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ADMINISTRATEUR GENERAL
-Titre : « Porentru et ses Matières empreintes de Mémoires »
Artistes : Porentru (peintures) et Eric Blanc (sculptures)
Vernissage le : 28/04/2010 de 18 h 30 à 21 h 30.
Exposition du 28/04 au 16/05/2010.

-Titre : « La Ligne comme Abstraction »
Artistes : Marie Claude Cavagnac (peintures), Félicia Trales Carlos (peintures), Ya Wen Hsu (peintures & sculptures) et Sylvestre Gauvrit (sculptures).
Vernissage le : 19/05/2010 de 18 h 30 à 21 h 30.
Exposition du 19/05 au 06/06/2010.

-Titre : « Du Clair - obscur aux Couleurs de la vie »
Artistes : Monique Jansen (photographies), Chanon (peintures), Sidonie Blondel (collages) et Sophie Raine (sculptures).
Vernissage le : 09/06/2010 de 18 h 30 à 21 h 30.
Exposition du 09/06 au 27/06/2010.

Au plaisir de vous revoir à l’un ou l’autre de ces événements. (détails suivront)
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Les premiers billets dans le groupe Enfance

Dans ce groupe, j'évoquerai de temps à autre des oeuvres de grands écrivains qui ont parlé de leur enfance dans leurs ouvrages: les 5 premiers billets:

Elévation tendre et souriante pour l’ange tutélaire dans « La mère et l'enfant » (1900) chez Charles-Louis Philippe

Dans ses souvenirs « La mère et l'enfant » l'écrivain y revit son existence en exprimant envers sa mère la dévotion la plus tendre. Elle a été et est tout pour lui: la lumière de sa vie misérable et douloureuse, l'encouragement dans le travail et l' honnêteté, le guide qui annonce et fait éviter les périls. Dans les chapitres qui s'enchaînent tantôt comme des récits biographiques, tantôt comme une lente prière vers la sainte créature, Philippe passe en revue sa vie intime depuis sa toute petite enfance jusqu'à ses vingt ans: et sur ces années plane toujours le même visage souriant qui l'incite, à travers toutes les tribulations, à avoir confiance dans le bien. A mesure que le récit progresse, il apparaît que la Mère et l' Enfant tendent à devenir deux symboles de l'humanité souffrante. En évoquant sa propre enfance, l'auteur sent que sa mère était l'ange tutélaire de la maison, celle qui le secourait dans les petites choses quotidiennes, l'encourageait au travail, parvenait à lui faire continuer ses études. Mais à vingt ans, une bourse n'est pas suffisante pour un jeune homme qui voudrait continuer dans la voie de la science, il lui faut chercher du travail. Dans cette épopée des pauvres gens auxquels amours et espoirs sont interdits (il y a là une note élégiaque très caractéristique des romans de Philippe, que l'on retrouvera dans "Bubu de Montparnasse"), quelques épisodes acquèrent une signification des plus émouvantes, qui dépasse l'événement: la noyade d'un petit compagnon de jeu dans un bassin qui sert de lavoir; une longue maladie de l'enfant que les médecins ignorants du pays ne savent pas soigner, mais que soulage la tendresse incessante de la mère; la difficile recherche d'un petit emploi qui permettra tout juste de vivre. Mais après d'inutiles tentatives, le fils du sabotier (le père, dans le récit, demeure toujours dans l'ombre pour laisser tout l'intérêt à la mère) est appelé à Paris par un pharmacien, fils d'un sellier du pays. Grâce à la solidarité d'un autre ami, il arrive à trouver du travail: "Maintenant, je gagne 3 fr. 75 par jour et c'est ma vie d'homme qui commence". Toute la valeur de ces souvenirs ("Ce livre, maman, je l'écris pour que tes mains le touchent, pour que tes yeux le lisent et pour qu'il plaise à ton coeur") tient dans cette profonde tendresse filiale qui baigne le livre et que Charles-Louis Philippe a su exprimer, avec une simplicité émue et délicate. L'oeuvre appartient à cette littérature qui tend à exalter et à exprimer poétiquement l' humble vie du pauvre, et dont il est à la fois l'un des initiateurs et l'un des maîtres.

Variations sur le thème de la jeunesse et de l’enfance dans Simon le pathétique (1918) de Giraudoux

Plutôt qu'un roman, -car il n'a presque pas d'intrigue, -c'est une éblouissante suite de variations sur les thèmes de la jeunesse et de l' amour. Simon raconte son enfance studieuse, le lycée, ses maîtres et ses condisciples, "Gontran, inégal, paresseux l' été...; Georges, qui ne savait que dépeindre les forêts et dans toute narration parvenait à glisser la description d'un taillis, ou d'un étang entouré de futaies, à la rigueur d'une oasis". Simon retrace ses premiers voyages, tout imbus encore des souvenirs d'école, ses premiers pas dans la vie, secrétaire du Sénateur Bolny qui n'avait qu'une passion, "passer pour avoir l' âme noble". Simon revient à ses camarades, il découvre les jeunes filles: quelles charmantes esquisses de jeunes filles, telles que les aime Giraudoux! Louise et Thérèse. Et Gabrielle, qui conduit Simon à Hélène. Hélène qui lui promet Anne, l' amour. Simon va aimer. "Si l' amour consiste à aimer tout, j'aimais déjà"... "Encore inconnus l'un à l'autre, nous nous amusions à déterrer de notre enfance chaque minute qui pouvait avoir été la même pour nous deux. Nous cherchions des amis communs, à leur défaut des amis mythiques". "La vision de la jeune fille que j'eusse épousée en province, du demi-bonheur dédaigné, -du jardin le soir avec ses tomates, de la pêche aux écrevisses, -rendait pénible l'idée du bonheur moins borné, l'idée d'Anne". C'est le premier baiser, la promenade à la campagne, dans l'enivrement du solstice d' été. Et puis la brouille, l'aveu d'un amour passé: la souffrance, traînée le long des vacances, que ne peut calmer Lyzica, la petite voisine de wagon-lit; que ne peut calmer Geneviève, la tendre amie d' enfance. Et enfin, Anne retrouvée, Anne fiancée à un autre, Anne reconquise. Anne qu'il va revoir demain. "Vais-je l'aimer? Demain tout recommence..." De l' amour à l'état naissant, de l' amour qui s'ignore, de l' amour qui se cherche, à celui qui se fuit et qui joue à cache-cache avec lui-même, qui jongle avec sa joie et avec sa peine, toutes les nuances sont distillées, dans cette transfiguration, brillante et poétique de la réalité quotidienne, dans ce jaillissement continuel de trouvailles un peu précieuses, -que seule empêche d'être mièvres la perfection de la phrase: mais cet embrasement de feu d'artifice verbal est sans doute la qualité la plus redoutable, le défaut le plus attachant de l'écrivain.

Gide consigne ses souvenirs d’enfance et d’adolescent dans « Si le grain ne meurt » en 1919.

