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Ames sensibles s'abstenir JGobert

A l’heure où les braves gens rentrent chez eux, le quartier de la gare se vide peu à peu pour laisser place à une autre forme de vie. Une vie obscure dans une nuit trépidante et discontinue. Un monde risqué fait de noctambules, de couche-tard qui gravitent autour de cet endroit. Les bars s’ouvrent, les estaminets s’éclairent et les portes des cabarets laissent circuler une musique attirante. Les ombres de la nuit rodent déjà et les quelques passants attardés se hâtent de vider ce lieu mal famé.  

Les grosses voitures débarquent les patrons avides de profit et toujours inquiets de leurs marchandises. L’univers de la nuit est au rendez-vous et s’active d’affaires, d’activités pas toujours claires.

Arrivent alors celles pour qui la nuit est un moment où l’argent se gagne. Bien que contraintes et parfois forcées, elles vivotent tant bien que mal dans ce quartier mal fréquenté. Dehors pour les moins chanceuses,  à l’intérieure pour les plus précieuses.

Chaque soir apporte son lot de brimades, de vexations, d’humiliations. Mais il faut bien manger et parfois nourrir ce petit qui attend toute la nuit que sa mère rentre.

Ce soir, une pauvre fille est encore plus désespérée que d’habitude. L’Administration lui a confisqué ses minces biens pour apurer des découverts anciens mais toujours d’actualités. Elle a beaucoup tempêté, injurié, maudit cet homme qui d’un coup la met à la rue.  Sa vie a basculé il y a longtemps mais ce toit était son dernier repaire, sa dernière consolation. Sans lui, la voilà errant de jour comme de nuit épuisée dehors.

Ce corps malmené s’imprègne rapidement d’alcool, celui-là même qui la libère momentanément de cette souffrance qu’elle traîne avec difficultés. Après quelques verres bien remplis, son esprit oublie un peu le lieu mal fréquenté où elle s’installe. Les hommes du quartier la connaissent et lui paient à boire.

Quoi d’autres à cette pauvre femme.  Les hommes de passage essaient d’en profiter mais son état n’est guère encourageant et la laisse seule à cuver dans un coin désert du café.  

Quand elle sort un peu de sa torpeur, son esprit blessé de tant de misère se souvient par petite bride qu’elle a eu une autre vie avec une famille. Vite pour oublier cette époque, un verre avalé efface ce souvenir douloureux.

Dehors, il fait nuit noire et les fêtards, les noceurs partent l’estomac noyé et l’esprit ravagé d’alcool. Ils rentrent chez eux dormir dans un lit bien chaud et reprendront leur vie demain au lever.

C’est aussi l’instant où le patron va la mettre dehors, la jeter sur le trottoir et peut-être l’insulter gratuitement juste pour s’éclaircir la voix.  Cette nuit est froide, glacial pour cette femme qui n’a plus rien d’humain. Elle titube et va s’assoir sur un banc gelé et s’effondre en pleurant. Un fantôme de la nuit.

A cette heure, plus tardive encore où cette fois, les prédateurs sortent pour chercher une proie facile. Ils sont là à la regarder mourir de solitude, d’abandon.  Ils ne bougent pas de peur qu’elle s’échappe. La chasse a commencé et le butin sera cette pauvre femme.  Les ombres se déplacent, furtives, sournoises et approchent.  Un de ces hommes a une idée bien précise sur le sort de cette femme.  C’est lui qui l’emmènera dans un lieu sordide où elle mourra. Il va la tuer juste pour voir et va la découper.

L’histoire ne dit pas si la place de la gare a été  le théâtre de ce crime. Le corps de cette malheureuse a été retrouvé, démantelé dans des sacs plastiques, jeté le long d’une route.

Les éboueurs ont trouvé ce corps en morceaux comme on trouve des ordures.  Résumé peu glorieux de la vie d’une femme délaissée et perdue. Les journaux en ont fait des choux gras et gagnés beaucoup d’argent grâce à elle.

Cette femme avait une famille qui la pleure, un frère qui a obtenu des autorités qu’on l’enterre dignement.  Ce corps découpé ne fut pas le seul à être retrouvé, trois autres femmes ont ainsi perdu la vie. Les victimes sont connues mais pas le dépeceur. Il continue à roder peut-être près de vous, discret jusqu’au jour où..

JGobert

 

 





 

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Commentaires

  • Merci Jacqueline de ton commentaire.Une pensée pour ces femmes qui peuvent parfois donner une leçon à l'humanité. La déchéance ne vient pas seule, il a fallu beaucoup de déceptions, de trahisons, de malheurs aussi pour en arriver là.

    Merci pour tes encouragements.

    Amitiés

    Josette

  • Bonjour Adyne,

    Merci de lire même quand le sujet est difficile, j'apprécie beaucoup.

    La vie est parfois cruelle et  insupportable mais bien réelle.  

    Bonne journée

    Amitiés

    Josette

  • Dur et beau ce texte! Comme la vie qui si vite peut basculer.... ne l'oublions pas.

    Merci de ton talent Josette, c'est un plaisir de te lire, bien pensé et concis n'est pas toujours une évidence! j'apprécie

    Beau weekend à toi

    Jacqueline

  • Bonsoir Josette,

    J'ai failli ne pas lire! Et finalement la curiosité l'a emporté, quelle tristesse, je me souviens de ce fait divers.

    Quelle horreur!

    Amitiés.

    Adyne

  • Bonjour Krystin, 

    C'est la cruauté de la vie parfois inhumaine. Les administrations appliquent la loi et le manque de chance fait le reste.

    Amicalement

    Josette 

  • Bonjour Rolande,  L'histoire est vrai et pas si lointaine. Elle est presque inimaginable à notre époque et surtout dans ma ville. Pas de coupable et toujours un frisson de ne pas savoir.

    Ces dames ont droit aussi à notre respect quoi qu'elles fasses, il est impossible de les juger.

    Rolande, le petit mot qui suivra sera plus en rapport avec nous. je ne vais pas me spécialiser dans le crime mais je tenais à ce que l'on sache que ce genre de crimes existent encore.

    Amitiés Je t'embrasse

    Josette

  • Bonjour Gilbert,

    Romancé, imaginé mais qui aurait pu se passer de cette façon. La misère de ces femmes qui errent le jour et la nuit ne doit pas s'oublier. il faut oser s'habiller de ses rêves ou de ses cauchemars.

    Amitiés

    Josette

  •  

    C'est  horrible mais, hélas, aussi vieux que la nuit des temps !

    Basée sur un histoire vraie et l'assassin court toujours : la fin donne froid dans le dos. Oh Josette !! cela me rappelle avoir vu un jour dans une rue fréquentée de Bruxelles, un amoncellement d'oripeaux dont n'émergeait que le flamboiement d'une chevelure rousse. Autour d'elle, des bouteilles de bière vides. Et des passants la contournant sans la voir .... Une dérive jusqu'à la mort .... Tu as l'art de nous faire frémir, de nous faire rêver ...

    De nous faire réfléchir .....Bref, de nous aider à ne pas sombrer dans l'indifférence face aux douleurs du monde. Merci à toi.

    Je t'embrasse. Rolande.

  • L'ambiance des rues glauques de Dickens, des bistrots mal famés...d'une réalité saisissante. A ne pas lire  un jour de Toussaint par exemple ! Il fallait oser, c'est fait !

  • Merci Jacqueline.

    Bonne soirée

    Amicalement

    Josette

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