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rêverie

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Le soir, j’admire quand tu te concentres, la lecture te rend belle. Tu n’en n’as nul besoin pour l’être mais la moindre excuse pour te dire que tu l’es est la bienvenue. Je ne comprends pas l’écriture de ton pays dans ces livres, parfois tu résumes et quelquefois tu me dis cela intraduisible. J’avoue, Anna que j’aime ces moments de silence, je t’admire, je suis un vieux fou et si tu es en tenue de nuit, je savoure ces instants !

Plongée dans tes rêves, tu t’imagines sans doute être l’héroïne de ce roman et je prie pour que ce soit un roman doux, pour qu’une fois ce livre déposé, tes rêves soient à l’image du scénario.

Le contraire m’empêcherait de dormir !

Livre d’histoire, roman historique, érotique, de science réelle ou de fiction, d’aventure ou autre, tu es souvent plongée sur ces pages écrites ; je crois que tu as besoin ce ça, pour t’évader de ce monde.

Être érudite en plus d’être belle, comment ne pas aimer même si en ces moments-là, tu n’es plus Diabliczka, ni moi, Méphisto, nous sommes Anna et Angelo !

 

 

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Les petites flammes du désir

                                                                                                                                       

 

Julie était mariée depuis vingt ans, elle en avait quarante-cinq. Elle éprouvait pour son mari un amour qu’elle qualifiait de profond.  Ils vieilliraient ensemble, disait-elle.

Julie avait conservé des joues lisses et des lèvres pleines qu’elle soulignait soigneusement de son rouge à lèvres. Le corps à peine épaissi aux hanches, elle n’en était que plus désirable.

Les amitiés de vacances se dénouent généralement avec la fin des vacances, si bien qu’ils avaient été surpris quand les Peraux leur avaient téléphoné pour leur dire qu’ils avaient conservé de leur rencontre un souvenir si plaisant qu’ils souhaitaient les revoir.

Ils étaient à peine arrivés que Georges avait entouré les épaules du mari de Julie pour faire, comme il disait, le tour du propriétaire et lui montrer sa cave. Pendant ce temps, dit-il,  Sylviane montrerait leur chambre à Julie, cela leur permettrait de se faire jolies et eux, les hommes, choisiraient les vins qui accompagneraient leur repas. Un repas de retrouvailles.

A la fin du repas Julie avait voulu se rafraîchir. Sylviane et le mari de Julie parlaient cuisine et le mari de Julie avait à ce sujet une compétence de gourmet qui surprenait toujours la femme de ses hôtes.

Georges dit qu’il allait conduire Julie à la salle de bains, il était inutile que Sylviane se dérange.

Il entra dans la salle de bains avec Julie, prit une serviette de bain pour la lui donner mais la conserva dans la main.

Tu sais que tu es jolie, dit-il en s’approchant d’elle. Je l’avais déjà remarqué au bord de la piscine, et j’avoue que je te regardais souvent. Je le dis comme je le pense, j’enviais ton mari. Oui, dit Julie en souriant, mais c’est mon mari.

Georges s’était approché d’elle, il avait voulu l’embrasser sur la bouche, elle avait détourné la tête et elle avait mis la main sur sa poitrine pour le repousser. Il avait cherché son cou et il avait retiré la main de Julie de sa poitrine pour la poser sur son sexe tendu. Julie n’était plus une enfant mais elle ne savait pas ce qui aurait pu arriver si on n’avait pas frappé à la porte. C’était Sylviane, et Georges, le visage en feu, avait dit qu’il cherchait une serviette propre pour Julie. Il était sorti en riant.

Cette nuit-là, Julie n’avait pas voulu que son mari l’approche, elle avait la migraine, avait-elle dit. C’était peut-être le vin, elle pensait qu’il valait mieux qu’ils rentrent chez eux, peut-être qu’elle avait un début de grippe.

A peine rentrés chez eux, Julie avait entraîné son mari dans la salle de bains, et elle lui avait fait l’amour comme l’aurait fait une putain, avait-elle pensé. Mais, et ça lui était venu à l’esprit comme à peine l’ombre d’une pensée, c’était à Georges aussi qu’elle avait songé.

