Menus Plaisirs d'estaminets... Ebats de Couples
Avec :
Delphine Charlier
Anne Chantraine
Boris Olivier
Marc De Roy
Mise en scène: Delphine Charlier
Que fait-on dans les estaminets, sinon, dévorer dans une atmosphère détendue, des mets de terroir, respirer des fumets de cuisine locale bien arrosés de chaleureux breuvages sans prétention? Cela vaut pour les Flandres Françaises, mais à Bruxelles ? Il y a le célèbre « Jardin de ma sœur »... situé dans le vieux quartier du marché aux poissons, où la gastronomie a laissé la place au théâtre. Un croisement romanesque d’Au temps passé et de Lieux aujourd’hui disparus a donné naissance à ce qu'on imaginerait être une ancienne épicerie-crèmerie, ou même le salon peu prétentieux d’une maison privée. C’est devenu maintenant un petit café populaire, où Arthème Glickman vous sert avec amour de la lenteur des bières précieuses et rares, du vin au verre, en attendant le spectacle ... Pas un seul signe de vie moderne apparent: une cheminée et ses ustensiles, des gravures et peintures de haut en bas des murs, quelques tables, le confort de chaise de cuisines en bois de nos grand-mères, peut-être quatre bancs d'église trouvés aux puces agrémentés de coussins pour les fesses sensibles. Par la fenêtre, on aperçoit une façade blanche d’une maison rustique d’autrefois. L'atmosphère nous reporte irrésistiblement un siècle ou deux en arrière, au cœur d'un village plutôt que celui d’une capitale européenne. Quand la bonne trentaine d’habitués de cette chapelle de convivialité est servie, on ferme les rideaux et on tire la porte, pour faire place à la veillée poétique, musicale ou littéraire qui se tiendra dans ce lieu sans frontières.
Les chansons de phonographe s’estompent et le regard se porte sur cette femme endormie sur sa couche… 1941, Madeleine Renaud? Non, c’est Delphine Charlier, 2017 qui joue Yvonne dans « FEU LA MERE DE MADAME » une scène de ménage féroce en un acte de Georges Feydeau (1862-1921), représentée pour la première fois à la Comédie Royale de Paris le 15 novembre 1908. La farce s’articule autour des relations tendues d’un couple, alors que Lucien, le mari volage, déguisé en Louis XIV, rentre à une heure avancée du bal des quat'z'arts, une soirée de fête aux accents orgiaques. Sous la perruque : Marc De Roy. Il est artiste peintre mais ne vend pas de toiles, ce qui exaspère Yvonne, jalouse de surcroît des modèles nus que son ami côtoie. Les tensions dont Annette, la servante allemande, est témoin, ne feront que s'exacerber avec l'arrivée d’un domestique, Joseph venant annoncer que la mère de Madame est morte. En valet, Boris Olivier est admirable. Les jeux de scènes sont piquants et imaginatifs, les sentiments explosifs, la mauvaise foi et les mensonges une constante incendiaire. La dispute prend des allures d’éruption de lave volcanique. Les comédiens tiennent bien leur rôle de mousquetaires de la querelle perpétuelle élevée au rang de mode de vie. Devant la Comédie Humaine, l’assistance tour à tour, se tait, médusée ou se laisse gagner par le rire. L’entreprise dans un si petit lieu était une gageure, car trop de proximité peut parfois mettre mal à l'aise. La deuxième partie du spectacle mis en scène par l'excellente Delphine Charlier confirmera leur savoir-faire et l’ampleur de leur énergie.
Nous voici après l’entracte, avec Courteline (1858-1929) et ses ignobles créatures dans « LES BOULINGRIN » vaudeville en un acte, créé en 1898 au Théâtre du Grand-Guignol à Paris. L’ironie cruelle et le surréalisme montent encore en puissance. La farce grand-guignolesque est de plus que malveillante, le dérèglement total, la scène de ménage a atteint un paroxysme de haine. Le pique- assiette, Des Rillettes (Marc De Roy), qui pensait faire régulièrement bonne chère chez ses amis Sieur et dame Boulingrin se voit transformé en poupée de chiffon et sert d’exutoire à leurs querelles domestiques. Pris à son propre piège, il devient la victime et le souffre-douleur de ses hôtes. Félicie, la bonne est de mèche… Encore plus vicieuse que la bonne de Feydeau. Bravo à Anne Chantraine pour les deux rôles, mais on la préfère dans Courteline! Apocalypse, now ! Les coups pleuvent sur le pantin de service qui croyait tirer les marrons du feu. Les humiliations les mauvais-coups et les injures s’amoncellent, la mort aux rats côtoie la furie furieuse et Des Rillettes a bien du mal à sortir indemne de cette farce infernale. Et Marc De Roy, bien sûr, est royal dans ses deux interprétations! Oui, les quatre comédiens ont été parfaits dans cette course à la violence autant verbale que physique… Et ce n’est pas nous qui avons appelé les pompiers! Juré!
théâtre | Ebats de Couples (03/05 jusqu'au 20/05) du mercredi 03 au samedi 20 mai 2017 |
Tel: +32.2.217.65.82
E-mail: info@leJardindemaSoeur.be
https://www.lejardindemasoeur.be/jd-commence.php?language=fr