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La petite chapelle

Me voici revenue dans la cour de cette jolie chapelle au centre d’un vieux charbonnage à l’abandon où j’avais croisé une personne sortant de mon quotidien.

Cet homme était un jeune prêtre vicaire portant la soutane et très imposant tout vêtu de noir.

Jouer dans cet endroit était dangereux et filer à l’anglaise était ma spécialité. J’avais fait de cette cour de charbonnage mon terrain de jeu. Ce Vicaire avait dû me repérer plusieurs fois passant sans faire de bruit.

 

Dans les écoles communales, le cours de religion était à l’époque dispensé par une personne extérieure à l’établissement, soit un prof de religion ou une personne du clergé selon les disponibilités.

Ma première école n’était pas loin de chez moi, à qq rues. Un bâtiment imposant et moderne, une cour avec des peupliers et un grand préau. Si je me souviens, il n’y avait que 2 classes qui réunissaient les 3 premières années, l’institutrice s’appelait madame La Forêt, ça ne s’invente pas…une femme énergique. La classe me paraissait grande et avait une volière avec des tourterelles dans le fond de la salle.

 

Ce professeur de religion aimait nous emmener à l’église ou à la chapelle. C’était une sortie pédagogique.

Le jour de la visite à la chapelle du charbonnage, je n’étais pas très rassurée de retourner sur les lieux de mes jeux.

Revoir ce Vicaire que j’évitais à tout prix lors de mes visites interdites ne me donnait pas beaucoup d’enthousiasme pour participer à l’entretien. Je me tenais à l’écart, très discrète et je l’écoutais néanmoins parler avec plaisir.

 

Ce Vicaire n’était pas être très âgé, il avait fait le séminaire et il était tombé dans cette chapelle comme on est muté dans le nord ou dans le sud.

 

C’est alors qu’a retenti ce :- « Bonjour Mademoiselle, c’est bien vous que je vois qq fois dans ma chapelle… » Devenue blême et en colère aussi d’être seule à partager ce grand moment de solitude, je baissais les yeux. Le Vicaire ne s’étendit pas sur les faits et je pus recommencer à respirer normalement.

 

Ce Vicaire s’appelait Champenois, je l’ai toujours appelé monsieur le Vicaire.

Tout au long de ma vie, aux moments tristes comme aux moments heureux, il était là, gentil et protecteur. Il s’est occupé des enterrements de ma famille, des baptêmes, des communions. Il n’était jamais loin.

 

Il était devenu l’ami de mon père de par sa profession et le mien. Ce Vicaire, toujours trop généreux, se faisait toujours voler par ses ouailles. Il était sans cesse démuni de tout. Il logeait les pauvres, les personnes qui sortaient de prison et qui disparaissaient avec le peu qu’il lui restait. Toute sa vie a été un sacerdoce. Il ne portait jamais plainte de peur de nuire à ses voleurs et à leurs familles. Il était d’une grande douceur dans ses paroles, d’une grande bonté et d’une intelligence peu commune, il était passionné de Sciences en plus de son Dieu.

 

Après qq années de mariage, j’ai déménagé dans un petit village frontalier et qu’elle ne fut pas ma surprise d’apprendre que le nouveau curé était mon Vicaire.

Il a été très heureux de revoir ma famille et venait nous rendre visite dès qu’il pouvait. Il parlait souvent de mon père. Il n’avait pas changé, toujours aussi généreux, il se faisait toujours dévaliser, voler, et qq fois battre par ses protégés. Rien n’y faisait, c’était la croix qu’il portait sans se plaindre.

 

Un soir qu’il était venu me voir à la maison, il me rappela qq chose  :-« tu te souviens de la petite chapelle dans le charbonnage, c’était un bel endroit. Je me souviens de tes visites illicites dans ma chapelle ».

Je suis redevenue blême et cette fois devant mes enfants…qui n’ont pas compris.

 

Du côté religion, cela n’a jamais été simple pour moi. Un jour, il m’a dit que la vie est un choix et que l’on ne peut pas toujours être dans le flou, que c’était trop facile de ne pas choisir sa route avec ou sans Dieu.

 

Quel beau souvenir…

 

Aux dernières nouvelles, ce prêtre est rentré dans sa famille, dans les Ardennes, après avoir eu un grave accident. Il va bien et continue à aider les gens qui sont dans le besoin dans son village.

 

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Commentaires

  • Merci Rolande pour ce beau commentaire. Un très beau souvenir pour moi que ce vicaire de mon enfance,

    Bonne journée et merci de ta lecture

    Amitiés  Josette

  • Bravo Josette,

    Très belle nouvelle qui nous change de l'éternel matraquage actuel concernant le clergé. Des vicaires comme celui-là, j'en ai connu pas mal jadis. Entièrement dévoués, pleins de véritable charité, bref, des saints méconnus prêts à donner leur vie, ayant pour bannière le visage aimant de Jésus, leur seul maître.

    Certains m'ont aidée à surnager lorsque nous nous sommes retrouvés dans la tourmente de 1960. Bien loin des préjugés, des jugements sans fondements, du rejet dont nous étions les victimes et nos enfants aussi. Ils regardaient en silence, intervenaient ensuite avec infiniment de douceur et d'amour. Comme le Christ l'aurait fait c'est certain.

    Ils brillent dans ma mémoire comme des diamants car la Lumière étincelait en eux .... éternelle.

    Tous n'agissaient pas de la même façon, hélas. J'en ai connu aussi qui jugeaient sans rien connaître de la vie réelle qui était la nôtre dans ces contrées lointaines. Allant même jusqu'à juger ces Missionnaires tellement dévoués que certains y sont mort en martyrs. J'avoue sans fausse honte qu'ils me faisaient vomir de dégoût.

    Ce sont eux, le souvenir que j'en ai gardé, qui m'ont aidée à surmonter bien des épreuves. Il me suffisait de fermer les yeux et je voyais leurs regards emplis de véritable bonté, de celle qui transcende tout.

    Ils étaient quatre ..... des hommes bons et saints. Ah oui .... j'en ai oublié un cinquième : celui de mon enfance.

    Ma grand-mère, croyante mais non pratiquante, acceptait de le recevoir chez elle. "C'est un vrai, me disait-elle,un homme bon et droit." Il s'asseyait près du feu et écoutait les yeux pleins de bonté. Des yeux pareils j'en ai rencontré dans ma vie : le même regard que celui de Charles de Foulcault à la fin de sa vie toute donnée elle aussi.

    Merci à toi .... malgré ce billet resté sans commentaire et c'est bien dommage.

    Je t'embrasse très très fort. En leur nom. Bref, tu es formidable.

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