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pamphlet (2)

administrateur théâtres

« Métamorphoses » d’après Ovide 

Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
Ô Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont.

Edmond Rostand, Chantecler Acte I, scène 2

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                                                       Le rideau rigide et noir se lève sur un paysage désolé d’arbres en postfabriqué,  ou en contre-plaqué, qui ressemblent  à de tristes poteaux télégraphiques… Mais…surprise!  Les voilà qui  communiquent encore! La preuve : cette séance d’extase  osmotique où  les neuf comédiens se sentiront tout à coup, partie de la vie secrète de l’arbre et de son flux vital. L’arbre est à jamais principe vital d’énergie et rêve collectif.  Pourtant,  les hommes ont détruit leur milieu naturel et des rescapés émergent d’un méchant abri, une bicoque bien top étroite pour tant de monde. Un  personnage se met à déchiffrer des pages d’un livre tombé du ciel.  Ce sont les premières  pages des « Métamorphoses » d’Ovide, livre fondateur. Elles sont lues avec chaleur respectueuse par  Laurent Tisseyre.  Le précieux  papier n’est-il pas métamorphose industrielle d’un arbre vivant et bruissant d’oiseaux désormais disparus?   Il n'y a plus que le verbe et les étreintes furtives pour relier puissamment les vivants. Il fera éclore des textes associés,  plantés comme des fleurs sur les lèvres des comédiens.

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                                                               La pièce  se fait foisonnement d’échos proches ou lointains, qui remue les cendres de mondes disparus pour en  recueillir les dernières germinations. De précieuses boutures dans des pots de fleurs  portent chacune  les prénoms des comédiens (Maxime (Anselin), François (Badoud), Dolorès (Delahaut), Stéphanie (Goemaere), Thierry (Lefèvre), Sylvie (Perederejew)Camille (Raséra), Hélène (Theunissen), Laurent (Tisseyre). Elles semblent  la seule richesse  qui a réussi à conserver la saveur du vivant. Elles reçoivent de tendres caresses et  des soins jaloux.   C’est au tour de Sylvie Perederejew d’entonner le chant du monde: « Tout change, rien ne périt ; le souffle vital circule, il va de-ci de-là et il prend possession à son gré des créatures les plus différentes ; des corps des bêtes il passe dans celui des hommes, du nôtre dans celui des bêtes ; mais il ne meurt jamais. »

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                                                         C’est ensuite au tour du petit cahier de Kinji Imanishi de prendre son envol. Verba volant… scripta manent ! Années 30,  la  jeune écologue japonaise, craint de voir ses recherches interrompues par l'entrée en guerre du Japon. Elle a consigné dans un cahier d'école les principes et les intuitions qui ont guidé son travail sur le vivant. Tout n’est pas que concurrence et la sélection naturelle, elle propose une  sagesse et une vision nouvelle du tableau de la nature. Tous les organismes sont en relation.  Et ainsi de suite, la mosaïque de sagesses diverses se compose et s’enchaîne sous la direction de Pascal Crochet,  transformé en prophète. Sachez-le : selon Ovide, Pythagore, le premier,  fit grief aux hommes de servir sur les tables la chair des animaux mais  ne fut pas écouté… « Que votre bouche ne touche qu'à des aliments obtenus sans violence ! »  On  frissonne en écoutant la belle histoire d’amour de  Philemon et Baucis, ce vieux couple pieux fidèle et si hospitalier transformé en chêne et en tilleul à un seul tronc par les dieux Zeus et Hermes. 

                                                        Le spectacle bourgeonne sur plusieurs plans: non seulement à travers le florilège mais aussi à travers les chorégraphies, les jeux de lumières,  et le jeu théâtral et sur  différents niveaux, comme à l’opéra. Il y a notamment un  lieu d’ablutions lumineuses, où semblent  se jouer de multiples métamorphoses. Le rêve ?

