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Publications de Josette Gobert (307)

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La lettre

Les beaux jours de printemps sont partis et il reste un ciel gris et nuageux.  J’attends derrière ma fenêtre un signe de vie, une lettre, un mail qui terminera cet enfermement dans lequel je suis depuis des semaines. J’attends en effet des nouvelles qui n’arrivent pas.  Debout et désarmé, face à la vie, je me trouve lamentable de tristesse, de lâcheté. Je n’ai pas le courage de finir ce qui est commencé.  Mettre fin à cette situation qui n’avance pas. Arrêter d’attendre misérablement qq chose qui ne vient pas comme si ma vie en dépendait. J’accepte cette punition que je m’inflige à moi-même, comme si souffrir m’aidait à accepter plus facilement l’inévitable.

J’ai toujours revendiqué, cherché la liberté dans ma vie, dans mes pensées et me voilà, enchaîné à du courrier qui n’arrive pas et qui me rend laid.

Qq mots écrits à la hâte me suffissent, juste qq mots pour me rassurer, finir et arrêter ce silence pesant, envahissant.

Ma tête est remplie de souvenirs, de mots, de promesses, de serments que les hommes savent inventer pour rendre la vie belle.  Mon cœur, qui bat la chamade, a cru à toutes ces paroles écrites et postées. Il ne reste rien ce matin qu’un silence dans le quel je vis malheureux depuis trop longtemps. Je me rassure comme je peux chaque jour et recommence le soir pour prendre espoir. Peut-être demain. Peut-être après demain.

Au fond de moi, je sais que la lassitude a fait son travail,  que l’ennui avant l’oubli a usurpé son cœur et séché sa plume. J’expie ce plaisir qui m’envahissait de lire son courrier et subis cette sanction.  La vie est ainsi faite, l’absence efface les traces de bonheur et les remplace inévitablement par autre chose. La vie se charge de pondérer calmement les sentiments pour les gommer au fil du temps. Ne reste que les poètes pour s’en rappeler et continuer à vivre avec les souvenirs enfuis.

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Printemps

Saison du renouveau de la nature

Dans nos cœurs, bourgeons de fleurs

Brasées de jonquilles et de violettes

De baisers, d’étreintes et de caresses

Saison du renouveau de la vie

Joli  minois, joli bébé, joli poupon

Au bal de notre destin tu es le premier

Ton étoile nous comble de joie

Saison du renouveau de l’amour

Certitude d’une espérance nouvelle

Pour renaître au plaisir ensemble

Nous serons deux à aimer follement

Le printemps qui s’annonce passionnément.

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Un quai de Paris

A la nuit tombée, sur un quai de Paris baigné de brouillard, où passent les ombres d’un pas rapide, je sais qu’elle m’attend. Comme tous les lundis depuis notre rencontre, elle est là dans cette lumière blanche, son col retroussé, à m’attendre. Souvent elle s’abrite du vent ou de la pluie sous cette porte cochère qui en a vu des amours défiler.

Mais ce soir, je ne viens pas, je pars ailleurs. Je ne lui ai rien dit par lâcheté, pour ne pas la blesser de ma propre bouche, de mes mots. Des paroles que je ne veux pas prononcer et qui me font peur. Elle mérite autre chose et ne comprendra pas que c’est parce que je l’aime que je veux la quitter.  Je ne veux pas pour elle une vie de misère. Je ne veux pas de jours sans fin. J’ai besoin d’être seul pour accomplir ma destinée. Je ne peux pas vivre dans une routine étouffante et malsaine.

Un soir d’été, sur ce quai, à la recherche d’un peu de fraicheur, elle était là, dans sa jolie robe légère, les cheveux attachés par un foulard de soie. Nos regards se sont croisés une première fois et j’ai vu ses yeux d’un bleu qui fait voler les âmes dans le ciel et son sourire lointain. Elle n’est pas là pour moi.

L’impression de la connaître, de l’avoir déjà vu, tout son être me parait familier et inconsciemment, mes pas me portent une seconde fois vers elle. Son visage profond me regarde avec un sourire mélancolique, je la vois perdue dans ses songes et se concentrer pour paraître joyeuse.

Au fil des semaines, notre rencontre fortuite se transforme en une passion peu commune, qui nous brûle tous les deux le cœur et le corps. Une passion qui me remplit la tête du soir au matin et qui ne me laisse plus de repos tant mes sentiments sont forts, sincères. Mon univers a basculé et est devenu viable, l’air subitement respirable, le temps accessible et mon âme tourmentée apaisée. Grâce à elle, mon présent prend forme et une rage de vivre se répand dans mes veines.

Nos vies se voient chaque lundi soir sur ce quai où les corps et les âmes se promènent dans l’obscurité, se cachant des vérités et ne voulant pas mettre au jour cette réalité qu’est l’amour. Toujours furtivement sans qu’elle n’exprime une certitude, je la suis vers notre nid de fortune.

Mes questions restent souvent sans réponses et dans ce climat évanescent, voir immatériel, nos vies se rapprochent pour mieux se séparer.  Mais l’attente me pèse, me tue. Déjà je ressens la  lassitude dans ses yeux et mon bel amour m’échappe un peu plus à chaque rencontre. Je la sens déjà lointaine sans pouvoir la retenir. Elle dit que non, que tous nos serments sont un ciment qui nous réunit à jamais. Le temps est passé et il faut rendre ce bonheur au diable pour qu’il s’y repaisse enfin.  

J’ai besoin de volonté pour briser cet amour qui me ronge et c’est en lâche que je vais y arriver. Sans explications, je pars comme un voleur, comme un assassin. Je quitte cet amour qui me mine et m’étouffe.

Sa vie est ailleurs sans moi.

 

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Papa n’est pas raisonnable.

Tous disent que je suis trop vieux pour rester seul. Je tombe souvent. J’ai du mal à me relever. Parfois je reste assis des heures par terre. J’ai de bons enfants, ils sont très attentifs à moi et à ma santé. Ils n’aiment pas me savoir seul.

Cette fois, c’est la chute de trop. Mes enfants sont fâchés, toujours tomber au risque de me casser, me rompre, me briser les os. C’est pour mon bien, je ne peux plus rester seul. Mon fils me le répète quand il vient me voir le jeudi matin entre deux rendez-vous. Papa, tu es trop vieux pour rester seul. Je ne réponds rien pour ne pas lui déplaire.

Mais non, je ne suis pas vieux, je suis âgé. Le reste de ma vie est à moi, et si je fais tout au ralenti, c’est pour mieux profiter encore et encore,  savourer les heures, les minutes, les secondes.

Mes enfants sont occupés, trop occupés, toujours pressés alors que moi, j’ai plus de temps qu’il n’en faut. Ils courent, s’énervent, s’exténuent pour un rien. La vie moderne est fatigante.

Je suis bien chez moi et j’ai peur quand ils viennent me voir maintenant. Déménager à mon âge. Perdre mes repaires et tout ce qui a fait ma vie, mes joies, mes bonheurs, mes tristesses.  Non, je suis bien ici même si je tombe parfois.  Les souvenirs d’un destin passé sont ici, l’amour que j’ai donné est en partie sur ces photos jaunies accrochées au mur. L’amour que j’ai reçu est gravé sur mes rides, sur mon cœur. Seul mais qui n’est pas seul quand l’âge fait que la famille s’étiole, que les amis disparaissent.

Mes enfants disent : papa, tu n’es pas raisonnable de rester seul ainsi. Je suis avec ma vie passée à vous aimer, à vous chérir. Je vis toujours avec mes êtres chers. Mes souvenirs sont ma vie et ma vie est ici. Je me souviens quand j’ai acheté cette jolie maison et comme votre mère l’aimait.

Ils sont venus avec des dépliants, des brochures me montrer des homes, des maisons de retraite médicalisées ou pas. Je n’en veux pas.

Partir vers l’inconnu à mon âge. J’aime ma solitude, mon isolement, le calme de mes soirées en tête à tête, la douceur de mes vieux murs. Mon journal que je lis toute la journée et avec qui je me tiens informé.

Et cette chambre chérie, ce vieux couvre-lit, ces tapisseries bleues que votre mère a voulu. Elle riait de voir ma tête dans ce décor. Elle aimait la couleur du ciel et prenait le temps de le regarder chaque jour. Elle était heureuse disait-elle dans cette chambre ouverte sur notre jardin.

