sur le haut clergé iconoclaste, tend, en effet, à se replier intellectuellement sur elle-même. Les lettres profanes n'entrent plus guère dans les couvents, où l'on cultive de plus en plus la théologie mystique. Le principal maître de cette époque est Syméon le Nouveau Théologien (949-1022), dont la mystique entièrement vécue rejette tout apport intellectuel autre que l'Écriture (Catéchèses, Chapitres théologiques). L'hymonographie est surtout vivante dans l'Italie grecque (école de Grottaferrata), qui est en retard sur la capitale. En revanche, l'hagiographie profite toujours de la vigoureuse impulsion que lui ont donnée dès le VIIIe siècle les persécutions iconoclastes. Mais elle se teinte volontiers de romanesque et de fantastique: certaines biographies sont de purs romans, comme la Vie de saint Théodore d'Édesse, la Vie de saint Léon de Catane, et surtout la Vie de saint André le Fou par le prêtre Nicéphore (début du Xe s.) qui est même un roman d'anticipation, car on y trouve un étonnant récit de la fin du monde.
On doit enfin signaler à cette époque la naissance d'une littérature populaire, favorisée par l'effacement de la littérature monastique, et aussi par les exploits militaires des souverains macédoniens, car elle se manifeste surtout par les chansons acritiques, sortes de cantilènes épiques célébrant les exploits des héros de la frontière, les acrites. Elles forment plusieurs cycles rattachés aux grandes familles de la noblesse militaire et provinciale. Mais celles qui nous sont parvenues, constamment transformées au cours des âges, sont aujourd'hui très difficiles à dater.

L'âge d'or (1025-1204)

Au point de vue de la culture, le «siècle des Comnènes» commence en fait avec le déclin de la dynastie macédonienne, après la mort de Basile II (1025); durant le long règne du plus grand souverain byzantin, sorte de moine-soldat peu ami des lettres, Byzance subit une éclipse intellectuelle. Après lui, la noblesse civile accède au pouvoir, et avec elle grandit l'influence de la bourgeoisie lettrée, dont MichelPsellos est le principal représentant. C'est en vue d'ouvrir plus largement aux lettrés les grandes carrières administratives que Constantin IX réorganise une fois de plus l'Université, dont il confie la direction à Michel Psellos, avec le titre de «consul des philosophes». À côté de l'Université fonctionne l'école patriarcale, qui forme les futurs cadres de la hiérarchie ecclésiastique aux études profanes avant de leur dispenser un enseignement proprement religieux.

Un nouvel humanisme

La littérature de ce temps a donc pour base une culture générale plus profonde et mieux équilibrée, plus directement reliée aux sources antiques que celle du siècle précédent: c'est le début d'un nouvel humanisme, que favorisent encore au XIe siècle les rapports multipliés avec l'Occident latin. Sous les Comnènes, pourtant issus de la noblesse militaire, la Cour deviendra, non plus un foyer d'érudition comme sous Constantin VII, mais celui d'une culture plus créatrice et plus artiste qu'à l'époque macédonienne. La différence se mesure bien au style des écrivains de l'une et l'autre période: au lieu de chercher à prouver son savoir par une langue très travaillée et chargée de termes rares, on cherche à se conformer au canon d'un atticisme rénové. En ce faisant, d'ailleurs, on s'éloigne encore davantage de la langue parlée, ce qui correspond à la tendance fortement aristocratique de la société des Comnènes.
Le début de cette époque est dominé par la puissante personnalité de MichelPsellos (1018-1078), petit bourgeois parvenu aux plus hautes charges, érudit universel dans la grande tradition des lettrés byzantins, mais surtout passionné de rhétorique et de beau style: c'est lui qui, par l'étude appronfondie de Platon et des orateurs de toutes les époques, a mis au point une nouvelle prose d'art, au rythme réglé par des lois sévères, au vocabulaire extrêmement riche, qui s'affinera encore sous les Comnènes. Psellos est aussi à l'origine de la renaissance de la philosophie byzantine, et particulièrement du platonisme, car il rêva d'unifier l'ensemble des connaissances humaines en un schéma platonicien, en se servant d'ailleurs de la logique d'Aristote, qui profita donc lui aussi de ce renouveau philosophique. Le mouvement s'amplifia au XIe siècle avec des platoniciens comme Jean Italos, MichelItalikos, SotérikosPanteugénos qui soutint le nominalisme, et des commentateurs d'Aristote comme Michel d'Éphèse, Eustrate de Nicée, qui fut traduit en latin. Les efforts de cette école pour donner au dogme une interprétation rationnelle ont contribué à la naissance de la scolastique occidentale, mais à Byzance ils furent mal vus du clergé et des Comnènes eux-mêmes, qui avaient besoin de l'appui de l'Église. Jean Italos et Eustrate furent condamnés pour hérésie.
Il n'en existe pas moins, dans l'Église d'alors, un courant très favorable à la culture profane, surtout chez les hauts prélats: tels le patriarche Jean Xiphilin (1010 env.-1075 env.) qui appliqua la philosophie à l'étude du droit et dont les travaux ont eu une grande influence sur l'école de Bologne, les archevêques Théophylacte d'Achrida (mort vers 1108), Eustathe de Thessalonique (mort vers 1198), bien connu pour ses commentaires des auteurs classiques, ou Michel Acominate (1140-1220). Le monde monastique, lui, continue à se cantonner dans la théologie mystique, dont les principaux maîtres sont alors le Stoudite Nicétas Stéthatos (1000 env.-après 1050), disciple et biographe de Syméon le Nouveau Théologien, et, au XIIe siècle, Callistos Cataphygiotis, déjà proche de l'hésychasme.
La renaissance de l' atticisme au XIe siècle ainsi que la vie de cour fort brillante sous les Comnènes font fleurir plus que jamais les divertissements de lettrés et aussi l'éloquence d'apparat; Psellos excella notamment dans l'oraison funèbre. La mode est aux discours fictifs, comme l'Éloge du chien de Nicéphore Basilakis (XIIe s.) ou la Prosopopée de Michel Acominate, qui est un procès entre l'âme et le corps devant un tribunal d'ascètes. On se s'étonnera pas de voir en honneur l'épigramme, la poésie didactique ou de circonstance avec Constantin Stilbès (XIe-XIIes.) voire l'épopée pseudo-homérique avec les Antehomerica Homerica et Posthomerica de Jean Tzétzès (1120 env.-1180 env.), curieux personnage de poète famélique qui fut aussi un philologue d'une prodigieuse éruditon. C'est aussi le divertissement d'un érudit, mais non d'un homme d'esprit, que le roman anonyme de Timarion (milieu du XIe s.), pastiche ou plutôt caricature de Lucien.

De grands historiens

Le genre historique n'a jamais eu plus d'éclat que sous les derniers Macédoniens et les Comnènes; il est presque toujous cultivé par de hauts personnages ou des gens qui ont vu de très près les événements tel Michel Attaliate, qui écrit l'Histoire des années 1034-1079 dans un style fleuri et pompeux qui sent encore le siècle de Constantin VII. Avant lui, MichelPsellos avait écrit vers 1060 une Chronographie d'une grande valeur littéraire, remarquable par le choix qu'il a su faire des événements essentiels, la pénétration psychologique et l'art des portraits. Nicéphore Bryennios (1062 env.-1138), gendre d'Alexis Ier, a laissé une Histoire inachevée des années 1070-1074, très bien informée, dans un style sec consciemment imité de Xénophon. Sa femme, Anne Comnène est le meilleur historien du XIIe siècle (1083-1148), avec son Alexiade, oeuvre empreinte d'une piété familiale exemplaire. Son récit a été continué par deux anciens secrétaires impériaux: Jean Kinnamos (1143 env.-après 1183) dont l'Epitomê du règne de Manuel Ier s'intéresse un peu trop exclusivement aux événements militaires, et Nicétas Choniatès (mort en 1210), historien profond, objectif, capable de grandes vues d'ensemble et assez porté au style oratoire.
La chronographie, en tant que genre distinct de l'histoire, ne dépasse pas le siècle des Comnènes. Elle n'est d'ailleurs plus le monopole des moines: Jean Skylitzès (mort à la fin du XIe s.), qui continue Théophane à partir de 811, est un haut fonctionnaire. On essaie aussi de varier le genre avant de l'abandonner définitivement. Jean Zonaras (mort en 1050) donne à son Epitomê l'ampleur d'une histoire universelle. Michel Glykas (XIIe s.) truffe sa Chronographie de digressions sur la théologie ou l'histoire naturelle. Constantin Manassès (première moitié du XIIe s.) rédige la sienne en vers politiques (vers de quinze syllabes), ce qui lui assure d'emblée un grand succès populaire; il a même été traduit en slave.