Dans ce livre, André Gide (1869-1951), se rapportant à ses premiers souvenirs, Gide entreprend de décrire l'atmosphère familiale, et insiste particulièrment sur les contrastes nés des origines de son père et de sa mère; alors que les Rondeaux étaient des industriels normands installés à Rouen, catholiques assez jansénistes, les Gide descendaient d'une vieille famille hugenote d' Uzès. Les longs séjours que l'enfant, puis l'adolescent, était accoutumé de faire dans ces deux villes et dans les campagnes avoisinantes, les visages des grands parents et des innonbrables oncles, tantes et cousins, sont évoqués dans la mesure même où ils exercèrent sur Gide une double influence, et où ils firent s'élever en lui des contradictions que seule pouvait réduire une activité d'ordre artistique. Ce sont ensuite les études, fort irrégulières, dans différentes pensions et collèges; l'amour pour la campagne, le goût de la botanique et de l' entomologie, étrangement violent chez un enfant que l'on considère comme attardé; la passion pour la musique; et surtout ce par quoi il fut dominé entièrement, ses sentiments religieux, strictement liés à un amour tenace et profond pour sa cousine Emmanuèle qui devait devenir sa femme. Gide en vient à ses amitiés intellectuelles (celle de Pierre Louÿs demeure attachée à ses débuts dans le monde littéraire), et fait quelques portraits: très belle esquisse d' Heredia, évocation familière de Mallarmé; souvenirs sur Henri de Régnier, Ferdinand Hérold, Bernard Lazare, Francis Viélé-Griffin. Dans la seconde partie du livre, l'auteur s'engage dans les problèmes sexuels, question particulièrement grave et complexe pour un tempérament comme le sien, impressionnable et hypersensible, empêtré dans les interdits d'une éducation puritaine. La crise éclate au cours d'un voyage en Afrique: il décide d'échapper aux contraintes de son adolescence, de s'abandonner avec intrépidité à toutes les sollicitations de sa chair, afin de devenir comme les autres. La description des expériences à la suite desquelles il doit reconnaître qu'il lui faut ou renoncer au plein développement de sa personnalité ou devenir homosexuel, est assez remarquable, l'auteur y faisant montre d'une impudeur désespérée et d'une délicatesse pathétique. Cette crise s'accompagne naturellement d'inquiétudes religieuses. La délivrance, enfin obtenue après des années d'angoisse et de contention, permet à Gide de découvrir le monde des sens. Résolument orgiaque, ce thème, d'où naquirent les "Nourritures terrestres", prend ici une importance primordiale, mais il ne restera pas le seul; car un dialogue va s'établir entre ce Gide livré à la sensualité et le Gide puritain, fort peu disposé à croire que l'ultime sagesse est de s'abandonner à la nature et de laisser libre cours aux instincts. Cette aventure décisive permet à Gide de prendre pleinement conscience de deux tendances de son caractère, tendances dont il tiendra compte pour atteindre à un équilibre intérieur qui soit sa vérité. Il semble que le livre permette de mieux comprendre quel fût le sens d'une oeuvre qui se présente comme celle d'un moraliste, curieux, "disponible" (pour adopter son expression même), mais surtout vivement intéressé par toutes les formes de vie intérieure et par les conséquences qu'elles peuvent avoir dans la vie pratique, par les idées comme par les passions, par les principes comme par les inclinations, par les atmosphères et par les caractères: Gide apparaît comme un écrivain qui se cherche obstinément lui-même à travers les sujets les plus variés, et qui se préoccupe toujours d'obtenir cet état d'esprit grâce auquel il pourra penser librement, et conquérir une vérité neuve. Pour Gide, l' art est seul capable de rendre les idées claires et les sentiments précis. C'est à cet idéal que se réfère son style minutieux et attentif, prompt à verser dans la poésie et capable de mener analyses et discussions, avec une lipidité et une pureté de lignes vraiment classique.

Nathalie Sarraute évoque son enfance

Dans « Enfance » (1983), récit autobiograhique, un écrivain vieillissant, riche d'une oeuvre importante, s'apprête, guidé par un interlocuteur anonyme, à "évoquer des souvenirs d'enfance". Dès les premières pages, le ton est donné: "C'est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole ne l'ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d'encore vivant... je voudrais, avant qu'ils disparaissent... laisse-moi..." Ce récit de son enfance restera informel, discontinu, incomplet, et tentera de saisir, d'éclaircir, loin des "beaux souvenirs d'enfance", les moments clés, les sensations les plus importantes de sa vie de petite fille. Se juxtaposent ainsi toute une série de scènes courtes, d'impressions retrouvées grâce au dialogue avec cet interlocuteur omniprésent, qui recomposent, à partir de ces jalons essentiels, marquants quoique hésitants, l'enfance de Natacha Tcherniak. Une enfance déchirée entre deux pays et deux langues (la France et la Russie tsariste), deux familles (celle que forme son père avec sa seconde femme, Véra et leur bébé, Hélène; et sa mère qui choisit de la laisser à son père pour rester avec Kolia, son second mari, en Russie). Une enfance sauvée par la lecture et le goût de l'étude. Une enfance comme les autres, dont on retient un jeu, un jouet, une amitié, une bêtise; mais une enfance unique, où les mots et les sensations prenaient parfois une importance démesurée, d'où l'innocence semble absente, dont des pans entiers s'enfoncent dans l'ombre où tient à les laisser dormir, par peur de les trahir, la narratrice.

Une autobiographie d’un enfant finlandais de la classe ouvrière

« Mon enfance » est un roman de l’écrivain de langue finnoise Toivo Pekkanen (1902-1957), publié en 1953.
Pekkanen, grand écrivain de la classe ouvrière, qui travailla lui-même à l'usine pendant sa jeunesse. Ses souvenirs remontent au-delà de sa troisième année, souvenirs confus, dont certains émergent de la brume, comme celui d'un Noël et d'une fugue jusqu'au port. Sa petite enfance dans un milieu très modeste -son père était tailleur de pierres- fut calme et heureuse près d'une mère rieuse et tendre et d'un père qui, le soir, prenait son fils sur ses genoux et aimait à rêver "loin de la vie banale". Ce père taciturne quitta bientôt le foyer pour l'hôpital et mourut quelques années plus tard. Avec ce départ la misère s'installa au foyer, mais l'enfant savait l'oublier dans la solitude qu'il aimait et les longues rêveries. Il pouvait en quelque lieu qu'il fût "ne plus avoir la plus petite idée de ce qui l'entourait, ni du temps qui passait... il pouvait tout oublier". Les livres lui ouvrirent aussi un monde enchanté bien avant sa sortie de l'école qu'il quitta vers treize ans pour gagner sa vie sur divers chantiers, et plus tard à l'usine. Peu d'années après, la guerre civile de 1917 éclata. L'adolescent doit supporter, "dans son âme et son corps, ces événements historiques": batailles dans les rues de Kotka, sa ville natale, le triomphe des blancs, les longues files de prisonniers, les fusillades, le froid et la faim, qui le tenaillaient jour et nuit au point de l'empêcher de penser, de juger. Car même lorsque sa mère est jetée à la rue, avec ses quatre enfants, atteignant ainsi la plus grande indigence, il ne juge pas, il n'éprouve ni haine, ni envie, mais simplement de la curiosité. Je n'ai accusé personne, dit-il en conlusion, "le malheureux ne peut appartenir ni au groupe des ennemis, ni à celui des accusateurs", mais il se demande: pourquoi la misère? pourquoi le meurtre? -Sans fausse sentimentalité, dans un style sobre, qui n'exclut pas l'émotion, cette autobiographie est une des plus parfaites et des plus émouvantes de la littérature finlandaise. Elle explique en grande partie l'oeuvre de Pekkanen où l'on retrouve dans plusieurs jeunes ouvriers autodidactes et individualistes le visage grave, le courage et la vie solitaire du petit garçon pauvre de Kotka.

