Le quotidien bourgeois du début du XX° siècle s’expose sur toutes ses coutures en cette saison au théâtre du Parc et jusqu’au 31 décembre ! « LA DAME DE CHEZ MAXIM » est l’un des joyaux de l’écriture de Georges Feydeau, une comédie burlesque au souffle épique qui dénonce le caractère grotesque, sinon absurde du conformisme social.
En piste : Une Môme de Paris couleur crevette (une impayable Julie Duroisin) qui jongle avec la langue du ruisseau comme avec celle de l’art poétique de Boileau ! « Non mais ! » Et qui enfile les cœurs des messieurs comme des perles en faisant révérences irrévérencieuses « et vas-y donc c’est pas mon père ! » Elle va ébranler l’édifice tranquille d’un couple de la bourgeoisie parisienne bien-pensante. La femme docteur Lucien Petypon (prononcer « petit ») est certes une vielle toupie dévote qui adore le surnaturel et croit aux apparitions religieuses ( Anne-Pascale Clairembourg, craquante étude de caractère). Ce médecin (un Stéphane Fenocchi d’une formidable humanité), flanqué de son ami Mongicourt (Nicolas Ossowski) se veut moderne et est prêt à utiliser le fameux « fauteuil extatique » lors de ses séances de bistouri, une application moderne des recherches qui se font à l’époque, à Vienne. Allusion non déguisée aux méthodes du fondateur de la psychanalyse et utilisation récurrente de l’objet à des fins du plus haut comique de situation. Mais là n’est pas la question. Le comique qui tourne au cauchemar est celui du pauvre toubib - noceur d’un soir – qui va payer très cher son unique écart nocturne avec la Môme Crevette. Entraîné dans l’aventure par son ami et va entamer une chute aux enfers fulgurante dès le saut du lit, ou plutôt de la carpette. Pris en otage par la jeune danseuse, il va devoir faire bonne figure face à un oncle, le général Petypon du Grêlé (John Dobrynine) venu lui demander d'assister au mariage de sa jeune pupille Clémentine avec l’un de ses officiers nommé Corignon (Sébastien Schmit), ex-amant de ladite Crevette. Décidée à se venger de l’abandon de celui-ci, la Môme Crevette va se faire passer pour la femme du docteur. La voilà invitée à la noce, bien contre le gré du médecin qui n’arrive pas à arrêter la machine infernale dans laquelle il a été embarqué. C’est une occasion rêvée pour la Môminette de se moquer de la bêtise des dames de province. Elle ne se gêne nullement pour leur chanter à tue-tête une des pépites de la chanson grivoise : Le Bonheur d'être demoiselle. Un moment inoubliable, sans rien de vulgaire, qui fait se plier de rire le public du théâtre du Parc en entier. Un autre thème dans cette joyeuse partition est l’imminence perpétuelle de duels pour dettes d’honneur qui assaillent le pauvre mari, lui qui ne ferait pas de mal à une mouche!
Une cascade d’imbroglios et de coups de théâtre se succèdent à un rythme de plus en plus effréné. Gabrielle, la très dévote mère tourière épouse du docteur est partout et le pauvre homme s’évertue à empêcher qu’elles se rencontrent. L’homme est ballotté comme un jouet dans l’océan de quiproquos par un destin comico-cynique. La mécanique de Feydeau est implacable. A la fin il n’y a pas assez de portes pour faire surgir les personnages en folie, ils tombent des murs, du ciel presque et viennent atterrir sur le dur plancher de la réalité. La mise en scène est non seulement un va et vient fulgurant entre portes tronquées, trappes, escaliers et cabinets dérobés mais elle bouleverse les codes habituels du boulevard par les mille et un détails inventifs qui cernent le cauchemar et frisent la folie. Avec la metteuse en scène géniale qu’est Miriam YOUSSEF, on pénètre de l’autre côté du miroir. Et vous emporterez avec vous l’image inoubliable du dernier tableau qui est d’une qualité onirique à couper le souffle! Joli début d’année 2014, si vous y allez le 31 !
http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2013_2014_002