La littérature populaire

C'est en effet vers le XIe siècle que la littérature populaire naissante trouve son instrument d'expression dans un vers de quinze syllabes dont le rythme est fondé sur le retour d'un accent tonique (comme dans l'ancienne poésie du kontakion), donc conforme à l'état de la langue parlée. On le trouve employé dans des contes fantastiques empruntés aux folklores orientaux, comme Syntipas qui est le Sindbad des Mille et Une Nuits ou le Stéphanitès et Ichnélatès qui est d'origine bouddhique. Ce vers est celui de l'«épopée» byzantine, celui aussi de la satire illustrée par Théodore Prodromos (1115-1166).
Qu'en fut-il d'un autre genre populaire, dont il ne nous est rien parvenu: le théâtre? Nous n'en savons rien. Il a existé à Byzance un théâtre de mimes, fort licencieux («mime» est le nom couramment donné aux prostituées) et fort réprouvé des prédicateurs, et un embryon de théâtre religieux dont on a conservé quelques traces. Le seul ouvrage dramatique qui nous ait été transmis est le Christ souffrant, en vers iambiques, qui met en scène la Passion, avec des réminiscences de Romanos. Longtemps attribué à saint Grégoire de Nazianze, il est reconnu aujourd'hui comme un ouvrage du Xe-XIe siècle.

Une période de transition (1204-1282)

L'intermède réparateur que constitue l'Empire de Nicée n'a pas été nuisible aux lettres byzantines. À peine installés, les Lascaris se préoccupèrent de reconstituer l'Université dispersée, les bibliothèques pillées, non seulement dans leur capitale, mais aussi en province: une certaine décentralisation caractérise donc leur politique culturelle, à l'inverse des empereurs de Byzance.
En ce siècle de transition, les lettrés réfugiés à Nicée y apportent le goût néo-attique des Comnènes, leur passion de rhétorique, leur conception très évoluée de l'histoire; chez les moines, l'évolution de la mystique vers l'hésychasme s'accentue. Mais on voit aussi paraître des éléments nouveaux qui annoncent l'âge des Paléologues et notamment un renouveau d'intérêt pour les sciences exactes et les sciences de la nature. La controverse avec les Latins fait renaître la théologie, qui prend un caractère nationaliste marqué, laissant le champ libre à de plus hardies spéculations néo-platoniciennes.
Comme aux siècles précédents, l'orientation littéraire est donnée par l'influence de grands érudits polygraphes. Deux sont particulièrement importants. Le premier est Nicéphore Blemmydès (1197-1272), moine et précepteur de Théodore II, dont il chercha à faire un philosophe couronné sur le modèle qu'il propose dans sa Statue royale. Il s'occupa de promouvoir les études aristotéliciennes, entre autres par sa Physique abrégée qui servit de manuel de base même en Occident. Son élève, l'empereur Théodore II (1222-1258), a été le plus cultivé des empereurs grecs, à la fois philosophe, mathématicien, humaniste, avec une touche de romantisme que révèle sa correspondance. Il est d'ailleurs mal connu, car son oeuvre est en grande partie inédite.
L'Empire de Nicée a eu son historien, le grand logothète Georges Acropolite (1217-1282) très bien informé et d'un réalisme politique qui le porta à travailler pour l'union avec Rome. En cela, il s'opposait à des prélats humanistes comme Jean Apokavkos (mort vers 1230) ou Georges Bardanès. Dans le domaine plus proprement littéraire, la poésie d'inspiration et de forme populaire gagne du terrain, par exemple avec Nicolas Irénikos, auteur d'un Épithalame sur le mariage de JeanIII, et avec les premiers romans de chevalerie, dont l'apparition coïncide avec l'occupation franque. Quelles que soient les influences, très controversées, qu'exerce sur ce genre nouveau le roman occidental, l'élément merveilleux y prédomine d'une manière bien orientale sur l'élément héroïque. À cet égard, le roman anonyme de Belthandros et Chry-santza est particulièrement intéressant.

La dernière renaissance (1282-1453)

On pourrait s'attendre à ce qu'à la lente décomposition de l'État byzantin à partir de la mort de Michel VIII (1282) corresponde une décadence intellectuelle. Il n'en est rien. En réalité, la haute culture qui est de tradition dans la dynastie des Paléologues, la nouvelle Université réorganisée par Manuel II et qui attirera les étudiants italiens, le prestige du patriarcat et de son école, une décentralisation imposée par le morcellement du domaine byzantin et qui fera de Thessalonique et surtout de Mistra des centres de culture, le grand mouvement spirituel de l'hésychasme enfin, tout cela contribue à maintenir la vitalité des lettres byzantines; et plus encore, peut-être, les contacts plus fréquents avec l'Occident et l'épanouissement d'un esprit de liberté grâce à la disparition de la contrainte exercée par un État puissant.

Un esprit de liberté

L'impulsion est donnée dès le début de cette période par une génération de grands professeurs et de hauts fonctionnaires - souvent les deux à la fois - tels que Georges Pachymère (1242 env.-1310 env.), qui compila Aristote dans sa Philosophie et, dans ses Récits historiques, continua Georges Acropolite dans un sens antilatin; le grand philologue Maxime Planude (1260 env.-1310 env.), l'éditeur de l'Anthologie palatine, qui fit connaître aux Grecs saint Augustin et peut-être saint Thomas; Nicéphore Choumnos (1255 env.-1327), philosophe éclectique qui chercha à concilier la physique et la cosmologie des Anciens avec la doctrine chrétienne; et surtout le grand logothète Théodore Métochite (1269-1332), savant curieux de tout, dont l'oeuvre très vaste est en grande partie inédite. Il est connu d'abord comme restaurateur de l'astronomie (Introduction à la science astronomique); mais il fut aussi un poète assez personnel. Son disciple Nicéphore Grégoras (1295-1360), adversaire malheureux de l'hésychasme, fut aussi un homme de grand savoir et un astronome, qui préconisa avec deux siècles d'avance la réforme du calendrier (De la date de Pâques); Grégoras, en plus, est historien. Son Histoire romaine en trente-sept livres, désordonnée mais de vaste conception, est importante pour l'histoire de l'hésychasme. Toute cette école est divisée par une querelle de rhéteurs - c'est l'époque où la rhétorique envahit tout - entre les tenants de l'atticisme (ou de ce qu'on prend alors pour l'atticisme) et de l'imitation des Anciens, tels que Choumnos, et les «Modernes» comme Métochite, dont la manière, semble-t-il, était plus exubérante et passionnée.
L'influence de ces grands lettrés, au XIVe siècle, est plus heureuse dans le domaine scientifique que dans le domaine littéraire. Les ouvrages qui ont le plus d'intérêt à ce dernier point de vue sont, en poésie, les Hymnes à la Mère de Dieu, de Nicéphore Callistos Xanthopoulos (mort vers 1350), connu aussi comme historien ecclésiastique; en prose, l'Histoire de l'ex-empereur JeanVI Cantacuzène (1292 env.-1383 env.), dont la relative simplicité de style est rare pour l'époque. Le mouvement scientifique est représenté par des philologues comme Thomas Magister, des astronomes comme Théodore Méliténiote, des médecins: au XIIIe siècle Nicolas le Myrepse, dont le traité Des médicaments servit de codex à Paris jusqu'au XVIIIe siècle; au XIVe, Jean l'Actuaire, précurseur de la psychiatrie (Sur les effets normaux de l'esprit animal et sur son comportement).