Julie n’avait jamais trompé son mari. C’est vrai qu’il lui arrivait d’être troublée  lorsque en dansant son cavalier la serrait de trop près, sa poitrine était particulièrement sensible, mais elle s’écartait sans aigreur. N’était-ce pas un hommage à sa beauté et à cette attraction qu’elle exerçait sur les hommes ?

Julie et son mari formaient un couple heureux mais Julie pensait parfois que leur vie était trop routinière. Adolescente elle avait rêvé de rencontres inédites, d’actions qui la porteraient à prendre des risques dont elle ignorait la nature mais dont son entourage aurait été surpris.

Autre chose avait changé encore après un voyage qu’ils avaient fait en amoureux pour fêter l’anniversaire de leur première rencontre.

Au retour, ils s’étaient arrêtés dans une auberge de campagne pour y passer la nuit. Ils avaient fait l’amour. Puis elle avait eu envie de descendre dans le hall pour demander elle ne savait plus quoi, et son mari était resté allongé sur le lit. La chambre se trouvait au troisième étage, elle avait pris l’ascenseur vêtue d’un manteau qu’elle avait enfilé sur son pyjama.

Un homme se trouvait dans l’ascenseur. Le col de sa chemise ouvert, les cheveux dépeignés, manifestement il sortait de son lit. Ils se regardèrent un moment puis ils détournèrent la tête. Julie sentait sur eux, et il devait le sentir lui aussi, cette odeur épicée qu’ont les couples après avoir fait l’amour. C’était une sensation curieuse et excitante. Il venait de faire l’amour, elle en était certaine, et c’était comme s’ils avaient fait l’amour ensemble. Elle imaginait que sa compagne l’attendait dans leur chambre comme l’attendait son mari dans la sienne.

L’ascenseur s’était arrêté, l’homme était sorti mais Julie avait changé d’avis. Elle remonta dans la chambre. Son mari était toujours étendu sur les draps rabattus. Elle se coucha auprès de lui, elle posa la main sur sa jambe et, tout en le caressant, elle lui raconta sa rencontre de l’ascenseur. Ils avaient ri de cette coïncidence et de la jouissance singulière qu’elle leur procurait.

Depuis, est-ce qu’on sait pourquoi et comment ces idées-là vous viennent, comme si une main vous saisissait le bas du ventre, elle s’était mise à penser à des gestes que des inconnus pourraient avoir envers elle dans un ascenseur ou ailleurs. Et à ce qu’elle ferait s’ils le faisaient en réalité, et non pas dans ce jardin obscur de l’imagination. Par exemple, ça pourrait arriver, si elle se trouvait dans une voiture avec un conducteur de rencontre. Au début ils se tairaient tous les deux puis parce que ce silence serait devenu de plus en plus lourd, une sorte de tension indéfinissable se serait emparée d’eux et, tout en roulant et sans la regarder, son conducteur lui aurait entouré le cou, l’aurait obligée à baisser la tête jusqu’à son sexe, et aurait exigé d’elle qu’elle le mette à nu. Devait-elle se débattre ? N’était-ce pas une question de vie ou de mort ?

Finalement ce n’était qu’un fantasme.

Julie avait rencontré Michel par hasard. Elle se trouvait dans le bar d’un hôtel pour prendre un café avant de rentrer chez elle.

Michel était un homme d’une cinquantaine d’années pas particulièrement séduisant et d’allure maladroite. Elle ne l’aurait pas remarqué d’ailleurs sans cette allure maladroite avec laquelle il cherchait une table où s’asseoir. Le bar était plein et il était passé deux fois auprès de celle de Julie.

C’est elle qui d’un sourire et d’un geste courtois l’avait invité à prendre place. Il l’avait remerciée, il avait dit que le bar était plein, ce qu’elle avait constaté elle aussi, avait-elle répondu.

Sans l’avoir cherché son pied avait rencontré celui de Michel. Il n’avait pas retiré le sien mais il avait dit qu’il faisait chaud. Puis, il avait avancé l’autre pied si bien qu’il avait le pied de Julie entre les siens.

