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Publications de Josette Gobert (307)

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Un voyageur JGobert

Dans cette région moyenâgeuse où subsistent des vestiges d’un autre temps, un homme étrange est arrivé ce matin. Le regard sombre, un manteau défraîchi sur le dos, il voyage de vallon en vallée, de village en campagne parcourant des kilomètres chaque jour. Accroché à son épaule, il a une besace qui renferme ses secrets.

Il apparaît à l’aube, silencieux, cherchant un coin d’ombre pour s’y installer. Les habitants curieux le regardent et n’approchent pas. Cet étranger est inaccoutumé, énigmatique, inquiétant et il ne fait rien pour se montrer sympathique.

Il voyage comme cela depuis très longtemps. Il passe à travers le temps comme l’eau coule dans les rivières. Il ne s’attache à personne, ne fait aucun mal, se repose et s’en va sans rien dire. Les villageois ont entendu parler de lui dans le passé. La nouvelle de son arrivée le précède et une vieille légende raconte la vie d’un déplacé, d’un inopportun, d’un errant.

Les vieux du village se souviennent toujours de son passage au temps de leur jeunesse et s’en rappellent fort bien mais personne n’en parle, n’ose le dire de peur des moqueries, des quolibets. Le temps des sorcières est passé et ce temps n’a apporté que le malheur.

Assis à l’ombre, l’homme médite et a sorti de son sac des objets bizarres, qu’il tient d’une drôle de façon. Le mystère est entier et la rumeur s’installe de nouveau. Dés que les plus audacieux ont commencé, les autres se joignent à eux et amplifient les interprétations. Tout et rien sont dits sur cet homme et les anciens osent à peine exprimer leurs souvenirs qui, de toute manière, ne seront pas entendus.

L’homme a bougé, faisant reculer les villageois. Cette fois, un jeune téméraire, un fou ose approcher de quelques pas et le fixe. Retenant son souffle, il fait encore quelques pas hasardeux. L’étranger l’aperçoit et d’un geste lent, l’appelle.

Face à face, le jeune aventurier voit la face burinée, grêlée de cet homme, un grand âge inscrit sur la figure dans des rides profondes. Mais de ce visage vieilli ressortent des yeux d’un bleu infini. La crainte s’est envolée pour le jeune fou et rassuré, il s’installe à côté de cet homme pour l’écouter.

Son histoire est peu commune. Il a connu un nombre incalculable d’évènements dans sa vie, des catastrophes, des guerres. Il a vécu des vies différentes, à des époques distinctes sur d’autres continents. Il a fait le tour de la terre. Il a aimé des femmes, eu des enfants et les a vus mourir. Sa destinée est depuis longtemps celle d’un déraciné, d’un vagabond, d’un mendiant.

Il possède la sagesse, le savoir, la vertu, il vit loin des hommes depuis longtemps et ne s’en approchent que rarement. Il possède un don, un présent que les humains recherchent avidement : la vie éternelle. C’est un immortel.

Son chemin est comme un jour sans fin, il recommence chaque matin et le temps ne lui est pas compté.  Ce voyageur fantôme cherche le repos depuis longtemps. Peu de ses contemporains ont vécu la même histoire, c’est un rescapé du pays des songes.

JGobert

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Une femme moderne JGobert

Smartphone en main, Victoria consulte ses mails, ses rendez-vous d'un œil rapide et pense à ce qu'elle va manger ce soir. Un petit tête à tête improvisé avec ce charmant ami rencontré au théâtre. Victoria a accepté ce repas un peu par curiosité et pour stopper l’afflux de mails qui lui envoie et qui l'envahit.
Vic vit seule. Elle a quitté le cocon familial pour vivre sa vie et déposé son enfance chez ses parents.  Son appartement cossu est dans un quartier agréable et tranquille,  il la laisse au centre de la ville. Son travail n'est pas très loin, un bureau dans un immeuble rénové qui en fait un endroit lumineux et actuel.

En femme moderne, elle privilégie les transports en commun. De saut de puce en saut de puce, elle parcourt son territoire en courant toute la journée. Son travail terminé, elle passe en vitesse chez son coiffeur, récupère ses vêtements au pressing et court à toute vitesse à la superette pour quelques provisions. Son frigo est toujours vide et son chaton n'a plus de lait.
Sa vie se résume à une course folle depuis qu'elle a quitté l'Université. Diplômée, elle a trouvé un emploi bien payé dans ce qu'elle aime et pratique sans compter.
Vic vit librement et a bientôt la trentaine, elle n'a pas de projet immédiat. Ses ambitions de mariage n'ont pas abouti et elle en a déduit qu'elle n'était pas prête à cette vie. Ses principales copines sont dans son cas, indépendantes et libres, elles sont toutes célibataires.
Ses weekends sont chargés et toujours trop courts. Un coup de téléphone à Maman et elle repart dans ses activités dominicales. Son agenda constamment ouvert se remplit à toute vitesse et la laisse parfois dubitative quand à l'organisation de ces jours à venir.

Rendez-vous à 20 heures devant le resto, cela lui laisse à peine une heure pour se préparer, s'habiller, se maquiller et partir.
Son appartement prend l'allure d'un capharnaüm indescriptible où tout a un endroit précis. Elle interdit le rangement. Tout est à sa place sans contrainte au grand désespoir de sa mère qui se sent investie d'une mission quand elle rend visite à Vic. Ranger.

Vic a besoin de liberté et rêve de voyages, de grandes étendues et de mer. Ses prochaines vacances sont réservées et elle passera prendre les billets à l'agence le weekend prochain.

Le restaurant proposé est de l'autre bout de la ville. Un endroit connu et face à la grande roue qui domine cet espace vivant et agréable. De grands piétonniers agrémentent ce quartier où les restaurants sont alignés, chamarrés et bruyants. Dés qu’elle arrive, elle sent battre son cœur plus fort comme à chaque rendez-vous mais elle n’y attache pas d’importance. Il n’y a pas de place pour un homme dans sa vie.

Son horloge biologique lui a déjà donné envie d’enfants, sentiment vite repoussé parce que ce n’est ni le moment ni l’instant. Le temps lui fait défaut et vivre en couple n’entre pas dans sa conception actuelle. D’ailleurs, un bébé toute seule lui plairait peut-être mais ce n’est pas encore le moment.

Son amie d’enfance est mariée depuis plusieurs années et deux magnifiques bébés sont arrivés. Une vie pour cette femme qui a suivi la route toute tracée de la famille. C’est trop pour elle, jamais elle ne pourra s’identifier à cette mère de famille qui sacrifie tout à ses petits enfants et qui se laisse envahir, prendre par un foyer possessif.

 Vic a des rêves plein la tête et même si pour l’instant, ils se résument à des prospectus alignés sur l’étagère, elle sait qu’un jour, elle partira, sac à dos, vers ces pays qui la font rêver depuis son enfance.

Déjà en retard,  cet homme n’a pas de chance, la faire attendre un soir devant un resto est la chose qui la fâche le plus au monde. Encore une cigarette vivement allumée, quelques bouffées et d’un geste nerveux, l’écrase violement sur sa chaussure. Vic part et se promet bien de lui apprendre la ponctualité.  

Dans ce quartier festif, Vic se dirige vers un endroit où elle a l’habitude de se rendre. Un petit bar où elle rencontre des gens amicaux et avec qui, elle parle et refait le monde. La soirée ne sera pas perdue. C’est là qu’elle entrevoit cet artiste désenchanté, peintre et poète. Il cherche fortune mais n’y met pas la forme. Elle le trouve bohème avec de grandes idées pour refaire le monde.  Son téléphone n’arrête pas de sonner. Des excuses arrivent, formulées de toutes les façons et l’agacent. D’un geste rapide, elle coupe cet appareil pour le faire taire et continue à écouter ce poète contemporain et désappointé.

Vic ne le connait pas personnellement mais elle l’a déjà rencontré à plusieurs reprises dans cet établissement.  Elle reste néanmoins fascinée un moment par ce que cet homme dégage.  De toute façon, le but n’est pas de s’embarrasser de cet homme mais l’écouter, l’entendre lui plait. Il libère une douceur extraordinaire, ses gestes sont raffinés, suaves et sa voix posée est réfléchie.  Vic, au bout de quelques minutes se ressaisit et se demande pourquoi elle reste là. D’un bond, elle quitte sa chaise et après un petit salut souriant, part.

Ne jamais rester en place fait partie de son mode de vie, toujours voir autre chose, ne pas s’attacher, toujours improviser du nouveau pour que sa vie ne soit pas monotone, insipide, fade.

A son âge, la solitude n’existe pas. Elle a trop de projets pour y penser. Dehors, elle rallume ce Gsm envahissant et efface un à un les messages sans les lire. Trop tard, elle n’a pas le temps d’attendre.

De retour dans son appartement, son chat l’observe sur le canapé et ronronne de la voir rentrer. D’un geste machinale, elle allume la télé et s’allonge près de lui, un gros paquet de chips sur le ventre et un coca à porter de main. Demain sera un autre jour.

Au petit matin, ébouriffé, échevelée et déjà en retard, elle cavale dans la salle de bain et quelques minutes plus tard attrape son sac. En bas de l’immeuble attendent ses copines.  Journée shopping. Le soleil est au rendez-vous et gaiement elle part vers ces rues remplies de magasins. Sa carte de banque est bien rangée dans son sac et elle sait que ce mode de paiement lui plait. Peu importent les dépenses, son salaire est amplement suffisant pour tous ses petits caprices.

L’agence de voyages est à quelques pas et Vic en profite pour prendre ses billets d’avion. De petites vacances au soleil lui feront le plus grand bien. Vic aime l’ambiance de ces hôtels à l’étranger où tout est fait pour satisfaire le client. Se laisser materner, n’avoir rien à faire, se lever avec le soleil et s’installer sur le sable chaud. Un repos facile.  Ses grands voyages ne sont pas encore décidés mais elle y pense et en parle souvent à sa mère.  Vic attend le bon moment pour partir à l’aventure.

Ses copines font la fête dans cette rue commerçante, achètent et rient. Vic participe à ce défoulement collectif et sourit de satisfaction. La journée s’achève trop vite et un petit snack sera le bienvenu.