Elle est partie trop tôt comme partent les illusions. J’ai beaucoup pleuré dans cette chambre, de tristesse et souvent de bonheur. Les enfants sont gentils mais ils ne savent pas, ne connaissent pas la saveur de ces larmes de joie et le manque qu’elles laissent en partant.

La vie a été agréable,  j’ai eu des moments merveilleux. Je n’ai plus beaucoup d’exigences mais  je ne finirai pas comme ces personnes alignées dans ces salles et où pour les distraire, des chanteurs viennent avec des chansons d’un autre temps les réconforter de tant de tristesse.

Papa n’est pas raisonnable.

Je reste chez moi..

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L'enfant qui ne sourit pas JGobert

L’enfant qui ne sourit pas

Est un véritable mystère, une énigme

Pour ses parents et sa famille.

Accueilli avec tout l’amour de la terre

L’enfant qui ne sourit pas

 Reste de glace et toise de son regard froid

Le visage aimant de sa maman et sa famille.

L’enfant qui ne sourit pas

 Contemple la vie devant lui

Comme venu d’un autre monde

Où les rires ne sont pas inscrits.

L’enfant qui ne sourit pas

Est beau comme une statue de marbre blanc

Où l’amour jaillit sur lui, ne faisant que passer

Et laisse des traces chagrines

L’enfant qui ne sourit pas

Est doux comme la délivrance du monde

Son regard se pose parfois pénétrant

Sur l’amour de l’univers sans sourire.

 

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Un vieux livre de poésie

Un très vieux livre posé sur une étagère, recouvert de papier d’école pour le protéger de l’usure du temps. Jauni mais en bon état, il a été édité du début du siècle, il est daté de 1903. Son titre : Anthologie des poètes lyriques de France et de l’étranger du Moyen Age à nos jours et signé par l’auteur Yvan Fonsny .

Un livre trouvé sur une brocante et offert par une personne qui aime la poésie. Un trésor de textes, de poèmes, de chansons, le tout repris par date et époque, le Moyen-âge, la Renaissance, la Poésie lyrique, le Romantisme, les Parnassiens, les Précurseurs du Symbolisme, les Poètes Nouveaux, les Chansonniers. Dans ce livre est noté tout ce que la poésie a donné de beaux, les écrits sont ici  transcrits entièrement, intégralement et accompagnés de commentaires.

 C’est une livre magique  comme en possèdent les magiciens, les fées. Posé maintenant sur une table, il s’ouvre sur des chefs-d’œuvre de la littérature et après avoir feuilleté avec volupté ce livre fragile, le choix s’arrête sur le Romantisme et commence la grande quête de plaisir sans nom de ces lectures mainte fois répétées, recommencées.

 Le temps n’est plus nommé tellement la poésie est belle, profonde. Cette poésie  envahit le lecteur dans ce qu’il a de plus cher. Une page s’ouvre et c’est l’oiseau avec son aile pendante qui lassé d’un long voyage vient offrir son cœur à ses petits affamés. Pour toute nourriture, son amour sublime bercé par la douleur et partageant ses entrailles avec eux avant de mourir.

 Et ce crapaud à la fin d’un orage, au fond d’une ornière, regardait le ciel se demandant pourquoi tant de laideur et de souffrance. Et l’homme passant devant lui, voyant cette bête hideuse lui mit le talon sur la tête, une femme lui creva un œil. Pourquoi tant de cruauté ?  Le baudet, surchargé, saignant de ses pauvres sabots fit qq pas de côté pour ne pas écraser l’infâme. La bonté de cet âne abject, souillé, meurtri sous les coups fut le trait d’union entre ineffable et le suprême.

 Et ce loup qui pour sauver sa famille se fit rempart et se laissa mourir, tuer. Il fit face à son destin les pattes bien droites, la tête haute et les yeux plongés dans ceux de ses bourreaux.

 Que de souvenirs inscrits à l’encre indélébile.

 Où donc est le bonheur ! Redemander cet âge où l’on ne dormait pas,  se dire qu’on était bien malheureux, bien triste, bien fou et que, plus vieux de 10 ans, s'enfermer tout un jour pour relire avec pleurs qq lettres d’amour. 

Si jamais  à l’heure où tout sommeille pleurer comme un enfant à force de souffrir et cent fois crier son nom du soir à l’aurore.

Poète, prends ton luth qui t’a vu triste et silencieux. Crois-tu que le vent d’automne se nourrit de larmes et non de chants. Sais-tu que les plus désespérés sont les chants les plus beaux. Et j’en connais d’immortels qui sont de purs sanglots.

Vigny, Musset, Hugo, Lamartine

JGobert

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Neuf ans JGobert

J’ai neuf ans et les préparatifs pour mon départ se font.  Un petit sac de toile où maman entasse mes quelques affaires. Dans ce bourg écrase de soleil l’été, je joue dehors avec les gamins de mon âge. Notre terrain de jeu est rocailleux, poussiéreux et notre cabane, un vieux véhicule décharné, abandonné sur le côté d’une route. Mon village est miséreux avec une petite école et sa cour.

Des chèvres malingres vivent en liberté. Les maisons aux toits plats sont tristes. Les habitants désertent cet endroit. Il fait si chaud l’été que la végétation s’étiole, la flore pousse le temps de verdir la nature et grille.  Après ce printemps de courte durée, une chaleur suffocante s’abat sur nous et  nous colle à la peau.  Dans le village, les anciens, assis à l’ombre boivent du thé et dans un geste machinal chassent les mouches. Ils regardent passer l’invisible.

Aujourd’hui je pars pour le pensionnat dans une grande ville, j’ai été sélectionné parmi les élèves de mon âge pour faire des études. Toute la famille est fière de moi et c’est en bon petit soldat que j’attends le bus qui va m’emmener vers l’inconnu. Droit devant moi, mon père, lettré, érudit, sait que l’éducation peut me sortir de ma misère et prétendre à une vie meilleure.  Sous ce ciel aride, seuls les instruits ont une chance.  Fier que son fils ainé parte pour le pensionnat, les larmes sont interdites, il ne montre pas son émotion et balayait d’une main ferme les femmes qui pleurent.

Dans le bus qui me conduit dans ce nouveau monde, je ne suis pas seul. D’autres gamins sont là, eux aussi choisis sur leurs petites compétences. Un grand garçon au fond du bus fait déjà figure de caïd, de chef. Il parle haut et les autres, intimidés le regardent avec respect. Dés neuf ans, la loi du plus fort s’applique. Prés de moi, un petit garçon malingre avec de grosses lunettes, un autre avec le regard triste et un plus petit qui pleure. Quelques rangées plus loin, un garçon au visage d’ange que sa maman a habillé d’un col blanc et qui me sourit. Le bus est presque plein et cette fois, le voyage nous emmène dans la grande cité où nous allons vivre.

 Apeuré et fébrile après des heures de route, j’attends que le bus s’arrête, ramasse mon petit sac en toile et arrive devant cette porte grande ouverte et donnant sur une immense cour. Des bâtiments à étage se profilent au fond et la hauteur des étages me fascine.

Bien rangés comme des petits soldats de plomb, chacun a reçu son affectation, le numéro de son étage, de sa chambre et de sa classe. Deux heures pour s’installer, rendez vous au réfectoire et ensuite premier cours pour faire connaissance avec le personnel.

Mon petit copain  au visage d’ange ne me quitte plus. Il est tellement apeuré qu’il en trébuche. Quelques uns déjà se moquent de lui. Je me sens aussi un peu à l’écart. Les découvertes sont nombreuses, l’eau courante, les éviers, les douches, les lits superposés et chacun une armoire de fer. Le luxe pour nous qui ne possédons rien.

La rencontre avec le personnel dans la cour sous un soleil de plomb fait un peu retomber notre euphorie et notre excitation. Alignés sans bouger pour entendre le règlement, nous comprenons qu’ici, un seul mot prédomine : « Etudier »  

Après avoir reçu cette batterie de renseignements sur ce que ma vie sera les prochaines années, c’est assis dans un coin que mes pensées rejoignent mon petit village là-bas au bled. Les amis restés au village me manquent. Ma rue couverte de caillasses, de poussière, mon ennui, ma misère me manquent. Et toujours dans mon cœur, cette famille, mon père droit et inaccessible,  ma mère et mes petits frères et sœurs.

