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l'immigré JGobert

Il a débarqué ce matin, violemment jeté à même le sol par les bénévoles. C’est un petit gars de 15 ans parti chercher fortune ailleurs et qui a abandonné sa vie naissante d’infortune. Il a enfin pris pied sur cette terre d’accueil que ses ainés lui ont raconté mainte et mainte fois. Une terre regorgeant de trésors, de nourritures et d’argent.

Cruelle, la ville se dresse devant lui, tentaculaire, gigantesque et baignée dans un froid glacial. Ses vêtements ne sont plus adéquats et il tremble, grelotte.  Des baraquements de tôles sommaires s’élèvent du sol entourés de palissades et de grilles qui laissent présager que la vie, ici, ne sera pas plus belle pour le moment que celle qu’il vient de quitter.

Chez lui, ce petit homme a laissé sa mère, son enfance, ses souvenirs. Même très pauvre, la vie ne l’a pas privé de tendresse, vivre avec sa famille, sa terre aride et ses bestiaux malingres lui suffisait mais il a fallu partir.

Il a fallu prendre la décision de s’en aller pour que d’autres poursuivent et continuent à vivre dans ce pays, dans cette triste misère.  Chercher l’eldorado dans un pays riche et essayer de s’en sortir. Un rêve nécessaire pour endurer ces jours et ces jours de souffrance sur ce bateau bondé.

Son frère ainé, parti plus tôt, n’a plus jamais donné de nouvelles. Sa mère, attristée, attend toujours un courrier de lui. D’autres gars du village sont partis et revenus. Après de longs parcours de marche sous le soleil, rattrapés et refoulés vers les terres où l’espoir de vivre est plus petit que la certitude de mourir. Terre et hommes abandonnés dans cette chaleur cuisante.

Quelques pas sur ce trottoir mouillé et froid et déjà les morsures de cette vie étrangère se font sentir. De noms inconnus lui collent  à la peau et s’accrochent sans qu’il puisse les arracher.  Des noms que le monde civilisé a créés pour dénoncer ces hommes qui partent de chez eux pour vivre autre chose, pour exister, pour trouver le bonheur.  Ils sont légions à quitter leur univers de misère et pour certains, ce n’est pas le premier essai mais il faut s’accrocher pour résister à cette haine de l’immigré, du moins que rien, de l’expatrié, du laisser pour compte. Il faut croire que la vie chez eux est pire encore que ce que nos imaginaires pensent pour supporter la cruauté impassible de ces hommes résidants du bon côté de la terre.

Les listes tristement célèbres se font inlassablement et reprennent l’identité de ces hommes qui entament une file d’attente et d’indigence. Le froid les recouvre et les blesse déjà.  Après cette formalité, une autre file pour avoir droit à un bol d’une pitance qui les fera tenir un moment. Entré dans ce camp, avec son seul bien, une couverture trouvé à même le sol et abandonnée par un mourant, il cherche un endroit où se blottir et se réchauffer. Le bâtiment est bondé et dégage une odeur qu’il préfère ignorer en s’installant dehors sous un abri de fortune.

Il n’est pas le seul à être là, couchés par terre contre ce mur dans ce froid qu’ils ignorent.  Mais demain sera un autre jour et il partira jusqu’au bout de ses rêves dans cette ville inconnue qui lui ouvre des bras inhospitaliers.  Ce soir, seul et vidé de ses forces, il s’assoupit.

 

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Commentaires

  • Merci Gilbert.

    Ces mouvements ne sont pas nouveaux. Au cours des siècles, les populations ont toujours voyagé pour trouver mieux et se nourrir. La vie est un éternel recommencement.

    Bien amicalement

    Josette

  • Nul n'est heureux de quitter sa terre natale.Tous les mouvements migratoires sont affaire de nécessité. L'indifférence, aussi, a ses les limites et quand elle fait place à la colère il faut s'attendre au pire.

  • Merci Nicole pour ton beau commentaire. La musique dit aussi les choses parfois mieux que les paroles seules. Très belles chansons qui dénoncent.

    Excellent Weekend

    Amicalement

    Josette

  • Texte fort touchant, plein d'humanité ... qui propose,  au-delà des mots,  un intense questionnement

    m'évoque,  entre autres chansons,   un texte de J.J. Goldman ... "Etre né quelque part "... " J'ai pas choisi , de naître ici ... Je m'en sortirai, je me le promets ..."  et celui de  Michel Berger ... Je veux chanter pour ceux, qui sont loin de chez eux, et qui ont  dans les yeux, quelque chose qui fait mal, qui fait mal ...

    Merci de ton partage, Josette et douce fin de semaine à toi ..

    Cordialement, Nicole

  • Merci Marie-Josèphe pour tes encouragements.

    L’humanité est ainsi faite, il y a deux côtés à la balance et les richesses inclinent toujours dans le même sens. Et j’ai bien peur que ca ne continue encore longtemps.

    Excellente journée

    Amicalement

    Josette

  • Merci Adyne pour ton commentaire.

    On peut toujours se dire que l’on est des citoyens du monde. Ce statut éliminera cette situation indélicate d’être ou pas un étranger.  Disons plutôt que nous sommes tous exotiques, allochtones, allogènes et le monde sera remis à sa place.

    Excellente journée

    Amitiés

    Josette

  • Merci Jacqueline de ton commentaire. Trop de gens ne sont pas satisfaits de leur vie et chercher ailleurs pour l’améliorer. Le monde n’est pas une verte vallée où les difficultés, les désillusions s’effaceraient par enchantement. La solution reste dans la répartition des biens mais c’est une autre histoire.

    Très agréable Journée

    Amicalement.

    Josette

  • Chère Rolande

    Et pourquoi pas le bonheur pour tous. Qui décide qui sera heureux ou pas. Tous les hommes ont droit à une part de satisfaction qui n’est pas forcement la même que la nôtre. La terre ne peut pas être un paradis mais elle doit néanmoins subvenir aux besoins de tous et mieux répartir ses richesses. L’utopie, l’illusion est là dans les mains des faiseurs d’argent qui font tout pour reléguer une partie du monde dans la misère. L’étranger est partout et la terre appartient à tout le monde donc nous sommes tous étrangers à qq chose. Je pense qu’être élevé dans une autre culture est un acquis supplémentaire qui permet de mieux comprendre et de ne pas avoir peur. Un père est un père, un cœur est un cœur peu importe la nationalité.

    Toujours contente de te lire Rolande. Je te souhaite une excellente journée.

    Amicalement

    Josette

    .  

  • je viens de lire ce texte avec beaucoup d'attention, si bien rédigé et tout aussi bien commenté par les différents lecteurs, chacun étant meurtri tout comme moi par tant d'intolérances insupportables entre humains que nous sommes, tout simplement ! Félicitations Josette pour cette remarquable publication.

  • J'ai une nièce qui a épousé un marocain aussi irréprochable et les enfants adorables, j'ai déjà entendu de la famille marocaine de ma nièce, dire on est étranger ici et quand on retourne dans notre pays d'origine, nous aussi des étrangers!

    Une situation inconfortable!

    En espérant qu'un jour, tout se normalise pour tous les peuples.

    Merci Josette pour ce partage.

    Bonne fin de semaine.

    Amicalement.

    Adyne

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