Il y avait eu un moment de silence, elle voyait qu’il hésitait, elle ne savait pas ce qu’elle souhaitait elle-même. Il se redressa et il dit qu’il allait demander une chambre. C’était autant une affirmation qu’une question. Et quand il était revenu de la réception, une clef à la main, elle l’avait suivi vers l’ascenseur, curieuse de sa propre réaction, en vérité elle n’en avait pas, et ils prirent l’ascenseur jusqu’à l’étage de leur chambre.

- Est-ce que tu es marié ?

Il avait paru surpris de la question de Julie. Puis, il avait dit que ça paraissait ridicule mais qu’il n’avait jamais trouvé chaussure à son pied, non il ne voulait pas le dire dans le sens où elle l’entendait mais affectivement, le travail, les voyages, enfin tout ce qui fait qu’on passe peut-être à côté de sa vie, tu vois ?

Elle voyait, avait-elle répondu, est-ce qu’on sait qui passe à côté de sa vie ? Et ils s’étaient promis de se revoir.

Ce fût dans le même hôtel. Parfois elle arrivait avant lui, et elle l’attendait dans la chambre. Après s’être aimés, elle partait la première, la tête baissée afin qu’on ne puisse pas la reconnaître, et s’émerveillait du plaisir que lui procurait le caractère clandestin de cette aventure.

Au bout de trois semaines, il lui avait demandé de venir chez lui puisqu’il vivait seul, et elle avait accepté, étonnée de ce que le sentiment de culpabilité qu’elle en ressentait, Dieu sait où ça la mènerait ?, lui était agréable et, de manière étrange, lui donnait, pour la première fois, le sentiment de construire sa vie. C’est Michel qui préparait le repas qu’ils prenaient avant ou après s’être aimés. Parfois même, en même temps. Ce fût un temps délicieux et exaltant.

Un jour il lui offrit un cadeau, un parfum, celui qu’elle utilisait, et une surprise, avait-il dit, la clé de son appartement, tu pourras venir quand tu voudras

Elle venait sans prévenir dès qu’elle le pouvait. C’était une étrange sensation que d’avoir deux foyers. C’est drôle, avait-elle pensé, elle aimait toujours son mari. Et il lui avait même semblé lorsque Michel, peu à peu, se mit à l’attendre avec de plus en plus  d’impatience que c’est à son mari qu’elle pensait en se mettant au lit. Peut-être n’aurait-il pas dû lui remettre sa clé ? Peut-être auraient-ils dû continuer de se rencontrer à l’hôtel ?

La dernière fois qu’elle était venue, elle avait déposé sur la table du salon, bien en évidence, la clé de l’appartement. Et, sans se retourner, elle avait repris l’ascenseur.

 

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Poème 4

Elle est née dans une étoile
Elle a grandi dans un nuage
Elle a dessiné un grand ciel
Elle est fille des mots.

 

 

Il a hissé sa voile
Il a quitté son rivage
Vers la contrée irréelle
Il est son jumeau.

 

 

Elle a vu la montagne
Elle a habité la grotte
Elle a cultivé la terre
Elle est fleur.

 

 

Il a oublié son bagne
Il a fait une bonne trotte
Il a appris l'abécédaire 
Il est rêveur.

 

 

Ils n'ont pas grand chose 
Ils allument des feux
Ils sont en osmose
Et osent être heureux.

 

 

Je ne vous dirai pas
La fin de l'histoire
Un conte comme ça
Doit garder l'espoir.

 

 

Et puis, c'est dimanche
Aujourd'hui, c'est une pose
Laissons la page blanche
Dieu se repose.

 

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Poème 5

Toi, la feuille blanche...

Toi la feuille blanche 

Tu te déhanches

Aguichante

Alléchante

Tu m'invites

Tu m'habites

Ce qui m'attire en toi

C'est que tu ne me ressembles pas

Je suis le loup, le mal, le fou

Tu es la vierge espiègle

Tu étales ta blancheur sans pudeur

Tu me tentes…tu me tues…

Tu réveilles en moi ce désir

Bestial de te parcourir de baisers

De t'étreindre, d'être à toi à jamais

De me verser en toi

Et tu reviens à l'attaque

Encore plus blanche, encore plus pure

Transparente, gouffre insatiable !

 Tu fais l'ange mais tu es démon

Feuille blanche, va-t-en !