Mon compagnon de misère n’a pas résisté longtemps et a dû partir, souffrant d’une maladie sans nom.

J’ai donc étudié pour moi, pour lui.  Je m’en suis bien tiré. Quand j’ai reçu le certificat, c’est vers l’adolescence que je pars en changeant d’établissement. Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ma vie.

JGobert

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Le chant du cygne

Un endroit hors de la civilisation, sur un coin de terre où la nature sauvage se couvre de beauté, d’éclat, de bonheur. Des forêts, des lacs à en perdre le sens du temps. Ils s’étendent là sur des espaces vierges, intactes d’innocence.

 Au petit matin, une brume légère couvre la terre, le soleil apparaît timide et les nuages se cachent pour ne pas léser le bleu du ciel.  Un joli lac est posé dans ce coin de paradis, couvert de bleu, entouré de roseaux se balançant au gré du vent. Il vit là, immuable.  Le léger bruit de son remous ne dérange personne. Il est  seul, un peu  isolé dans cette grande forêt protectrice.

Les voisins, des batraciens lui rendent visite et en font leur nid quand le besoin s’en fait sentir. Alors le destin se met en mouvement et le bruit de la vie renaît. A la saison des amours, ils sont parfois des centaines à revenir chez lui et lui rendre la vie qu’il leur a donnée. Dans son sein vivent des poissons centenaires qui disparaissent aux moindres bruits, aux moindres murmures..

Souvent des oiseaux s’arrêtent le temps de reprendre leur souffle avant de continuer leurs migrations.  Des oies sauvages, des canards, des cols verts, des hérons, tous sur le chemin de l’exode annuel, salvateur,  cherchant la chaleur des pays lointains et fuyant le froid et le gel. 

Chaque année, à la même époque se posent des cygnes migrateurs, gracieux, augustes, par leur éclat parfait, d’un blanc immaculé, irréprochable.  La beauté éthérée à l’état angélique. Seul le bec, les yeux, les pattes  montrent un peu de couleur. La grâce dans ce qu’elle a de plus beau. Leur long cou à la fois souple et royal  tient la tête à bonne distance et le regard fier, il regarde au loin, se déplaçant chaque jour comme dans une chorégraphie digne de Tchaikovsky...

Le soir, à la tombée de la nuit, le soleil couchant couvre le petit lac d’un voile scintillant d’étoiles, faisant  balancer les ombres, les silhouettes. Dans la pénombre de la nuit dansent les ballerines blanches des ballets de jadis.

Cette année encore, un couple royal de cygne majestueux vient se poser sur ce coin de lac gardé par les dieux. Ils ne sont plus jeunes, les années sont là, déjà lourdes à porter. Leurs regards s’associent encore, facilement. Ils vivent ensemble pour la vie. Un trait de caractère à cette espèce d’oiseau monogame qui trace ainsi son chemin.

La vie en communauté se veut discrète, réservée.  Le cygne  est un animal silencieux et sa vie est faite d’herbage, de petite pêche et de voyages. Il émet un cri  dans une et seule circonstance. Un cri, un chant qui lui vient de la nuit des temps. Certain l’appelle le chant du cygne.

L’histoire se grave dans les mémoires comme un avertissement,  comme une affirmation que la vie est toujours un mystère ainsi que l’amour.   

Après une vie bien remplie, le  grand cygne se meurt. Dans un cri venant de ses entrailles, il rompt le silence et se met à chanter. On peut l’entendre à des kilomètres. Un son poignant comme celui d’un cor, d’un instrument symphonique. Il entame alors une lamentation plaintive, un hymne encore plein de ferveur et de tristesse.  Sa compagne le regard, le cou baissé, les yeux dans l’eau. Les autres membres du clan se sont éloignés. A l’écart, ils l’observent sans bouger, sans se déplacer.

 Sa compagne de vie sait que le dernier rite commencé ici sera funeste. Un rite à la vie, à la mort. Le son  de ce chant devient pénétrant, cruel, inéluctable même. Il perce les oreilles et les cœurs.

Dans cet étrange chant d’adieu à la vie, le cygne meurt et rejoint son étoile. Sa fidèle compagne le regarde une dernière fois et  s’éloigne des lieux, laissant le corps de son ami seul et à la dérive pour disparaitre à jamais. Elle-même à sa part de tradition dans cette mort, et à son tour, après avoir jeté un dernier regard derrière elle,  prend son envol et quitte le lac maudit. Le cœur triste, elle part et se sépare de sa communauté pour toujours. L’histoire le veut ainsi.  Elle ne reviendra plus.

 

 

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Noir JGobert

De retour dans la petite cour du Charbonnage, sur les lieux même de mes jeux, je me rappelle des souvenirs que grand-mère me contait. Elle disait : aujourd’hui, nous passons par la grande porte, la mine est ouverte depuis qq heures et la haute grille de fer nous ouvre les bras.

5 heures du matin, la  nuit est noire et profonde, on entend le bruit des sabots  à la ronde, ils arrivent, approchent…

Dans le martellement des pavés se regroupent les hommes vêtus de bleus, du petit foulard noué autour du cou et de la lampe au carbure à la ceinture.  Il fait froid ce matin comme chaque matin de leur vie. Ils se dirigent tous vers les hauts bâtiments pour y poser leurs affaires, passant encore à demi endormis devant la petite chapelle aux vitraux à peine éclairés.

Tous attendent et se retrouvent devant la fosse, ouverte et béante avec l’affreux bruit de chaine qui fait frissonner.  Arrive le premier plateau où les hommes se glissent, se tassent, serrés les uns sur les autres, pour descendre au fond de la mine remettant leur âme à Dieu ou au diable. Ils descendent, tombent pour aller rejoindre l’immonde espace de leur poste de travail.

En surface, la cour s’anime, s’active, la rangée de bureaux face aux hauts bâtiments s’éclairent, employés et comptables s’installent. Les livreurs à chevaux sont déjà là et attendent de décharger leurs marchandises.

Au loin, on entend les wagonnets circuler sur les rails en fer, les hommes vont et viennent, tous à leur poste.

Au fond de la mine, les hommes ont chaud, couverts de sueur et de larmes,  ils sont déjà tout noir de charbon. Leurs yeux éteints, flétris survivent dans l’atmosphère irrespirable de la fosse.  L’air est impur et beaucoup déjà sont malades de cette poussière qui entre partout.

Les minutes passent, les heures passent, la vie passe….

Grand-père est un homme de grande stature, 1,90 m aux cheveux noirs, avec une large moustache recourbée dont il était très fier, ses yeux bleus adoucissent ce visage fatigué par le travail. Il aime sa famille, son fils et ses filles.  Le dimanche matin, il s’amuse avec ses pigeons.  Il affectionne le jeu de balle sur la place du village, la musique, l’harmonie et la petite fanfare qui lui ravit le cœur.

Sa vie est difficile, il va aussi au café avec ses frères et ses cousins, boit facilement pour étancher sa soif de vie qu’il sent partir un peu plus chaque jour.

Sortir vivant de la fosse vaut bien un petit verre.

Grand-mère raconte cette vie sans haine, ni regrets, c’est la vie de mineur pas plus pas moins et elle dit que tout compte fait, ils vivent bien par rapport à d’autres qui sont dans la misère.

Les frères de grand-père sont partis trop jeunes, lui a combattu et a perdu contre cette maladie. Il est parti aussi.

Il y a encore tellement de choses à raconter sur ces gens que la vie n’a pas gâtés et que la mort a suivi pas à pas impitoyable, inexorable sans leur laisser le moindre répit.

Vie de mineur, vie de malheur disait-on !!!

Au cimetière, grand-mère a rejoint grand-père bien longtemps après sa mort, elle a continué sa vie seule avec son souvenir. Toujours vêtue de noir pour que l’on n’oublie pas que le noir est la couleur du charbon.

