"Il y a des jours comme ça, où tout semble aller de travers, où l'on se sent atrocement malchanceux et écrasé par une horde d'ennemis, réels ou imaginaires..." Une petite revanche d'innocent à concocter? Ou bien une réelle vengeance à cogiter face à certaines situations ou personnes abominables? "Les recettes de tante Dédé", septième opus de Virginie Vanos, auteure aux talents multiples ( comédienne, modèle, photographe reporter, vidéaste,...), nous apportent un singulier panel de solutions aux problèmes relationnels rencontrés par des êtres humains ordinaires (si l'on veut...) comme vous et moi: Calimero innocents, infortunés, à l'occasion frustrés face à la démesure de ceux et celles que l'auteure nomme "Les Salauds". Cela va de l'ex envahissante au croque-mort obscène en passant notamment par la pute et fière-de-l'être et la nymphomane chewing gum, soixante-neuf cas (sur... ?) ayant été répertoriés par notre auteure.
Ces recettes? D'originaux supplices imaginés puis rédigés en mémoire de Dédé T., la vraie. Le sarcasme et l'ironie? Au menu et faisant bon ménage, Virginie Vanos nous entraînant dans une judicieuse analyse de l'espèce humaine, adoptant la structure suivante pour chaque sujet étudié: pourquoi elle ou lui, les raisons secrètes du passage à l'acte, le degré de nocivité du sujet, comment procéder, le degré de soulagement dû à l'application de la torture clôturant chacune de ses prospections.
On sourit, on s'amuse, on tremble ou frissonne à l'occasion; épinglons également par-ci "L'absence de morale peut s'avérer parfois bien plus humaniste que l'endoctrinement...", par-là "Mieux vaut dix pétards mouillés qu'une bombe atomique", tout un programme, finesse garantie; il est également vivement conseillé de lire attentivement la savoureuse bibliographie finale. Du Vanos d'un tel cru? On en redemande car "quoi de plus salvateur que d'imaginer ce qui pourrait arriver à ceux et celles qui nous ont causé du tort?"
Thierry-Marie Delaunois, auteur et chroniqueur, le 15 mai 2015
THM : Virginie, peux-tu nous relater la genèse de ton ouvrage? Comment t'est venue l'idée d'écrire de telles recettes parfois drôlement croustillantes et te serais-tu inspirée de ton propre vécu?
VV : En fait, c’est assez drôle. Avec un de mes anciens collègues, nous passions un temps fou à persifler contre des gens qui causaient du tort à notre business. Toujours d’un ton léger, humoristique, sans jamais faire preuve de haine ou de rancune. Non, juste cette bonne vieille mauvaise langue bien fleurie, qui restait dans les secrets de notre correspondance. Un jour, seule, j’ai sauté le pas, et j’ai écrit, un peu pour moi-même, ce que je ressentais quant à ces individus qui m’avaient causé du tort ou qui me semblaient nocifs d’un point de vue moral, éthique ou social.
THM : Dans l'introduction de ton oeuvre, on peut lire: " en faisant le récit loufoque et saugrenu de tortures complètement irréalisables, plus bêtes que méchantes, plus dingues que cruelles, on rit de ses propres mésaventures..." Parviens-tu à toujours rire toi-même de tes propres mésaventures et, une fois parvenue au bout de l'écriture de ton ouvrage, te sentais-tu différente, voire changée par rapport à l'instant où celui-ci n'était encore qu'à l'état d'ébauche dans ton esprit?
VV : Ce n’est un secret pour personne, ma vie n’a jamais été de tout repos, ni vraiment joyeuse. Mais ‘arrive depuis fort longtemps à rire de toutes mes mésaventures, voire de mes malheurs. Sauf quand on arrive à l’épineux sujet des arrestations arbitraires…. Je n’en dis pas plus, mais je n’en pense et n’en souffre pas moins.
THM : Un peu plus loin, on peut lire: "Entre l'aveugle soumission et la rage idiote et aveuglante, j'ai choisi une troisième voie: celle du sarcasme et de l'ironie." Cette voie est-elle également tienne - parfois ou assez souvent - dans ta vie réelle? Et la recommanderais-tu à d'autres éventuellement?
VV : Oui, telle est ma voie. Bien sûr que je la recommande. Je dis toujours qu’il faut rire gentiment, mais avec un œil narquois, de nos ennemis, ne serait-ce que pour le plaisir de leur taper sur le système. Bien sûr, pour en arriver là, l’on ne peut ni être dans un état de souffrance extrême ni dans un esprit vengeur…
THM : Prenons à présent le cas de "La petite pétasse" avec ses airs complaisants de Baby Doll à la fois douce et perverse pour reprendre tes mots. Est-ce selon toi une personne réellement nocive et irais-tu jusqu'à passer à l'acte suivant les instructions - ou l'une d'elles - que tu recommandes?
VV : Je méprise ces femelles dociles, douces, serviables, ne vivant que pour leur look, leur mec et la Real TV. Oui, à mon sens, ces femmes sont nocives car elles nous ramènent de par leur comportement à une ère révolue, celle où la femme n’était là que pour la procréation et le bon plaisir de l’homme.
Olympe de Gouges, féministe de l’époque de la chute de la bastille disait : « Si les femmes ont droit à la guillotine, elles ont aussi droit à la tribune ». Plus de 200 ans plus tard, si nous voulons faire percevoir nos droits et envies d’indépendance, d’autonomie, de liberté et de ne pas satisfaire aux critères de l’"Homo Debilis Erectus », nous passons pour des monstres ignobles, indignes d’amour. Et au lieu de se retrouver sur le billot, nous vivons avec le risque de recevoir quolibets, sarcasmes et couteaux dans le dos à chaque instant.
THM : D'après toi, se comparer en permanence aux autres, cela permet-il de toujours progresser dans sa propre vie? N'y a-t-il pas danger d'intense frustration lorsqu'on se met notamment à analyser un potentiel rival?
VV : Non, il ne faut jamais se comparer à personne. Il faut suivre sa propre voie, que l’on plaise ou l’on déplaise. Et si on vous met des bâtons dans les roues, retirez-les élégamment, sans violence, usez juste d’un peu d’ironie fine ou loufoque…
THM : Y aurait-il une dernière question que tu aurais aimé que l'on te pose? Si oui, quelle est-elle et acceptes-tu d'y répondre?
VV :Une de mes amies a ri comme une baleine quand elle a lu le livre, une autre l’a trouvé horriblement déprimant. C’est plutôt moi qui aie envie de poser cette question : on peut ne pas aimer, mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi mon petit délire déprimé cette dame…
THM : Satisfaite de cette interview?
VV : Comment pourrais-je ne pas l’être ?