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Dorénavant, elle n’allait plus être qu’un vague souvenir dans l’esprit des clochards qui avaient collé leurs corps sur le sien, se soulageant des peines que leur apportait chaque jour leur pauvre vie. Georgette avait perdu la petite place qu’elle avait pu occuper dans la gare.
Ce matin-là, Bobotte toucha instinctivement le visage de sa mère. Elle sentit la peau froide et dure du corps sans vie. Malgré son très jeune âge, elle comprit immédiatement que sa mère avait abandonné le combat de la survie et qu’elle était partie sans même lui dire au revoir. Elle l’avait laissée là, dans cette cave dégoûtante que même les rats de son enfance avaient fuie.
Elle devait prendre une décision immédiate, elle savait qu’il ne fallait pas rester là à attendre des jours meilleurs qui ne viendraient sans doute jamais. Elle réunit ses quelques pauvres affaires et les fourra dans le vieux sac que sa mère utilisait pour transporter ses bouteilles. Elle baisa le front de la défunte et quitta cet endroit avec la ferme intention de ne plus jamais y revenir.
Immédiatement après qu’elle fût sortie de la cave, elle se mit à la recherche de son parrain Albert pour lui présenter ses projets de petite fille indépendante.
Très étonnamment, la gamine avait gardé la tête froide. La mort de sa mère ne semblait pas l’accabler.
Au moment des faits, Bobotte n’avait que huit ans. Cela ne l’empêcha pas de prendre une sage décision qu’un adulte, dans les mêmes circonstances, n’eût peut-être pas pu prendre. Elle projeta en effet de rejoindre Gognies pour y retrouver sa grand-mère maternelle qui, pensait-elle, la mettrait en contact avec son papa qui serait content de la retrouver.
Lors de leurs longues soirées d’hiver passées dans la cave humide, sous les tonnes de vieux vêtements qui les tenaient au chaud, lorsqu’elle n’avait pas trop bu, sa maman lui avait raconté des épisodes de sa jeunesse, ses premières années chez ses parents, à Gognies-Chaussée, un petit village situé sur la frontière entre la France et la Belgique.
Georgette avait embelli son aventure avec le Bob, histoire de se faire oublier à elle-même qu’elle l’avait vécue comme un cauchemar et que la cicatrice ne s’était jamais refermée.
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Promenade à pied...sans moi!

Après quelques heures, je me voyais parcourir la campagne Boraine sur un chemin bordé de prés clôturés dans lesquels broutaient des vaches. Elles me regardaient passer, tranquilles, n’ayant pas conscience de l’imminence de la mort violente qu’allaient leur infliger ceux qui les possédaient et qui les avaient mises en confiance.

La route me semblait longue. Ci et là, des arbres cassaient la monotonie du paysage fait d’immensités vertes des prairies uniformes.

Un oiseau m’accompagna de son chant saccadé pendant que défilait sous mes yeux le talus qui dont la hauteur grandissait à mesure que j’avançais. Fleurs de pissenlits, de marguerites et de myosotis le couvraient abondamment…

La température montait. Les abeilles dansaient leur sarabande habituelle autour des fleurs mobiles sous l’effet du vent.

Prendre la route sans en évaluer la raison ne m’était pas habituel ! Comment ne pas s’interroger, la dualité de nos personnes n’est-elle pas la clé de notre raison ? Je me harcelai de questions sans pouvoir trouver de réponses.

Les circonstances qui m’avaient amené à me mettre en route demeuraient mystérieuses. Sans doute avaient-elles été effacées des archives de ma mémoire.

Mes idées s’érodaient, mon courage s’amenuisait au rythme de leur érosion. Je peinais à marcher, je me traînais… Je traînais ce corps qui m’avait pourtant si bien été jusqu’alors.

Je m’approchais du nuage de poussière ou, peut-être, s’approchait-il de moi. L’espace qui nous séparait diminuait à vue d’œil. Atteignais-je l’horizon ?

Je peinais. Qu’est-ce qui me poussait à braver l’adversité avec autant de détermination ?

Au moment précis où j’atteignis le nuage de poussière, ma volonté me quitta ou, plutôt, je me quittai pour accompagner ma volonté avec un recul qui me permettait de la diriger sans devoir en subir les contraintes.

Cette mutation me donnait l’impression de laisser mon corps se débrouiller dans l’effort prolongé et insoutenable dont je ne parvenais pas à juger ni de sa nécessité ni même de sa légitimité… La marche ne me donnait pas l’impression d’être la mienne.

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Cendre d’agonie

Faut-il vivre ailleurs de soi-même
Dans un corps céleste abrité
Ou même chercher au lointain
Comme une comète chuchotée..!

Faut-il dire à plus tard..?!
Pour revivre si soucieux
Ou même rester à jamais
Dans un réel façonné..?!

Partir ailleurs sans navire
Sous la prise des sondes narratives..?!
Ou même aller au lointain
Tout près des rêves primitifs..?!

Périr en cendre d’agonie
Pour un meilleur jour du désir..?!
Et grandir mille fois comme une fleur
En caressant le jour sans fleurir..?!

08/O8/2OO6
Par : Abdeslem SBIBI
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"Pour aimer une autre fois..!"

Comme le vent,
Elle caresse les roses
Elle veut cacher sa tristesse
Elle aime couler en ruisselle
Dans la vie de noblesse

Elle a perdu toutes ses ailes
Elle chatouille les âmes perdues
Par sa voix de tendresse
Elle veut rendre le compte rendu


Elle a cachée toute sa joie
Pour aimer une autre fois
Elle a voulu dire adieu
A toute vie si terrienne

Elle a tournée son regard
Vers un autre ciel
Vers une autre vie magique
Vers un monde de merveilles

Un amour éternel..! Un amour éternel..!