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Bruit et fracas JGobert

 

Un paysage de campagne, des petits vallons qui s’étendent à perte de vue. Au loin, une vision surprenante, des rangées de peupliers, des vieux saules coupant par intervalle régulier l’horizon. Construite au flan d’une petite colline,  je vois se lever le soleil chaque matin depuis très longtemps. La vie s’écoule douce, elle s’égraine avec bonté depuis l’époque où rayonnante, je faisais le bonheur de mes propriétaires.  Je ne suis plus toute jeune.  J’en ai vu des évènements défiler durant toutes ces années.  J’ai vécu des temps heureux, des temps difficiles. Ils se sont succédé me laissant satisfaite, parfois amère. Aujourd’hui, ma vieille charpente chancelante sert de souvenirs, de mémoire de bois.

Depuis que mes propriétaires sont partis,  les gens de la ville viennent s’installer chez moi les mois ensoleillés et me font revivre des heures agréables, savoureuses parfois.  Je ne suis pas grande, ni belle  mais j’ai un certain charme.  Le lierre qui courre le long de ma façade me couvre de couleur et me divertit. Les portes et les fenêtres sont face à la cour du bâtiment, protégées et défendues des vents. Ma cour pavée me donne l’aspect d’une entrée de ferme avec mes vieux bacs en pierre et mon tas de bois d’un autre temps. J’aime le bruit des pas sur les pavés qui m’annoncent une visite. Le porche couvert d’une glycine mauve abrite une multitude d’oiseaux qui répandent la vie contre moi.

 Caché derrière la remise, un petit jardin aux herbes folles. Balayé par les vents chauds de l’été, il garde un vieux banc défraichi et recueille les projets d’avenir, les confidences et les mots d’amour de jeunes amoureux.  A qq mètres de là, un peu à l’écart,  dans un carré de fleurs sauvages  se noie un étang minuscule où les grenouilles élisent domicile.

Les saisons défilent et sont une succession de tableaux de maître où les couleurs  vivent, existent, subsistent comme sur la toile d’un peintre. Le printemps renait avec ses bourgeons, ses arbres en fleurs, ses prés couverts de pâquerettes, et de pissenlits qui sentent si bon la campagne. Toute une palette de couleur nait chaque année devant moi. L’été arrive avec ses longs jours brûlants et moites. Le vent chaud fait danser les champs couverts de blé d’or et les coquelicots dans un décor magnifique. Les orages de chaleur et les pluies d’été s’abattent sur moi,  me rafraichissent et me permettent de reprendre mon souffle. C’est avec délice que j’écoute le cliquetis de l’eau jouxtant mes pieds et me divertissant. Les moissons s’annoncent belles cette année.

Au fil des saisons, tout se métamorphose, apparaissent les couleurs d’automne. Le brun, le vermillon, l’ocre, l’or  se déposent sur les fleurs, les feuilles, les arbres. Les fleurs se fanent doucement tristement. Les feuilles meurent, s’envolent, tourbillonnent et recouvrent le sol d’une tapisserie de regrets. Les arbres nus pleurent une telle laideur.

Le froid sec arrive à grand pas et enjambe la nature d’un coup. Le gel immobilise le temps et le fige. L’hiver, fait de petits jours, est admirable, remarquable. Je suis heureuse d’être dans un tel décor.

Certains hommes aussi vivent au rythme des saisons et des récoltes, les femmes aussi s’occupent, les enfants jouent, courent.

De cette petite colline, tôt le matin, je les vois partir aux champs depuis des années. L’échine baissée et le corps meurtri mais heureux d’être là. Et un jour, je les vis partir à la guerre, la vilaine guerre laissant femmes et enfants. Après les sillons rectilignes des champs, ce furent les larmes qui formèrent des rides sur le visage des femmes et les cœurs s’emplirent de chagrin. Une grande grisaille s’abattit sur nous. Cela dura longtemps.

Un matin, ils sont rentrés, joyeux mais tristes, transformés par ce qu’ils avaient vu. Ils ne furent plus jamais les mêmes. Ils avaient perdu leur innocence, leur authenticité, et connu des moments amers. A travers eux, j’ai  perdu mon insouciance, ma transparence. Les larmes du  bonheur retrouvé se transformèrent en larmes d’épreuves et de chagrin.

Mes volets restaient fermés, interdits, clos à la vie. Les hommes souffraient en silence.  Chacun tenait sa peine cachée et cherchait l’oubli, la paix. Mes murs se couvraient de noir et certains hommes sont repartis pour ne plus jamais revenir.

Mais la vie reprend ses droits. J’ai connu d’autres épreuves. Un chagrin en a chassé un autre pour finir par accueillir, recevoir enfin un petit bonheur, une petite joie et l’oubli.

Les saisons sont le rappel de la vie. Ma colline bercée de lumière ne m’a jamais déçu. Elle a changé. D’autres bâtisses se sont s’intercalées entre moi et l’horizon. Le petit ruisseau a été détourné et ne passe plus à mes pieds. Les pavés sont usés et le petit banc a disparu. J’ai toujours mes vieilles portes vermoulues et le porche a cédé l’hiver passé. Les gens de la ville ne viennent plus passer l’été chez moi. Je suis seule. Je deviens trop vieille, une vieille maison sans chaleur, sans visite, sans vie.

 Hier matin, J’ai entendu un grand fracas dans la cour, le bruit d’un marteau qui cognait contre moi.

Un homme a posé un panneau «  A vendre »

 

 

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Monnaie d'échange

Assis par terre, j'attends dans ce trou de misère que l'on vienne me chercher.

Il n'y a pas si longtemps, j'étais à l'aéroport et je prenais un billet pour rejoindre mes amis. Ceux-ci sont membres d'une ONG et travaillent en Afrique. J'ai toujours voulu aller en Afrique et l'occasion s'est présentée.

Je suis parti. Je n'ai pas pris de valises, juste un sac à dos.
Mon ami Pol m'attend dans le hall d’arrivée et m’accueille avec un sourire de satisfaction. Direction l'ONG, une voiture nous attend et nous partons. Les routes se suivent et changent au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans cette région désertique. Les pistes sont longues et le paysage est à perte de vue. J'aperçois au loin des arbres malingres et des végétations sauvages  qui font le décor grandiose de cette savane. Arrivés au camp de base, des tentes nous attendent et le cuisinier nous offre un repas sommaire et néanmoins bon. Ma tente se trouve un peu à l'écart et après toutes ces heures de route, je m'étends et dors.

Pol est médecin, il s’occupe de la population qui accepte de se faire aider. Tout se soigne avec peu de moyen et c’est souvent contrarié que je le retrouve le soir au repas. Le cuisinier est un ancien détenu qui a coupé les ponts avec ce que l’on appelle la civilisation pour vivre ici avec ceux qui n’ont rien ou si peu. Chacun peut compter sur lui. Grand, fort, c’est un rempart contre la déprime.

Je m’occupe et j’ai amené mon appareil photos. J’arrive à m’isoler qq fois dans des endroits magnifiques, où la solennité des lieux me donne à réfléchir. J’attends le lever du soleil ou son coucher et j’écoute le bruit du silence.  Parfois une chèvre squelettique, échappée de son enclos, s’approche, curieuse, et me regarde étonnée.

Un jour, fatigué,  allongé à même le sol, je m’endors. Un bruit sec me réveille et me ramène en qq secondes à la réalité. Me voici prit comme un rat, chahuté et bousculé par des hommes d’arme peu reluisant et déterminés à me faire voir la vie d’une autre façon. Je serai une monnaie d’échange pour la croisade qu’ils mènent. J’ai juste le temps de ramasser mon sac et me voici parti, enchaîné à travers ces contrées devenues subitement inhospitalières.

Après des heures de marche, un camp, dissimulé entre des vieux troncs d’arbres séculaires et des rochers, donne enfin un peu d’ombre. Un trou à même la pierre sera mon cachot fermé par un assemblage de grillage. Posté devant ce trou, un homme monte la garde.

Je ne réalise par encore ce qu’il se passe réellement et reste prostré, assis par terre. Mes pieds meurtris, mon dos baigné de sueur et une soif qui ne me quitte plus. En qq secondes, défile ma vie et les souvenirs se bousculent dans ma tête. Me voici réellement prisonnier. Moi qui ai toujours vécu de songes et d’illusions, la réalité vient de me faire un coup bas et me met ainsi face à ma vie, ma réalité.