                                                        Certains spectateurs ressortiront affectés, pour qui découvre l’urgence des soins que l’on doit apporter au chevet d’une nature moribonde, d’autres, déjà très sensibilisés  par la problématique ressortirons encore plus angoissés que nature, tant le message est pétri d’urgence. On constate que les comédiens ont  dû longuement travailler ensemble pour mettre au point ce  plaidoyer vibrant pour la survie du vivant. Comment ne pas adhérer à leur discours solidaire et généreux, artistique et poétique, où le plaidoyer pour l’arbre est intimement lié à celui de l’homme, comme le prouve le discours de Francis Hallé, une autre pépite générée par le brassage des Métamorphoses. C’est  véritablement  l’amplification théâtrale et les racines adventives du propos qui  importent.  Et le tout semble s’écouler,  comme  l’inéluctable fleuve du « panta rhei » du cher Héraclite.

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                                                        Enfin, une pensée finira par ne plus pouvoir nous quitter: « Il m’apparaît de plus en plus clairement que nous sommes en train de créer les conditions de notre propre perdition… que nous nous autorisons toutes les bonnes choses dont nous jouissons aujourd’hui au détriment du futur. Nous n’avons pas le droit d’hypothéquer l’existence des générations futures à cause de notre simple laisser-aller. Nous devons nous poser la question, et c’est un commandement moral : qu’avons-nous le droit de faire ou de ne pas faire ? On ne devrait plus s’interroger sur ce que l’homme peut découvrir et développer, mais plutôt se demander ce que la nature est encore capable de supporter. Notre appétit de consommation ne doit pas constamment croître comme ce fût le cas jusqu’à présent. Nous sommes dans une situation clinique, au chevet d’un malade. Et nous sommes ici simultanément les patients et les médecins. Si nous ne sommes pas prêts au sacrifice, il n’y a guère d’espoir. »  

                                                       La salle, remplie de jeunes des écoles médusés,  écoute le message polysémique. Les uns avec consternation,  d’autres, bouleversés jusqu’aux larmes devant la neige noire qui tombe sur la cabane, alors que des voix étranges aux messages incompréhensibles  investissent les « arbres ». Cependant que  les comédiens,  tels les  bourgeois de Calais marchant au supplice, regardent le corps nu d’une femme se fondre et s’unir à la terre… Voilà donc une épopée philosophique grand format assez effrayante,  mais qui remet la sacralité de la vie et la renaissance au premier plan!

http://theatre-martyrs.be/saison/metamorphoses/1D4EF2AE-01CE-0DBF-02AB-BE93A00D9A03/

 

JEU Maxime AnselinFrançois BadoudDolorès DelahautStéphanie Goemaere, Thierry Lefèvre, Sylvie PerederejewCamille RaséraHélène TheunissenLaurent Tisseyre
SCÉNOGRAPHIE & COSTUMES Satu Peltoniemi
TRAVAIL DU MOUVEMENT Anne-Rose Goyet
COSTUMES Anne Compère
CRÉATION SONORE Raymond Delepierre & Pascal Crochet
CRÉATION LUMIÈRES Florence Richard
RÉGIE Nicola Pavoni & Justine Hautenauve
DIRECTION TECHNIQUE / CONSTRUCTION DU DÉCOR Stéphane Ledune, Frédéric Nicaise & Simon Detienne
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Boriana Todorova
CONCEPTION & MISE EN SCÈNE Pascal Crochet

PRODUCTION Théâtre en Liberté
COPRODUCTION La Coop asbl
Avec l’aide de Distinguo et le soutien du Centre Des Arts Scéniques.
Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Photos : Isabelle De Beir

 

On en parle dans la presse :

 http://www.lalibre.be/culture/scenes/metamorphoses-sculpturales-aux-martyrs-5a57c982cd7083db8b82f592

http://www.lesuricate.org/metamorphoses-dovide-theatre-martyrs/

http://focus.levif.be/culture/scenes/critique-theatre-ovide-au-camping/article-normal-785519.html

Dossier pédagogique: http://theatre-martyrs.be/wp-content/uploads/2017/12/TMADOSPED-M%C3%A9tamorphoses.pdf

 

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administrateur théâtres

Ça commence toujours par une envie. Et il arrive parfois que cette envie se réalise.

L'envie de faire du théâtre tout près des gens; comme si le spectacle n'était qu'une conversation. Les grandes salles ne sont pas faites pour les conversations; et si l'on y converse, c'est derrière le cadre de scène. La rue est un endroit où cela devient possible et c'est une belle école pour tout le monde mais ce n'est pas assez convivial. Et puis c'est un autre fantasme.
Alors, quoi de plus convivial qu'un lieu clos, mi-salon, mi-café, chaleureusement décoré où l'on peut siroter son verre en assistant à un spectacle. C'est ça le café-théâtre.
Le café-théâtre "Le Jardin de ma Sœur" est né en 1994 à l'extrémité de l'ancien Grand Béguinage de Bruxelles, sur un des quais du vieux port de Bruxelles où œuvrent encore les fantômes des ouvriers dockers et où passent encore ceux des béguines en longues mantes noires.