Le 30/07/2006
Poesie de : Abdeslem SBIBI - MAROC
Email: asbibi@yahoo.fr
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Statistiques du réseau au 14 février 2010

Réseau des Arts et des Lettres en Belgique francophone

En date du 14 février 2010



Carte et Liste des endroits d'où viennent les visiteurs belges
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Arlon
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Bavikhove
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Braine le Comte
Brasschaat
Bree
Brugge
Brussels
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Chenee
Ciney
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Court-Saint-Etienne
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Zaventem
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Pays d'où proviennent les consultations du réseau:

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South Africa
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Switzerland
Tunisia
United Kingdom
United States

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Georges Rodenbach (1855-1898) est l'un des membres les plus originaux d'un mouvement symboliste qui a su garder son autonomie par rapport à l'école française. Venu à Paris en 1876, il reste cependant le poète de Bruges où il est né. Dans les recueils de vers Jeunesse blanche (1886), Le Règne du silence (1891), Les Vies encloses (1896) apparaît la nostalgie de sa province. Absente, elle devient le reflet du monde : les béguinages et les canaux de la Venise du Nord vont servir de relais entre un symbolisme étayé sur des sensations visuelles et une rêverie qui reste au contact de la réalité. On découvre là le secret d'une poétique des correspondances que Rodenbach a poussée plus loin que la plupart des symbolistes : à partir d'un objet, d'un paysage (ici Bruges), le poète peut évoquer ses impressions sensibles, en général impressions visuelles et auditives mêlées, et ainsi se pose l'existence d'un sujet, le je du poète. Dans ce système d'oscillations, dans ce jeu des correspondances, le monde intérieur et la réalité vont se fondre en une sorte de rêverie mystique où l'on ne saura plus distinguer l'émoi du poète et celui de l'objet. Alors qu'en général ce procédé restait discret, sa mise en évidence et son exploitation systématique, ainsi que la rigueur de la prosodie de Rodenbach, contribuent parfois à rendre ses vers un peu affectés. Cependant, l'évocation de la Flandre mystérieuse, des petits bourgs endormis du Nord reste encore très séduisante aujourd'hui. Le fantastique qui se dégage de toute la poésie de Rodenbach serait peut-être plus original, si précisément le recours incessant à des procédés de technique poétique ne le rattachait pas toujours à la vie intérieure du poète. Mais il s'agit là de la question de la sincérité que pose toute la poésie symboliste. Rodenbach écrivit encore quelques romans, Bruges la Morte (1892), Le Carillonneur (1895), sur les mêmes thèmes, en demi-teintes, du silence et de l'obscurité.

 

 

Le roman de Bruges-la-morte (1892)

 

Dans le Règne du silence (1891), Rodenbach évoquait déjà les secrètes relations de Bruges et de son âme: "_ ville, toi ma soeur à qui je suis pareil [...] Moi dont la vie aussi n'est qu'un grand canal mort." Un an plus tard il revient sur le sujet, faisant de la Ville le "personnage essentiel" d'un roman qui lui emprunte son titre: Bruges, ville-décor mais surtout, par-delà les descriptions, ville-état d'âme "orientant une action".

 

Après avoir perdu sa jeune épouse, Hugues Viane est venu se fixer à Bruges dont l'atmosphère de ville morte et mélancolique correspondait à son humeur chagrine. Depuis cinq années, il vit seul avec Barbe, une vieille servante dévote, vouant un culte quasi mystique aux souvenirs de la défunte - en particulier à sa blonde chevelure qu'il a mise sous verre. Un soir, au sortir de l'église Notre-Dame où il a médité sur l'union des âmes, un visage l'arrête, qu'il suit, croyant y reconnaître les traits de la morte. Une semaine plus tard, hypnotisé par le retour de l'apparition, il entre mécaniquement dans un théâtre à sa suite, l'y perd, la cherche en vain dans la salle et la retrouve sur la scène. Elle est danseuse et s'appelle Jane Scott. Peu à peu les analogies se précisent: le visage, les cheveux, les yeux, la voix, tout lui rappelle sa femme. Hugues installe Jane à l'orée de la ville, se rend chez elle tous les soirs, vit avec elle ce qu'il considère comme la poursuite de son amour marital. Mais à trop forcer les analogies, les dissemblances apparaissent bien vite: Jane le choque par sa vulgarité, se moque de lui, le trompe, menace de le quitter. Hugues cherche à s'éloigner de sa maîtresse pour ne pas hypothéquer ses retrouvailles chrétiennes avec la morte dans l'au-delà. Mais il est envoûté et Jane en profite pour tenter de capter son héritage. Profitant de la procession du Saint-Sang, elle se fait inviter pour la première fois chez Viane - provoquant la démission de Barbe, que servir "une pareille femme" eût mise en état de péché mortel. Après une anodine dispute, tandis que Viane s'abîme dans une prière, Jane profane les souvenirs de la morte, joue avec la tresse de cheveux que Viane, fou de rage, lui serre autour du cou comme une corde. Et Jane, morte, devient "le fantôme de la morte ancienne".

 

Certes la quête d'un double de la femme aimée n'est pas nouvelle - Nerval n'a-t-il pas construit "Sylvie" (voir les Filles du Feu) autour de l'hypothétique "aimer une religieuse sous la forme d'une actrice... et si c'était la même!"? - non plus que le récit d'une passion-culte d'outre-tombe - Villiers l'a conté dans "Véra" (voir Contes cruels). Mais Rodenbach, en superposant les deux thèmes, conduit Hugues Viane là même où le héros nervalien s'était arrêté, c'est-à-dire à la "conclusion" d'un "drame" que la comédienne Aurélie lui refusait: alors que le promeneur du Valois "reprenait pied sur le réel" pour échapper à la folie, l'amoureux de Bruges "perd la tête" (chap. 15) et s'abandonne au meurtre. Bruges-la-Morte est donc bien le récit d'un fait divers criminel, ainsi qu'une tradition critique se plaît à le souligner. Mais, outre qu'un tel jugement pourrait s'appliquer à nombre de textes, depuis le Rouge et le Noir jusqu'à Madame Bovary, il ne rend pas compte de l'extraordinaire agencement de cette "étude passionnelle" (Avertissement).

 

Car le bref roman de Rodenbach procède par tout un jeu de répétitions et d'échos qui, peu à peu, enferment le héros dans un labyrinthe qu'il a lui-même construit à force de traquer ressemblances et analogies. "+ l'épouse morte devait correspondre une ville morte" (chap. 2): ainsi Bruges est-elle devenue le premier double de la défunte, épouse de pierre et d'eau qui prolonge par son atmosphère mystique ("la Ville a surtout un visage de croyante", souligne le narrateur au chap. 11) le deuil empreint de religiosité du veuf (significativement, la chronologie du récit est rythmée par les fêtes religieuses). Puis la rencontre avec Jane est venue troubler cette harmonie métaphysique: avec elle le physique passe au premier plan, introduisant le péché dans l'existence de Viane (et à Jane est associé un champ sémantique hautement symbolique: elle joue dans Robert le Diable, sa voix est qualifiée de "diabolique", etc.). Dès lors, la Ville, abandonnée et délaissée comme une épouse trompée, n'aura de cesse de se venger: après les on-dit réprobateurs puis moqueurs (chap. 5) et les mises en garde du béguinage (chap. 8), ce sont les tours "qui prennent en dérision son misérable amour" (chap. 10), puis les cloches qui "le violent et le violentent pour [le] lui ôter" (chap. 11). Veuf de sa femme et de sa ville, Hugues connaît alors la souffrance. Mais celle-ci procède moins d'un sentiment de culpabilité (évacuée au nom de l'analogie: "il croirait reposséder l'autre [sa femme] en possédant celle-ci [Jane]") que d'un effondrement de son propre mode de pensée: ce qui s'écroule, c'est le mythe de l'identique sur lequel toute sa vie était construite. Dès lors, l'écart entre la morte angélisée et la vivante progressivement satanisée ne cessera de croître, minant Viane de l'intérieur en transformant sa certitude "d'une ressemblance qui allait jusqu'à l'identité" (chap. 2) en "une figure de sexe et de mensonge" (chap. 11). Parcours où le réel s'impose tragiquement au rebours d'un touchant mensonge entretenu comme une vérité: d'où la place du fantastique dans le texte, décalé dans son objet (ce qui suscite l'hésitation de Viane, ce n'est pas la réalité du phénomène qu'il vit mais celle de son amour pour Jane) et dans le temps (il croît jusqu'à la crise finale au lieu de se résorber au fil des chapitres). Oui, comme le disait Mallarmé à Rodenbach en sa prose particulière, Bruges-la-Morte est bien une "histoire humaine si savante"!