Un dernier éclat

L'histoire religieuse du XIVe siècle est, comme on le sait, dominée par le mouvement hésychaste, qui appartient à l'histoire ecclésiastique plutôt qu'à l'histoire littéraire. On notera cependant que la querelle soulevée par cette doctrine, purement mystique et monastique à l'origine, eut de profonds échos dans le monde intellectuel comme dans le monde politique: au grand théologien de l'hésychasme, Grégoire Palamas (1296 env.-1360 env.), s'opposèrent non seulement des théologiens officiels comme Manuel Calécas, mais des humanistes comme Nicéphore Grégoras; d'autre part, un autre grand humaniste, Nicolas Cabasilas (mort en 1371), soutint l'hésychasme avant de le dépasser en un mysticisme platonisant qu'il voulait compatible avec la vie séculière (Les Sept Paroles de la vie dans le Christ).
Au début du XVe siècle, l' Université de Manuel II, où l'enseignement a désormais un caractère humaniste, jette un dernier éclat; mais le principal centre intellectuel grec est Mistra, où enseigne Georges Gémiste Pléthon (mort vers 1451), le philosophe le plus hardi que Byzance ait connu. Ce platonicien radical conçut le curieux projet de reconstituer autour du despotat de Morée un État grec dont il prétendait exclure la tradition romaine et la tradition chrétienne, en lui donnant une organisation sociale à la fois communautaire et hiérarchisée comme celle de la République de Platon, et une religion polythéiste. Ses attaques contre Aristote déterminèrent une abondante controverse, à laquelle prirent part notamment le futur patriarche Georges Scholarios (mort en 1468), un des meilleurs spécialistes byzantins d'Aristote, qui connut même fort bien la scolastique latine, et le futur cardinal Jean Bessarion (1390 env.-1472), élève de Pléthon, platonicien tolérant qui essaya de prouver que les deux systèmes étaient complémentaires.
Les derniers historiens de Byzance sont contemporains de sa fin tragique. Deux d'entre eux l'ont racontée en patriotes: ce sont Doukas (Chronique des années 1341-1462) et Georges Phrantzès (1401-1478), ancien secrétaire de Manuel II (Chronique des années 1413-1477); tous deux, surtout le premier, écrivent dans une langue proche de la langue parlée. Laonicos Chalcocondyle, au contraire, prend pour centre de son Histoire des années 1298-1463 le peuple turc, et Critoboulos d'Imbros, en son Histoire de Mahomet II, se fait l'historiographe du vainqueur; tous deux - chose sans doute significative - écrivent dans une langue archaïsante.
La littérature romanesque en langue vulgaire semble - pour autant du moins qu'on en puisse dater les productions - abondante au XIVe et au XVe siècle. Dans le roman de Callimaque et Chrysorrhoé, écrit entre 1310 et 1340 par un neveu de Michel VIII, Andronic Paléologue, on retrouve les thèmes plutôt érotiques qu'héroïques des premiers romans byzantins; mais, en général, l'influence occidentale se fait de plus en plus sentir dans les oeuvres de ce genre. Ainsi l'auteur de Phlorios et Platziaphlora ne fait qu'adapter la version toscane de Flore et Blanchefleur (fin du XIVe s.), et celui de l'Achilléide (début du XVe s.) connaît les romans de la Table ronde. Même le thème du Roman de Bélisaire est venu d'Occident. Il faut enfin signaler, à mi-chemin entre l'histoire et la chanson de geste, une chronique en vers politiques, sans valeur littéraire du reste, la Chronique de Morée, récit de la conquête franque du Péloponnèse et de la vie de la principauté jusqu'en 1292; elle a été rédigée par un «gasmoul», demi-franc et demi-grec.

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Admettre JGobert.

Admettre une fois pour tout que cette rencontre n’est pas anodine et qu’elle a donné naissance à des sentiments magnifiques et transcendé par une jeunesse innocente, joyeuse où les codes des adultes étaient encore ignorés voir incompris.

Des sentiments sincères, d’une pureté insolente, où tout était permis dans une clarté infantile, irréfléchie et inconnue. Des sentiments amoureux qui assaillent l’esprit, le cœur et s’attaquent à l’ignorance de la vie. Ceux-là même qui jettent loin la fragile raison d’un adolescent et effacent les lois devenues désuètes d’une éducation parfois puritaine.

Cette rencontre qui, subitement, se révèle être si importante voir cruelle et si mystérieuse. D’un coup de baguette magique, elle transforme l’univers, le monde, la vie. Cette émotion nouvelle qui pousse à posséder, détenir ce qui est interdit et à le protéger comme un véritable trésor.

Ce bonheur qui jaillit de l’intérieur de soi et se répand avec enchantement dans nos veines. Une merveilleuse sensation et une adorable aventure pour un être qui s’ouvre à la vie.  Un amour d’adolescent bouleversant, émouvant, qui verse des larmes sur un oreiller accueillant. Des souvenirs jamais effacés, toujours tendres, à jamais regrettés.  Une expérience délicieuse mais combien blessante qui met fin à une adolescence tumultueuse.

Et cette autre rencontre, simple et belle. Un moment extraordinaire, sublime entre deux êtres qui laisse une surprenante perception. Un monde couleur de miel et de noir minéral, obscure et pétillant, plus vaste que l’horizon, qu’une éternité n’est pas assez grande pour aimer.

Etrangement histoire qu’est cette fable moderne qui se reproduit sans cesse, et qui cherche inlassablement une raison de vivre. Une chronique romancée d’une coïncidence éphémère entre deux mondes, deux êtres, deux vies et qui donne parfois une existence à une histoire qui n’a pas commencé et qui n’a pas de fin.

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Prière du Vendredi saint...

https://youtu.be/2m3Yw0UARuQ

A ceux qui pleurent...

Bouche au ciel, les chevaux forcenés des fontaines pleurent dans leurs prisons de pierre... Une couronne rayonne en entrelacs compliqués... Les parcs exhalent la vaste fraîcheur des valses... Des fantômes tristes et anciens hantent la gloire abolie des palais déserts...
 

Comme un triste bruissement de fontaine, comme la joie inaccessible d'une claire matinée de neige, comme une barcarolle désaccordée, comme une jubilation secrète, prisonnière du gel et du temps...

Vieille Europe, je te porte en moi...

"Oui, je suis vieille, j'ai trop porté le poids de la douleur, mais je suis belle encore...

Priez pour que le printemps revienne !"

Prague, la couronne, le fleuve, la ruelle des alchimistes, la boutique des orfèvres, la nuée des anges extasiés...

Le lierre obscur du cimetière juif et le regard hanté de Kafka... Il erre dans les ruelles de Mala Strana... Sur le cœur de la nuit privée d'étoiles, au-dessus du chemin qui mène au camp de Theresin, les bourreaux ont cousu des étoiles de David. Le golem du rabbin Löw ne protège plus le ghetto de Josephov. Ils ont brisé les vitres de la synagogue, ils ont ouvert les portes de l'enfer.

Une famille juive célèbre la Pâque dans une pauvre maison, quelque part en Biélorussie... Le grand-père porte encore le caftan traditionnel. La joie brille dans les yeux, la joie brille dans les cœurs, le vin brille dans la coupe... "L'année prochaine à Jérusalem !"

Que deviendront-ils ?

Un train à vapeur chemine interminablement dans l'océan de la plaine. Le Palais d'Hiver est tombé, mais ce n'est pas le printemps. Les nouvelles vont plus vite que le bonheur. Mais pour les cœurs que réjouissent la pie perchée sur la barrière, non, ce n'est pas le même hiver.

"Demain, la Russie sera belle !"

... Demain !

Un vieil homme lit Finigan's Wake dans une bibliothèque dévastée à Londres, à la lumière des projecteurs de la DCA, dans le fracas de bombes et le sifflement doucereux des V2...

Un vieil homme lit Le général de l'armée morte à Sarajevo, dans la bibliothèque dévastée.

Priez pour que le printemps revienne !

"Heureux les pauvres, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent, heureux les affamés et assoiffés de justice, heureux les miséricordieux, heureux les cœurs purs, heureux les persécutés pour la justice... "

Là-bas, en Russie, à la lisière d'un village près de Kostroma, dans l'Anneau d'or, une jeune fille porte les espoirs et les tourments de tous... Son cœur est le monastère intérieur, la poustinia... Bientôt, il n'y aura plus d'églises, plus de monastères, plus de prêtres, plus de moines, plus d'ermites... Tout disparaîtra dans la nuit de la dictature. Mais la poustinia, le monastère intérieur de ceux qui portent le monde entier dans leur cœur, quelle nuit pourra l'engloutir ?

Dans les sous-bois embaumés des fées du Limousin, parmi les fraîches jaseries des geais aux couleurs éclatantes, un enfant ramasse des champignons.