Après avoir passé une excellente journée entre filles, Vic rentre chez elle et croise ce poète aux boucles blondes. Il doit habiter le quartier.

Déjà, dans son immeuble, son esprit la libère et elle repart dans ses rêves d’aventure. A peine rentrée, elle s’installe dans ce canapé qui l’accueille toujours avec tant de plaisir et ouvre son Gsm qui la tient informée de ce que les autres font.

Maman lui a offert une tablette et Vic l’apprivoise depuis quelques jours. La technologie n’a plus de secrets pour elle. L’ordinateur et les différents appareils sont rassemblés sur le bureau bondé. Les chargeurs en masse font le siège sur cette  autre table.  Maman a aussi acheté un aspirateur robot qui voyage dans l’appartement toute la journée et qui au début effrayait Marti dans son sommeil. Depuis, le chat et l’aspi font bon ménage.  Marti le laisse passer et le regarde faire allongé dans le canapé. Voilà un drôle de compagnon pour Marti qui ne s’en plaint plus.

Son répondeur émet constamment un bip qui en énerverait plus d’un. Vic ne l’entend pas et poursuit sa vie complétant une partie de son travail sur son ordinateur. Toutes ses notes sont consignées dans cette boîte magique et l’aide beaucoup. Ses patients aussi sont importants et elle s’investit beaucoup pour eux. Ses pensées profondes sont pour eux. Les aider un peu plus chaque jour est pour elle un but qu’elle ne laisse à personne d’autres. Son travail l’occupe beaucoup et elle le véhicule partout, parfois lourdement.

Un choix décidé très tôt et rondement mené. Des études intelligentes et un diplôme en main, Vic a découvert très vite la face cachée de la vie et sa dureté. Le désarroi, la solitude, l’abandon sont pour elle des mots de tous les jours. Les voir s’étioler jour après jour la rend parfois impuissante devant une telle misère qu’elle compense par ses activités.

 Femme  moderne, évoluée, libérée, responsable, des qualificatifs parfois bien erronés qui lui laissent un goût amer parfois. La société a voulu des femmes modernes qui assument, qui courent, qui vivent à cent à l’heure. La  société de consommation les a conditionnées pour qu’elles travaillent, gagnent de l’argent et le dépensent. Elle en a fait l’égal de l’homme oubliant que les femmes ont des contraintes que les hommes n’ont pas. La nature a pourvu l’homme d’une liberté totale mais pas la femme.

Vic sait que son horloge biologique avance et que malgré tous ses discours de femme libérée, elle voudra un enfant, une envie qu’il lui vient de l’intérieur et qu’elle n’explique pas toujours. La nature ne la lâchera pas et fera tout un cirque pour arriver à ses fins. Vic a encore le temps mais il passe si vite. Et quand le moment sera venu, si elle ne trouvait pas de père pour cet enfant qu’elle voudra peut-être un jour dans sa vie.

Rien n’est facile. Envisager un bébé toute seule. Non, bébé a besoin d’un père. Bébé lui reprochera son absence plus tard. Vic a le temps comme elle dit. Rien ne presse encore et la science fait beaucoup maintenant. Sa vie vient à peine de commencer et lui laisse un choix immense de choses à réaliser.

Depuis quelques mois, Vic s’est rendue à des mariages. Des collègues qui ont officialisé leurs relations. Des faire-part de naissance ont suivi. Des copines se sont rangées et ne sortent plus. Ses nouvelles relations sont un peu plus jeunes qu’elle et les invitations se font plus rares.  Malgré sa vie toujours trépidante, le mouvement autour d’elle se calme, la laissant seule de temps à autre. Son canapé est toujours aussi accueillant et Marti a vieilli aussi. L’aspi est tombé en panne et est coincé dans un coin. Elle le garde en souvenir comme une œuvre d’art moderne.

Son travail la fatigue, la misère l’oppresse et rien ne change. Ses vacances ont un goût de déjà vu et toutes les plages se ressemblent. Ses grands voyages n’ont pas pris forme et restent à l’état de rêve. L’appartement l’enferme et la ville l’étouffe.  Elle aime repartir à la campagne voir sa maman et passe le weekend avec elle. Elle profite de ces instants qui étaient trop rares dans le passé. Maman va bien et ses envies de rangement ont disparu. Elle aimerait avoir un petit, le petit de sa fille à garder, à aimer surtout.  Quel beau cadeau ce serait !  J’y pense maman, j’y pense.

Le dimanche soir arrivé, Vic prend son sac et repart laissant sa mère. Vic reprend le train à travers cette merveilleuse campagne qui lui manque.  En ville, rien ne change et Marti, à son tour, est parti.  Vic ne veut plus y penser.  Sa vie de femme moderne lui a plu jusqu’à ce jour et elle se répète chaque fois que cette envie de bébé va passer. Les statistiques le montrent. Les enfants ne sont plus la priorité des femmes. Les chiffres sont en baisse et c’est devenu normal.

Vic le sait et son smart en main, elle continue à courir pour son travail, pour son coiffeur, pour le pressing. Les rendez-vous en tête à tête sont plus rares. Les hommes de son âge sont rangés, divorcés, ont des enfants, un deux parfois trois…

Avec nostalgie, ses pas la ramènent vers ce café où l’artiste aux boucles blondes était apparu dans sa vie. Un beau souvenir. L’âme en peine, elle erre doucement dans ces rues familières et rentre chez elle, fatiguée. Elle éteint son Gsm qui sonne de moins en moins, s’allonge sur son canapé et s’endort.

Dans son rêve apparaît ce petit bout, une tête bien ronde couverte de boucles et qui l’appelle maman. Elle le voit pour la première fois, marchant déjà et parlant comme un ange. Il est si beau et elle entend aussi sa maman l’appeler. C’est incroyable de le voir là devant elle. Ce petit homme si joli, son regard la dévisage et elle sent en elle naître un amour infini pour ce petit garçon. La vie se rappelle à elle et lui envoie des images.

Tout à coup, elle sursaute et se réveille. Mon dieu, ce n’était qu’un rêve. Tout cet amour s’évanouit en quelques secondes et la laisse pantoise, blessée même. Tout ceci n’est qu’un rêve après tout. Elle aura vite oublié ce joli bambin qui la regardait si tendrement.

Au travail, les équipes se forment, se déforment et accueillent de nouvelles personnes. Un collègue qui a demandé sa mutation est arrivé. Un adjoint qui lui sera utile avec cette nouvelle section.  Il est installé à l’étage et croise Vic chaque matin sans qu’elle y fasse attention.

Les habitudes se font et repartent. Vic n’a pas le temps et court toujours. Son appartement a été rénové et elle se sent de nouveau bien dans cet endroit. Elle a un nouveau jeune compagnon, Moris qui comme Marti dort étalé sur le canapé. Maman va bien et vient de moins en moins.

Son smart en main, Vic continue à regarder ses messages et ses rendez-vous. La vie a pris un autre sens, plus posée, plus réfléchie. Vic se sent bien dans ses chaussures et voit la vie se dérouler de cette façon encore longtemps.

Son téléphone sonne et Vic décroche. C’est son collègue qui l’invite au resto, juste un petit souper entre nouveaux collègues, rien de grave. Elle accepte ou elle refuse. Indécise, elle prend le temps pour réfléchir. Oui peut-être.

Samedi 20 heures au resto. Vic déambule dans son appartement, hésitante, contrariée. Et puis après tout pourquoi pas. A son âge, elle est toujours ravissante. Vite dans la salle de bain, maquillage et elle passe une robe qui lui va à ravir et dans laquelle elle se sent bien. Son sac à main avec elle, déjà sur cette place aux souvenirs, elle arrive et s’aperçoit que son collègue est déjà là. Il l’attend quelques fleurs à la main comme un débutant timide.

Il est encore temps de faire demi-tour, il ne la voit pas encore.  Que va-t-elle chercher à cette heure, à son âge ?  Elle approche enfin et il l’aperçoit.  Son visage s’illumine et aussi inconcevable qu’il soit, Vic pense reconnaître les traits de quelqu’un de familier, quelqu’un qu’elle a aimé. Après avoir cherché un instant, c’est cet enfant. Oui, cet enfant dans son rêve, le sourire de ce petit garçon blond qui lui est apparu et qui lui revient ce soir.

JGobert

 

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Un coup de téléphone JGobert

Au cours d’une soirée, d’une discussion animée entre amis, l’un d’eux me demande s’il y a longtemps que j’ai téléphoné à cette petite fille qui vivait avec moi et qui m’accompagnait dans mon enfance. Drôle d’idée d’appeler cette fillette et de ranimer ainsi un passé révolu, accompli avec des souvenirs douloureux peut-être, remuer l’enfance avec ses bonheurs et ses malheurs. Un coup de fil et je replonge dans cette vie que j’essaie d’oublier depuis que j’ai le statut d’adulte.

Cette enfance mal digérée, douloureuse qu’il a fallu tirer, traîner chaque jour et qui m’a laissé un goût plus qu’amer.

Le jeu est ainsi fait et pourquoi pas. Je ne me sens pas particulièrement rassurée de cet exercice devant des amis mais bon, c’est un jeu. Je prends le téléphone et le serre à l’écraser.

 Allo, c’est moi. Comment vas-tu ?

La fillette est étonnée de ce coup de téléphone et hésite à répondre. C’est à peine si elle reconnaît sa voix. D’emblé elle me parle de sa mère qui ne va pas bien. Des misères qu’elle subit et des pleurs qu’elle entend chaque jour.  Non, rien n’a changé, les sentiments, les perceptions sont toujours les mêmes et l’incompréhension toujours présente.  Elle est seule et sa vie est triste de voir ce gâchis autour d’elle. Les jours passent sans saveur et s’égrainent tristement.

Je ne veux pas en entendre plus mais j’ai soudain le regret de la laisser dans cet état, je dois prendre sur moi et la réconforter, la rassurer et lui dire que la vie n’est pas cela. Que sa solitude cessera un jour. Elle aura des images du bonheur et connaîtra la joie d’aimer. Elle doit tenir sans se détruire le cœur, le protéger du mieux qu’elle peut. Boucher ses oreilles pour ne pas entendre et réconforter sa mère plus que tout. D’ailleurs, je voudrai parler à sa mère mais dans ce deal, ce n’est pas possible.  Le téléphone ne marchera pas pour elle.  Je n’arrive plus à raccrocher et je l’entends, fragile, perdue, seule se débattre dans cette vie où tout est douleur, crainte et angoisse.  Elle ne dit plus rien un instant  et doit penser que ma vie à moi est plus légère depuis mon départ.