 

 

 

Le carillonneur (1897)

 

Dans ce roman symboliste, Joris Bourluut, jeune architecte épris de sa ville de Bruges et déjà connu comme artiste restaurateur des plus anciennes maisons de la ville, pourra désormais, ayant gagné le concours de "carillonneur", passer de longues heures dans le beffroi à contempler les cloches aux mille voix: c'est là tout son bonheur. Joris fréquente chez un vieil antiquaire, Van Hulle, qui vit avec ses deux filles, Barbe et Godelieve. Autant l'une est acariâtre et tyrannique - dans ses veines, coule encore le sang espagnol - , autant la seconde est clame et silencieuse, une vraie Flamande. Godelieve a aimé Joris, mais pour ne pas abandonner son père qui ne peut vivre sans elle, elle renonce à son amour. De son côté, Joris, obsédé par les représentations érotiques qui ornent la grande cloche du beffroi, sent naître en lui une passion sensuelle pour Barbe qu'il épousera; mais le caractère violent de la jeune femme et ses crises nerveuses le rendent malheureux. Après la mort de Van Hulle, Godelieve vient habiter chez sa soeur; c'est alors la naissance de l'amour entre le beau-frère et la belle-soeur. Mais ce qui n'était au début que silence et secrète communauté d'âmes, devient rapidement passion et don total. Joris et Godelieve, dans un élan mystique, échangent devant Dieu des serments nuptiaux, et pendant un court moment jouissent d'un oubli heureux. Mais Barbe revenue à Bruges après une absence , le remords et la terreur religieuse s'emparent de Godelieve: elle quitte son amant et se retire dans un couvent. Seul de nouveau, Joris cherche un réconfort dans une activité plus intense. Hostile à ceux qui veulent, comme autrefois, rattacher Bruges à la mer, il entend lui donner un nouvel essor en conservant intacts sa physionomie ancienne et ses oeuvres d'art. Mais ses projets échouent et il est obligé d'abandonner son poste de restaurateur. Rien ne lui a réussi et, au cours de méditations solitaires dans le beffroi, lorsqu'il comprend que son malheur fut d'avoir préféré une femme à la Bruges de ses rêves, il se pend à l'intérieur de la grande cloche; celle-ci l'engloutira comme "un muet et ténébreux abîme". Avec "Bruges la morte" et ses vers du "Règne du silence", ce roman est une fidèle représentation de l'art de Rodenbach: art qui dérive du symbolisme français et se complaît à des raffinements et à une préciosité typiques de la fin du siècle dernier.

 

 

La poésie: Les vies encloses (1896)

 

Émule de Léon Dierx, "le maître, l'ami", à qui il rend hommage à maintes reprises, à qui il doit peut-être sa froideur, sa solennité et sa rigueur dans la construction du poème et du recueil, Rodenbach comme Émile Verhaeren, son condisciple chez les jésuites gantois, ou plus tard Maurice Maeterlinck, est un Flamand écrivant en langue française une poésie d'inspiration symboliste aux accents décadents. A la méditation mallarméenne, l'auteur de Bruges-la-Morte (1892) marie les notes brumeuses que lui inspirent les paysages de sa patrie d'origine, où les beffrois se reflètent dans les canaux, au milieu des cygnes voguant dans une lumière incertaine, où la vie demeure confinée à l'intérieur de hautes demeures, derrière des vitres aux rideaux de tulle (voir le Miroir du ciel natal, 1898).

 

Une paroi - un miroir, une vitre, l'oeil... - oppose deux espaces: le dedans et le dehors de l'aquarium ("Aquarium mental"), les deux faces de la main ("les Lignes de la main"), le couchant et la chambre ("le Soir dans les vitres"), la chambre du malade alité et la ville environnante ("les Malades aux fenêtres"). Les relations entre ces deux espaces peuvent être conflictuelles ("le Soir [...]"), contradictoires ("les Lignes [...]"), sentimentales ("Aquarium mental"), harmonieuses ("les Malades [...]"). Le retour à la santé s'accompagne de l'"Émoi de peu à peu recommencer à vivre" ("les Malades"). Mais pour quelle vie? L'amour ("le Voyage dans les yeux") et le voyage ("la Tentation des nuages") sont condamnés: la convalescence ne mène qu'à soi: la clôture est assumée, et le sujet se tourne vers les vies multiples qui sont en lui ("l'âme sous-marine").

 

Rodenbach partage avec les poètes décadents le goût de la langueur et de la mélancolie. Claustration rime avec protection, maladie avec perceptions nouvelles ou accrues. Le crépuscule n'a plus rien d'angoissant: il rend le sujet conscient de l'absence de toute réalité et érige le moi en divinité. La mort, en sa lenteur, est source de jouissance: "le Soir dans les vitres" s'achève sur l'image d'une église, espace d'ombre envahi d'odeurs d'encens maladives qui mènent à la volupté.

 

En dépit des apparences, Rodenbach n'est pas un poète de la surface. Il redoute et désire à la fois non pas tant la vitre que l'agonie solaire et spatiale qui s'y joue. Il se montre, en fait, singulièrement attentif aux souffles du vent, dangereux ennemi du calme nécessaire à la purification de l'"Aquarium mental". Toute surface, lisse, appelle ainsi la plaie, la blessure, la déchirure, le pli, qui ouvrira sur une profondeur trouble, insondable - l'infini sinon turbulent, du moins troublant. L'écriture restitue cet "étrange" retournement, par une métaphore géographique qui dote la main ("les Signes") ou l'oeil ("le Voyage") d'une spatialité invitant au départ et au franchissement de l'horizon. Le corps est univers, ou, du fait de la contiguïté, échange avec la ville de ses qualités. La béance possède donc des vertus bénéfiques: elle libère de la finitude et du quotidien, elle ouvre sur l'atopique et l'atemporel - l'essence, le divin. Cette dialectique, qu'on a tant recherchée chez Mallarmé, est très présente dans "les Malades aux fenêtres": "La maladie étant un état sublimé, / Un avatar obscur où le mieux a germé."