Quand la nuit tombe pour la première fois sur la vieille Europe, il part à son tour, à 17 ans, vers le grand casino de la mort. De la Galicie, du Chemin des Dames, des Dardanelles, il ne dit rien. Il n'est pas de ces anciens combattants qui ressassent "leur" guerre. Il porte au cou la cicatrice d'un coup de baïonnette. Ses poumons lui font mal... Le gaz moutarde.

Pendant les grandes grèves ouvrières de 1936, sa femme, la souris de Cendrillon, lui passe son casse-croûte à travers les grilles de l'usine. Il est mal vu quai de Javelle. Il fait partie des "meneurs". Il sera bientôt licencié.

Bouche au ciel, le cheval fou de Guernica agonise avec la République espagnole.

Quand une nuit plus noire encore engloutit, pour la deuxième fois, la vieille Europe, l'ange de la dignité le tient toujours par la main.

Il arpente Les falaises de marbre, il cherche dans le grand livre de Dieu le sens de tant de malheurs. Il prie pour que le printemps revienne.

"Heureux les pauvres, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent, heureux les affamés et assoiffés de justice, heureux les miséricordieux, heureux les cœurs purs, heureux les persécutés pour la justice..."

Les déportés, les internés, les fusillés, les martyrs de la Résistance...

Geneviève Anthonioz de Gaulle, qui grignotait à Ravensbrück le pain des anciens poèmes...

Celui qui souriait à la mort...

Alberto, l'ami de Primo Levi, "l'homme fort et doux contre qui venaient s'émousser les portes de la nuit"...

Les fusillés de Châteaubriant, les maquisards du Vercors, les enfants d'Izieu, les martyrs d'Oradour-sur-Glane...

"Le pays qu'on enchaîne"...

"Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! ..."

Les résistants allemands, les enfants de la rose blanche... Alfred Stancke, le franciscain de Bourges, le sourire dans la prison, la bonté qui allège...

" - Mais qui es-tu, frère franciscain, et pourquoi risques-tu ta vie pour des inconnus et même pour des ennemis de ton pays ?

- Tout homme qui souffre est l'ami d'Alfred, quelle qu'il soit, quelle que soit la couleur de sa peau, quelles que soient sa religion, son origine, sa nationalité, quoi qu'il ait fait pour mériter la prison... "

Ceux qui ont grandi dans la guerre et que la guerre n'a pas grandis car ils n'étaient pas faits pour le malheur...

Celui qui demanda pardon...

Celle qui pardonna...

Joseph Roth : "J'écris pour que le printemps revienne."

Paul Celan, écrivant, après la Shoa, Les pavots de la mémoire, dans l'ombre de sa mère assassinée : "Le lait noir de l'aube, nous te buvons la nuit nous te buvons midi la mort est un maître venu d'Allemagne son œil est bleu elle te frappe d'une balle précise elle te frappe... Tes cheveux d'or Margarete, tes cheveux de cendre Sulamith..."Paul Celan, tombé du Pont Mirabeau...

"Comme la vie est lente

Et comme l'Espérance est violente."

Michael Boulgakov : "camarade Staline, laissez-moi écrire ou faites-moi fusiller !"

Alexandre Soljenitsyne, le cri du goulag, la mémoire espérante...

Jan Palach, qui devança le jour...

Jerzy Popieluszko, qui donna sa vie pour ses amis.

Primo Levi, le dernier homme...

Le poète roumain Radu Marès, qui un jour ne m'a plus jamais écrit et que je n'ai pas su aider.

Celui qui servit de modèle au staretz Zossim des Frères Karamazov : " Chaque homme est coupable devant tous et pour tous, seulement les hommes l'ignorent, s'ils l'apprenaient, ce serait aussitôt le paradis."

Lanza del Vasto, l'ami de Gandhi, le serviteur de la Paix, le pèlerin prophétique qui repose, en vêtements de noces, à la Borie Noble, près de Lodève, veillé par les flammes des grands pins.

Janusz Korczak, le raccommodeur d'enfants, qui partit pour Treblinka avec les orphelins du ghetto de Varsovie...

Serge de Beaurecueil, l'ami des enfants d'Afghanistan et de partout, le partageur de pain et de sel, le merveilleux témoin du Christ des cœurs purs...

Les victimes de la folie humaine, ceux de la guerre, qui est la pire de toutes les folies...

Celui qui s'inclina devant l'infortune d'Oscar Wilde en le saluant respectueusement de son chapeau soulevé au milieu de la foule hurlante...

Ceux qui n'insultent pas le malheur...

Ceux qui l'allègent...

Ceux qui préservent en eux le précieux capital de la sympathie humaine...

Ceux qui ne tuent pas ceux qu'ils aiment...

"Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ! Le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l'enfantement..."

Manhattan, Grosny, Bagdad, Kaboul, Madrid, Tunis, Londres, Paris, Bruxelles, Nice, Stockholm... ...

Le monde a changé de millénaire, mais dans le monde, rien n'a changé...

Le monde a faim, le monde a soif, le monde a peur... Le monde gémit sur la croix.

Vieille Europe, je crois en toi... Retourne aux eaux de ton baptême, réconcilie, soulage, guéris, instruis et aide avec respect ; sois la lumière et la tendresse !

Bernard, osseux amoureux courroucé qui bâtit la maison de l'Ange, François, troubadour de la Haute Joie et benoît, clairière du silence, saint patron de la vieille Europe... Thomas, le bœuf de la crèche et l'intelligence de l'Ange, traçant son sillon dans le champ du Très-Haut... Dominique, assis, doucement pensif, une main appuyée à la joue, une étoile au front, l'intelligence du cœur... saint Paulin de Nole, dont la porte n'était jamais fermée et le malicieux, tendre, cocasse clown de Dieu, Philippe de Néry, avec son chat sur l'épaule... Thérèse d'Avila, l'amour infatigable et Thérèse de Lisieux, l'aube au sourire de myosotis...

Priez pour que le printemps revienne...

Ô Marie, couronnée d'étoiles

Protectrice de la vieille Europe,

Faites que le printemps revienne !

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L'art de séduire en instruisant

Hommage à Jean de La Fontaine

La Fontaine, poète, flânant dans la nature,
S'y délectait souvent, écoutant sa pensée.
Lors il se souvenait de paroles sensées
Servant à éviter de tristes aventures.

Se rendit à la source de proverbes charmants,
Pour trouver les sujets de très nombreuses fables,
Excella aussitôt en ce genre agréable,
Et devint moraliste mais sans être mordant.

Ses contes s'adressaient à de grandes personnes
Or ils furent offerts à de jeunes enfants,
Qui ne semblèrent pas en devenir friands.
En musique, certains de nos jours se chantonnent.

16 mars 2011

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Les locutions de la langue française

Notre langue usuelle est riche en locutions
Qui animent, colorent une conversation.
Nous les utilisons comme monnaie courante,
Ces phrases toutes faites paraissant amusantes.

Chaque partie du corps y joue un certain rôle,
Un cheveu sur la langue qui trouble la parole
Mais c'est surtout la main, quarante fois nommée,
Qui est montrée du doigts dans ses gestes assumés.

La main leste, la main levée, la main de fer,
Une main baladeuse et cette autre qui sert
À compter les amis que l'on n'a point perdus.
La main que l'on demande, celle toujours tendue.

La main qui s'éloignant nous fait un dernier signe
Celle fouillant un sac, une faiblesse indigne!
La main mise à la pâte, celle portant un coeur.
Aller main dans la main, ô instants de douceur!

L'oeil aussi inspira de nombreuses images.
Certaines avaient un sens perdu au cours des âges.
Manger à l'oeil aurait signifié à crédit,
Aujourd'hui ce n'est pas du tout ce que ça dit.

Taper dans l'oeil, faire de l'oeil, tourner de l'oeil
Ont gardé leur teneur, on leur fait bon accueil.
Parler du bout des lèvres sans se faire comprendre
Ou bien à coeur ouvert et sans vouloir prétendre.

Je n'en finirais pas d'illustrer mon récit.
Aux jovials inventeurs, je veux dire merci.
Ils ont certes vécu amoureux du langage,
Et ont su l'enrichir de plaisantes images.

