« Graines de solistes, de l’école à la scène » Leuze, 6 Juillet 2014 : Un jeune premier devient Meister
Bruxelles Capitale ou ville natale ? Les dés sont jetés : le concert « examen de fin d’études » de chef d’orchestre du jeune Ayrton Desimpelaere aura lieu dans sa ville natale de Leuze, à l’hôtel de ville en présence des autorités hennuyères, dans une salle où s’est rassemblée une bonne centaine de personnes, loin des sirènes brésiliennes. Elève de Daniel Gazon au Conservatoire de Mons "Arts2", Ayrton Desimpelaere a reçu son programme il y a un peu plus d’un mois. Un programme solide et difficile qu’il doit défendre devant un jury de six sommités de la pédagogie musicale : Raf de Keninck, Norbert Nozy, Françoise Regnard, présidente, Daniel Gazon, Pierre Bartholomé et le compositeur Frederic Van Rossum. Au programme, trois œuvres éclectiques : Ivo Malec : Vibrafonietta (2001) - Frederic Van Rossum: Divertimento pour cordes opus 15 - Joseph Haydn : Symphonie n° 48 en Do Majeur 'Maria-Theresia' (Allegro, Adagio, Menuetto, Presto) 1769. Si la première a été jouée une fois par l’orchestre tout récemment, celle de Frédéric Van Rossum ne l’avait plus été depuis 30 ans.
Ayrton Desimpelaere est un pianiste d'une large culture musicale bien établie. Il est en outre armé de nombreux diplômes. Il dirige cet après-midi l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie qui a accueilli des jeunes musiciens du conservatoire tels que Maxime Charue, Nicolas Descamps, Maxime Van Heghe, Adélaïde Wlomainck. Le nouveau projet « Graines de solistes, de l’école à la scène » est une plateforme numérique financée par Google qui va désormais servir de vitrine aux jeunes solistes et annoncer les concerts « Premières scènes ». Ceux-ci sont nés de la volonté du Conservatoire royal de Mons et de l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie d'offrir aux étudiants en dernière année, une visibilité et l’occasion pour les solistes de se produire en concert accompagnés de musiciens professionnels le temps d'une prestation.
Maxime Charue, étudiant en avant dernière année de percussions au Conservatoire de Mons "Arts2" est au Vibraphone. Le rapport entre le soliste et l’orchestre est excellent. Il nous a offert une interprétation très remarquée, fluide et rythmée, de l’œuvre surprenante d’Ivo Malec, captant des couleurs étonnantes, des textures inconnues et des sonorités d’outre-monde dans une cadence particulièrement bien en place et qui a fort bien exposé ses talents de soliste. L’orchestre a soutenu sa performance engagée avec clarté et humour. Le spectateur n’a pu quitter des yeux le jeu fascinant et précis des maillets échangés, posés, multipliés avec virtuosité dans une syntaxe musicale intelligente, jouant sur des dégradés et des accélérations renouvelant sans cesse de mystérieux rituels. Il a les gestes sacrés d’une antique dentelière croisant les bobines de son ouvrage et la variété de ses touchers est celle d’une personnalité musicale affirmée. Le jeune chef d’orchestre Ayrton Desimpelaere a empoigné l’œuvre avec détermination et vivacité, ne laissant rien au hasard, définissant les rôles des musiciens chevronnés de l’orchestre avec belle assurance et enthousiasme communicatif, rendant très abordable une œuvre peu connue du grand public. Le jeu sur les dynamiques et sur les techniques d'archets est particulièrement remarquable lors de cette prestation, ainsi que le rapport entre le soliste et l’orchestre.
La deuxième œuvre, encore une découverte, joue également sur la variété des tempi. Le compositeur Frederic Van Rossum dans la salle semble apprécier la facture claire de l’interprétation et le public attentif est séduit par la construction. Une esthétique étrange préside à l’ensemble - tantôt des phases jazzy, tantôt des fusions et des jaillissements explosifs d’éléments naturels, tantôt des longs pressentiments et des angoisses palpables … Dans sa superbe prestation, Ayrton Desimpelaere manie les climats et les tempi comme un peintre heureux de faire miroiter les couleurs, preuve de sa grande sensibilité. L’enchaînement des tempi se fait de façon quasi-naturelle. Sa gestique reste sobre et élégante, la battue est ferme et précise, le regard accroche chaque musicien et fait vibrer intensément une contrebasse envahie par des pulsions vitales de belle tonalité. Il a une aisance et une belle maîtrise sur scène qui contrastent avec la situation d’examen dans laquelle il se trouve.
La victoire est proche, son Haydn est connu par cœur, il dirige sans partition et s’adonne avec un plaisir non déguisé à la beauté complexe de la musique et aux phrasés pleins de vie. Il y a du caprice dans l’air. Les pieds s’animent et résistent mal au besoin de bouger plus, tant le rythme alerte s’emballe et traduit une certaine exaltation. Le second mouvement, l’Adagio en fa majeur, est un peu plus distendu, on dirait que les violons voudraient s’abandonner à une certaine langueur tandis que les cors et les hautbois sont bien mis en valeur. Enfin, les deux derniers mouvements enchaînent à nouveau exigence, vitalité musicale expressive et une confiance lumineuse. Dans cette salle, c’est tout l’amour de la musique qui est convoqué dans une grande pudeur de sentiments… La sentence tombera après le concert : grande distinction, une mention rarement accordée par les examinateurs. Feeling proud ? Rien à ajouter.
N.B.Ce concert s’inscrit dans le cadre du ' Festival d'été en Hainaut ' avec le soutien de la Province du Hainaut et a été capté par la chaîne Notélé.
+ photo: Ayrton Desimpelaere from Belgium, working with St. Michel Strings at International Conducting Masterclasses by Sasha Mäkilä in Gergiev Festival Mikkeli (Finland)