 

Tout le corps pense, tout le corps se spiritualise, tout le corps se souvient: de l'histoire d'un être, ses désirs, ses hantises, ses angoisses; rien ne meurt. Le corps, tel l'oeil qui thésaurise les images du monde, a une densité qui bat en brèche l'illusion d'une mémoire blanche et vierge: l'affirmation très moderne d'un inconscient, la métaphore du somnambule, la profondeur trouble de l'âme, qui exige une grande lucidité (voir, par exemple, la fascination pour l'enfant devenant femme) sont autant d'éléments qui tirent cette oeuvre vers notre siècle.

 

La récurrence des métaphores et des comparaisons - cygnes, cors, bijoux, palais, voyage: bref, tout le bagage symboliste - donne au recueil son équilibre. Au gré de l'écriture, un comparé devient un comparant: l'aquarium est âme, l'âme est aquarium. Simple jeu et pur artifice? Il faut voir là un effet du symbolisme même, parfois si pesamment utilisé qu'il en devient accablant pour le lecteur désireux de trouver des poèmes plus suggestifs (voir les lourdes transitions: "ainsi, telle mon âme", ou les laborieuses coordinations: "or, c'est pourquoi", plus propres à la démonstration qu'à l'émotion). Tout est symbole en cet univers: la tristesse est dans l'âme, elle est dans la ville. Une mystérieuse harmonie unit l'âme, le corps, le lieu, au fil d'alexandrins rigides d'où toute effusion semble absente. A cet égard, le recueil suivant, le Miroir du ciel natal, en s'abandonnant au vers libre, affranchira un peu le sentiment du carcan où il est enfermé.

 

 

Le théâtre : Le voile (1897)

 

Dans le premier recueil de poèmes qu'il consentit à avouer, la Jeunesse blanche (1886), Rodenbach gardait, dans la facture de ses vers, de fortes résonances baudelairiennes. Son expansion lyrique se découvrait aussi de secrètes correspondances avec l'âme de sa terre natale: la Flandre. Les recueils qui suivirent, en particulier le Règne du silence (1891) et le Voyage dans les yeux (1893), fragment des Vies encloses qui paraîtront en 1896, révélèrent ainsi cet accord entre l'inspiration d'un poète et un pays mélancolique et mystérieux. Toutefois c'est dans un roman, Bruges-la-Morte (1892), qui devait assurer définitivement sa notoriété, qu'il trouva les mots les plus justes pour traduire ces harmonies intimes qui lient indéfectiblement une écriture poétique à une ville et à un terroir. Dans le Voile, celui que son ami Mallarmé appelait un "sensationniste" chercha ainsi à rendre l'atmosphère claustrale de ces maisons flamandes dont les fenêtres ouvrent sur des ciels de cendre et dont la vie de solitude et d'ennui se rythme aux tintements des cloches qui invitent, malgré tout, à lever les regards.

 

Porté par Alexandre Dumas fils à la Comédie-Française, le Voile, qui fut joué avec le Bandeau de Psyché de Louis Marsolleau et les Romanesques d'Edmond Rostand, remporta un vif succès. Rodenbach avait méticuleusement veillé jusqu'aux plus petits détails de la mise en scène et choisi lui-même les acteurs: Marguerite Moreno et Paul Mounet, qui surent donner à cette pièce son climat d'inquiète sérénité.

 

La scène se passe à Bruges dans la maison d'une vieille dame à l'agonie. Depuis de longs jours et de longues nuits, une jeune béguine, du nom de soeur Gudule, veille la moribonde. Jean, le neveu de la malade, qui dans ce foyer partage quotidiennement ses repas avec soeur Gudule, sent naître pour elle une attirance confuse qu'il ne parvient à cacher ni à lui-même, ni à Barbe la servante, ni au docteur qui s'en moque gentiment. En fait, l'idée fixe de Jean est de contempler la chevelure de la religieuse, chevelure que, selon les prescriptions, elle tient précautionneusement cachée sous sa cornette. Ce soir-là, il lui demande la faveur de connaître au moins la couleur de ses cheveux. Elle refuse. La même nuit, un grand cri réveille toute la maisonnée: l'ange de la mort emporte la vieille dame. Soeur Gudule se précipite alors vers la moribonde et apparaît à Jean dans tout l'éclat de sa chevelure. Dès cet instant, son amour, qui avait été sur le point de se déclarer, meurt d'un coup puisqu'il n'est plus entouré de mystère. C'est presque sur le ton de l'indifférence polie qu'il dira alors adieu à soeur Gudule qui, après le décès, quitte définitivement la maison.

 

Rodenbach, qui n'en était pas tout à fait son premier essai dramatique (il avait déjà écrit des piécettes: le Pour et le Contre, 1876; et avec Max Waller, la Petite Veuve, 1884), excelle dans cette pièce, comme ailleurs dans son oeuvre, à déceler la fêlure des âmes et à en effleurer les bords douloureux. En développant avec délicatesse l'image de la chevelure cachée, il s'accorde à la vision symboliste d'un monde rêvé animé de secrètes et mystérieuses harmonies: "Je n'aimais que ce dont mon rêve la parait", dit Jean à la scène finale. La poésie, à la versification chantournée mais fluide, sert au mieux cette suite d'instants fugitifs saisis dans leur fragilité et leur ténuité, alors que le décor et les mots suggèrent une Bruges où "l'eau sans but" des canaux est parcourue d'insaisissables reflets.

 

On retrouve à l'identique ces impressions fugaces et cette inspiration ondoyante dans les nouvelles du Musée des béguines (1894) et dans les poèmes qui suivirent, en particulier ceux du Miroir du ciel natal (1898).

 

Extrait du Testament des Siècles de Robert Paul

 

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Il s’agit de récits autobiographiques de Marguerite Yourcenar (1903-1987), en trois volumes: Souvenirs pieux(1974); Archives du Nord (1977); Quoi? l'Éternité (1988).

Après la publication de l'Oeuvre au noir, Marguerite Yourcenar entreprend, en 1969, le premier volume du Labyrinthe du monde, vaste fresque familiale à laquelle elle se consacrera jusqu'à sa mort.

Souvenirs pieux évoque les ancêtres maternels de l'auteur. L'ouvrage, qui doit son titre aux images religieuses traditionnellement envoyées à l'occasion d'un décès, est composé de quatre sections. Dans la première, "l'Accouchement", Marguerite Yourcenar conte sa naissance et la mort, survenue quelques jours plus tard, de sa mère, Fernande. La deuxième partie, "la Tournée des châteaux", retrace l'histoire de cette famille de l'aristocratie belge dont Fernande de Cartier est issue et dont l'auteur trouve les premières traces au XIXe siècle. Dans la partie intitulée "Deux Voyageurs en route vers la région immuable", Marguerite Yourcenar s'attarde sur le personnage d'un oncle de sa mère nommé Octave Pirmez, écrivain fade et bien-pensant mais d'une personnalité attachante, profondément marqué par le suicide de son jeune frère Fernand, dit Roméo. La dernière section, "Fernande", narre l'enfance et la jeunesse de Fernande puis sa rencontre et son mariage avec M. de C., un veuf d'une cinquantaine d'années qui sera bientôt le père de Marguerite Yourcenar.

