Gérard GLATT fait partie de ces auteurs avec qui on aime partager quelques instants, assis sans rien dire, juste pour le plaisir d’être deux en respirant le temps qui passe.
Rencontré un peu par hasard au Salon de Montcuq en Quercy (ou il venait de recevoir le prix du net 2017 par l’organisateur qui change régulièrement de nom Stéphane Ternoise), j’avais, je vous l’avoue, mis ses romans en attente. La raison, ou le devoir, m’invitait à me pencher sur des livres qui attendaient depuis trop longtemps pour repousser davantage l’instant de les découvrir enfin. Un retard accumulé pour de simples raisons qu’un commentaire de mon épouse décrira avec justesse en me faisant part de son inquiétude devant le nombre d’ouvrages que son chroniquer de mari recevait sur une année.
Elle et se mit à craindre le déplaisir du facteur en l’imaginant souffler comme une mule qui, pour se venger d’être trop chargée, s’apprête à mordre son propriétaire. À l’entendre (ma femme, pas le facteur ni la mule), notre boite aux lettres était l’une des raisons des grèves qui touchent régulièrement les services postaux de notre région.
Heureusement, en écoutant les nouvelles, nous fûmes rassurés d’apprendre que le changement fréquent du facteur de notre quartier n’était pas dû à une abondance romanesque, mais bien aux conséquences d’un monde frappé par le syndrome de l’inhumanité. « Vite, vite, de plus en plus vite et tant pis pour les petits-vieux qui n’avaient que le facteur à qui parler, ils n’ont plus comme interlocuteur que l’Inspecteur Derrick et la lucarne de la TV».
Bref, suite à un coup de froid inattendu, cloué au creux d’un lit, j’ai pris le temps de me préparer un petit verre de vin chaud avant de me saisir du livre de Gérard.
« Et le ciel se mit à pleurer… » dépasse le romanesque, entendez par là qu’il offre au lecteur l’impression d’être projeté au cœur de l’histoire, de ressentir la beauté de la montagne au pays du « Mont Blanc »: la Haute-Savoie.
Osons prétendre que ce livre entraîne l’imaginaire ne serait qu’une piètre constatation. Une écriture de suspens, mais pas que. C’est une plume qui sait modeler l’humain au point que nos doigts suivent le tracé des rides, la blessure des non-dits et goute l’amertume d’un trop-plein de larmes. Comme une sorte de dieu, l’écrivain façonne les destins afin qu’ils se posent sur les brisures de la fatalité. Fatalité ? Mon œil ! Diantre non, car le lecteur sera manipulé avec un tel suspens qu’il aura du mal à se détacher du livre.
Tout commence par un arbre qui tombe, entraînant dans sa chute la vie de Germaine. Un arbre solitaire qui chute à cet instant précis ? Étrange coïncidence… Au fil des pages, les amitiés se dévoilent et même si les liens qui unissent les vivants semblent indestructibles, planent en permanence les doutes quant à la disparition de la femme aimée jusqu’à la déraison.
Gérad Glatt est lié depuis l’enfance aux Alpes et à Chamonix en particulier. Vraiment ? Fallait-il le préciser ? Ce livre malgré ou grâce à ce côté manipulateur fait le bonheur du lecteur. Le texte ? Une ode à la montagne et à ses habitants. Il y a du talent dans la narration, du talent que l’on écrit en lettre majuscule. Lire les œuvres de Gérard Glatt c’est ouvrir la fenêtre sur les senteurs apportées par le vent. C’est écouter le crépitement des flammes quand elles dansent au fond de l’âtre. C’est avant tout, découvrir les soubresauts des âmes pour en finale comprendre que si les méchants existent, ils ont parfois de bonnes raisons qui les poussent à détester les autres. La vie, oui c’est bien de cela qu’il est question. La vie et ce fleuve qui l’arrose que nous appelons destin. Ce flot dans lequel nous essayons de nous débattre avec plus ou moins de dispositions. En final, il suffirait de peu de choses pour que la noyade l’emporte cependant, avec l’aide d’un peu d’apprentissages, il se peut qu’on apprenne à surnager, à s’y complaire, apprendre à ouvrir les yeux sur la beauté du monde.
Gérard GLATT un auteur que vous ne pouvez ignorer si vous désirez vous évader au cœur d’une peinture, oh ! Pardon, d’une lecture passionnante.