Allongé sur cette terre lointaine où les bruits résonnent comme des coups, face à moi-même, je ne sais plus quoi penser si ce n’est « sauver ma peau»

Prisonnier d’une bande de guerriers d’un autre temps, me voilà démuni et seul dans cette fournaise. Tout afflue dans ma tête, ma vie, mes amis de l’ONG.  Je revois mon père, ma mère, mon besoin de liberté, mes rêves de voyages, mes envies, mon amour déçu, ma décision de partir, ma belle assurance d’avoir fait le bon choix. Et maintenant, derrière ces grilles, ma peur, mon effroi, mes désillusions, mes déceptions, mes frayeurs d’être perdu à jamais, mort et abandonné.

Muré, prisonnier dans ce coin de misère, l’esprit rétablit vite les vérités. A cette heure, couché et affaibli par ma détention, il ne me reste plus qu’à mourir dignement. Le geôlier n’est pas bavard et ne me laisse pas beaucoup d’espoir.

Après des jours d’enfermement, un pic up arrive et me charge pour une destination inconnue. Avalant la poussière, je n’ai plus qu’un souhait, m’échapper, me libérer de ce statut de prisonnier qui m’étouffe. Un méchant soubresaut et me voilà projeté hors du véhicule, la face contre terre, le nez en sang et libre de courir le plus loin possible de ces geôliers afin de leur échapper. Un trou providentiel où je bascule et reste caché jusqu’à la tombée de la nuit. De nouveau libre, blessé, je me lève et poursuis mon chemin espérant rencontrer quelqu’un ou un éventuel point d’eau.

Quelques jours plus tard, je me réveille, drogué, allongé sur un lit. Ramassé par des voyageurs et conduit dans un dispensaire, j’ai été soigné par un médecin local.

J’attends l’avion qui me ramène chez moi, mes rêves de voyages un peu écornés, avec le sentiment d’avoir vécu un moment fort de ma vie. Riche de ma nouvelle expérience, j’ai plein de nouveaux projets, et celui avant de partir d’aller remercier ce médecin qui m’a sauvé.

JGobert

 

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Gust même chat. JGobert

Mon histoire est peu commune. Trouvé le long d’un chemin avec mes frères et sœurs, le hasard  a voulu que seul, je survive. Recueilli par une personne qui m’a adopté de suite et fourni tous les soins nécessaires à ma pérennité, j’ai passé toutes les étapes de ma petite enfance traité comme un bébé.

Tout n’a pas été facile, il a fallu que je m’intègre dans la vie de ces humains et que je patiente parfois dans ma boite en carton. Mais, toujours avec beaucoup de douceur, la vie m’aidé, j’ai grandi et je suis devenu un chaton magnifique au pelage tigré.

Je fais parti de la famille comme ils disent mais moi, je suis un solitaire.  Je n’aime pas trop que l’on me cajole et les pauses sur les genoux m’indisposent. J’ai mauvais caractère. D’autres pensent que l’on ne sait pas d’où je viens, que l’on ne connait pas mes parents, que j’ai hérité d’eux mon agressivité. Peut-être, je suis moi.

Cette maison et la dame qui m’a élevé ne me sont pas indifférentes. J’aime l’entendre arriver et me parler avec gentillesse. Elle sait que je n’aime pas que l’on me touche et n’insiste pas. Parfois je passe prés d’elle et me frotte qq secondes à ses jambes. J’aime son odeur.

Quand je suis seul avec elle, j’ai tous les droits, je peux aller me vautrer dans le canapé, m’étendre dans les coussins de soie, me blottir dans la couverture de satin et ronronner de plaisir dans cette douce bienveillance. J’aime m’étirer avec langueur, me mettre sur le dos et m’endormir pas très loin d’elle.

Je sais qu’elle m’aime malgré mon fichu caractère. Elle me défend toujours quand je fais une bêtise.  Elle dit souvent que ce n’est pas de ma faute, que je suis un chat perdu sans maman. Cela me fait mal d’entendre cela parce que maman, c’est elle. Je ne connais qu’elle et même si je n’accepte pas qu’elle me câline, c’est la seule personne que j’aime.

J’ai la permission de sortir seul. Avec le temps, je suis devenu un gros matou, imposant et puissant. Les chats du quartier me craignent et j’ai fait le ménage dans le secteur. Personne ne me résiste si ce n’est cette belle chatte au pelage blanc qui ne m’approche pas mais qui ne m’évite pas non plus. Elle passe lascive devant moi et me jette des regards insistants.

Mais je préfère la chasse et je reste parfois des heures tapi dans l’herbe attendant ma proie que je ramène à la maison et qui fait crier ma maitresse. Elle n’aime pas mes cadeaux.

Mes allers venus me plaisent. J’aime surtout m’isoler et rester seul. Quand je trouve un endroit agréable, je m’y installe avec bonheur. J’aime dormir au soleil, sommeiller des heures entières, roulé en boule.

Parfois faignant de dormir, je les écoute vivre. Jamais contents, toujours énervés, angoissés, la vie est bruyante et difficile pour eux. Ils veulent toujours qq chose qu’ils n’ont pas. Les disputes me déplaisent et je demande à sortir. Un coin à l’abri fait l’affaire et je m’y installe le temps que l’orage passe. Je n’aime pas la voir pleurer et voir ses larmes sur sa joue.

Alors je reviens, je pleure aussi et je le regarde avec mépris. Mais il ne me voit pas, ne m’entend pas. Il est dans sa colère. Si j’étais un homme, je ne le laisserai pas faire. Je lui sauterai au visage ou dans le cou  et le ferai taire.

Le calme revenu, je m’installe sur le radiateur et je me rendors avec le bonheur d’être chez moi même chat.

 

 

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Songe et réalité

Quand vient l’hiver et que tombe la neige, on cherche à s’émerveiller.  Les portes s’entrouvrent et laissent passer les rêves les plus fous. Parfois des songes plus irréels encore apparaissent et nous plongent dans un monde parallèle, féerique.

Un soir où la lune blanche éclaire mon jardin, apparait un petit être étrange, un lutin.  Egaré, perdu, il est sous les branches d’un arbuste et tremble. Son regard fuyant se pose sur moi. Je frisonne de froid à moins que ce soit de crainte, je ne me souviens plus et je reste là un instant sans bouger.

J’ai laissé la porte de la maison ouverte et brusquement le lutin s’introduit chez moi sans que je puisse m’interposer sur son passage. Il passe tellement vite que je le vois à peine et je ressens immédiatement un léger courant d’air à mes pieds.
Tout de go, il s’installe confortablement près de la grande cheminée pour se réchauffer.  C’est la première fois que je vois un lutin pas plus grand que trois pommes. Sa chevelure rousse et ses habits  composent  avec la nature, du brun, du vert, du blanc.  Il ne bouge plus.

Passé le premier moment de stupeur, un peu rassurée, je m’avance vers lui.  Je commence à lui parler, à lui poser des questions. Il me regarde de côté et prend une mine boudeuse. Il ne veut apparemment pas me répondre. Il baisse la tête et ne prononce aucun mot.
Brusquement, il se lève, ses yeux cherchent les miens, il bouscule mes objets et les casse. Je comprends son audace, sa certitude. Son regard est maintenant agressif, destructeur, voir cuisant d’inhumanité  et  fait craindre  la zizanie qu’il cache au fond de lui.
Ce lutin à l’air maléfique  m’observe maintenant, debout aussi.  J’ai subitement peur qu’il saccage en qq secondes ce qui fait ma vie, mes pensées, ma raison, ma confiance. J’ai peur. Aussi petit qu’il soit, c’est devant un géant de malveillance que je me trouve. Je le sens.

Perfide, il me laisse avec mes interrogations et renâcle de plus belle. Il m’ignore. Je le somme de répliquer et de répondre à mes questions, à sa présence ici. Il ne dit rien. J’en arrive à me sentir coupable, fautive, désorientée de l’avoir rencontré. De colère, je lui dis que s’il ne veut pas communiquer, notre entretien tire à sa fin et qu’il parte.

Ses petits yeux sourient de me voir déstabilisée  et incapable de me contrôler.  Il rit enfin de contentement. Son rire se répand comme un cri de jouissance, de satisfaction dans ma propre maison. Ce vilain me fait perdre la raison. Toutes mes blessures passées viennent me tordre le cœur et je les ressens chacune comme une plaie qui s’est ré ouverte. Je passe du réel à l’irréel, du tangible au cauchemar.