C’est moi qui prends de ses nouvelles et pas le contraire et je reste là à l’écouter raconter ce que je connais trop bien.  Je sais que tout cela va finir mais je ne veux pas entrer dans cet avenir qui m’appartient et qu’elle ne connait pas encore.  Elle doit tenir, être forte et je sais qu’elle a une force peu commune et qu’elle tiendra. Personne ne lira jamais sur son visage sa tristesse, ni dans son cœur son désarroi. Elle sera un roc, muette et ne pardonnera pas. Elle n’oubliera rien. Même blessée à vie,  elle portera ses blessures fièrement et au fil du temps acceptera cette situation, ce passé.

Mes amis se rappellent à moi. Je suis épuisée de cette conversation. C’est à regret aussi que je l’abandonne dans ce monde révolu et j’attends avec impatience le coup de téléphone suivant pour pouvoir calmer ce cœur démonté.

Cette fois  c’est Hugo à appeler le petit garçon qu’il était dans son enfance.  Prendre des nouvelles de ce père aimant. Pas fier, il bafouille, balbutie  et n’y arrive pas. Il s’effondre en pleurant. Trop de souvenirs heureux, tristes lui reviennent à la mémoire et après quelques phrases ânonnées, bredouillées, il raccroche les larmes aux yeux toujours dans ce chagrin qui ne s’enfuit pas.  

Ce n’est jamais facile d’appeler son passé.

 

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Promenade JGobert

Le soleil se lève, brillant et déjà chaud, augurant une belle journée. Comme par le passé et dans ses souvenirs, sortir très tôt le matin a toujours été agréable pour Mamy. Sentir la fraicheur de la nuit dans la lumière du jour et voir la rosée s’évanouir sur la végétation sont deux atouts que la nature donne pour l’aimer et l’apprivoiser.

Ce matin, Mamy emmène sa petite fille foulée les sentiers de campagne dans cette vallée qui borde la ville. La fillette se régale et savoure déjà le temps de cette promenade matinale. Ce petit bout suit sa mamy dés le réveil et l’imite dans bien des choses.

A son âge, la fillette a préparé ses chaussures, de bonnes chaussures réclamées à maman pour balader avec grand-mère. Son sac est prêt, eau et petits encas pour la route. Quel bonheur de la voir si jolie et si vivante, sautillant d’impatience avant le départ son chapeau posé sur ses boucles blondes.

Mamy est prête aussi et elle sait qu’elle va apprécier chaque minute de ce temps qui lui est donné avec cette enfant qui la rend tellement heureuse. Un décompte auquel elle n’avait jamais pensé jusqu’à ce jour où bébé a débarqué dans son existence. Cette enfant la rassure sur la beauté de la vie et son renouveau.

Les années ont passé bien vite depuis le temps où elle gambadait elle-même autour de grand-père, souriante et innocente. La promenade prévu est celle que petite, mamy faisait avec son propre grand-père. Un homme tendre et rempli d’amour pour elle. Elle était son bonheur, sa joie. Un cœur grand comme ses moustaches d’un autre temps. La vie était légère à cette époque et grand-père était là pour la protéger de tout. Ces randonnées main dans la main ne se sont jamais effacées de sa mémoire et aujourd’hui, c’est elle-même qui va conduire cette enfant sur les chemins, les pistes de l’enfance, de la vie. Faisant les mêmes gestes, les mêmes pas, les mêmes commentaires sur cette route que la fillette découvre.

Les sentiers serpentent dans une végétation couverte de fleurs sauvages, montent et descendent laissant voir au loin des paysages encore brumeux. Les bruits de la terre à cette heure sont faits pour ceux qui écoutent. Le réveil de cette faune se fait délicatement, dans un murmure, égayant ces espaces isolés dans cette campagne.

Un instant de tristesse dans les yeux de grand-mère et la fillette lui prend la main. Un vrai duo d’amour que ces deux là. Quel beau souvenir qui s’ajoute aux autres.

La voie est ouverte sur une vie qui débute, choisir où aller, à gauche, à droite, le choix n’est pas facile mais il doit être raisonné. Ce joli sentier l’emmène vers les années de l’enfance qui seront douces. Cet autre sentier vers une adolescence peut-être tumultueuse comme beaucoup et enfin cette route parsemée d’embûches vers la réalité de l’existence. Grand-mère veillera que tout se passe bien et arrivée à ce grand carrefour, elle lâchera sa main pour la laisser partir.

La nature est en fleurs, du plus petit brin d’herbe à l’arbre le plus haut, la vie coule à flots sur cette route et offre tant de délices aux yeux ébahis de la fillette qui veut tout ramener à maman, petites fleurs, jolis cailloux, escargots, fruits sauvages. Mamy sourit pour ne pas pleurer de tant de bonheur et d'amour inconditionnel pour cette enfant.

La nature bienveillante les regarde passer, accueillant tant de beauté et de chants d’oiseaux qui s’élèvent dans un ciel sans nuages.

 

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Ames sensibles s'abstenir JGobert

A l’heure où les braves gens rentrent chez eux, le quartier de la gare se vide peu à peu pour laisser place à une autre forme de vie. Une vie obscure dans une nuit trépidante et discontinue. Un monde risqué fait de noctambules, de couche-tard qui gravitent autour de cet endroit. Les bars s’ouvrent, les estaminets s’éclairent et les portes des cabarets laissent circuler une musique attirante. Les ombres de la nuit rodent déjà et les quelques passants attardés se hâtent de vider ce lieu mal famé.  

Les grosses voitures débarquent les patrons avides de profit et toujours inquiets de leurs marchandises. L’univers de la nuit est au rendez-vous et s’active d’affaires, d’activités pas toujours claires.

Arrivent alors celles pour qui la nuit est un moment où l’argent se gagne. Bien que contraintes et parfois forcées, elles vivotent tant bien que mal dans ce quartier mal fréquenté. Dehors pour les moins chanceuses,  à l’intérieure pour les plus précieuses.

Chaque soir apporte son lot de brimades, de vexations, d’humiliations. Mais il faut bien manger et parfois nourrir ce petit qui attend toute la nuit que sa mère rentre.

Ce soir, une pauvre fille est encore plus désespérée que d’habitude. L’Administration lui a confisqué ses minces biens pour apurer des découverts anciens mais toujours d’actualités. Elle a beaucoup tempêté, injurié, maudit cet homme qui d’un coup la met à la rue.  Sa vie a basculé il y a longtemps mais ce toit était son dernier repaire, sa dernière consolation. Sans lui, la voilà errant de jour comme de nuit épuisée dehors.

Ce corps malmené s’imprègne rapidement d’alcool, celui-là même qui la libère momentanément de cette souffrance qu’elle traîne avec difficultés. Après quelques verres bien remplis, son esprit oublie un peu le lieu mal fréquenté où elle s’installe. Les hommes du quartier la connaissent et lui paient à boire.

Quoi d’autres à cette pauvre femme.  Les hommes de passage essaient d’en profiter mais son état n’est guère encourageant et la laisse seule à cuver dans un coin désert du café.  

Quand elle sort un peu de sa torpeur, son esprit blessé de tant de misère se souvient par petite bride qu’elle a eu une autre vie avec une famille. Vite pour oublier cette époque, un verre avalé efface ce souvenir douloureux.

Dehors, il fait nuit noire et les fêtards, les noceurs partent l’estomac noyé et l’esprit ravagé d’alcool. Ils rentrent chez eux dormir dans un lit bien chaud et reprendront leur vie demain au lever.

C’est aussi l’instant où le patron va la mettre dehors, la jeter sur le trottoir et peut-être l’insulter gratuitement juste pour s’éclaircir la voix.  Cette nuit est froide, glacial pour cette femme qui n’a plus rien d’humain. Elle titube et va s’assoir sur un banc gelé et s’effondre en pleurant. Un fantôme de la nuit.

A cette heure, plus tardive encore où cette fois, les prédateurs sortent pour chercher une proie facile. Ils sont là à la regarder mourir de solitude, d’abandon.  Ils ne bougent pas de peur qu’elle s’échappe. La chasse a commencé et le butin sera cette pauvre femme.  Les ombres se déplacent, furtives, sournoises et approchent.  Un de ces hommes a une idée bien précise sur le sort de cette femme.  C’est lui qui l’emmènera dans un lieu sordide où elle mourra. Il va la tuer juste pour voir et va la découper.

L’histoire ne dit pas si la place de la gare a été  le théâtre de ce crime. Le corps de cette malheureuse a été retrouvé, démantelé dans des sacs plastiques, jeté le long d’une route.

Les éboueurs ont trouvé ce corps en morceaux comme on trouve des ordures.  Résumé peu glorieux de la vie d’une femme délaissée et perdue. Les journaux en ont fait des choux gras et gagnés beaucoup d’argent grâce à elle.

Cette femme avait une famille qui la pleure, un frère qui a obtenu des autorités qu’on l’enterre dignement.  Ce corps découpé ne fut pas le seul à être retrouvé, trois autres femmes ont ainsi perdu la vie. Les victimes sont connues mais pas le dépeceur. Il continue à roder peut-être près de vous, discret jusqu’au jour où..

JGobert

 

 





 

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En Chine vivait un jeune Prince JGobert

En Chine vivait un jeune Prince très beau et très riche. Le trône de son père lui revenait de droit et afin d’y accéder, il devait se marier.

Dans le Pays du Soleil levant, le mariage d’un Prince occupe tous les esprits. Les familles riches se prévalent d’avoir une fille parfaite pour tenir le rôle d’épouse. Les princesses rêvent au jeune Prince et les parents aux retombées d’une telle union.

Le Prince, pressé par son père, ne trouve pas d’épouse. Il organise des rencontres qui restent sans résultat. Fort déçu de cette attente,  son père l’Empereur commence à s’impatienter.

