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Québec

Au retour d’un voyage à Québec, je garde de cette ville la douceur de vivre. Le bonheur de se promener dans les rues donnant parfois l’impression d’être dans un autre siècle.  Le Vieux Québec ne m’a pas déçu. J’aime  y retourner et revisiter ces beaux quartiers sous un ciel limpide.

Dehors, au détour d’un monument,  sur un escalier, un joueur de violon comme beaucoup de grandes villes possèdent. Une musique divine sort de son instrument et un frisson me parcourt comme si j’étais tombée dans le sublime.

Ne voyant pas le musicien, je tourne la tête et qq marches plus haut, un homme joue, joue avec plaisir, frénésie. Sa musique est belle, magnifique.

Sur cet escalier en plein air, la musique se confond avec l’atmosphère que je respire  et je n’arrive plus à poursuivre mon chemin.  Ce musicien n’est pas de face, on dirait qu’il se cache. Je vois son épaule et son bras faisant vivre son archet.

La musique se fait de plus en plus languissante, lascive et je reconnais rapidement de beaux extraits de musique, le matin de Grieg,  la valse triste de Sibelius et d’autres encore.

Les passants ne s’arrêtent pas, trop pressés par le travail, ou de vivre leur vie à toute allure. Ils passent, montent, descendent cet escalier en pierre sans le voir. Certains tournent la tête.

La nuit tombe sur Québec et un froid sec nous enveloppe. La musique continue et l’archet joue, joue encore. Un rayon de lumière se pose sur l’instrument et seul celui-ci est maintenant visible. Dans la nuit de cette ville, sur ces marches, la beauté de la musique, le talent d’un musicien est au rendez-vous. 

Est-ce un endroit pour reconnaître l’aptitude d’un artiste, sa dextérité, sa beauté d’interprétation.  Dans ce contexte inattendu, peu de personnes s’arrêtent pour savourer le bonheur particulier que donne la musique. Les oreilles sont fermées et ne reconnaissent rien ou ne veulent pas entendre..

Si les hommes n’écoutent pas cette musique, à quoi d’autres sont-ils attentifs si ce n’est qu’à leur propre vie, soucis et autres. A coté de combien de choses exceptionnelles passent-ils inconsciemment sans regret, ni remord.  La vie est ainsi faite, nous mettons parfois trop d’intérêts sur des choses qui ne le valent pas et trop peu sur d’autres parfois essentielles.

Au bout d’un instant, je m’aperçois que je ne suis pas satisfaite d’entendre une telle musique sans voir la personne qui joue. Cette aubade, ce récital me parait alors  incomplet.  Et je n’ai toujours pas réussi à voir le visage de ce musicien d’exception.

 Dans la nuit tombée, lâchant le petit groupe d’amis,  mes jambes font qq pas et je me retrouve presque face à face avec ce musicien qui est toujours en retrait derrière son halo de lumière posé sur son instrument.

L’Ave Maria de Caccini me fait reculer.  Bouleversée, les yeux plein de larmes, je me sens mourir d’effroi, d’incompréhension.  Une telle musique venant de cet homme me parait soudain céleste et offerte pour rapiécer ce visage détruit, ravagé, dévasté, d’une laideur peu commune.  Mon esprit est pris de panique et toute la beauté que j’entends vient de disparaître en qq secondes. Je suis horrifiée  par ce que je vois.

Ce musicien sait sa disgrâce et connait les réactions des hommes. Pourtant chaque jour, il vient se poser sur cet escalier et sort son violon pour jouer, pour exister.

De l’archet de sa laideur sort la beauté, l’éclat de sa musique.  Son aspect repoussant s’efface et en qq secondes, il redevient l’homme qu’il est.

Les jours suivant, je suis allée m’assoir, pas très fière, à qq mètres de lui pour l’écouter jouer avant de rentrer en Europe.

 Je garde en moi cette vilaine réaction que je n’ai pas pu contrôler et qui me pèse encore à ce jour. J’ai toujours la blessure  de ce musicien au fond du cœur.

 

 

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Commentaires

  • Exact, le rachat par l'aspect divin d'un homme que la musique a sauvé en le transcendant par sa beauté. Quoi de plus extraordinaire.

