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SPECTACLES

 Novembre 2021 : reprise au théâtre Varia d’un fracassant « Tramway nommé Désir » dirigé par Salvatore Calcagno

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L’univers de Tennessee Williams  se trouve transposé au cœur d’un été torride  dans un quartier sordide quelque part en Sicile. Oublié, le film d’ Elia Kazan  avec Marlon Brando et Vivien Leigh sorti en 1951 qui avait reçu 4 Oscars en 52 pour son propos fracassant.Le spectateur est pris ici dans un spectacle fleuve serti dans notre propre époque. Les habiles  jeux de lumière sont créés par Amélie Géhin  et les maquillages très élaborés  par Edwina Calgagno. En effet, Salvatore Calcagno conçoit la scène contemporaine comme une rencontre quasi sensuelle de différents langages artistiques.

..Cinématographique: des clips glauques  on ne peut plus chauds signés Zeno Graton, mais a-t-on, vraiment besoin de mettre les points sur les i ?  Faut-il de bout en bout diriger l’imaginaire du spectateur ?

..Musical ah! L’extraordinaire pianiste, le jeune Meraviglioso Lorenzo Bagnati qui crée  au piano un  scintillant  dialogue harmonique avec Blanche et son Gaspar de la nuit! Tout de même un peu long…

.. Chorégraphique, l’Afrique du Nord ou l’Asie Mineure  sont au rendez-vous avec la voluptueuse Rehab Mehal? Bien que de bon ton, dans notre société multiculturelle actuelle, est-ce fidèle  au propos de Tennessee Williams où la fracture socio-culturelle est infranchissable ? Et enfin ..Plastique, ah!  Bastien Poncelet, ce  merveilleux danseur éphèbe  énigmatique et  fascinant. C’est le seul vrai  pôle  de plaisir de ce spectacle multiforme.  

 

 

 On peut imaginer sans mal  la  superbe résidence symbolique de la famille ruinée, parée de hautes colonnes : “Belle Reve” est le nom de l’ancienne demeure où Stella (Marie Bos) et Blanche (Sophia Leboutte) ont grandi dans une splendeur fanée. Un « bon temps enfui à jamais  »  mais très  destructeur  car il empêche Blanche d’affronter toute réalité nouvelle.  Alors  que Blanche   a découvert avec stupeur les relations homosexuelles de son mari, qui s’est ensuite  suicidé,  Stella, sa jeune sœur rebelle  et irresponsable, selon elle,  a fui les lieux avec un amoureux bien en dessous de sa condition sociale. … Toutes choses qui remontent tout de même ?  à une époque assez révolue.  

 

Les mensonges, l’alcool, le sexe et la fumée serviront d’écran  à cette Blanche complètement déboussolée. Néanmoins dans l’interprétation, le rapport entre les deux sœurs ressemble plus  à celui d’un rapport  dominant  et violent mère-fille. C’est dérangeant. Que dirait Tennessee Williams ?

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Ironiquement, l’appartement minable de Stanley et Stella où accoste Blanche, se compose d’une  vague cuisine, d’une chambre et d’une salle de bains sommaire. On n’avait que faire des parties vidéos pour illustrer la misère ambiante. Des fausses perles comme cloisons. C’est tout sauf un paradis. C’est le  lieu terrible  où, une à une, toutes les  affabulations   de Blanche fondront dans une atmosphère suffocante de violence.

 

À la fin, la Stella  décharnée par la pauvreté  ne sera  plus cette jeune femme amoureuse de son mari « parfait » nommé Stanley. Lucas Meister, très physique, est un beau gosse qui bouge comme  un moniteur de Club Med. Craquant physiquement peut-être,  mais entier et immuable dans ses jugements. On peut dire qu’il reste d’un bout à l’autre du spectacle  le même jeune prolétaire arrogant et buté qu’il était au début.  Il  reste bloqué, humilié et  outré par la discrimination et le mépris que lui impose Blanche. Exaspérée par son machisme et son manque d’éducation, elle le traite de Pollack, terme  hautement dénigrant. Campant sur ses positions, il est incapable d’identifier ses propres lacunes et  n’est prêt en rien à changer quoi que ce soit  pour sa femme et son enfant à naître.  Il a une  nature  vulgaire et phallocratique, mise en lumière par les jeux de poker bien arrosés avec ses amis. On retrouve  Tibo Vandeborre dans le rôle ténébreux de Mitch.

 Le contraste  est flagrant   si on le compare avec  l’évolution psychologique et dramatique  des deux sœurs. Si Stella avait accueilli sa sœur dans son foyer au début  avec la plus grande bienveillance, elle  ne peut pas croire que Stanley  se soit rué sur Blanche pour en abuser. Elle la croit définitivement démente  et laisse les médecins emporter sa sœur ravagée par l’alcool et les désillusions vers l’hôpital psychiatrique. Ceci nous ramène bien sûr  à une image du profond malaise et  à l’isolement dont souffrait Tennessee Williams, vivant difficilement son homosexualité dans un  contexte d’exclusion toxique à l’époque.