Tout à coup, la fenêtre s’ouvre inopinément et d’un bond, il disparait.

Restée seule, je me demande si j’ai rêvé mais ma peur est bien palpable. J’ai vraiment la sensation d’avoir rencontré le malin.

Ce lutin n’est peut-être pas unique.

 

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Québec

Au retour d’un voyage à Québec, je garde de cette ville la douceur de vivre. Le bonheur de se promener dans les rues donnant parfois l’impression d’être dans un autre siècle.  Le Vieux Québec ne m’a pas déçu. J’aime  y retourner et revisiter ces beaux quartiers sous un ciel limpide.

Dehors, au détour d’un monument,  sur un escalier, un joueur de violon comme beaucoup de grandes villes possèdent. Une musique divine sort de son instrument et un frisson me parcourt comme si j’étais tombée dans le sublime.

Ne voyant pas le musicien, je tourne la tête et qq marches plus haut, un homme joue, joue avec plaisir, frénésie. Sa musique est belle, magnifique.

Sur cet escalier en plein air, la musique se confond avec l’atmosphère que je respire  et je n’arrive plus à poursuivre mon chemin.  Ce musicien n’est pas de face, on dirait qu’il se cache. Je vois son épaule et son bras faisant vivre son archet.

La musique se fait de plus en plus languissante, lascive et je reconnais rapidement de beaux extraits de musique, le matin de Grieg,  la valse triste de Sibelius et d’autres encore.

Les passants ne s’arrêtent pas, trop pressés par le travail, ou de vivre leur vie à toute allure. Ils passent, montent, descendent cet escalier en pierre sans le voir. Certains tournent la tête.

La nuit tombe sur Québec et un froid sec nous enveloppe. La musique continue et l’archet joue, joue encore. Un rayon de lumière se pose sur l’instrument et seul celui-ci est maintenant visible. Dans la nuit de cette ville, sur ces marches, la beauté de la musique, le talent d’un musicien est au rendez-vous. 

Est-ce un endroit pour reconnaître l’aptitude d’un artiste, sa dextérité, sa beauté d’interprétation.  Dans ce contexte inattendu, peu de personnes s’arrêtent pour savourer le bonheur particulier que donne la musique. Les oreilles sont fermées et ne reconnaissent rien ou ne veulent pas entendre..

Si les hommes n’écoutent pas cette musique, à quoi d’autres sont-ils attentifs si ce n’est qu’à leur propre vie, soucis et autres. A coté de combien de choses exceptionnelles passent-ils inconsciemment sans regret, ni remord.  La vie est ainsi faite, nous mettons parfois trop d’intérêts sur des choses qui ne le valent pas et trop peu sur d’autres parfois essentielles.

Au bout d’un instant, je m’aperçois que je ne suis pas satisfaite d’entendre une telle musique sans voir la personne qui joue. Cette aubade, ce récital me parait alors  incomplet.  Et je n’ai toujours pas réussi à voir le visage de ce musicien d’exception.

 Dans la nuit tombée, lâchant le petit groupe d’amis,  mes jambes font qq pas et je me retrouve presque face à face avec ce musicien qui est toujours en retrait derrière son halo de lumière posé sur son instrument.

L’Ave Maria de Caccini me fait reculer.  Bouleversée, les yeux plein de larmes, je me sens mourir d’effroi, d’incompréhension.  Une telle musique venant de cet homme me parait soudain céleste et offerte pour rapiécer ce visage détruit, ravagé, dévasté, d’une laideur peu commune.  Mon esprit est pris de panique et toute la beauté que j’entends vient de disparaître en qq secondes. Je suis horrifiée  par ce que je vois.

Ce musicien sait sa disgrâce et connait les réactions des hommes. Pourtant chaque jour, il vient se poser sur cet escalier et sort son violon pour jouer, pour exister.

De l’archet de sa laideur sort la beauté, l’éclat de sa musique.  Son aspect repoussant s’efface et en qq secondes, il redevient l’homme qu’il est.

Les jours suivant, je suis allée m’assoir, pas très fière, à qq mètres de lui pour l’écouter jouer avant de rentrer en Europe.

 Je garde en moi cette vilaine réaction que je n’ai pas pu contrôler et qui me pèse encore à ce jour. J’ai toujours la blessure  de ce musicien au fond du cœur.

 

 

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Le monde de Jo

Le jour se lève, un rayon de lumière frappe à ma vitre. Enfermé, je suis là et j’attends. Depuis que je suis né, cette bulle me garde prisonnier. D’un grand espace, je suis passé à un plus petit pour finir ici. La vue est imprenable, je suis en hauteur et je vois tout.

Enfin du bruit, la maison s’éveille doucement et ils arrivent chacun à leur tour. La dame, qui entre en premier, n’est plus toute jeune, elle baille et met le café en route. Ce bruit de cafetière me faisait peur quand je suis arrivé.

Une agréable odeur se repend dans la pièce. Elle prépare la table comme chaque matin, des bols, du pain, du beurre, de la confiture. Ils ne sont pas riches diront certains mais pas pauvres non plus.

L’homme arrive à son tour, ensommeillé et le visage fermé. A peine un bonjour, un petit geste sans tendresse. Assis il regarde sans voir, boit son café et allume une cigarette. Encore cette maudite cigarette qui empeste la maison. Assisse à son tour, elle le regarde et se dit qu’elle n’a pas eu de chance.

De ma hauteur, je vois la scène et avec un certain détachement, je pense que ces deux là auraient dû se quitter depuis longtemps, ne pas rester ensemble. La dame, perdue dans ses pensées, s’évade comme chaque jour, à toute vitesse vers ce rêve qui aurait pu être sa vie.

Moi, je tourne, je tourne. J’ai faim et je me débats pour attirer son attention. Elle vient de se rappeler que j’existe et d’un geste amical, me verse ma nourriture.

Les enfants sont partis depuis qq années, ils font leur vie. Le fils a fait de bonnes études et réussira. Sa sœur est infirmière, elle aime son métier. Un vieux rêve de jeunesse arrivé à son terme. Ils se sont installés à qq km de la maison et viennent régulièrement. Les fêtes de famille sont joyeuses et gardent l’ambiance des années passées, le temps de la jeunesse, du bonheur, de l’insouciance. Tous réunis, la vie reprend son cour et anime la vie du couple.

J’aime cette agitation, ces bruits familiers, le regard de la petite infirmière, ma préférée qui vient me voir et me taquine.

Dés le départ des enfants, le silence retombe sur cette maison comme une chape. La tristesse, le chagrin sont bien réels.  Le bonheur, rebelle, ne dure pas. Les visages reprennent une expression amère et les habitudes se réinstallent instantanément.

Tout se pose et se tait.

Moi, je les regarde se perdre dans le temps, oublier que la vie leur a donné de bons moments. Je les vois s’éteindre jour après jour dans cette existence, dans cette vieillesse qui  les mine et ne leur apporte que de la peine.

Avant de continuer à vieillir, avant que tout s’arrête, elle aurait adoré aimer encore. Aimer comme au premier jour, avoir le cœur qui s’emballe et le sang aux joues. Dans sa tête, elle est toujours jeune et belle. Elle a bien essayé mais ca n’a pas marché. Il ne lui reste que ses pauvres rêves, ses souvenirs défraîchis.

Lui fatigué, le journal sur les genoux, la télé allumée, dort. La vie lui a ôté ses illusions et le travail l’a usé trop tôt. Il a perdu cette gaieté qui la faisait tant rire. Parfois, elle le regarde avec tendresse quand il ne la voit pas. Que s‘est-il passé pour en arriver là ?

Les soirées sont lasses, monotones et les jours passent sans fin.

Je suis là qui tourne dans mon bocal. Parfois je rêve aussi, je rêve d’un lac bleu comme le ciel, de petits cailloux roulés par le courant, du soleil traversant l’eau limpide et venant me caresser doucement.

Quitter cette uniformité, cette routine qui fait la tristesse, la grisaille de la vie. Leur crier de bouger, de remuer, d’essayer de vivre encore et encore. Que tout peut continuer, qu’il ne faut jamais baisser les bras. Que l’on peut vieillir sans être vieux et que si qq minutes suffissent pour faire un bonheur, ils doivent le prendre, l’attraper comme un cadeau de la vie.