    Merci de votre commentaire.

    Amicalement

    Josette

  • Québec je me souviens, un billet comme une rédemption qui finalement transcende la beauté.

  • Bonsoir Liliane et merci pour ce témoignage et ton très beau commentaire.

    Qui, une fois de plus m'a ramenée dans un passé lointain .... car, aux confins de mon village, il existait un Institut où des familles plaçaient ces enfants que tu décris avec tant d'amour. C'était il y a bien longtemps et nous ne connaissions rien des ces nouvelles technologies actuelles qui peuvent faire des miracles.

    Je voudrais m'associer aussi à l'une d'entre nous qui, tout simplement, disait à Josette qu'elle n'avait nullement besoin de se sentir culpabilisée du sentiment négatif qui l'avait envahie à la vue de ce pauvre homme.

    Lors d'un Pèlerinage à Lourdes, il m'est arrivé également d'avoir eu ce genre de réaction. La cause en était l' odeur nauséabonde émanant de l'un de nos grands malades. Très sensible aux odeurs, je n'ai pu réprimer une grimace de répulsion. L'accompagnatrice m'a regardée l'air moqueur. "Pauvre fille" pensait-elle sûrement.

    Bien plus tard, un Africain SDF est venu se réfugier dans le hall d'entrée de notre immeuble. C'était l'hiver et son odeur nauséabonde se répandait dans tout l'immeuble. Je ne sais pourquoi, j'ai voulu l'aider, lui trouver un toit, la possibilité de prendre une douche. J'y suis arrivée vaille que vaille alors que les responsables de cet immeuble ont tout fait pour le faire déguerpir : Marteler la fenêtre de la porte d'entrée pour l'empêcher d'ouvrir la fenêtre et j'en passe. Je me souviens cependant d'une vague lueur humaine traversant son regard lorsque je lui donnait un peu de nourriture, des croissants .... et du mépris souverain des quelques habitants de cet immeuble. Un mépris dont j'étais également l'objet.

     Coïncidence: Ce soir, l'émission "copain d'avant" retrace la vie de Thierry, brisé par un drame d'enfance et devenu SDF dit l'article. Mort à 42 ans après avoir jeté dans une boîte d'un centre d'accueil ses écrits.

    "Ame sensible et artiste sans domicile fixe" dit l'article. Malheureusement, cette émission passe à 23H45. C'est toujours pareil ... beaucoup trop tard pour ce qui est intéressant.

    Bonne soirée à vous toutes et merci à Josette pour son très beau récit. Amitiés. Rolande

  • Merci  Rolande pour ton commentaire. J’ai toujours en référence ce magnifique texte de Victor Hugo  « Le crapaud » que je relis parfois. Comme quoi la laideur peut attirer la misère, la cruauté. Il est difficile  aux hommes de voir la beauté au travers de la laideur. Certains n’ont pas conscience de l’humanité qu’elle renferme et passent qq fois sans la voir.

    Amicalement

    Josette

  • Merci  Adyne pour votre passage.

    La peinture peut remplacer la musique parfois et donner beaucoup de bonheur.

    Amitiés

    Josette

  • Merci Sandra pour votre commentaire.

    L’absence de beau n’est pas forcement laid, la beauté est dans ce que l’on cherche parfois. Et si le laid porte préjudice, c’est une erreur de l’homme, pas de la nature.

    Amicalement

    Josette

  • Oui Liliane. La nature est cruelle et l’homme bien démuni face à de tels drames. L’amour fait des miracles comme la musique. Rien n’est facile dans de pareils cas et il faut de la force en soi pour continuer à accepter.

    Amicalement

    Josette

  • Martine, merci de rappeler ici votre roman que je n’ai pas lu et qui doit être très intéressant.

    Amicalement

    Josette

  • La réaction de qq un qui cherche la source de la beauté et qui trouve autre chose rend l’homme fragile.

    Merci Marie-Josèphe

    Amicalement

    josette

  • Merci Nicole pour ton commentaire.

    Quand le laid s’oppose au beau, le laid n’est pas forcement une absence de beau.

    Amicalement

    Josette

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