Dans ce palais où vivent des hommes, des femmes, des enfants, la vie ressemble à une ruche où chacun a une place bien définie. Un soir que le Prince se promène très soucieux, la troisième épouse de son père l’accoste avec déférence et pour le distraire, lui raconte une histoire qu’elle a entendue dans sa famille.

Cette histoire parle d’âme sœur, d’une communion parfaite en amour entre deux personnes féminines. Chaque partenaire aspirant à retrouver l’autre, dont il a la marque dans sa chair comme dans son âme.

La famille de la troisième épouse de l’Empereur connait deux jeunes filles qui, mises en présence dés leur plus jeune âge, sont devenues « laotong » qui veut dire âmes sœurs. Elles vivent dans leur village, l’une plus aisée et l’autre moins. Au fil du temps, les fillettes ont tissés des liens étroits et solides. Elles ont enduré le même supplice des pieds bandés et demeurent chacune dans la chambre réservée aux femmes. Pour communiquer, elles écrivent, apprennent à dessiner les lettres du savoir.

Cette amitié peu commune est considérée comme un don du ciel et personne n’entrave la vie de ces deux fillettes bientôt femmes. Elles peuvent se marier et ainsi avoir une maison sans que leur amour en souffre. Les époux laissent ces âmes sœurs se voir quand elles veulent.

Le Prince se met dans une colère noire de savoir qu’il existe dans son royaume des jeunes filles plus heureuses que lui. La colère se propage au palais entier. Il fait venir la troisième épouse et lui ordonne de trouver ces jeunes filles. La troisième épouse ,confuse, s’exécute.

L’une est maintenant mariée à un homme bon qui a une mère cruelle et acariâtre. Cette jeune femme est devenue par son mariage la servante de sa nouvelle famille. Elle vit patiente et endure la mauvaise humeur de la belle mère. La seconde attend qu’on la marie. D’une meilleure famille mais ruinée par la vie dissolue de son père, personne ne veut d’elle comme épouse.

Quand la nouvelle arrive au village que les gardes du palais cherchent les deux laotangs, tous les villageois restent étonnés de cette démarche peu commune.

La légende, la tradition dit que le couple de laotong est relié dés sa naissance par un fil rouge tiré par un Dieu et que ces vies ainsi prédestinées ne peuvent plus être séparées. Personne a le pouvoir ni le droit de défaire ce qu’un Dieu a fait.

Le Prince décide de les recevoir et d’en choisir une pour se marier. Décision qui met de nouveau la cour de l’Empereur très en colère. Les princesses se sentent blessées, insultées. Les familles de celles-ci partent et l’Empereur est furieux.

Les deux jeunes femmes retrouvées, les gardes les amènent au palais. Les femmes de l’Empereur voient que l’une est magnifique, un teint de porcelaine aux yeux noirs, une bouche dessinée d’un rouge sang. Nos deux laotangs ne sont pas heureuses de savoir que leurs vies échappent au destin qui leur était réservé. Elles s’en inquiètent.

Arrive le jour du choix du Prince qui n’a droit qu’à une épouse. Il choisit celle au teint de porcelaine et tristement l’élue quitte son âme sœur pour rejoindre son nouvel époux. Le Prince décide de garder la seconde jeune femme et lui enjoint de rester dans un appartement privé au palais.

Les mois passent dans la morosité, la monotonie. Rien ni personne n’arrive à égayer cette belle princesse dans son beau palais. Le Prince s’assombrit de voir sa première épouse si triste.

L’Empereur lui-même est mécontent, insatisfait de ce couple qui n’engendre pas de fils. Rien ne s’arrange pour le jeune couple. Le Prince, tombé amoureux de sa femme, ne veut pas la renvoyer et s’en séparer.

Un soir, l’épouse du Prince part rendre visite à son amie et la trouve mourante. Elle se laisse mourir pour libérer sa compagne du sort qui les lie. Celle-ci appelle le Prince et lui confie le fil rouge de son amour reçu par ce Dieu tout puissant. Ce fil rouge unit désormais le Prince à sa belle princesse libérant du même coup tout l’amour de celle-ci pour lui.

Qq mois plus tard, un joli poupon voit le jour et c’est une merveilleuse petite fille au teint de porcelaine qui prit le joli nom de fleur d’amour. Dieu a accepté ce changement pour assembler les époux dans l’amour.

Le souvenir du sacrifice de la seconde laotang est célébré en Chine chaque année au printemps à la fête des fleurs et de l’amour.







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Non-Non de Jean Tousseul

La vérité est faite de plaies saignantes, de membres désarticulés, d’or carbonisés, et elle jaillit à travers les barreaux des cellules. 

Jean Tousseul : extrait  des Martrys.

Non non !

Sébastien, tu es vilain

-Tiens, tu viens de me rappeler qq chose. Quand j’étais petit, il m’arrivait souvent de répondre « non non ». Et ma grand-mère immanquablement ajoutait : Non-Non, elle a été brûlée.

 Je n’ai jamais réussi à en savoir plus, aussi ouvrons le grand livre de l’Imaginaire et cherchons-y la véritable histoire de Non-Non, la sorcière.

Nous sommes à Mons, fin du 17me siècle .....

Bonjour,

 je cherche le conte Non-Non  de Jean Tousseul et où je pourrais me le procurer.

Merci et bien amicalement

Josette

 

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l'immigré JGobert

Il a débarqué ce matin, violemment jeté à même le sol par les bénévoles. C’est un petit gars de 15 ans parti chercher fortune ailleurs et qui a abandonné sa vie naissante d’infortune. Il a enfin pris pied sur cette terre d’accueil que ses ainés lui ont raconté mainte et mainte fois. Une terre regorgeant de trésors, de nourritures et d’argent.

Cruelle, la ville se dresse devant lui, tentaculaire, gigantesque et baignée dans un froid glacial. Ses vêtements ne sont plus adéquats et il tremble, grelotte.  Des baraquements de tôles sommaires s’élèvent du sol entourés de palissades et de grilles qui laissent présager que la vie, ici, ne sera pas plus belle pour le moment que celle qu’il vient de quitter.

Chez lui, ce petit homme a laissé sa mère, son enfance, ses souvenirs. Même très pauvre, la vie ne l’a pas privé de tendresse, vivre avec sa famille, sa terre aride et ses bestiaux malingres lui suffisait mais il a fallu partir.

Il a fallu prendre la décision de s’en aller pour que d’autres poursuivent et continuent à vivre dans ce pays, dans cette triste misère.  Chercher l’eldorado dans un pays riche et essayer de s’en sortir. Un rêve nécessaire pour endurer ces jours et ces jours de souffrance sur ce bateau bondé.

Son frère ainé, parti plus tôt, n’a plus jamais donné de nouvelles. Sa mère, attristée, attend toujours un courrier de lui. D’autres gars du village sont partis et revenus. Après de longs parcours de marche sous le soleil, rattrapés et refoulés vers les terres où l’espoir de vivre est plus petit que la certitude de mourir. Terre et hommes abandonnés dans cette chaleur cuisante.

Quelques pas sur ce trottoir mouillé et froid et déjà les morsures de cette vie étrangère se font sentir. De noms inconnus lui collent  à la peau et s’accrochent sans qu’il puisse les arracher.  Des noms que le monde civilisé a créés pour dénoncer ces hommes qui partent de chez eux pour vivre autre chose, pour exister, pour trouver le bonheur.  Ils sont légions à quitter leur univers de misère et pour certains, ce n’est pas le premier essai mais il faut s’accrocher pour résister à cette haine de l’immigré, du moins que rien, de l’expatrié, du laisser pour compte. Il faut croire que la vie chez eux est pire encore que ce que nos imaginaires pensent pour supporter la cruauté impassible de ces hommes résidants du bon côté de la terre.

Les listes tristement célèbres se font inlassablement et reprennent l’identité de ces hommes qui entament une file d’attente et d’indigence. Le froid les recouvre et les blesse déjà.  Après cette formalité, une autre file pour avoir droit à un bol d’une pitance qui les fera tenir un moment. Entré dans ce camp, avec son seul bien, une couverture trouvé à même le sol et abandonnée par un mourant, il cherche un endroit où se blottir et se réchauffer. Le bâtiment est bondé et dégage une odeur qu’il préfère ignorer en s’installant dehors sous un abri de fortune.

Il n’est pas le seul à être là, couchés par terre contre ce mur dans ce froid qu’ils ignorent.  Mais demain sera un autre jour et il partira jusqu’au bout de ses rêves dans cette ville inconnue qui lui ouvre des bras inhospitaliers.  Ce soir, seul et vidé de ses forces, il s’assoupit.

 

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Le petit bal perdu JGobert

Arrivée enfin à destination après bien des péripéties, c’est épuisée que Fanny débarque un soir d’été sur cette place au milieu de nulle part. Elle arrive de la ville avec sa valise et cherche l’adresse écrite sur son bout de papier. Elle vient prendre un emploi qui lui a été recommandé par son pharmacien, ami de la famille.  Le médecin du village cherche une gouvernante pour ces chérubins et désire une personne de la ville.

Je la vois, debout dans son imperméable avec son foulard de soie, attendre que le ciel lui vienne en aide. Je n’ai jamais vu une si jolie fille, distinguée, un léger sourire sur les lèvres et tenant sa valise avec beaucoup de détermination.

Au bout de quelques minutes, la voyant toujours perdue, j’avance et lui demande ce qu’elle cherche. Son regard se pose sur moi et je réussis péniblement à prononcer quelques mots en bafouillant comme un gamin timoré. Fanny, de suite, me sourit me rendant ainsi  mon hardiesse. 

L’adresse écrite sur ce papier est juste à deux pas de cette place que le soleil couchant assombri doucement. En quelques secondes, Fanny est à demeure et me fait un petit geste de la tête en signe d’au revoir.

Ensoleillé, je repars vers mon domicile le cœur léger et joyeux. J’ai  envie de courir, de chanter, de rire. En une seconde, j’entrevois une autre existence, une nouvelle vie.  L’amour m’a transpercé le cœur et l’âme. Je me réjouis d’une telle rencontre et j’en suis heureux. Je la trouve belle, merveilleuse, elle me plait.