24 février 2006

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Passion de printemps

Un nouveau jour se lève

Des cieux à perte de vue

Le printemps fait son sacre

Moineaux et merlettes entonnant  un chant

Vent bruissant d’une joie sauvage

Habillées d’un Jaune safrané

Les  fleurs de pissenlits

Parsemant l’herbe de mille et un petits soleils

Deux visages inondés de lumière royale

Nous cheminons libres et gais

Ivres de bonheur

Oui, la vraie vie est ici

où je me fais câline

Tu me prends contre ton cœur

Tu joues de mon petit corps

Comme d’une guitare

Je garde ta main d’amour dans la mienne

Je remercie le Ciel de cet instant de brève éternité

Faisant de nous des amants éblouis

Nada

09/04/2017

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Proverbes flamands de Pieter Brueghel

Les proverbes constituent le genre le plus paradoxal de la littérature orale. L'un des plus anciens, sans doute, mais aussi celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps. Difficile à cerner, investi comme il est, en amont, par les dictons, les lieux communs, les «expressions proverbiales» et les locutions populaires (savoureuses mais engagées dans les manières de dire du moment et vite vieillies) et, en aval, par les adages, les sentences, les maximes et les jeux de société de la culture savante, le proverbe populaire reste malgré tout reconnaissable. Sa brièveté, les images sidérantes qu'il impose, ses inventions stylistiques (métaphores, périphrases, antithèses, rapprochements imprévus, jeux de mots, rimes, assonances, etc.) l'impriment dans la mémoire.

À la fois évident et énigmatique, c'est une oeuvre d'art en miniature qui fait les délices du peuple et l'admiration des créateurs. Autre paradoxe: sa concision fait de lui le genre le plus souvent collecté, illustré, expliqué, développé et aussi, suivant les époques, méprisé et combattu.

Quelques repères historiques. De la Bible à Érasme

Les civilisations archaïques et préchrétiennes, aussi bien au Moyen-Orient qu'en Asie et en Europe, véhiculent toutes des proverbes dont la vétusté est encore soulignée par une référence explicite aux aïeux («les Anciens disaient») et par des archaïsmes dans l'expression. Il est tentant de les rapprocher des lois ou des textes religieux, d'autant qu'un des livres de la Bible est justement intitulé Livre des Proverbes. Toutefois le mot hébreu traduit ainsi (Meshalim) signifie plutôt poèmes et désigne en fait un exposé de morale religieuse. Rien à voir avec les proverbes populaires dont le ton apparemment péremptoire est toujours tempéré par l'humour, et dont les métaphores énigmatiques renvoient à l'ambiguïté du réel. Pareillement, dans le Nouveau Testament, certaines paraboles, à cause des images simples et fortes qu'elles contiennent (le chameau qui pourrait passer par le chas d'une aiguille, la parure des lys des champs), font penser aux proverbes, mais le contexte leur donne un sens catégorique, alors qu'un proverbe populaire reste hypothétique dans la mesure où il appartient à un ensemble qui le nuance («Tel père, tel fils»; «À père avare fils prodigue»). Plutôt que lois ou dogmes, note P. Boratav dans son exégèse des vieux proverbes turcs, les proverbes entendent transmettre une expérience ancienne, avec respect certes, mais sans s'interdire de jouer avec la polysémie d'images enracinées dans la réalité de chaque région.

La civilisation gréco-romaine met en évidence le lien des proverbes avec les autres genres de la littérature orale, particulièrement avec les contes d'animaux. Très souvent, dans les fables d'Ésope par exemple, le récit s'achève par une formule lapidaire qui résume l'histoire et propose une moralité. Cette formule peut prendre son indépendance; l'image surprenante qui fait son charme renvoie à une histoire connue de tous qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter. À noter que le terme grec paremia qui désigne ces formules lapidaires est toujours utilisé de nos jours; les recherches sur les proverbes relèvent d'une discipline qui s'est donnée le nom de parémiologie.

Les sophistes à Athènes, les rhéteurs à Rome confirment l'intérêt de la culture savante pour les proverbes populaires. Dérive très visible chez Pline, Sénèque et Quintilien, moins apparente chez Lucrèce, Virgile ou Horace qui, par leur souci de concision et leurs recherches stylistiques, recréent ou créent des expressions proverbiales. Ainsi se constitue un trésor de proverbes, d'origine généralement populaire, mais souvent aussi réélaborés par la culture savante.

Les proverbes sont omniprésents dans la littérature du Moyen Âge. Au-delà de ce constat, une analyse plus précise révèle qu'ils reflètent les rapports de forces, les tensions et les conflits de la société féodale. «L'argent ard gens» (du verbe ardre qui signifie brûler) est un adage à la fois savant et populaire; en revanche, «Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra» est l'exemple d'un proverbe répandu, mais d'inspiration antipopulaire. D'autres proverbes évoquent des rivalités très anciennes entre villages et régions: «Niais de Sologne qui ne se trompe qu'à son profit», ou «Quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes».

Autre trait remarquable des proverbes que l'étude de cette époque met en évidence: leur malléabilité. Les clercs qui les utilisent les réélaborent sans cesse. Orientation très fréquente chez les grands créateurs des XVe et XVIe siècles qui procèdent soit par simple juxtaposition de proverbes faisant, pour ainsi dire, voler leur sens en éclats (Ballade des proverbes, de Villon), soit par accumulation qui mélange proverbes authentiques et proverbes inventés de toutes pièces (Rabelais, Gargantua, XI), soit encore par des commentaires provocateurs (Montaigne et Cervantès). Ces «détournements» ne sont ni fortuits ni innocents. La brièveté du proverbe l'oriente tout naturellement vers l'énigme; un des secrets de son efficacité, c'est son pouvoir d'interroger, d'inquiéter l'interlocuteur, de lui faire admettre que toute vérité comporte une marge d'erreur. Le caractère raffiné et énigmatique des proverbes est parfaitement perçu par les grands collecteurs de la Renaissance, en particulier par Érasme qui les définit comme d'«anciens témoins connus de tous, restes de l'ancienne philosophie [...] taillés comme des pierres précieuses, langage que le peuple partage avec les lettrés». Il publie et commente à partir de 1500 plusieurs volumes d'Adages. Étienne Pasquier (1529-1615), dans Recherches de la France, pose le problème de la transformation des proverbes en recherchant et en expliquant les adages anciens devenus incompréhensibles.

 

Mise à mort et résurrection

 

Autre caractère fondamental des proverbes: leur lien avec la paysannerie. Les soulèvements populaires du XVIIe siècle vont obliger les intellectuels, intermédiaires culturels, à prendre parti pour ou contre leur emploi. Cette option n'est pas évidente dans le Trésor de la langue française (1605), dictionnaire de Nicot qui s'ouvre sur une suite de cent vingt proverbes, ni dans La Comédie des proverbes de Monluc de Cramail (1623), mais elle est déjà très perceptible dans Les Curiosités françaises de César Oudin (1640) qui classe les proverbes ou expressions proverbiales en catégories: familières, vulgaires, basses, triviales. Les proverbes seront aussi, jusqu'à la fin du règne de Louis XIII, le support d'un jeu qui fait fureur dans les salons parisiens et les collèges: saynètes improvisées ou non, énigmes simples dont «le mot» est précisément un proverbe. Mais après la grande peur de la Fronde (1648) et la sanglante répression qui la suit, les proverbes, pourtant connus et utilisés dans toutes les couches sociales -comme en témoigne le succès des «proverbes illustrés» de Lagniet (1657)-, deviennent la cible favorite des écrivains «pensionnés» par LouisXIV. Ils sont raillés et assimilés aux quolibets. Le dictionnaire de Furetière (1690) adopte à leur égard la même attitude que celui de l'Académie (1694). Racine, dans Les Plaideurs, fait parler par proverbes les personnages bornés et ridicules. Perrault, dans L'Oublieux (1691), les pastiche méchamment en les réduisant à des truismes stupides. Attitude plus nuancée chez Molière qui a compris que le «détournement» entre dans la notion même de proverbe: Harpagon, après avoir loué la sagesse de «Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger», s'embrouille et inverse l'énoncé. La Fontaine, à contre-courant, admire les proverbes, en fait la trame de ses fables et n'hésite pas à en citer quelques-uns en langues vernaculaires comme dans «Le loup, la mère et l'enfant» (Fables, IV, 16) qui s'achève par un savoureux proverbe picard.

Paradoxalement, même après la Fronde, le jeu des proverbes et les pièces intitulées «Proverbes» restent à la mode, non seulement dans les salons de province, mais aussi à la cour et jusqu'au XVIIIe siècle (avec Collé, Carmontelle et Berquin). Mme de Maintenon en fera représenter à Saint-Cyr, mais ces saynètes s'articulent sur des maximes savantes plutôt que sur des proverbes populaires.