Archives du Nord est le pendant paternel de Souvenirs pieux. La chronologie y obéit toutefois à un cheminement inverse: au lieu d'opérer, à partir de sa naissance, une remontée dans le temps, l'auteur part ici des temps les plus anciens pour arriver peu à peu à dessiner la figure de son père. Ainsi, la première partie dépeint tout d'abord la formation et l'évolution géologiques de ces terres du nord de la France dont son père est originaire ("la Nuit des temps") puis retrace, à partir du XVIe siècle, la généalogie de la famille paternelle des Cleenewerck de Crayencour ("le Réseau"). Dans la deuxième partie, Marguerite Yourcenar évoque longuement la figure de son grand-père. Elle reconstitue l'histoire de son adolescence ("le Jeune Michel-Charles") puis de son triste mariage avec la dure et sèche Noémie, issue de la riche bourgeoisie lilloise. Michel, le père de l'écrivain, est l'un des enfants nés de cette union ("Rue Marais"). Enfin, dans une troisième partie intitulée "Ananké", l'auteur conte l'histoire de son père: sa fuite du milieu familial pour embrasser une carrière militaire, sa désertion et son exil pour l'amour d'une jeune et belle Anglaise, son premier mariage avec Berthe puis, après la mort de la jeune femme, l'union avec Fernande et la naissance de Marguerite.

Le troisième volume, Quoi? l'Éternité, est demeuré inachevé, la mort de l'auteur en ayant interrompu la rédaction. L'ouvrage s'inscrit dans la continuité chronologique d'Archives du Nord. Marguerite Yourcenar évoque les premiers temps du veuvage de Michel dans la propriété familiale du Mont-Noir, à Bailleul ("le Traintrain des jours"), et la figure de la soeur de ce dernier, Marie, qui mourut jeune dans un tragique accident ("Necromantia"). Les quatre chapitres suivants ("Un grain d'encens", "le Trépied d'or", "la Déchirure" et "Fidélité") sont consacrés à Jeanne, une amie d'enfance de Fernande qui fut, durant quelques années, la maîtresse de Michel et qui incarna, pour la petite Marguerite, une sorte de mère idéale. Le personnage d'Egon, le mari de Jeanne, servira plus tard de modèle à l'écrivain lorsqu'elle composera Alexis ou le Traité du vain combat. Après avoir retracé ses premiers souvenirs d'enfance ("les Miettes de l'enfance") et les dernières amours de son père ("les Miettes de l'amour"), Marguerite Yourcenar dépeint les années sombres de la Première Guerre mondiale ("La terre qui tremble, 1914-1915", "La terre qui tremble, 1916-1918" et "les Sentiers enchevêtrés"). L'écrivain projetait de rédiger encore une cinquantaine de pages dans lesquelles elle aurait notamment relaté les fins respectives de Jeanne et de Michel.

Composé à l'aide d'archives et de témoignages, ce triptyque familial procède d'un type d'inspiration assez voisin de celui de Mémoires d'Hadrien ou de l'Oeuvre au noir. Dans tous les cas, en effet, la création romanesque de Marguerite Yourcenar se trouve étroitement liée à un travail d'historien et à un regard de moraliste porté sur la destinée et le temps humains.

Dans le Labyrinthe du monde, toutefois, la part de la fiction est fort minime. Certes, l'oeuvre est pour beaucoup le fruit de l'imagination de l'auteur qui parvient à redonner vie à des personnes disparues en se fondant sur une documentation souvent étique, aride ou fragmentaire. Mais cette imagination est avant tout au service d'une restitution et s'interdit la fabulation, l'écrivain préférant souvent le silence à l'invention pure et simple. Le vivant est ainsi laissé à sa complexité jamais démêlée, comme à ses mystères demeurés opaques. L'ouvrage, bien que fourmillant de personnages et embrassant de multiples époques, séduit par son aspect dépouillé. Au seuil de la mort, et une fois accomplies les grandes tâches romanesques de la maturité, projetées d'ailleurs pour la plupart dès la première jeunesse, Marguerite Yourcenar se consacre à une matière brute et humble. Après l'empereur (Mémoires d'Hadrien) et le philosophe alchimiste (l'Oeuvre au noir), elle choisit des personnages ordinaires que son travail extrait patiemment de l'anonymat et du dédale de la généalogie, non pour en détacher des aspects exceptionnels mais au contraire pour montrer l'inexorable flux de la vie, cette sorte de machine aveugle qui broie dans la multitude et engloutit dans l'oubli les existences individuelles. Les figures maternelle et paternelle sont certes privilégiées dans la mesure où elles sont le point de départ des recherches, mais le Labyrinthe du monde, livre sans héros, est aussi un livre dépourvu de personnages vraiment principaux. Les séductions et les mirages de la totalisation sont bannis, l'écrivain préférant laisser son ouvrage livré à l'éclatement, à l'inachèvement et à l'ordinaire qui sont le lot de la vie même.

Pour Marguerite Yourcenar, écrire l'histoire familiale, c'est moins chercher à vaincre le temps que prendre la mesure du caractère éminemment contingent de toute existence: "L'angle à la pointe duquel nous nous trouvons bée derrière nous à l'infini. Vue de la sorte, la généalogie, cette science si souvent mise au service de la vanité humaine, conduit d'abord à l'humilité, par le sentiment du peu que nous sommes dans ces multitudes, ensuite au vertige" (Archives du Nord). A cet égard, la dernière oeuvre de la vieillesse est aussi apprentissage de la mort.

Extrait du Testament des siècles de Robert Paul

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Le grand secret. (Maurice Maeterlinck; 1921).

"Impression d'un explorateur dans la région du mystère"; tel pourrait être le sous-titre de ce traité de Maurice Maeterlinck (1862-1949), sorte de brève histoire de l' occultisme, publiée en 1921. La recherche des sources du fleuve mystérieux qui coule à travers toutes les religions, les croyances et les philosophies, nous conduit dans l' Inde sacrée: de là ce courant se répandit sans doute en Egypte, dans la Perse antique, en Chaldée, imprégna le peuple hébreu, s'infiltra en Grèce et dans le nord de l'Europe, atteignit la Chine et même l'Amérique où la civilisation aztèque fut tributaire de la civilisation égyptienne. De l'occultisme primitif nous connaissans donc trois dérivations: la dérivation Egypte-Perse-Chaldée-Grèce (les "mystères" religieux grecs); l' ésotérisme judéo-chrétien, avec les Esséniens, les Gnostiques, les néo-platoniciens alexandrins, les Kabbalistes du moyen âge; enfin l' occultisme moderne, plus ou moins imprégné des précédents, qui englobe non seulement les théosophes, mais les spirites et tous les philosophes métapsychiques d'aujourd'hui. De ces divers courants, depuis les textes les plus anciens de la littérature sacrée hindoue jusqu'aux manifestations variées de l' occultisme moderne de Blavatsky, Besant, Steiner, et à la "Métapshychique contemporaine", l'auteur fait un tableau fort éloquent où il s'efforce de prouver que ces fleuves et ces ruisseaux de l' occultisme ont transmis jusqu'à nous des puissances, sans doute beaucoup plus spiritualistes que celles de l'esprit moderne. Pour saisir et dominer ces puissances nous devons donc nous spiritualiser, cultiver le jardin de notre âme, c'est-à-dire notre subconscient, par le renoncement et la concentration spirituelle. Le style suggestif et infiniment poétique de Maeterlinck, l'atmosphère purifiée, peuplée de paradoxes éthérés qui s'échappent avant qu'on ait le temps de les saisir, les subtiles points d'interrogation et un vague idéalisme sentimental, répandu un peu partout, ont été la cause du grand succès de cet ouvrage. Mais tout cela ne suffit pas à dissimuler l'absence d'unité de pensée, et le caractère arbitraire de certaines affirmations d'ordre historique. Il s'agit, non pas d'une doctrine, mais de variations poétiques subtiles et ingénieuses sur des thèmes qui ont toujours passionné l'humanité.