Le lendemain, levé de bonne heure, j’émerge heureux dehors, satisfait de mes nouveaux rêves. J’attends de la revoir, de la rencontrer, de la conquérir sur cette place qui est si chère à mon cœur. Mon attente est récompensée.  Fanny sort les enfants. Quelques pas curieux dans ce village étranger et accompagnée  de ce joli petit monde encore décoiffé de la nuit. Fanny est ravissante, une robe légère flotte autour d’elle et son  étrange parfum m’arrive comme un envoutement. Je suis sous le charme, et de nouveau bouleversé de la voir partir.

Le facteur a déposé le courrier et une lettre m’attend. Papier gris, austère qui annonce de mauvaises nouvelles. Ma mère me la donne à contre cœur et tourne les talons pour que je ne vois pas sa mine déconfite.

Sur la place, un bal s’organise pour fêter l’arrivée de l’été qui sera chaud, un petit bal pour les habitants des alentours. Des tables et des chaises sont disposées autour d’un carré illuminé de lanternes, de lampions multicolores. Le fond de l’air est doux et rempli de promesses, de nouveaux bonheurs et d’espoir. Les villageois aiment ces soirées dehors au soleil couchant.

Sur le meuble, la lettre grise me regarde, me fixe et attend que je l’ouvre. Je sais que c’est une mauvaise nouvelle qui vient à moi. Elle insiste.

La nuit est tombée, de ma chambre, j’entr’aperçois la place,  j’entends la musique qui réjouit les participants et qui m’accable à cette heure. Dieu donne-t-il toujours pour reprendre ?

Fanny apparaît vêtue d’un ensemble blanc et d’un chapeau qui la rend magique. Elle n’est pas seule. Le médecin l’accompagne. Déçu de la voir en si belle compagnie, je tourne tristement la tête vers cette enveloppe qui me poursuit, me traque.

Mon ordre de mobilisation est là, devant moi, à peine ouvert et il me plonge dans un désarroi infini. D’un seul regard, je comprends que mon avenir est compromis et mes jours ne m’appartiennent plus.  Les rêves s’effacent un à un et jettent Fanny hors de ma vie et de mon cœur.

Quelques jours plus tard, mon sac sur le dos, la fleur au fusil, revêtu de mon uniforme, je croise quelques secondes Fanny qui me sourit. Un petit geste cruel du destin hélas trop court.  Sur le quai  j’attends comme mes compagnons d’infortune que le train nous emmène vers cette guerre qui ne doit pas durer longtemps. Je pars avec les prières de ma mère, les yeux rougis de chagrin et le souvenir de cette belle Fanny qui ne saura jamais mes sentiments.

Le temps a passé, de défaites en trahisons, en désillusions, la guerre impitoyable a laissé des traces indélébiles sur les hommes. Blessé, je rentre au village après ces mois d’absence d’un autre monde où  je ne suis plus le même. La guerre a fait de moi un étranger, un déraciné. Il ne reste que les souvenirs douloureux et les tristes compagnons blessés, accablés, éreintés.

Les nouvelles vont vite et Fanny a entendu parler de mon retour.  Un héros, un brave, un valeureux soldat qui revient de guerre, de l’enfer et estropié dans son corps et dans son âme, et qui attend un peu de compassion de ses semblables.  Le village entier est là et me montre sa sympathie, mais je ne veux pas de sa pitié. Ma mère est là, elle pleure.

Fanny s’approche comme dans un rêve et me sourit. Mais non je ne veux pas la regarder, la reconnaitre. Ce rêve familier fait mille fois au milieu de ce champ d’horreur m’est insupportable et  me ramène dans cet endroit, dans ma torpeur, dans ma folie. Mon cœur glacé, distant ne s’emballe plus pour elle et m’indiffère.  Cet amour que j’avais transporté avec moi est souillé, démantelé, banni de tant de souffrances. Cette vie rêvée est morte avant d’avoir commencé. La guerre me l’a arraché avec son inhumanité, sa malveillance lacérée, sa miséricorde écartelée.

Ce soir, sur la place, les villageois, heureux, organisent un petit bal en mon honneur. Une banderole de bienvenue me regarde fixement, elle ne me délivre pas, ne me libère pas et m’insulte de tant de gratitude.

Non,  je ne me souviens plus du nom de ce petit bal perdu.

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La mariée JGobert

L’allée se remplit d’invités et de véhicules enrubannés. Dans sa chambre, des fleurs et des cadeaux,  Lili  enfile sa robe blanche couverte de dentelles, le voile se pose avec délicatesse sur ses cheveux blonds. La voilà parée comme une princesse et tout son être est envahi d’un grand bonheur. . Elle est somptueuse et ce jour doit être le plus beau de sa vie et il le sera.

Dans l’entrée, la famille attend sa descente par l’escalier que maman a décoré de fleurs blanches et de rubans.  La maison est transformée et s’apparente à un énorme gâteau honoré de nœuds, de bouquets, de gerbes. De sa fenêtre, elle voit les parterres qui resplendissent. La main de maman a fait du beau travail.

Grand-père est arrivé de bonne heure, très nerveux, c’est sa première petite fille qui se marie. Il a revêtu son habit de cérémonie et en digne descend de l’armée, il a accroché ses médailles sur son cœur, ses reconnaissances honorifiques. Fier avec sa superbe moustache, il fait toujours sensation quand il arrive quelque part.  Lili en est très fière et toujours heureuse de se promener à son bras.

Un peu à l’écart, son père très digne dans son uniforme, figé dans sa réserve, regarde devant lui et tient sa paire de gants blancs dans une main. C’est avec lui qu’elle partira vers l’autel dans quelques instants.  Ses frères et sœurs sont également alignés derrière lui et attendent dans un grand silence la venue de Lili.

Dehors, le soleil brille et des tables décorées sont dressées avec des rafraichissements. Le personnel voyage entre les invités qui parlent et commentent cette belle journée.

Son futur mari vient d’arriver avec sa famille.  Son bouquet à la main, ému et un peu stressé, il cherche du regard sa Lili qui n’est pas encore descendue. Son uniforme d’élève-officier lui sied à ravir, il ressemble à un indomptable.

La porte de la chambre s’ouvre et Lili apparaît sur le palier. Les larmes de sa mère coulent doucement, le maquillage sera à refaire. Ce petit bout qu’elle a tant aimé est devenu une si jolie femme.  Lili descend dans sa robe blanche et son père s’approche dans un geste tout militaire, la salue et lui offre son bras. Grand-père est bouleversé de voir tant de beauté, d’éclat dans ces gestes simples et si important pour lui.  Cette hiérarchie militaire que son père lui-même avait commencée. Le couple sort sous les applaudissements des invités.  Le père de Lili, d’un pas décidé, l’emmène vers son nouveau destin. Sa mère suit réconfortée par ses fils.

Le cortège se met en marche et arrive à la petite église couverte de bleu. Un joli perron fleuri  attend la mariée où son promis est déjà arrivé. L’émoi se repend et les yeux mouillés, il s’avance pour la prendre par la main et l’emmener vers l’autel.

Les amis de son père font une haie d’honneur à ce jeune couple, tous en habit d’officier, c’est d’un bel effet.  Grand-père a pris la parole pour dire combien ce jour est important pour les deux familles et combien il sera enchanté de voir sa petite fille heureuse avec ce grand jeune homme dans l’avenir. La cérémonie est pleine de chaleur et d’affection.

De retour à la maison, le salon ouvre ses portes sur un superbe banquet.  Chacun a prit place et attend avec impatience l’ouverture du bal. Lili a revêtu une robe plus seyante pour danser. Blanche et décolletée, elle offre aux regards un spectacle tout aussi beau que sa robe de mariée, ses cheveux défaits descendent en cascade sur ses épaules.

La musique commence par une valse lente,  Grand-père est le premier à valser avec la mariée. Un deux trois, un deux trois… C’est le plus beau jour de sa vie.

Son père, en gant blanc, enlève Lili à Grand-père et s’élance dans une valse de Vienne qui fait tourner les têtes. Le couple tourbillonne et avec une douceur incroyable dépose Lili dans les bras de son mari pour achever cette valse et commencer ensemble une nouvelle existence.

JGobert

 

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Histoire de femmes JGobert

Désenchantée, je reste là à la regarder vivre. Si je devais raconter sa vie, je dirai : elle a eu de la chance, elle a vécu dans un certain confort, ses parents étaient présents, elle avait une famille. Ses études se sont bien passées, elle a pu s’épanouir, s’investir, se complaire dans ce qui paraissait important. Son travail a été une réussite, gage qu’il lui était bien adapté et qu’elle l’appréciait. Son mariage continue toujours depuis ce temps lointain où elle était encore une très jeune femme. Elle a une belle maison, et part en vacances chaque année. Ses enfants sont grands, ils ont de bons diplômes, de bons boulots et vivent en couple avec des enfants.

Après ce résumé rapide, je dis encore comme pour l’excuser d’avoir eu tant de chance. Tout n’a pas été facile pour elle. Elle a dû se battre à chaque étape de sa vie. Quand elle plonge dans ses souvenirs, c’est souvent le cœur serré qu’elle se rappelle sa jeunesse.

Cette chance d’avoir une famille unie, d’être entourée, protégée, elle l’a vécu étouffée, angoissée par les règles de vie outrepassées. Une autorité incontournable, des idées familiales castratrices et un couple de parents constamment au bord de la rupture. La maladie de sa mère et le déclin de celle-ci vers un perpétuel abîme. Son angoisse de la voir partir vers cet inconnu sans pouvoir l’aider, lui parler. Vivre dans le silence, les non-dits.

Au moment de ses études, elle avait l’âme artiste, peinture, littérature, tout ce que la jeunesse invente pour se faire aimer. Les arts l’attiraient et la rendaient heureuses. Le choix fut tout autre, des études sectaires, tristes, monotones et un boulot qui la clouait sur un bureau des heures entières.

Le pensionnat lui prit ses meilleures années mais lui apprit néanmoins à acquérir une certaine indépendance, si pas de corps mais d’esprit. C’est là qu’elle rencontre le rêve, les étoiles, la poésie, les poètes. Ses lectures sont nombreuses, le temps à sa disposition.