Le puissant éveil des nationalités et le romantisme vont remettre à la mode les contes et, à leur suite, les proverbes. Dans le sillage des collectes à visée philologique et nationaliste des frères Grimm (1812-1823) s'effectuent, en France, les premiers recensements systématiques: entre beaucoup d'autres, celui de La Mésangère (1827) et, quasi exhaustif et devenu classique, le Livre des proverbes français, en deux volumes, d'Antoine Leroux de Lincy (1840, 2e éd. augmentée 1859). Cette vogue produit plusieurs oeuvres originales où la culture populaire semble régénérer l'art salonnier: Quitte pour la peur (1833) d'Alfred de Vigny et surtout On ne badine pas avec l'amour (1834) et Comédies et proverbes (1840) d'Alfred de Musset. Ce genre sera redécouvert au XXe siècle par le cinéma; entre autres par l'auteur-réalisateur Éric Rohmer qui, entre 1981 et 1988, regroupe un ensemble de six films sous le titre général de Comédies et proverbes.

La révolution industrielle et le progrès des communications, entre le second Empire et la guerre de 1914-1918, vont menacer et en même temps protéger la littérature orale. Les contes, les chansons populaires, les proverbes, érodés et contaminés par l'imprimé, trouvent des défenseurs obstinés et prestigieux: Gérard de Nerval, Duparc, Vincent d'Indy. Les collectes sur le terrain se multiplient, quadrillant les régions les plus éloignées des grandes voies de communication: Millien en Auvergne, Arnaudin dans la Grande Lande, ou Bladé en Agenais.

Dans l'entre-deux-guerres, les collectes de proverbes sur le terrain se raréfient en France, au profit de recueils qui s'efforcent de les classer par régions ou par thèmes, dans des catalogues plus ou moins raisonnés, amorce d'une recherche sur la structure et la fonction des proverbes. Parallèlement, les collectes sur le terrain se développent dans les colonies et les pays du Tiers Monde, en liaison avec l'aspiration de nombreux peuples à l'identité nationale et à l'indépendance.

 

Les proverbes aujourd'hui

 

Après la Seconde Guerre mondiale, avec l'essor des sciences humaines et avec le progrès de l'interdisciplinarité, la «parémiologie» s'efforce de devenir une science et d'analyser, par exemple, la structure interne des proverbes ou la fonction qu'ils ont exercée ou exercent encore dans telle ou telle société. Ainsi, en partant d'une perspective morphologique proche de celle de Propp, Permiakov, en 1968, conclut que tous les proverbes collectés ne sont que les variantes d'énoncés correspondant à une centaine de situations qui peuvent être classées selon quatre «invariants» qu'il considère comme «logico-sémantiques». S'il y a A, il y a B; si A a la qualité x, il a la qualité y. Si B dépend de A et si A a la qualité x, B aura la qualité x. Si A a une qualité positive et si B ne l'a pas, A est meilleur que B. Cette classification est bien entendu précédée d'une classification linguistique (présence ou absence d'une métaphore, existence d'une opposition binaire, etc.) et complétée par une étude du registre auquel appartient l'image employée, critère de type ethnologique.

M. Kuusi, qui appartient à l'école des grands folkloristes finlandais, propose, en 1972, vingt et un schèmes sémantiques fondamentaux reposant sur l'opposition de l'un à deux, à beaucoup ou à tous. En partant de la dialectologie, C. Barras dans sa recherche sur les proverbes de la Suisse romande (1984) conclut, elle aussi, à l'existence de moules, mais souples et perméables. En France, A.J. Greimas, en 1970, à partir d'observations sur la dénotation et la connotation des énoncés, d'une confrontation systématique des métaphores, images et périphrases (loi de cooccurrence), propose d'étudier les proverbes non plus séparément mais comme des ensembles de sens, de systèmes cohérents de représentations. Autre recherche importante, au confluent de la linguistique et de l'informatique: celle de P. Richard qui essaie de traduire le langage naturel des proverbes en langage symbolique, préalable indispensable à la compréhension de cet ensemble cohérent, donc à toute typologie des proverbes.

La recherche la plus ambitieuse - et la plus réussie - de type anthropologique est celle que F. Loux - en collaboration avec P. Richard - a consacrée aux proverbes concernant le corps, la santé, la maladie, la vie et la mort. Elle les a replacés non seulement dans l'histoire de la médecine traditionnelle ou savante et des pratiques thérapeutiques, mais aussi dans l'évolution des mentalités. F. Loux insiste également sur la valeur symbolique des images et des métaphores utilisées dans les proverbes qui suggèrent un rapport essentiel entre le corps et l'univers. C'est là une utilisation féconde de la psychanalyse qui nous aide à comprendre sur quoi se fonde la cohérence interne des «sagesses du corps».

L'univers des proverbes n'est donc pas un «code gnomique» (R. Barthes) établi une fois pour toutes, clos sur lui-même et révolu. C'est aux ethnologues, aux historiens, aux sociologues de nous dire comment il s'est élaboré et transformé dans la longue durée: «Oeil pour oeil, dent pour dent» a pu représenter un progrès par rapport à un adage antérieur du genre «Oeil pour dent». Et il coexiste avec d'autres proverbes qui conseillent la compréhension et même l'indulgence: «Faute avouée est à moitié pardonnée» et «À tout péché miséricorde». Ces proverbes, qu'on pourrait croire contradictoires, explorent en fait toutes les attitudes possibles devant la déviance. Déposées en strates, elles se présentent à nous simultanément mais elles ont, selon toute vraisemblance, correspondu à des civilisations successives. Le discours proverbial, dans ses antinomies apparentes, résume sans doute l'histoire de l'humanité.

 

Les «petites phrases»

 

La révolution industrielle, l'apparition de nouveaux médias et l'explosion démographique obligent les spécialistes à vulgariser leurs découvertes. Chaque savoir cherche à se diffuser le plus possible par des formules chocs. Dans le secteur de la réflexion politique et sociale, ces formules à l'emporte-pièce deviennent vite des «slogans»; par exemple: «Liberté, égalité, fraternité», des révolutionnaires de 1789; «La propriété c'est le vol», de Proudhon; «La religion est l'opium du peuple», de Marx. La structure de ces slogans est encore améliorée et simplifiée dans les mots d'ordre des manifestations de masse, qui, comme les proverbes, se caractérisent par une certaine indépendance grammaticale: «Pas de canons, des écoles»; «Des sous, Pompon» (Pompidou). Le libéralisme propose, lui aussi, ses «petites phrases»: «Laisser faire, laisser passer (Quesnay), «Enrichissez-vous» (Guizot), etc.

Parallèlement, la société de consommation s'efforce de récupérer les techniques des proverbes, considérés comme des modèles de messages efficaces (en particulier par leur créativité stylistique, rimes internes, assonances, choc de phonèmes ou d'images, laconisme, etc.) dans le «marketing» de ses «produits», industriels ou politiques: «Dubo, Dubon, Dubonnet». «I Like Ike», «La force tranquille», orientation qu'on retrouve dans les campagnes médiatiques de prévention: «Les parents boivent, les enfants trinquent»; «Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts»; «Auto macho, auto bobo». Mais il s'agit de formules inspirées en général par la recherche du profit et popularisées plutôt que véritablement populaires.

Le peuple continue pourtant à créer des proverbes, mais ils affleurent et se répandent essentiellement en période de crise, par exemple lorsqu'un groupe social ou une nation opprimée se trouvent obligés d'affirmer leur identité et leur force: «Dieu parle une langue étrangère» (Ovambo), «On ne pisse pas contre le typhon» (îles Fidji). Ce n'est sûrement pas un hasard si les plus beaux proverbes français de notre temps sont apparus sur les murs de la faculté de Nanterre en mai 1968: «Métro, boulot, dodo» (Pierre Béarn) et «Sous les pavés, la plage».

Autre caractéristique de notre époque, le détournement systématique d'expressions proverbiales et de proverbes, à la fois sur le plan phonétique et sémantique, ce qui mène à des «métaproverbes» qui ironisent sur les slogans publicitaires et sur les principes mêmes de notre société: «On a souvent besoin d'un plus petit que soi, pour lui casser la gueule» (P.Perret) ou Les Proverbes d'aujourd'hui de Guy Béart.