23 novembre:



A l'angle du Quai au Bois à Brûler
et de la Rue du Grand Hospice,
à 1000 Bruxelles
(Marché au Poisson, Métro Sainte Catherine)
Tel: +32.2.217.65.82
E-mail: info@leJardindemaSoeur.b

 

La Religieuse... d'après Denis Diderot ( Pamphlet ) publié à titre posthume en 1796

 Texte: Arthème (adaptation pour le théâtre), Denis Diderot, Maggy Souris (adaptation pour le théâtre), Viviane Collet (adaptation pour le théâtre) ON STAGE Performance: Viviane Collet /  BACKSTAGE Mise en scène: Arthème, Maggy Souris

 Novembre: 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 23, 24, 25, 26    

  

 

« J’avais alors seize ans et demi. …il s’agissait de m’engager à prendre l’habit. …Je me plaignis avec amertume, et je versai un torrent de larmes. La supérieure était prévenue ; elle m’attendait… Elle parut avoir pitié de moi… …elle me promit de prier, de remontrer, de solliciter. Oh ! monsieur, combien ces supérieures de couvent sont artificieuses ! …Savoir se contenir est leur grand art » (Diderot 4-6). 
  

Nous avons été comblés par la conteuse, Vivianne Collet qui  nous a proposé une adaptation monologuée du roman de Diderot.  Diderot prend la défense de la novice forcée par ses parents à prononcer des vœux auxquels elle n’adhère nullement. Le ton est indigné, un premier pas vers le refus à la soumission? La voix est chaleureuse, débordante de vie alors que ce premier couvent où la jeune fille se voit enfermée de force, … est une véritable tombe où elle est enterrée vivante.

 La voix est multiple, débordante de personnages fort bien campés. Le monologue est une mise-en scène adroite de toutes les petites et grandes histoires de la jeune recluse qui voulait vivre.  La lumière, celle d’un esprit libre, se voit dans les yeux de la comédienne. La piété est dans ses mimiques car elle a cette foi spontanée  et respectueuse qui lui vient du cœur. Les quatre actes qu'on lui intime de réciter ne viennent pas d'une prière apprise par cœur, mais du fond de son âme innocente et bonne. Ce qui Diderot condamne, c’est l’institution qui vous supprime votre libre arbitre, l’obscurantisme qui mène droit aux dérives. Notre siècle a de quoi réfléchir, car de-ci, de-là traînent encore des fanatismes liberticides, des embrigadements monstrueux, des tentatives religieuses totalitaires.

Entre résignation et désespoir, elle a subi des sévices, la  mise à l’écart systématique, le  harcèlement,  les punitions corporelles, des  interrogatoires humiliants. Dans son épreuve,  la jeune sœur Sainte-Suzanne compare sa souffrance à celle du Christ et reprend courage. Elle  se rappelle les paroles de sa défunte amie, ancienne mère supérieure  parlant du couvent : « Entre toutes ces créature si innocentes et si douces, il n’en n’est presque pas une dont je ne puisse faire une bête féroce. »

Devenue bouc émissaire de toute la communauté, elle n’accusera pourtant personne du couvent où elle est si malheureuse, même pas l’hypocrite mère supérieure, cause de tous ses tourments. Elle reste pleine de dévotion et de douceur. Devant  le grand vicaire qui l’interroge : « Etes-vous nourrie ? « Je demande à l’être »  « Vous ne l’êtes donc pas ! » s’exclame le dignitaire indigné.» Elle murmure: «Je ne suis pas venue pour accuser, mais pour me défendre ! »

La conteuse échange des regards discrets  avec un  public qui lui est acquis, tant la proposition  est  à la fois, pathétique et nuancée. Il bourdonne, allergique aux prises de pouvoir, à l’hypocrisie, et à  bien plus encore.

Très bon spectacle, dans un lieu en suspension entre les époques.

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