Extrait du Testament des siècles de Robert Paul

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"Je ne connais aucune oeuvre dans laquelle soient enfermés autant de silence, autant de solitude, d'adhésion et de paix, autant de royal éloignement de toute rumeur et de tout cri" (Rainer Maria Rilke, 1902). La pièce la plus célèbre de Maurice Maeterlinck doit une part de sa notoriété à l'adaptation musicale de Claude Debussy créée à l'Opéra-Comique le 30 avril 1902, sous la direction de Messager, en dépit des démêlés survenus entre l'auteur et le compositeur. Une nouvelle édition modifiée conformément aux représentations de l'Opéra-Comique paraîtra chez Paul Lacomblez en 1902. Très mal accueillie par la critique mais soutenue par une jeunesse enthousiaste, l'adaptation de Debussy restitue parfaitement l'atmosphère ésotérique de l'oeuvre. Par son dépouillement volontaire qui manifeste un retour à la simplicité classique, Pelléas et Mélisande marque une date importante dans l'évolution du drame symboliste.

Le prince Golaud, un homme d'âge mûr, rencontre une jeune fille en larmes au bord d'une fontaine. Il ignore qui elle est, d'où elle vient et pourquoi elle pleure, mais une couronne au fond de l'eau ainsi que ses vêtements indiquent une origine princière. Golaud épouse Mélisande et la ramène au château "très vieux et très sombre [...] très froid et très profond" où l'attendent son père Arkël, son demi-frère Pelléas et son fils né d'un premier mariage, Yniold (Acte I).

Pelléas conduit Mélisande près d'une fontaine dite "des aveugles" où la jeune fille laisse tomber l'anneau d'or offert par Golaud. La frêle Mélisande avoue son malheur, dont elle ignore la cause: "Je vais mourir si on me laisse ici" (Acte II).

Pelléas doit quitter le château pour se rendre au chevet de son ami Marcellus. Avant de partir, il veut embrasser Mélisande et la surprend, à la fenêtre d'une tour, coiffant sa longue chevelure qui inonde le jeune homme: "Je t'embrasse tout entière en baisant tes cheveux." Arrive Golaud qui met fin à ce qu'il appelle des "jeux d'enfants", mais demande à Pelléas d'éviter Mélisande, prétextant sa délicatesse et son émotivité; il se sert du petit Yniold pour savoir ce que se disent les jeunes gens en son absence (Acte III).

Pelléas fixe un dernier rendez-vous à Mélisande: "Il faut que tout finisse [...]. J'ai joué comme un enfant autour d'une chose que je ne soupçonnais pas [...]. J'ai joué en rêve autour des pièges de la destinée." Pelléas et Mélisande s'avouent enfin leur amour et s'embrassent, lorsque, dans la nuit, surgit Golaud qui tue Pelléas. Mélisande s'enfuit épouvantée (Acte IV).

Au matin, les servantes découvrent les corps de Mélisande et de Golaud devant la porte du château. Mélisande n'est que légèrement touchée: "Ce n'est pas de cette blessure qu'elle meurt, un oiseau n'en serait pas mort [...] ce n'est donc pas vous qui l'avez tuée [...] elle ne pouvait pas vivre", dit le médecin à Golaud, fou de remords, implorant son pardon et réclamant toute la vérité sur l'amour de Pelléas et Mélisande. Un amour que la jeune femme avoue très naturellement. Cet aveu trop facile torture Golaud: "La vérité, la vérité", hurle-t-il. Mais Mélisande est déjà trop loin et Arkël demande qu'on la laisse en paix: "Il faut parler à voix basse [...] l'âme humaine aime à s'en aller seule." Le petit être silencieux et mystérieux s'éteint sans un mot (Acte V).

Le drame "banalement passionnel", pour reprendre l'expression de Maeterlinck, d'un amour fatal qui conduit à la mort est mené ici selon une lente et irrésistible progression des sentiments. L'évolution de Pelléas et Mélisande n'est marquée que par une succession d'états d'âme, sans aucun éclat dramatique ou effet lié aux événements. L'action ne provient que du resserrement progressif de l'emprise du destin sur les personnages: le schéma dramatique est donc essentiellement émotionnel. Pelléas et Mélisande ne prennent que tardivement conscience de l'amour qu'ils se portent. Si dès l'acte I leurs paroles sont révélatrices de leurs élans inconscients, de leur muette attirance, c'est l'épisode de la fontaine, où Mélisande, jouant avec l'alliance offerte par Golaud, la laisse tomber dans l'eau, "peut-être aussi profonde que la mer", qui éclaire les jeunes gens, confirmés dans leurs sentiments après la scène de la tour, où la longue chevelure de Mélisande inonde Pelléas comme autant de liens inconscients. Mais ce n'est que lors de son agonie que Mélisande accédera à une révélation totale. Elle est parvenue, grâce à l'amour, à un niveau de perception qui l'éloigne définitivement du monde des humains; d'où son incompréhension face aux cris de Golaud réclamant vérité et pardon.

Si Golaud incarne le jaloux mis à nu avec sa soif de domination totale sur l'être aimé, avec son obsession de la vérité, son désespoir d'homme à qui tout échappe, Mélisande, elle, reste mystérieuse jusqu'au bout. Ambiguë et troublante, elle est la figure même du destin; malgré sa beauté funeste elle n'est pas un être de chair, mais avant tout une âme - et en même temps une poupée mue par une force obscure, Dieu, ou la fatalité.

Aucune véritable péripétie dans cette pièce de "théâtre immobile", qui conduit inexorablement ses héros vers la mort. Dans ce texte où pourtant existent l'amour, la jalousie, la colère, les personnages parlent comme dans un songe, se touchent à peine, sont incapables de nommer les choses et se contentent de proférer des paroles transparentes, chargées pourtant de symboles, et qui semblent arrachées à une incommunicable rêverie intérieure. La pièce se nourrit d'actes banals, dénués en apparence de toute signification. C'est le quotidien dans ce qu'il a de plus dérisoire et d'écrasant qui comble le silence de ce théâtre dont l'auteur n'a "d'autre intérêt que celui qu'inspire la situation de l'homme dans l'univers".

Extrait du Testament des siècles de Robert Paul

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Merci!

L'après-midi de dédicaces de l'autre jour s'est passée de manière bien sympathique. Merci à Robert Paul de l'avoir organisée, merci aux visiteurs, merci à Espace Art Gallery de m'avoir accueillie...
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