Ces analyses permettent une hypothèse sur l'élaboration des proverbes et sur leurs auteurs. Ceux qui les inventent, qu'ils soient ou non d'origine populaire et qu'ils restent ou non anonymes, sont des créateurs à part entière. Leurs formules, parce qu'elles expriment les contradictions de l'époque en termes brefs, neufs et drôles, font mouche et chacun se les approprie au point que le nom de l'auteur finit par se perdre. Chaque usager devient coauteur, ce qui est finalement le but et le sens de l'art véritable.

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Soliloque sur les menaces de mort

Avant de commettre un assassinat, généralement un meurtrier n'a pas averti sa victime de sa volonté de la tuer. Souvent au contraire, il a établi avec elle des liens de confiance. Lors que doit-on penser des menaces de mort?

En France, les menaces de mort contre les personnes sont prévues et réprimées par l'article 222-17 du code pénal. Cette infraction est classée dans la catégorie des délits. Elle est punie de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

Recevoir une telle menace cause un odieux désarroi. On ne peut pas savoir s'il s'agit d'un chantage ou de l'avertissement d'un drame à venir.
L'envie de commettre un crime est souvent abandonnée car le châtiment encouru est dissuasif.
Certes la peine de mort a été supprimée dans les pays des bien-pensants mais l'emprisonnement demeure redoutable.

En acceptant cette réalité on devrait pouvoir se tranquilliser tout en faisant preuve d'une grande prudence. Mais ce qui rassure surtout est la foi en l'efficacité des forces qui permettent de retracer et de rendre inoffensifs des suspects dangereux.

Nul ne peut vivre paisiblement dans un pays où abondent les délinquants de toutes espèces.
Le chef d'un état est responsable de la sécurité de chacun. Les lois pénales doivent être rigoureuses et la police vigilante.

8 avril 2017

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      DE L’ORDINAIRE COMME ESTHETIQUE : L’ŒUVRE DE YVONNE MORELL

Du 30-03- au 30-04-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), vous présente une exposition intitulée UNE VIE ORDINAIRE….MAIS EXTRAORDINAIRE, centrée sur l’œuvre de Madame YVONNE MORELL, une excellente artiste peintre suissesse qui a fait de son monde intérieur le théâtre de sa peinture.

Quand l’art fait office de socle à l’humour, il faut s’attendre à toutes les surprises. Et encore…on est toujours surpris du résultat ! En réalité, le titre de l’exposition est très éloquent quant à l’interprétation de l’œuvre de l’artiste.

L’ordinaire pris dans une dimension, non pas sacralisante comme le ferait le surréalisme, mais bien dans le repos de sa musique quotidienne. L’humour est ce que le visiteur entrevoit quand son regard parcourt les scènes d’une vie aussi quotidienne qu’extraordinaire dans son expression.

De longues figures filiformes, figées dans leur stylisation se serrent, l’une contre l’autre, pour atteindre une unicité spatiale à l’intérieur du cadre. L’œuvre baigne dans une intemporalité nostalgique. Les personnages, principalement féminins, même contemporains de l’artiste puisqu’il s’agit presque toujours de personnes proches, donnent le sentiment de provenir d’un ailleurs fabuleux. L’œuvre se concrétise également par une fausse « inertie » provoquée par le visage, figé dans une immobilité expressive agrémentant le statisme des personnages. Leurs visages sont proches des masques dans leur traitement. Tandis que leur rendu physique fait penser à certaines figures filiformes de l’expressionnisme allemand des années ’30 : AU MUSEE (40 x 50 – acrylique sur toile).

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Le dialogue corporel des personnages s’inscrit dans le langage du regard.

LE PRINTEMPS DANS L’AIR (60 x 60 – acrylique sur toile)

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La conception des visages n’est pas sans évoquer les masques de James Ensor, lequel annonce d’ailleurs l’avènement de l’expressionnisme. Le chromatisme des vêtements assure l’unité picturale de l’ensemble : le brun foncé des robes se détache nettement des autres éléments chromatiques. Ils se posent en ligne de démarcation entre l’avant et à l’arrière-plan. Le blanc des écharpes assure la transition entre le brun des robes, l’irruption des visages et l’arrière-plan, composé d’arcades également de couleur blanche.

Les deux sacs, à mi-hauteur des corps, assure la continuité de la couleur avec l’avant-plan du tableau, composé de fleurs.

Toujours dans le registre de l’humour, SOUVENIR D’ENFANCE (60 x 50 – acrylique sur toile)

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est la seule œuvre qui fasse, en quelque sorte, faux bond avec l’esthétique qui sous-tend son œuvre. La femme se présente de façon absolument inattendue. Le visiteur doit-il chercher à deviner son visage ? Considérons le fait que le personnage portraituré est en réalité la grand-mère de l’artiste. Cette œuvre affirme la confidence unissant le peintre à ses sujets. Ce qui frappe c’est la posture de cette femme. La seule chose qui saute au regard c’est son postérieur apparaissant de façon colossale, voire cyclopéenne. Il domine non seulement la composition mais aussi le sujet dans son identité sociale. Il s’agit de la représentation de la « femme au foyer », penchée sur son four. Elle apparaît comme un ballon gonflé à l’hydrogène qui enfle, au fur et à mesure qu’elle se penche sur son travail. Dos et postérieur, même unis dans une entité plastique, sont séparés par un cordon de couleur blanche.

Un trait notable de son écriture réside dans le fait qu’elle donne un côté « serré » tant à ses personnages qu’au traitement par lequel elle conçoit la ville, par le biais de la rue où les maisons s’ « entassent » les unes contre les autres, provoquant un certain déséquilibre dans leur élongation.

SORTIE EN VUE (60 x 80 – acrylique sur toile)

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donne une belle illustration de l’expression du corps dans l’exigüité du cadrage. Ramassées à l’intérieur d’un espace totalement enveloppant, les trois femmes offrent une esquisse du mouvement grâce au traitement des jambes (en plan). Chaque paire présente une ligne directionnelle particulière appuyée par les contorsions des têtes. A l’instar des jambes, chacune d’elles assure la rotation qui est la sienne. L’espace, souligné par l’importance de la couleur, trouve ici sa fonction enveloppante : le jaune des coussins enveloppe les trois femmes. Le brun clair des finitions boisées enveloppe le divan et le brun foncé de l’arrière-plan enveloppe la totalité de l’espace, à l’exception des extrémités, gauche et droite, desquelles se profile une zone grise signifiant le parquet sur lequel repose une petite table avec un abat-jour.

L’artiste se pose une question à l’honnêteté déconcertante, à savoir quel est son style ?

Vous l’aurez peut-être remarqué, nous évitons d’utiliser le mot « style » à tout bout de champ. Comme le disait Céline dans sa dernière interview peu avant sa mort, il n’y a en réalité qu’un ou deux « styles » par siècle. Nous préférons donc parler d’ « écriture », histoire d’y voir plus clair. Car elle est « personnelle » par rapport au « style », souvent trop galvaudé, voire copié. Mais s’il fallait se risquer à déterminer chez elle un « style », le côté « art brut » pourrait venir à l’esprit. Cela est dû à l’apport d’objets en métal sur certaines de ses toiles : des lunettes posées sur les yeux du personnage de gauche de INSEPARABLE (40 x 50 – acrylique sur toile)

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ainsi que des vélos flanqués contre les façades des maisons comme pour EN VILLE (95 x 95 – acrylique sur toile).

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Précisons aussi que les formes qui habitent ses personnages sont inspirées d’anciennes sculptures que l’artiste a réalisées dans le courant de son parcours. Leur morphologie filiforme témoigne d’une influence de la sculpture du 20ème siècle. On pense, notamment, à Giacometti même si l’artiste ne s’est jamais inspirée directement de lui. Néanmoins, la verticalité des personnages témoigne du résultat issu d’une interprétation picturale de la sculpture. Il est fort dommage, d’ailleurs, que l’artiste n’ait pas songé à présenter certaines de ses pièces sculptées lors de son exposition. Car le lien plastique entre ses personnages tout en matière friable et ceux conçus en matière liquide saute aux yeux comme une évidence.  Espérons qu’un beau jour, elle nous fera le plaisir de les exposer avec ses toiles. Nous avons évoqué, plus haut, l’empreinte expressionniste. L’artiste peut donner le sentiment de « flirter » en quelque sorte avec des noms qui ont jalonné l’histoire de l’Art du 20ème siècle. Néanmoins, si elle flirte, c’est à son insu car elle connait mal l’évolution des principales écoles du siècle dernier, ce qui lui évite de se plonger dans l’œuvre d’un artiste jusqu’à s’en imprégner totalement. A titre d’exemple, il y a chez elle une manière de façonner les corps qui peut rappeler, à certains égards, Egon Schiele, à cette différence près que Schiele compose des toiles permettant un élancement total des corps dans l’espace, tandis qu’YVONNE MORELL déploie ses formes dans un cadrage comprimé. Néanmoins, la plastique des membres, la coloration des chairs n’est pas sans évoquer l’esthétique de Schiele. La réalisation des coiffures se retrouve dans l’œuvre du peintre autrichien : la forme n’existe que par la présence hypertrophiée du volume.

