ET pourtant ...le tango a été longtemps décrié par l’Église pour sa sensualité ! It's an art attack! Et quand le syndrome de Stendhal vous attrape, il n’existe plus ni temps, ni espace, mais un émoi vertigineux. C’est ce qui s’est passé l’autre soir à l’église Saint-Marc d’Uccle qui accueillait le Brussels Philarmonic Orchestra et le chef-d’œuvre choral de la Misa Tango… le « péché mignon du pape François » une œuvre liturgique argentine pour piano, cordes et bandonéon.
«La messe préférée du pape» reçut en effet les honneurs du Vatican en octobre 2013, à Saint-Ignace de Loyola, pour l'ouverture du Festival international de musique et d'art sacré de Rome, dédié au Souverain Pontife. Composée en 1996, dans l'esprit de la Misa Criolla d'Ariel Ramírez, « cette messe atypique de Martin Palmeri offre la part belle aux sonorités de la musique du tango, et a un incroyable pouvoir de séduction qui emporte même qui n’apprécierait pas la musique classique. » Les textes, en latin, et la structure sont les mêmes que ceux utilisés pour les grandes messes classiques, mais les rythmes décoiffent et bouleversent. Ne manquaient que quelques couples de danseurs profanes portés par l’émotion de la musique sacrée! Le corps et l’âme apaisés et réconciliés !
Choix éclectique : En première partie du concert nous avons eu le plaisir d’écouter L’Adagio pour cordes, une courte œuvre majeure du compositeur belge Michel Lysight, présent dans la salle. Une œuvre poignante et forte comme une immense houle bienfaisante, dans laquelle le recours au canon développe une expressivité intense et apaisante! Pour suivre : la Sérénade Op. 22, l’une des œuvres orchestrales les plus populaires qu’Antonin Dvorak composait en mai 1875, en moins de deux semaines quatorze jours. Les cordes tanguent déjà, le battement des pizzicatos des violoncelles annonce la messe argentine à venir. La disposition particulière de l’église avec l’orchestre en son centre permet, si on se trouve sur la droite d’apprécier au mieux les altos, violoncelles et contrebasses. Sous le regard bienveillant de David Navarro Turres, qui dirige l’orchestre, la salle est bondée, et les sonorités chaleureuses se dispersent en de belles harmonies sur le bois de la nef renversée qui surplombe l’ensemble et résonne comme une conque divine. Le finale démarre sur le rêve et le mystère, David Navarro Turres cueille le recueillement et semble donner une leçon de cosmologie en indiquant les étoiles sur la voûte musicale. On reçoit une perception d’infiniment lointain et d’infiniment proche qui se répondent.
Pour l’admirable messe, Le Brussels Philharmonic Orchestra s’accordait avec euphorie avec les longs frissons du Choeur BachWerk, les solistes Pauline Claes (glorieuse mezzo soprano), María Gabriela Quel (les tendres larmes du piano) et Pauline Oreins ( les joies et les sanglots de l’accordéon). Tous, dans une sorte d’état de grâce, dans un mélange de gammes vers l’infini et de vivante humanité ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Dona nobis Pacem ! La requête impérative se fond à l’espérance muette et poignante dans le cœur de chacun.
Commentaires
TANGO.
Corps serré contre corps
Musique langoureuse
L'envie n'est plus frileuse
Si le rythme nous mord!
Et sur parquet ciré
Quand la musique trouble
Que les pas se font double
Rouge s'est invité!
Car si passion existe
Guidée par la magie
De l'envie d'être en vie
Elle est là, sur la piste!
(Extrait de "Vertige" à paraitre aux Editions Baudelaire 2017)
J.G.
Une œuvre "coup de choeur"
Argentine et latine. C’est aux choristes du chef de chœur qu’est Martin Palmeri que le public doit la création de la Misatango ou Misa a Buenos Aires : « J’étais également chef de chœur et pianiste dans un orchestre de tango, raconte-t-il. Comme il n’existe pas de répertoire de tango pour chœur, mes choristes me demandèrent d’écrire un arrangement de tango pour choeur a cappella. Ce fut un véritable désastre : le tango est une culture, un mode de vie qui implique même une façon de marcher. Or le chœur sonnait totalement européen et les voix solistes se perdaient sans intérêt. J’ai donc compris qu’il fallait écrire une œuvre originale. Et comme, à cette époque, je m’intéressais beaucoup à la musique religieuse, j’ai décidé d’écrire une Messe, en gardant le latin qui, pour moi, est la langue chorale par excellence. J’ai commencé à chanter le Kyrie sur un thème de tango et puis le Kyrie s’est terminé naturellement. Le reste de l’œuvre a ainsi suivi. Le Pape François a voulu l’écouter et il l’a recommandée ».
https://www.facebook.com/HuguesduFosseauxLoups/videos/1015509051554...