Petit billet pour une grande reprise. L’Atelier Jean Vilar s’exporte à l’ouverture de la nouvelle saison théâtrale au Public avec la reprise d’une pièce satirique à souhait, « La famille du collectionneur » qui met en scène un magnifique festin de comédiens, tous plus racés dans le stéréotype, les uns que les autres. Ils se gourmandent autour du personnage principal, un Amateur digne des caractères de la Bruyère, pas loin de l’Avare de Molière, joué avec intensité, feu et drôlerie par Maître Alexandre von Sivers. What else?
La pièce signée Carlo Goldoni (1707-1793) le réformateur du théâtre comique italien, renaît dans des costumes Vogue 1950 et dans un décor solide comme une forteresse imprenable. Comme dans certaines fontaines italiennes, deux séries (inégales) de marches se rencontrent au pied d’un mur. Sauf que le mur est celui de l’incompréhension mutuelle et de la vengeance au centre duquel se trouve une porte à deux battants laqués d’or lorsqu’ils s’ouvrent de brefs instants. C’est dans ce bureau ouvert à l’imaginaire que le comte Anselme range, trie, étiquette, classe ses précieuses collections, tandis que, du haut de ses appartements, son élégante épouse Isabelle/Cécile Van Snick mène la maisonnée désargentée, de main de fer.
Hilarants, les deux jolis-cœurs, clients de la famille au sens romain du terme : l’un est docteur l’autre, on ne sait pas : Docteur Bassette/Toni D’Antonio et Monsieur Delbosco/Nicolas Ossowski. Ils ont un format de Don Juan et Quichotte Panza, ce dernier la panse bien en avant. A se tordre de rire.
Monsieur Valmy/John Dobrynine, le père de Dorothée, la jeune épousée– enfin quelqu’un de sérieux - a lui tout du gentleman ou gentilhomme de l’époque sans être noble. Il est simple mais riche négociant, il a l’éducation, lit le grec, personnifie la sagesse et surtout un amour paternel peu commun, émouvant. Le duo d’enfer, Dorothée et Isabelle la comtesse incontestable, marche sur les flammes de l’hypocrisie et de la haine haut de gamme et navigue sur les marches brûlantes de l’autorité. Aucune, bien sûr, n’est à prendre au sérieux. Vous l’aurez compris, la jeune intruse qui a été monnayée pour renflouer les caisses du comte Anselme est une belle-fille honnie par la belle-mère. Emmanuel-Philibert/Valéry Stasser est le mini mari de cette jeune dulcinée, éperdu d’amour respectueux pour sa maman, éploré de déplaire à son papa, divisé en trois par sa jeune femme exigeante. Un rôle d’un comique absolu mais touchant.
Le mur gris perle de la forteresse est un immense lambris de médaillons, où des trappes secrètes ravissent chaque fois le spectateur surpris. Ainsi jaillissent à tout moment moult objets, accessoires et commentaires fusant de l’intérieur. Notamment ceux d’une domesticité intelligente mais scélérate, surtout roublarde et intéressée, prête à trahir avec la meilleure foi du monde. Sylvio/Emmanuel Guillaume et Agatha/Manon Hanseeuw forment un magnifique duo d’opérette. Cela grince donc dans la demeure. Cependant que le grand Anselme se préoccupe innocemment de ses chères collections, complètement hors-jeu, hors du temps, dans son espace secret, indécrottable égoïste heureux, tout à sa passion des médailles et vieilles antiquités.
On allait oublier Gigi/Maroine Amimi, l’escroc arménien, à lui seul, un bouquet de comique saltimbanque au cœur d’une adaptation succulente et mise en scène électrisante de Daniela Bisconti.
C’est donc avec cette troupe immensément farceuse que le Public célèbre dans sa grande salle l’ouverture d’une nouvelle saison.
Du 1er septembre au 8 octobre:
http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=453&type=1
http://www.atjv.be/La-Famille-du-collectionneur