 

Blanche, telle une star déchue omniprésente et intense,  n’est plus qu’une ruine. La femme coquette qui n’a jamais été désirée par son mari - c’est bien  là le drame -  a tout perdu et s’est  jetée à corps perdu  dans la promiscuité pour rassasier sa  faim désespérée d’amour et d’argent. Pathétique et plus démunie que tout, elle brandit désespérément  son dernier  rêve puéril de rejoindre un hypothétique “beau” qui refera d’elle une princesse. Hélas,  c’est le superbe porteur de fleurs androgyne (Bastien Poncelet)  qui annoncera la victoire de la Mort sur le Désir : l’emblème de sa Vie.

 

Dominique-Hélène Lemaire

Un tramway nommé Désir

Tennessee Williams

Traduction inédite Isabelle Famchon
Direction artistique et mise en scène Salvatore Calcagno
Avec Lorenzo Bagnati, Marie Bos, Salvatore Calcagno, Sophia Leboutte, Réhab Mehal, Lucas Meister, Pablo-Antoine Neufmars, Bastien Poncelet, Tibo Vandenborre

 

Créé  originellement au Théâtre de Liège

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    ARTISTES EN EXIL

    Le salut - Après les Troyennes

    Après les Troyennes – l’équipe artistique

    Des femmes et des hommes jouent Les Troyennes d’Euripide depuis la nuit des temps. Ces dernières sont comme leurs interprètes, chargées d’exils, de colères, de blessures et le moment est venu pour elles de dire leur vérité. Elles sont Hécube, Andromaque, Hélène ou Cassandre. Elles sont les artistes en exil. Elles sont leur mémoire.

    Sur la scène et sous l’œil-caméra qui pourrait être celui de Polyphème, on saisit chacune dans son destin singulier en même temps que toutes forment un chœur dont la beauté est capable d’arrêter les forces délétères du monde, et de faire naître de nouveaux espoirs.

    C’est en 1989 que remonte la source de cette création. Le metteur en scène belge, Thierry Salmon (1957-1998), se lançait alors dans la prodigieuse aventure de mener un travail itinérant et progressif qui le conduirait à présenter l’œuvre d’Euripide en grec ancien et avec un ensemble de 34 comédiennes.

    Claudio Bernardo assiste à la dernière représentation du spectacle donnée à Bruxelles. Le moment est inoubliable. Pas seulement parce que le spectacle est d’une beauté et d’une force inouïes, mais parce qu’il ramène le jeune homme et le jeune artiste qu’il était encore à son propre exil et aux milliers de kilomètres qui le sépare du Brésil, son pays natal.

    APRÈS LES TROYENNES

    Plus de trente années ont passé. Si on retrouve dans son Après les Troyennes, le récitatif et les notes chorales des chants que Giovanna Marini avait composés pour Les Troyennes de Thierry Salmon, ainsi que la présence de certaines actrices, on y découvre aussi des entrelacs entre le passé et le présent, entre la tragédie antique et le monde contemporain. L’exil n’a ni âge, ni fin. Il est le commencement de l’humain…


    • LIEU: GRAND VARIA
    • PUBLIC: TOUT PUBLIC (14 ANS ET +)
    LES HORAIRES

    Dans ce spectacle sur la mémoire, la transmission et l’exil, Claudio Bernardo convoque autant la danse que le théâtre, le documentaire, la musique et le cinéma pour donner puissance et amplitude aux dernières heures de la vie d’une troupe d’artistes, et aux aveux qu’elle va faire avant de donner son ultime représentation.

    A voir au Grand varia du 10 au 18 décembre 2021

  • administrateur théâtres

    TRAVAILLEUR JETABLE

    Ouragan - Ilyas Mettioui

    Ouragan – © Zoe Janssens

    Seul dans son appartement, ce livreur de nouilles à vélo, cet « indépendant complémentaire », ce travailleur jetable, se noie dans la fumée des pétards et de ses idées noires. Confronté aux violences sournoises de la jungle urbaine, il cherche l’apaisement quand son réfrigérateur se met à fumer. Il se lève pour régler le problème et c’est là qu’un deuxième Abdeslam apparaît, puis un troisième, un quatrième et un cinquième. Début de schizophrénie, abus de marijuana ou fatigue exacerbée ? Peu importe, Abdeslam ne peut être réduit à une seule case. Il est multiple, il est quintuple, et il va devoir concilier ses différentes personnalités pour trouver en lui cette paix dont son prénom est annonciateur.

    OURAGAN – mais le spectacle aurait tout aussi bien pu s’appeler DOUCEUR ou VIOLENCE, c’est la nuit d’insomnie d’Abdeslam, un prénom qui n’a jamais été facile à porter, ce qui est curieux, car Abdeslam en arabe signifie “porteur de paix”.

    A voir au Petit Varia du 9 au 16 décembre 2021

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