Nous avons souvent noté que chez certains artistes, la présence d’un champ créatif, non alimenté par une culture encyclopédique, tire sa puissance dans une forme d’intuition artistique laquelle perçoit, dans les tréfonds de la pensée, les possibilités infinies de la création.  

Il n’y a aucune référence « classique » dans sa peinture. La perspective y est globalement absente.

Y a-t-il un côté « art naïf » dans son écriture ? A première vue, l’on aurait tendance à répondre : « non ». Mais, en y réfléchissant bien, peut-être y a-t-il, concernant le terme « naïf » un prolongement interprétatif que l’on pourrait donner à ce style. Est-ce le graphisme qui est « naïf » ? Est-ce, à la fois la simplicité du sujet représenté ainsi que l’évocation du souvenir suscité chez le visiteur qui l’est ? Cela reste, pour le moment, encore à définir.   

Nous avons évoqué, plus haut, la proximité entre l’artiste et ses sujets. Cette proximité trouve son ciment dans le souvenir comme dénominateur commun déployé dans tous ses aspects.

L’artiste explore, notamment l’expérience olfactive, récurrente dans certains de ses tableaux comme pour l’évocation de sa grand-mère, affairée devant son four.

L’odeur de la polenta est également un personnage de la toile. Il s’infiltre entre les couleurs pour titiller le visiteur qui se crée un souvenir imaginaire.

Le thème de l’amitié se concrétise par le biais de la solidarité, plastiquement exprimée précisément par ce côté « serré » que nous évoquions plus haut.

Tout est « serré » dans son œuvre, autant les personnages que les édifices. L’expression de l’unité implique hommes et femmes à l’intérieur de la ville, représentée par la coupe d’une rue. Et, au-delà de la rue, c’est le Monde que l’artiste invoque. La ville est typique des Pays-Bas, reconnaissable à son architecture de style flamand. 

L’artiste, qui utilise principalement l’acrylique, est passée maître dans la restitution du relief qu’elle réalise, non pas par un apport de matière traitée au couteau mais bien par des collages extrêmement fins réalisés par des papiers très résistants, augmentant de ce fait, le côté charnel de l’œuvre d’apparence étonnamment lisse. Au fur et à mesure que le regard se rapproche, la matière se révèle dans une granulosité maîtrisée. 

YVONNE MORELL a fait ses académies dans différentes écoles d’art. Elle organise aujourd’hui des cours de peinture pour enfants et adultes, tout en participant à des expositions. La quotidienneté de la vie associée à ses humeurs se révèle être l’âme de son art.

L’humour, mentionné plus haut, devient la sève qui donne vie à chacune de ses compositions où l’innocence devient la force vitale de l’expression. Il s’agit ici d’un humour discret, voire réservé qui se libère en associant le visiteur à son propre quotidien devenu souvenir, parfum et nostalgie. L’ordinaire devient ainsi extraordinaire par la vision qu’elle offre de l’instant joyeux cueilli dans sa simplicité.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Yvonne Morell et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(29 mars 2017 photo Jerry Delfosse)

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Signature d'Yvonne Morell

                   12273217878?profile=original            Exposition  Yvonne Morell à l'Espace Art Gallery en mars et avril 2017 - Photo Espace Art Gallery

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Dadaïstes et troubadours

Propos

J'avais cru que les dadaïstes,
Voulant s'affirmer à tout prix,
Avaient certes seuls entrepris
De mettre l'ineptie en piste.

Pour distraire le roi de France,
Des chantres et troubadours
Qui se présentaient à sa cour
Participaient à sa brillance.

Pour le faire rire, en ce temps,
Ils composaient des fatrasies,
Qui créaient une fantaisie,
Un gai babillage d'enfant.

Leurs dires n'étaient pas débiles;
Ces poètes talentueux
Étaient, toujours, respectueux
D'une forme et fort habiles

Je l'ai bien compris en lisant
Les plus connues de ces comptines
Qui pourraient sembler enfantines

Fatrasie de Baudet Herene


La chose va très mal

Où point n'a de justice

La chose va très mal

Dit un veau de métal

Au front d'une génisse,

Qui en un orinal

Buta un cardinal,

Qui faisait sacrifice

De l'oeil d'une écrevisse

En un four de cristal,

Pour ce que sa pelisse

Tenait état royal

Où n'a point de justice.

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Dadaïstes et troubadours

Propos

J'avais cru que les dadaïstes,
Voulant s'affirmer à tout prix,
Avaient certes seuls entrepris
De mettre l'ineptie en piste.

Pour distraire le roi de France,
Des chantres et troubadours
Qui se présentaient à sa cour
Participaient à sa brillance.

Pour le faire rire, en ce temps,
Ils composaient des fatrasies,
Qui créaient une fantaisie,
Un gai babillage d'enfant.

Leurs dires n'étaient pas débiles;
Ces poètes talentueux
Étaient toujours respectueux
D'une structure et fort habiles

Je l'ai bien compris en lisant
Les plus connues de ces comptines
Qui pourraient sembler enfantines
Si l'art n'y était pas présent.

5 janvier 2017

Fatrasie de Baudet Here


La chose va très mal

Où point n'a de justice

La chose va très mal

Dit un veau de métal

Au front d'une génisse,

Qui en un orinal

Buta un cardinal,

Qui faisait sacrifice

De l'oeil d'une écrevisse

En un four de cristal,

Pour ce que sa pelisse

Tenait état royal

Où n'a point de justice.

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Dadaïstes et Troubadours

Propos

J'avais cru que les dadaïstes,
Voulant s'affirmer à tout prix,
Avaient certes seuls entrepris
De mettre l'ineptie en piste.

Pour distraire le roi de France,
Des chantres et troubadours
Qui se présentaient à sa cour
Participaient à sa brillance.

Pour le faire rire, en ce temps,
Ils composaient des fatrasies,
Qui créaient une fantaisie,
Un gai babillage d'enfant.

Leurs dires n'étaient pas débiles;
Ces poètes talentueux
Étaient, toujours, respectueux
D'une forme et fort habiles

Je l'ai bien compris en lisant
Les plus connues de ces comptines
Qui pourraient sembler enfantines
Si l'art n'y était pas présent.

5 Janvier 2017

Fatrasie de Baudet Herene


La chose va très mal

Où point n'a de justice

La chose va très mal

Dit un veau de métal

Au front d'une génisse,

Qui en un orinal

Buta un cardinal,

Qui faisait sacrifice

De l'oeil d'une écrevisse

En un four de cristal,

Pour ce que sa pelisse

Tenait état royal

Où n'a point de justice.

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Le rire blâmable

                                                     Propos


Des humoristes, fréquemment, se permettent de se moquer, sans aucune méchanceté, des manies de gens bien connus. Ceux-ci ne leur en veulent guère; tout au contraire peuvent en rire.

Durant des manifestations, il arrive qu'un malappris déclenche une joie collective. Il sait que le culot fait rire. Lors, à l'improviste, voulant le rendre ridicule, il fait subir un entartage à un personnage important. Le résultat se réalise.

Mais comment trouver du plaisir face à une semblable agression?
Étant ministre, Mannuel Walls avait fermement déclaré toute violence inadmissible.
Or ma surprise fut grande quand je vis le comportement de François Fillon, indignement enfariné, opter pour faire de l'humour. Quel respect a-t-il pour lui-même?
Le monde est au courant de tout et sans doute doit s'étonner de l'attitude des Français dont était loué le bon goût.
Puisque leur pays est en marche, il est probable qu'ils arrivent dans un espace de détente, propice aux saines réjouissances, où les rires seront tendresse.

7 avril 2017

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