Vite elle se marie pour commencer à vivre. Partir et s’installer dans cette belle maison, avoir des enfants. La déception, la monotonie s’installe rapidement. Et ses rêves d’amour aussi. Elle vit avec un manque qu’elle ne sait expliquer, un besoin non nommé qui au fil du temps se transforme en langueur et antidépresseur.

Ses enfants sont partis dans des crises d’adolescence, l’existence pour eux était difficile, l’accusant même d’être une mauvaise mère et la laissant blessée, encore plus seule. Ses enfants font leur vie, ils ont déjà quitté le père et la mère de leurs enfants. Ils vivent en famille recomposée et c’est à peine si elle voit ses petits bouts.

Sa mère mourut un dimanche d’été. Elle était arrivée au bout de sa vie. Une canicule épouvantable installée depuis des semaines ne lui permettait plus de respirer correctement. Ce manque d’air l’oppressa longtemps. Après de nombreuses larmes, elle regretta sans fin ce manque de dialogue entre sa mère et elle. Elle aurait aimé lui écrire une lettre avec des mots compliqués, précieux à lire et à relire. Une page de nostalgie importante à ses yeux pour se rappeler leur vie ensemble, les moments heureux qu’elles avaient vécus.

L’existence n’a pas été facile pour ces femmes mais elle l’aurait été pour elle avec sa mère. Ce doux soleil qui les accompagnait à vélo, sur les routes de campagne et qui la faisait se sentir grande avec sa mère. Les jolies robes que sa mère achetait et qui devaient lui aller si bien quand elle serait grande mais … Hélas, le temps du bonheur n’a pas duré longtemps. Et les autres souvenirs sont sombres, cruels, démesurés pour elle.

Tout ce que sa mère subissait la torturait et se gravait dans son cœur sans que l’oubli jamais ne s’installe. Que dire des larmes qu’elle versait en silence contre la maladie, l’incompréhension, la révolte d’une vie cassée qui se perdait chaque jour comme l’eau qui coule encore entre ses doigts et qu’elle ne peut retenir.

Toujours silencieuse, sans plainte excessive, réservée et acceptant tant de misère sans la montrer, la souffrance aurait été plus légère si sa mère l’avait partagée avec elle. Chacun faisait comme si tout allait bien et cela a fait d’elle un être tourmenté, torturé de douleur et sans aucun repos jusqu’au jour du départ où sa mère a repris le visage humain de sa beauté.

J’ai pu alors pleurer de te savoir paisible et en paix mais sans moi.

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Le maître d'école

Nostalgie des écoles de village, assis à son vieux bureau de bois sur l’estrade, le maître d’école est là. Il regarde pour la dernière fois cette classe qu’il a tant aimée.

L’heure de la retraite a sonné et il faut partir. Abandonner cet endroit tant de fois regagné et animé par des petites têtes blondes aux sourires angéliques. Dans sa main, la clef qui ferme la porte, gestes mille fois répétés et geste qui sera aujourd’hui le dernier. Ses cartons sont faits, et déjà dans l’auto, il emporte avec lui les souvenirs d’une vie d’enseignant. Des objets qui ont, pour lui, le goût aimé de son passé et le bonheur de sa mémoire.

Accroché au mur, le vieux tableau noir en a vu des enfants défiler devant lui, toujours alignés par deux sur ces bancs d’un autre siècle. Il a vécu toutes les réformes, les modernités, les changements de rythmes mais n’a jamais bougé de ce mur. Par moment, il entend des petits bruits étouffés, c’est son maître qui pleure et se mouche, le cœur gros. Il a encore des petits trucs à faire avant de partir, des gestes spontanés de tendresse pour son vieux mobilier. La fenêtre qui bloque et qu’il faut manipuler avec délicatesse. Le tiroir qui grince et qui ne veut plus se fermer. Et toute cette craie qui reste là.

Les souvenirs se bousculent dans sa tête, les années ont suivi et lui rappellent tant de choses, tant d’événements heureux, attendrissants ou parfois dramatiques, émouvants. Les élèves n’ont pas changé sur toute cette période, du plus petit au plus grand, il connaît leur vie, leur bonheur, leur chagrin.

Que de mots mille fois prononcés, que de regards mille fois lancés, que de petits doigts mille fois embrassés et comme tout cela est douloureux à cette heure. Tout se grave dans son âme de peur que l’oubli s’ajoute à sa tristesse. Il ne sera plus jamais le même sans ses petits et le temps amputé de cette tendresse va lui paraître fade et insipide.

Un dernier coup d’œil à tout ce qui a fait sa vie et un dernier tour de clef dans cette porte en chêne. Le voilà libre, dégagé à jamais du poids de ses responsabilités et des soucis du devoir à accomplir.

Sur la porte, le nom de son remplaçant est déjà noté. Le changement est en marche, ordinateur et technologies nouvelles seront là à la rentrée. Tables et chaises neuves aussi ainsi qu’un nouveau tableau interactif.

Un dernier regard enfin. Il part sans regrets vers une autre vie et une retraite bien méritée.

JGobert

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Le petit chat est mort

Cela fait des années que j’erre dans cette ville, perdu pour la société et pour les hommes. Je cherche un coin paisible où me poser. Ce pont m’attire et me permet de m’abriter sous mes cartons. Vagabond comme ils disent, je reste là à méditer des heures entières sans bouger. Les souvenirs de ma vie passée reviennent régulièrement me rendre visite et souvent je ne suis pas fier.

De déconvenues en déceptions, je suis arrivé à perdre ce que j’avais de plus précieux, ma famille, ma femme, mes enfants ensuite mon boulot, mes biens, mon âme. J’ai erré sans fin dans la cité, frappant aux portes qui ne s’ouvraient plus. Abandonné par tous et laissé à mon triste sort, j’ai compris qu’ils m’avaient effacé de leur mémoire. Cruel destin d’un homme qui s’est laissé égarer, perdre dans la nuit des temps. J’ai donc décidé de les éviter.

Mon crime, j’ai refusé de vivre comme un forçat, contesté la vie qu’on m’imposait avec toutes les obligations habituelles, la vie trépidante pour laquelle je n’étais pas fait. Mon âme m’a mené ici et je reste allongé sur ce sol froid de misère.  Mes compagnons d’infortune ne sont pas mieux que moi, la souffrance les accompagne tous de la même façon. Chacun a son histoire inhumaine à porter et  quoi qu’en pensent certains, nous ne sommes pas des sous hommes mais bien des humains déchus et cherchant dans le rien le peu pour vivre, survivre.

Au début, ce n’était pas par choix, mais contraint de rechercher ma nourriture et un peu de chaleur. Ensuite, j’ai bien compris que je les dérangeais et c’est là que j’ai pris ce pont pour demeure. Un toit de bruit, de vacarme et de courant d’air où pour dormir je m’enferme en moi-même et sous mes cartons.  Je revis tous ces moments de la vie d’un homme debout avant que je ne tombe.

Je sais que cet endroit sera mon tombeau parce que j’ai tellement froid par instant, je sens mes membres s’engourdir. Mon petit compagnon à 4 pattes est mort, le corps et l’âme torturés, il s’en est allé reposer dans sa tombe fraîchement ouverte. Je l’ai déposé tristement et recouvert de mes larmes dans cette terre encore tendre. Il me laisse des souvenirs. Mon âme pleure de quitter un si gentil compagnon. Il égayait mes jours et mes nuits de sa présence.

Demain, ce sera moi qui partirais mais je ne serai pas triste.

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Réinventer la vie JGobert

Réinventer la vie comme un soir d’été

Au bord de cette route où coule le flot des hommes,

Des âmes pures passent alanguies

À la recherche de leurs destins.

Dans cette exquise et délicate douceur

Des esprits s’inventent des jours meilleurs

Pour agrémenter leurs vies languissantes

De peur de les perdre à jamais.

Des rêves impossibles renaissent

Le long du lac immobile où se cachent des sentiments

Dans cette nuit subitement devenue noire

Des cœurs s’arrêtent étourdis, lascifs

Des hommes cherchent en vain le chemin de l’oubli

pour renaître à la vie un soir d'été.

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Un art oublié JGobert

Dans cette ancienne salle au parquet de bois se regroupent chaque semaine les passionnés de la danse. Des amateurs pour qui danser est un plaisir. Je suis là, assise, à attendre mon tour. Je me suis inscrite depuis peu et je trépigne d’impatience pour enfin chausser ces magnifiques chaussures neuves.

Ce n’est pas tout à fait par hasard si je me retrouve dans cet endroit situé sur la route de mon travail. Chaque jour,  je passe devant les fenêtres éclairées de cet immeuble et le rêve s’invite dans ma journée. Je n’arrête pas de penser à ces danseurs merveilleux qu’étaient Gene Kelly, Ginger Rogers, Fred Astaire.  Au retour, l’enseigne allumée, je les imagine se lancer, élégants avec leurs partenaires, sur la piste évoluant dans mille pas répétés.  

Un soir, curieuse, je m’arrête et entre dans cet univers qui émerveille. Un haut plafond blanc, de hautes fenêtres, des tentures immenses et des miroirs pour mieux se voir. Des barres sur les murs. A mon âge, je ne viens pas pour la danse classique. Petit rat n’est pas pour moi. Je viens pour apprendre les danses de salon ou pour certains la danse sportive.  Déjà des couples arrivent, se forment, s’installent. Chacun prend sa place sur ce parquet risqué.  Les chaussures se laissent mener, glisser, couler sur la musique. Le professeur dirige tous ces participants d’une voix ferme et d’un vocabulaire inconnu pour moi.

Le couple que je forme avec mon compagnon rejoint un groupe de débutants, chacun persuadé qu’il va faire des miracles. Et voilà les pas qui commencent, débute aussi une période difficile où notre ignorance ne fait que se confirmer.  Pas de base, maintien, tenue, le vocabulaire s’étoffe et la sueur nous envahit. Répéter toujours, encore.  Nos pieds n’obéissent pas à notre tête et apprennent la douleur. Nous évoluons comme des pantins malhabiles, droits et rigides. Les bras s’égarent, se perdent. Notre tête ne réagit plus, ne résiste plus.  Tout devient flou et le cours prend fin avec un goût douloureux d’inexpérience. Beaucoup ne viendront plus.