ET moi, du fond de mon bocal, je suis la vie qui tourne en rond.

 

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Je m'appelle...

 

Je ne sais pourquoi je suis ici, de mes habitudes, il ne reste rien, des gens que j’aimais, des souvenirs envolés.

Après un printemps plein de promesses est arrivé l’été. J’ai entendu les bruits des sacs et des valises et je me suis réjoui de tout ce vacarme. Ils avaient tous l’air heureux autour de moi. Assis dans le fauteuil, tous ces allers venus me plaisaient. J’aimais les voir voyager dans la maison et me faire un petit coucou à chaque passage. La demeure était joyeuse et magnifique par cette après-midi d’été.

Les préparatifs ont duré des heures et sans méfiance, je me suis endormi. Je suis parti sans doute dans mes rêves.

Heureux et joyeux de monter dans cette nouvelle automobile, j’ai collé mon nez au carreau et vu s’éloigner cette maison si familière. Les kilomètres se sont ajoutés au fil des heures et par habitude, ils se sont arrêtés sur le bord de l’autoroute.

Enfin un peu de liberté et courir m’a fait du bien. Je me suis éloigné un peu trop peut-être.  Au bout de qq minutes, je suis revenu et j’ai cherché cette voiture, j’ai cherché de plus en plus vite.  M’avait-il oublié sur ce maudit parking ?  J’ai commencé à courir dans tous les sens, j’ai crié, hurlé.

J’étais seul sur cette route inconnue.

Au bout d’un moment, je me suis assis ne sachant plus quoi penser. M’avait-il oublié ou jeté comme un objet encombrant ?  Moi, mon petit chéri comme elle disait. Lui son compagnon de tous les jours. Et eux, mes petits amours.

La nuit vient de tomber, j’ai mal d’avoir trop marché. Mal de penser à eux, mal de me dire que je suis seul dans cet endroit. Mal de devoir rester dehors sans manger.

Au petit matin, toujours dans l’incompréhension, je me remets à avancer et quitte cette route bruyante pour d’autres plus sereines. Je n’avais jamais vu autant de choses nouvelles. De cette petite route devenu sentier, j’ai coupé par les prés et rencontré des animaux gigantesques que j’ai pris soin d’éviter.

Enfin, un petit ruisseau où je peux enfin boire. J’ai l’estomac qui se rappelle à moi. J’ai faim. Une vieille bâtisse m’attire et dés que j’ai fait qq pas, l’odeur de cuisine se fait sentir. Doucement, sans faire de bruit, j’arrive devant cette porte. Trop tard, je suis pris, coincé par cet homme de grande taille qui me regarde avec pitié.

La voiture, je la vois. Cette voiture va me conduire chez eux, chez moi comme avant. Je monte gaiement dans ce véhicule et me laisse conduire.

J’arrive dans un endroit plutôt sordide. J’ai vite compris que ce n’est pas chez moi. Ce n’est nulle part, c’est horrible. Des cages, du bruit et la certitude que cette fois, je ne reverrai jamais mes maîtres.

Cet endroit ne me plait pas, j’ai mal à l’âme, mal au cœur, mal d’être si peu de choses pour les hommes. J’ai mal d’avoir été jeté sur ce parking parce qu’il n’y avait pas de place pour moi dans cet hôtel. Maudites vacances qui font de ma vie un enfer, qui me laissent seul dans ce refuge.  Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je suis sale, crasseux, dégoutant, moi d’habitude si fier et si beau.

Couché à même le sol, dans cette odeur ambiante détestable, j’attends.  Les hommes sont cruels parfois. Je ne suis qu’un pauvre vagabond sans collier dans cet enclos où je ne suis pas seul. Beaucoup d’autres sont là pour la même raison.

Voilà que j’aperçois un jeune couple qui passe sans voir. Un autre avec une petite fille qui ne me voit pas non plus. Un homme solitaire qui me toise et passe sa route.

Les jours défilent et mon désespoir est à son comble. Je reste là, enfermé comme mes amis d’infortune. J’attends mon triste sort.

La journée arrive à sa fin, le soleil décline et j’ai décidé d’en finir, de ne plus manger, ni boire. A quoi bon maintenant vivre en cage. Mon désespoir se voit trop et je n’ai plus la force de me battre. Allongé au fond de cette cage, la tête à même le sol, j’attends que tout cela cesse enfin.

Au petit matin, le ciel m’apparait plus triste que celui de la veille, encore un jour qui se lève et ma détermination à ne plus manger, ni boire est bien réelle.

Le gardien s’en est aperçu et insiste pour que je m’alimente. Non, ma décision est prise. Je me laisse mourir. Peu importe la durée de mon agonie, mon chagrin est tel qu’il n’y a pas de solutions.

De l’autre coté de la rue, une voiture s’arrête. Seraient-ce eux enfin qui auraient changé d’avis et qui seraient là pour me prendre ?

Non, c’est une dame qui cherche un compagnon à 4 pattes, un petit ami qui la suivrait et qui l’aimerait. Le gardien vient à sa rencontre et passant devant ma cage et mon petit corps sous alimenté, lui déconseille de me prendre. Non, ce chien est malade.

La dame revient vers moi et s’agenouille, me regarde et m’appelle doucement. Aurai-je l’envie de me lever, le courage de reprendre confiance dans ces humains ? Elle insiste beaucoup, énormément.

Cette fois, dans un grand effort, je me lève sur des pattes hésitantes et marche vers elle. Son sourire me ravit et je sens sa chaleur qui vient vers moi. Que dire d’elle, elle fit de moi son existence, son bonheur.

Les 10 dernières années de ma vie seront pour elle. Jamais je ne la quitterai du regard, toujours près d’elle et collé à ses talons, j’en ai fait ma vie aussi et elle fut heureuse.

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Arrivée sur le seuil

Arrivée sur le seuil de la maison, je la regarde, je la vois contempler cette bâtisse avec un air satisfait. Ses yeux vont et viennent et cherchent les changements, les petites choses qui lui rappellent tant de souvenirs.

Debout devant elle, j’attends qu’elle ait repris possession de cet espace pour la faire pénétrer dans ce qui fut jadis sa demeure, son quotidien.


Elle, silencieuse, ne sachant pas trop comment se comporter, attend des larmes dans les yeux. Oui, c’est bien chez elle.

Revivre ces images qui malgré les souffrances, les doutes lui ont tellement manqué. Toutes ces années de solitude, de tristesse, de réflexion sont maintenant derrière elle. Reprendre sa place et essayer de trouver enfin cet équilibre qui lui a tant fait défaut.

Elle hésite encore. Difficile de dire que tout s’est arrêté quand elle a quitté cette maison.

Les enfants sont là, debout. A peine a-t-elle fait qq pas que ceux-ci se jettent à son cou, et la couvrent de baisers. Oui, ce sont bien ses petits. La poussant vers le salon, ils l’entraînent vers le canapé et l’installent avec tendresse.

Te voilà enfin dit le petit garçon. Tu m’as manqué tu sais. La petite fille se blottit contre elle et la tient serrée contre sa joue. Es-tu revenue pour toujours ? demande l’enfant.

Je sais que oui. Je l’ai compris à son regard. Je lui demande de s’installer. J’ai suffisamment d’espace pour elle et ses rêves. Elle doit penser que je n’ai pas compris son attitude, ses envies, son départ. J’ai trop souffert comme elle de cette séparation que j’avais voulue aussi. Je voulais être libre et vivre ma vie sans elle.

J’ai assumé une partie de mon existence, seule jusqu’à cette heure pour enfin la retrouver. La vie est compliquée et laisse les choix, les doutes nous aveugler.

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Elle, assisse sur un banc...

Elle, assise sur un banc, je la vois, tête baissée et regardant le sol, perdue dans ses pensées.

 Je crois qu’elle m’attend. Je m’approche.  Elle me regarde avec toute cette tendresse bienveillante qui la caractérise. Cela fait un certain temps que je ne l’ai plus vue. Elle n’a pas changé. Là voilà qui se lève et vient vers moi. D’un geste amical, elle m’entraîne m’assoir près d’elle.

Elle. Comment vas-tu depuis tout ce temps ? Tu sais, je ne t’en veux pas, je ne t’en ai jamais voulu,  j’ai oublié.

