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12273095855?profile=originalIl s'agit d'un essai de Simone Weil (1909-1943), rédigé à Londres pendant l'hiver 1942-1943 et publié en 1950. Cette oeuvre, où il ne faut pas chercher les éclairs mystiques des "Cahiers", a l'incomparable intérêt de nous offrir une synthèse de la double expérience, politique et religieuse, de la jeune normalienne juive, d'abord attirée par le marxisme et parvenue jusqu'au seuil du catholicisme, après avoir connu, comme ouvrière chez Renault, la tragédie du prolétariat moderne. Le sous-titre: "prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain" livre à lui seul le sens du livre.
Refusant le juridisme des hommes de 1789, Simone Weil oppose à l'abstraction des "droits de l'homme" la notion de devoir, fondé sur l'amour de l'homme envers la communauté, et de la communauté envers tout homme. Le plan qu'elle propose d'une société nouvelle n'est concevable que dans les perspectives d'une révolution spirituelle. Aux révolutionnaires politiques, Simone Weil reproche de demander à la fois trop et trop peu: trop, puisqu'ils considèrent comme des injustices des servitudes qui tiennent en fait à la nature même des choses: nécessité de l'obéissance et même de la "vénération" envers les supérieurs qui symbolisent l'exigence des grandes lois du monde; trop peu, car la plupart du temps les revendications prolétariennes se limitent aux seuls besoins physiques, alors que seule une prise de conscience de la "destination surnaturelle" de l'homme pourra fonder une vraie réforme de l'ordre social et économique. Il s'agit d'ailleurs moins pour Simone Weil de transformer le monde que de le transfigurer, c'est-à-dire de lui rendre jusque dans les actes les plus humbles de la vie quotidienne, la signification sacrée qu'il a perdue. Le mot "déracinement" est donc pris ici en un sens plus profond que chez Barrès: ce n'est pas seulement de la province natale qu'est exclu le travailleur moderne, mais de toutes les forces élémentaires, naturelles et surnaturelles, de la vie en général. Le déracinement, c'est l' abstraction; l' enracinement, c'est la participation en quelque sorte "automatique", "par le lieu, la naissance, la profession et l'entourage" à une communauté portant en elle "certains trésors du passé et certains pressentiments de l'avenir".
En accord avec un courant de pensée traditionaliste chrétien, Simone Weil donne une importance fondamentale à ce qu'elle appelle, du grec, les "metaxu", "ces biens relatifs et mélangés (foyer, patrie, tradition, culture) qui nourrissent et réchauffent l'âme et sans lesquels, en dehors de la sainteté, une vie humaine n'est pas possible". Ce qui importe avant tout, c'est que tout homme puisse être remis en communion habituelle avec les forces naturelles: donnant tout à un changement dans les rapports entre classes, la révolution exclusivement politique manque le vrai problème. A quoi serviraient en effet tous les profits nouveaux que pourraient obtenir les ouvriers, si les conditions de leur travail n'étaient pas humanisées? Elles ne pourront l'être que, d'une part, grâce à un perfectionnement des machines, d'autre part, grâce à une "spiritualité du travail" qui réhabilitera le travail manuel en lui rendant sa densité métaphysique et religieuse, en le restaurant comme un des actes les plus sacrés de "consentement à l'ordre de l'univers".

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