Au cours des semaines suivantes, malgré bien des difficultés, nos efforts se voient récompensés par un nouveau plaisir. Celui de savoir exécuter quelques figures faites de pas de base.  L’apprentissage ne fait que commencer. Apprendre et recommencer toujours et sans répits. Rien n’est jamais acquis ni conservé mais il arrive un moment où les difficultés deviennent routines et laissent place à d’autres. Le plaisir d’évoluer sur ce parquet n’a de goût que pour nous.

Enfin,  après des heures de travail, le grand jour arrive. L’ouverture du bal des débutants commence, fiers de notre première sortie et de notre première représentation devant les danseurs confirmés. Revêtus de nos plus beaux atouts, chacun se mire dans le miroir. Ma nouvelle robe est splendide, vaporeuse, légère, elle vole autour de moi et je sens le bonheur m’envahir.  Les anciens nous toisent et apprennent à nous connaître. Le regard de certain en dit long mais le courage ne manque pas.  C’est par une valse lente que débute notre rêve. On s’élance enfin, hésitant, stressé  mais l’envie de danser est la plus forte. Il faut essayer de s’en sortir dignement. Une erreur, deux erreurs, on recommence.  Un slow fox enchaîne la série, un tango et une rumba langoureuse se font entendre. Un quick step endiablé nous anime, rock, salsa, jive nous épuisent. La soirée est merveilleuse et déjà finie.

Demain il faudra tout revoir à nouveau pour que tout soit parfait. Les heures ne se comptent plus, apprendre, répéter, suer.  C’est une longue suite de soirée qui commence.

Que dirent des compétiteurs qui travaillent durs pour toujours être au niveau et rendent dans la beauté cet art compliqué qui demande des énormes sacrifices. Mais là est une autre histoire.

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Emilie et la boîte de Pandore

Chaque matin, Emilie  allume son pc. Une fenêtre qui s’ouvre sur le monde. Emilie s’installe, confortablement dans son vieux fauteuil en cuir, devant cet écran d’ordinateur connecté.  A demi éveillée, le bruit familier de la mise en route la rassure et elle commence une nouvelle journée.  Emilie, jeune femme moderne travaille,  elle est divorcée depuis peu et assume sa vie.

Ainsi reliée au Net, sa tasse de café en main, elle introduit son adresse Mail et sa boite l’accueille. D’un regard rapide, elle balaie les nombreux messages reçus et efface ce qui ne l’intéresse pas. Emile se connecte à you tube. La musique occupe une place de choix dans sa vie.  Ensuite elle opte pour  facebook et twitter afin de rejoindre ses copains du monde entier. Elle voit défiler les messages, les photos, les commentaires d’un tas de gens que l’on nomme Amis.  Ce nouveau mode de communication est maintenant sa vie. Son ordinateur lui sert de confident, de compagnon.

Reliée aussi à ses contacts par son nouveau smart,  elle peut à tout moment de la journée suivre l’actualité de ces sites et rester en liaison directe avec sa boite mail et la planète. Les internautes sont légions et cette fourmilière bourdonne, murmure, chuchote.

Emilie a retrouvé des amis d’enfance, des anciens collègues de travail, des voisins et d’anciennes relations. Le passé est hélas le passé et avec beaucoup de plaisir, elle a revu certains d’entre eux. Que dire après toutes ces années de silence si ce n’est jouer le rôle d’une femme moderne, vive et intelligente.

Tous ces contacts sont là, réunis sur une page informatique, alignés par ordre et répertoriés avec photo.  Un carnet d’adresse complet qu’Emilie prend soin de tenir à jour. Une liste affectionnée mais froide.

Emilie a pris l’habitude de surfer rapidement sur le Web, elle trouve, repère des vacances, des sorties, des expositions. Tout est à sa portée, facile et agréable.  Un clic et tout est ok.

Avec son nouveau smart, elle prend des photos de tout ce qui l’entoure  pour agrémenter sa vie et elle les publie sur sa page amenant commentaires et réflexions. Des moments uniques volés et jetés sur le web. Ses amis font pareil et la tiennent informée de l’actualité. Emilie visite ainsi des sites intéressants et arrive à s’intégrer dans certains qu’entre eux.

Mais tout ceci est toujours si irréel.  Ses contacts potentiels lui laissent parfois un goût de vide, de manque. Le soir, quand Emilie se sent seule et qu’elle tape sur son clavier, les amis sont indisponibles, hors ligne, occupés, absents, invisibles même.

Invisible, un adjectif d’une autre dimension comme sa vie sur cet ordinateur, comme la vie qu’elle a mené avec son mari.  Parfois Emilie s’attache à des internautes qui lui apportent un peu d’intérêt mais d’un coup de clic, ils disparaissent pour toujours.

Emilie s’est laissée prendre à ce jeu fascinant d’Anésidora qui répond à ses fantasmes et la rend importante par moment. Emilie perd parfois le sens de la réalité.  Tout ce matériel a fini par bouleverser son entourage, ses occupations d’antan.  Attirée par cette fenêtre unique, elle règle toute sa vie avec elle et en fait un alter- ego.

 Elle a perdu le charme d’une rencontre au hasard et la magie de découvrir qui se cache derrière une personne inconnue. Emilie s’est finalement coupée de ce que l’on appelle le monde physique et vit sans réel contact humain.  Sa journée s’achève et un manque se fait sentir, ce manque de chaleur humaine, du plaisir qu’il procure. Le bonheur d’une rencontre fortuite mais bien concrète d’un être de chair et de sang.

 

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Soirée crochet JGobert

Le mardi soir était réservé au crochet. Adèle, Babette, Capucine, Daphnée étaient volontaires pour se rassembler dans l’arrière boutique de Grand-mère et attaquer des travaux de crochet. La première pièce que Grand-mère nous demanda, était un couvre-lit blanc fait de brides simples. Dans les années soixante, cette activité nous permettait de nous réunir pour parler, discuter et rire. Nous étions toutes de la même rue. Grand-mère avait connu les parents et grands-parents des participantes.

Adèle, une jeune fille timide vivait toujours chez ses parents. Elle avait fait de belles études. Babette, plus vive de caractère, avait préféré loger dans un petit appartement. Elle avait quitté ses parents pour un peu d’indépendance. Capucine était mariée depuis peu et vivait heureuse avec son mari. Elle était tombée amoureuse de ce grand garçon timide et si beau. Daphnée était l’intellectuel de la troupe, elle squattait un loft avec une amie, un vieux garage aménagé en studio. Tout le monde aimait venir le mardi soir raconter ses histoires et Grand-mère nous allumait un joli feu de bois et nous servait un café bien chaud.

Les parents Adèle avaient connu la guerre et son père s’était porté volontaire pour aider son pays. Sa mère avait alors repris le travail et élevé Adèle seule. Durant ces années difficiles, elle avait travaillé chez les grands-parents de Capucine qui tenaient un commerce d’alimentation.

Babette était un peu l’étrangère du groupe. Un grand doute planait sur ses origines et bien que Grand-mère sache quelque chose, elle ne nous en faisait pas part. Il y avait un mystère dans la vie de Babette.

Capucine avait immigré aux Etats-Unis le temps que la guerre se termine. Elle faisait figure de chanceuse dans ce groupe de crochet. Son papa, fonctionnaire, avait réussi à avoir des places sur un paquebot.

Quand à Daphnée, orpheline et loin d’être triste, elle avait bourlingué de maison d’accueil en pensionnat et il lui importait peu d’être ici ou là.

Grand-mère avait une vieille échoppe dans les années soixante, une brocante où elle continuait de loger à l’étage malgré son âge avancé. Son arrière boutique sentait bon la cire, l’encaustique et le bois ancien. Des étagères et des armoires bondées gardaient là les secrets et les souvenirs d’un autre temps. Deux très vieux canapés en cuir nous accueillaient chaque mardi et les pelotes de coton roulaient, glissaient un peu partout. La grande table se tenait au centre pour faire l’arbitre quand les conversations s’animaient.

Babette était l’énigme, le mystère et les dialogues s’arrêtaient quand le sujet s’approchait de certains points. Grand-mère levait alors les yeux et les ouvrait bien grand pour nous faire taire.

Dés la guerre finie, les parents d’Adèle déménagèrent rapidement et s’installèrent dans une autre région. Capucine rentra des states avec sa famille et Daphnée apprit que ses parents ne reviendraient plus.

Babette  était apparue, abandonnée et déposée un soir d’orage, recouverte d’une couverture de laine, chez de braves gens qui avaient perdu un fils à la guerre. Ce cadeau les réconciliait avec la vie. A cette époque, les petits sans famille étaient légions et personne ne trouva cela étrange. Babette grandit dans un milieu aimant et la petite fille s’éveilla au monde sans difficulté.

Pour Capucine, ses parents et grands-parents  avaient trouvé son mariage trop rapide. Après ces années de guerre, les projets ne manquaient pas mais Capucine avait préféré se marier rapidement et fonder un foyer.

Les parents d’Adèle étaient revenus après quelques années. Sa mère était réticente à ce retour prétextant toujours une raison pour ne pas rentrer. Un jour, son père décida et ils revinrent chez eux.

Capucine reprit ses habitudes après son voyage aux States et au retour, elle trouva son grand-père bien triste, taciturne, aigri. Elle mit cela sur le compte de la guerre et elle se dit qu’il avait bien souffert et fort vieilli pendant tout ce temps.

Le couvre-lit terminé, Grand-mère nous proposa une nappe blanche pour embellir sa vieille table et tout le monde fut d’accord. Les pelotes volaient et les travaux de crochet nous libéraient de la tension de la semaine. Nos discussions étaient toujours agréables et vivantes.

Un mardi, Capucine ne vint pas. Son grand-père était mourant. A sa grande surprise, il voulait voir Babette sur son lit de mort. Etonnée comme tous les membres de sa famille, Capucine attendit le soir pour apprendre la nouvelle. La mère d’Adèle aussi était bizarre et nerveuse. Elle ne tenait plus en place depuis qu’elle avait appris la fin prochaine du grand-père de Capucine.