Elle ne pensait pas me voir ici ce soir mais elle voulait avoir de mes nouvelles. Et moi ce soir, j’ai le cœur lourd et un grand besoin d’écoute. Elle est toujours là quand ca ne va pas et je l’en remercie. Je sais qu’elle m’en a voulu quand je lui ai dit de partir mais c’était pour notre bien. Il fallait que je le fasse et elle ne m’a pas laissé le choix.  

Elle. Tu as oublié aussi.  

Oublié que je l’ai abandonnée par orgueil, par fierté, que je voulais vivre ma vie seule, l’assumer sans elle.

Elle. Rappelle-toi quand tu as choisi de te marier, je n’ai rien dit. J’ai accepté ton choix. Moi, j’en aimais un autre sincèrement. Quand tu es partie habiter dans cette grande maison, je  me suis dite, c’est son choix. Quand tu as voulu des enfants avec cet homme, j’ai de nouveau dit oui, elle le veut. J’avais d’autres ambitions à cette époque. Je voulais partir et peut-être essayer une autre vie. Je me sentais capable de le faire.

Quand tout a basculé la première fois, je t’ai soutenue et réconfortée. Tu as repris le fil de ta vie. Plusieurs fois, j’ai couvert tes plaies et essuyé tes larmes parce que ca n’allait pas.  Je me disais, avec le temps, tout passera. Tu ne voulais pas voir la vérité en face. Tu t’es obstinée à vivre une vie où tu n’avais pas ta place, sachant qu’il n’y aurait pas de bonheur, ni  d’amour.

Quand tu m’as chassée, je me suis sentie abandonnée. Je suis restée longtemps silencieuse,  j’ai essayé d’oublier sans succès ce qu’aurait été ma propre vie si je m’étais écoutée moi et pas toi. Je voulais autre chose. Je voulais être libre. Depuis tout ce temps, je regrette nos discussions, nos polémiques.

L’entendre me fait du bien, mes larmes m’apaisent enfin,  je revois cette vie rêvée dont elle parle si bien et qui aurait pu être la mienne aussi.

Enfin, je lui demande de venir, de revenir à la maison. La nuit est tombée sur ce banc. C’est mon choix. Viens voir les enfants, ils t’attendent et seront heureux de te voir.

La prenant par l’épaule, pour la serrer contre moi, cette phrase me revient : « Ne sommes-nous pas un…. toi et moi ».

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Pages d'écrivains..

Aujourd’hui, c’est jour de repos, un jour où j’ai décidé de ne rien faire. Non que je sois épuisée, fatiguée par mes nouvelles activités mais parfois j’éprouve le besoin de me replonger dans ce qui a fait ma vie durant de nombreuses années : les mots.

Ceux qui se lisent avec bonheur, sans lassitude, ceux que j’écris avec magie, enchantement, ceux que j’attends avide de les parcourir, de les déchiffrer et de m’en imprégner avec un certain contentement. Indispensables à ma vie comme l’air que je respire, je les cherche, les recherche sans fin.

Installée confortablement, mon esprit déjà s’évade, part, et court vers d’autres horizons. Dés cet instant, je vole vers cet espace qui n’appartient qu’à moi et qui est peuplé de héros, d’histoires, de vies que j’endosse par moment.

Vies qui me font traverser des mondes peuplés d’hommes et de femmes, où le quotidien n’est pas forcement agréable et où la réalité se nourrit de faits parfois réels. Souvent aussi comblées d’histoires d’amour où les déchirures laissent des traces, des rides ineffaçables que le temps continue à creuser interminablement. Parcourir le monde par les écrits de personnages inattendus rend le quotidien plus viable.

Tous ces récits me bercent et me font rêvasser à chaque instant. Chaque livre, chaque histoire devient unique et c’est souvent tristement que je referme le dernier chapitre d'un livre avec la promesse d’y revenir dés que le temps le permettra.

C’est une grande joie de pouvoir s’évader dans ces pages d’écrivains, d’artistes qui en ont fait un art si profond que l’on peut s’y noyer à volonté.

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La petite chapelle

Me voici revenue dans la cour de cette jolie chapelle au centre d’un vieux charbonnage à l’abandon où j’avais croisé une personne sortant de mon quotidien.

Cet homme était un jeune prêtre vicaire portant la soutane et très imposant tout vêtu de noir.

Jouer dans cet endroit était dangereux et filer à l’anglaise était ma spécialité. J’avais fait de cette cour de charbonnage mon terrain de jeu. Ce Vicaire avait dû me repérer plusieurs fois passant sans faire de bruit.

 

Dans les écoles communales, le cours de religion était à l’époque dispensé par une personne extérieure à l’établissement, soit un prof de religion ou une personne du clergé selon les disponibilités.

Ma première école n’était pas loin de chez moi, à qq rues. Un bâtiment imposant et moderne, une cour avec des peupliers et un grand préau. Si je me souviens, il n’y avait que 2 classes qui réunissaient les 3 premières années, l’institutrice s’appelait madame La Forêt, ça ne s’invente pas…une femme énergique. La classe me paraissait grande et avait une volière avec des tourterelles dans le fond de la salle.

 

Ce professeur de religion aimait nous emmener à l’église ou à la chapelle. C’était une sortie pédagogique.

Le jour de la visite à la chapelle du charbonnage, je n’étais pas très rassurée de retourner sur les lieux de mes jeux.

Revoir ce Vicaire que j’évitais à tout prix lors de mes visites interdites ne me donnait pas beaucoup d’enthousiasme pour participer à l’entretien. Je me tenais à l’écart, très discrète et je l’écoutais néanmoins parler avec plaisir.

 

Ce Vicaire n’était pas être très âgé, il avait fait le séminaire et il était tombé dans cette chapelle comme on est muté dans le nord ou dans le sud.

 

C’est alors qu’a retenti ce :- « Bonjour Mademoiselle, c’est bien vous que je vois qq fois dans ma chapelle… » Devenue blême et en colère aussi d’être seule à partager ce grand moment de solitude, je baissais les yeux. Le Vicaire ne s’étendit pas sur les faits et je pus recommencer à respirer normalement.

 

Ce Vicaire s’appelait Champenois, je l’ai toujours appelé monsieur le Vicaire.

Tout au long de ma vie, aux moments tristes comme aux moments heureux, il était là, gentil et protecteur. Il s’est occupé des enterrements de ma famille, des baptêmes, des communions. Il n’était jamais loin.

 

Il était devenu l’ami de mon père de par sa profession et le mien. Ce Vicaire, toujours trop généreux, se faisait toujours voler par ses ouailles. Il était sans cesse démuni de tout. Il logeait les pauvres, les personnes qui sortaient de prison et qui disparaissaient avec le peu qu’il lui restait. Toute sa vie a été un sacerdoce. Il ne portait jamais plainte de peur de nuire à ses voleurs et à leurs familles. Il était d’une grande douceur dans ses paroles, d’une grande bonté et d’une intelligence peu commune, il était passionné de Sciences en plus de son Dieu.

 

Après qq années de mariage, j’ai déménagé dans un petit village frontalier et qu’elle ne fut pas ma surprise d’apprendre que le nouveau curé était mon Vicaire.

Il a été très heureux de revoir ma famille et venait nous rendre visite dès qu’il pouvait. Il parlait souvent de mon père. Il n’avait pas changé, toujours aussi généreux, il se faisait toujours dévaliser, voler, et qq fois battre par ses protégés. Rien n’y faisait, c’était la croix qu’il portait sans se plaindre.

 

Un soir qu’il était venu me voir à la maison, il me rappela qq chose  :-« tu te souviens de la petite chapelle dans le charbonnage, c’était un bel endroit. Je me souviens de tes visites illicites dans ma chapelle ».

Je suis redevenue blême et cette fois devant mes enfants…qui n’ont pas compris.

 

Du côté religion, cela n’a jamais été simple pour moi. Un jour, il m’a dit que la vie est un choix et que l’on ne peut pas toujours être dans le flou, que c’était trop facile de ne pas choisir sa route avec ou sans Dieu.

 

Quel beau souvenir…

 

Aux dernières nouvelles, ce prêtre est rentré dans sa famille, dans les Ardennes, après avoir eu un grave accident. Il va bien et continue à aider les gens qui sont dans le besoin dans son village.

 

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