Daphnée, toujours en dehors, ne s’intéressait pas à ce problème et profita pour aller se promener. Quand Babette arriva, toute la famille fut étonnée de cet entretien et resta perplexe quand au sujet. Grand-père s’enferma avec Babette et celle-ci en ressortit en larmes. Au grand étonnement des membres de la famille, Grand-père ne dit plus rien et mourut.

Babette rentra chez elle consternée et quelques heures plus tard,  elle partit rendre visite à la mère d’Adèle. Celle-ci la reçut avec un sourire très tendre et plein de sollicitude. Adèle comprit ce qui s’était passé. Babette se jeta dans les bras de la mère d’Adèle et pleura un long moment. Ensuite elle rentra chez elle retrouver sa mère et son père qui l’avaient si bien élevée. Capucine aussi comprit ce qui c’était passé et excusa son Grand-père. Daphnée trouva l’histoire comique, burlesque même et regretta de n’être pas à la place de Babette.

La vie fait parfois des tours de passe-passe et le crochet en fait tout autant

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La mort ne veut pas de toi JGobert

La mort ne veut pas de toi.  Après avoir vécu tous les tourments de la terre, elle arrive à la fin de sa vie plus démunie encore qu’à sa naissance. Sur son lit de douleur, les soignants passent et repassent  sans lui dire un mot. Elle ne parle plus depuis longtemps. Enfermée dans ce que l’on appelle un corps torturé, elle commence à finir enfin de souffrir. Doucement elle s’éteint, retenant encore un souffle à peine audible par instant. Ses yeux s’ouvrent par moment et cherchent autour d’elle si la vie est toujours là. Dans son âme tourmentée, reviennent des brides de vie, des voix disparues. Dans les yeux de celle qui disait : vis, vis encore, je suis la vie.

La mort lui a tout pris. Elle a beaucoup aimé dans son existence et a adulé un homme avec qui elle a passé sa vie. Sa passion pour cette personne la remplissait de satisfaction, de félicité. Elle vivait avec lui tout l’amour de la terre, de l’azur au firmament, son bonheur se transformait en or et faisait étinceler le monde. Disparu un soir sans que nul ne sache pourquoi, elle a perdu tout espoir de le revoir et a voulu y croire encore. Une voix venue d’outre-tombe l’appelle enfin. Elle qui a été la force, le refuge, la continuité, elle, qui épuisée de tant de souffrance, reste là presque sans vie. Elle entend : Vis, vis encore, je suis l’amour.

La mort emporte tout. Ne voulant plus se battre, elle écoute sans bouger, sans que personne ne sache ce qu’elle refuse.  Elle a renoncé depuis longtemps et ne comprend pas cet appel soudain ressenti. Elle n’en veut plus de cette vie de solitude, de douleur, de souffrance. Elle veut cette mort qui la guette depuis tout ce temps blottie en elle comme une infamie, une honte. Elle refuse que tout recommence encore et encore, elle a rejeté cet état d’isolement, de châtiment et malgré elle, la voix lui dit : Vis, vis encore, je suis l’oubli.

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Petit conte candide JGobert

Cet amour vécu que je n’ai pas su évaluer ne m’a jamais quitté. La compagnie des femmes m’a toujours plu et je m’y suis toujours sentie chez moi. Dans ce cocon, doux et chaud, j’y ai connu la douceur des bras de femmes.  Elles vivaient ensemble par tradition. Les femmes ne cherchaient pas le contact des hommes et parfois, si l’une d’entre elles partaient. Elle rentrait bien vite rejoindre sa place.  Ces femmes ne se mariaient pas. Aujourd’hui,  on dirait qu’elles sont indépendantes, singulières, célibataires. Elles avaient néanmoins des enfants qu’elles mettaient au monde, un peu volés, toujours aimés.

Les petits garçons partaient et ne revenaient pas. Peu curieuse, je ne sus jamais où allaient ces petits garçons. La vie était paisible dans ce monde de femmes où il n’y avait pas de place pour la guerre, l’hostilité, les batailles  où le bonheur coulait doucement et remplissait  la vie. Dans cette enclave secrète n’aboutissaient que les projets heureux. Les femmes étaient programmées pour le bonheur et l’on chassait parfois les esprits chagrins.

Les petites filles s’élevaient dans la douceur, la beauté, dans les arts et la musique. Elles embellissaient de jour en jour  et devenaient des fleurs sauvages d’une éclatante beauté.

Chacune avait ses tâches et des responsabilités, Douceur pour une, Tendresse pour l’autre, Affection pour une troisième. Toutes avaient un rôle à jouer.

Parfois ces demoiselles choisissaient  Bonté,  Amitié,  Humanité et la vie se déroulait dans un climat de générosité. Une petite fille choisit un jour Amour et le garda pour elle, les autres se sentirent lésées, blessées par ce choix et une autre prit Passion ce qui contraria la plupart.

Une autre encore choisit Plaisir,  une autre Triomphe et sans que l’on ne s‘en aperçoive Jalousie fit son entrée. Haine suivit de peu, Mépris et Colère arrivèrent bien vite.  Rien n’était prévu pour ces sentiments négatifs et il fallut mettre fin à cet enchainement peu commun.  Toutes ces demoiselles furent d’abord raisonnées et ensuite chassées par leurs mères. Elles se retrouvèrent au milieu des hommes où la vie ne fut plus jamais pareille.

JGobert

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Artiste JGobert

J’habite New York, Madison avenue, un immeuble de 10 étages à quelques pas de Central Parc dans Manhattan. Times square, Soho ne me sont pas inconnu. Je vis dans un monde parallèle, étranger dans le tumulte de cette ville tentaculaire. Son agitation me plait et j’aime me promener, me faufiler dans ces rues fortement éclairées le soir où la lumière se repend comme des sources d’or.

 Je m’appelle Jeffrey, les amis m’appellent Jeff. Mon caractère est facile, agréable et je suis un déplacé né à la campagne. Mes parents sont immigrés, expatriés. Une partie de ma famille est installée  ici pour exister, subsister autrement. J’ai appris à vivre dans cette ville.

 Je veux être artiste, avoir la grande vie, faire du cinéma, du théâtre. Me faire connaître et reconnaître de mes condisciples. Je fais des petits boulots pour survivre. Quand je mets mes habits de lumière, mon chapeau à paillettes et que je prends ma canne, je deviens le grand, le beau Jeff comédien que tout le monde aime. Le succès n’est pas encore au rendez-vous mais moi j’y crois.

 Ma sœur est restée au pays. Elle habite une maison à la campagne, elle est toujours l’intruse, celle que tout le monde veut attraper. Elle connaît tous les secrets  des villageois et entend tous leurs propos. Elle aime sa demeure et est heureuse là-bas. Sa vie est tout autre, elle déambule dans les couloirs et personne ne peut la saisir. Ils ont bien essayé de la piéger mais elle a déjoué tous les plans. Elle vit avec les hommes. Elle les épie avec délice, les espionne avec bonheur et si elle pouvait s’exprimer, elle en raconterait des histoires.

 Dans mon immeuble, je ne suis pas tout seul. D’autres y habitent, des bohémiens comme moi,  qui veulent réussir aussi et cherchent la gloire. L’endroit est propice aux arts, les musées, les théâtres, les cinémas se livrent facilement et j’ai mes entrées un peu partout. J’ai eu la chance de rencontrer des artistes qui, sur scène, dispensent le rire, la comédie, l’enchantement. C’est cela que je veux faire.

Les hommes dans cette ville sont cruels, sans cœur et il est bon de savoir qui on est. Inutile de s’y frotter.

 Ma sœur vit en compagnie d'un grand-père et sa petite fille. Elle aime les regarder bouger et les repère aux bruits qu’ils font. Grand-père aime la musique. Chaque pièce a des secrets d'alcôve et la vie s’écoule simplement. Elle aime surtout la chambre de grand-père, sa chemise de flanelle qu’il pose sur une chaise, son vieux pantalon de velours et ses bretelles élimées et fidèles. Les souvenirs posés sur l’étagére. C’est un vieux monsieur et chaque fois qu’il passe devant un miroir, il lisse ses superbes moustaches et s’asperge d’eau de Cologne.

La chambre de la fillette est coquette, joyeuse, décorée avec goût, elle respire aujourd'hui le bonheur. La petite fille est arrivée depuis quelques années suite à un grand malheur.

 

Où je vis, il n’y a pas de proximité possible avec les hommes qui nous pourchassent d’emblée. Si la ville me plait par son activité, les hommes ne sont pas compréhensifs, bienveillants. Ils vivent pour eux et ne laissent pas de place à ceux qui sont différents, autres. J’ai peur parfois de n’être pas à la hauteur.

 De la chambre de la fillette, ma sœur peut apercevoir grand-père s’assoir sur un petit muret et fumer sa pipe. Il est âgé déjà et ses tourments ne sont pas pour lui mais bien pour cette petite fille qui vit avec lui. Ma sœur les observe et les voit souvent partir se promener, main dans la main et revenir ensoleillé de tendresse.

 Je ne connais pas cette atmosphère, cette douceur dans ma ville où les hommes courent, se déplacent sans cesse, bruyants, insatisfaits et de mauvais humeur. Dans mon immeuble, je suis relégué tout en bas sous le parquet plastifié et je ne connais pas le plaisir de ces bois d’antan qui sentaient si bon la vie.

Je n’ai pas le droit de me montrer aux hommes sans que cela déchaîne des passions terribles. Mon monde à moi se joue caché, dissimulé, sournois pour ne pas être détruit par eux. Notre société vaut bien la leur et notre droit à respirer aussi.

 La nature n’a pas mis de critère sur cette terre pour définir qui peut vivre ou mourir. Seuls les hommes ont pris ce droit, ce pouvoir de détruire tout sur leur passage, de choisir pour les autres. Ils jugent que nous sommes nuisibles, nocifs, incommodants. Et d’autres sont laids, affreux, hideux.

Moi, je suis l’intrus qui veut vivre comme un artiste. Je fais des sauts et des cabrioles pour amuser le monde et le faire rire. J’aime ma condition de malice et je hais les hommes envahis de faux sentiments, de fourberies et pour qui la vie, l’humour, l’ironie d’un étranger, d’une petite souris grise n’a pas d’importance, ni d’intérêt.

 

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