Je ne veux plus écrire !

Je veux prier en silence

Pour être pardonnée d'avoir un jour

Osé écrire !

 

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Ineffable félicité

 

Ô la grâce qui m'est offerte,

L'ineffable félicité!

Je contemple l'immensité,

Au-dessus de ma rue déserte.

Des masses blanches innombrables

Sont creusées par des fleuves bleus.

Je ne détourne pas les yeux

De cet univers insondable.

Montent au ciel illimité

Trois oiseaux se grisant d'espace.

Gracieusement, ils s'y déplacent,

Fascinante mobilité!

Mon corps semble en lévitation,

Mon âme plane impondérable.

J'éprouve une joie délectable.

Suis-je en état de dévotion?

Un vent soulève mes cheveux,

Il me distrait avec tendresse.

Je trouve douces ses caresses.

Tout demeure silencieux.

Ce premier mai 2014

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L'invisible pull-over,

Savez-vous que je passe le plus clair de mon temps

"à m'écrire" un genre de pull-over,

de préférence bleu,

qui me protège et dont j'aime faire toucher

l'invisible maillage

par les êtres qui me sont chers

et dont vous faites partie.

Parfois, de moins en moins souvent,

je l'enlève ; je redeviens ainsi blanche, vulnérable, incomplète :

Je n'écris plus !

Alors, depuis Paris, où je travaille, où je vis,

je contemple le ciel,

cette immensité égale à celle de la terre,

mais à l'envers et je recommence" à m'écrire"

ce pull de plus en plus bleu et chaud.

Chaque maille est un jour.........

Le détricotage, serait un renoncement.

C'est un travail de chaque instant..

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Poème 3

Les passions rabougries

 

Mon cœur est un cimetière

Suspendu entre ciel et terre.

Des mots mort-nés le pourrissent.

Les gens bien me maudissent.

Je suis la charogne de Baudelaire.

Mon cœur est un ilot de non-temps

Où les vieilles passions enterrées

Se laissent parfois aller à vivre

Alors je tangue comme le bateau ivre .

 

Mon cimetière secret est une éternité

Faite de passions crucifiées, d’amours momifiées.

J’aimais, je n’aime plus ;

Voici une tombe de plus.

Je rêvais, le rêve s’est effrité ;

C’est une pluie glaciale attisant mes plaies.

Je voulais avec force, me voici léthargique.

Le corps astral de ma force antique

Erre à travers les sentiers fantomatiques

De mon pauvre cœur irrigué par le sang de ses défuntes passions.

Les gens autour de moi ont de vrais sourires

Dans les yeux et de profonds soupirs.

Chacun s’accroche passionnément

A un être, à un air, à une vocation.

Chacun a sa citadelle, ses rendez-vous fidèles.

Moi, je suis un poème errant

Hantant les pages de la mémoire.

Qu’on ne me parle plus d’antan

Que je puisse réécrire mon histoire !

 

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Le nom d'un homme

 

Par l'entremise d'un ami, j'avais trouvé un poste dans un journal mais je n'y signais pas d'article. C'était un poste sans éclat qui demandait de l'attention mais peu d'initiative. Ne pas voir mon nom au bas d'un texte ne me frustrait pas. Ce nom qui n'était pas le mien mais qui existait davantage que le vrai.
Tout le monde m'appelait Pierre ou monsieur Berger. Même hors du journal. Au point que face à une instance administrative, ou à la banque par exemple, lorsqu'il fallait décliner mon identité telle qu'elle figurait sur des documents officiels il m'arrivait d'hésiter. Nos amis lorsqu'ils parlaient de nous disaient les Berger. Au début, Hélène rectifiait mais cela avait un aspect ridicule et affecté.
Qu'est-ce qu'un nom ?, avait dit un personnage de théâtre. Entre nous, elle continuait de m'appeler Sam ou Sammy. Ce prénom si courant aux Etats-Unis avait chez nous une connotation quasi ethnique. Nous vivions dans deux mondes que seule la texture d'un nom séparait.
Nous étions mariés depuis près de vingt ans lorsque les prémices du cancer se sont déclarés.
Nous n'avions pas d'enfants. J'étais d'une génération où on associait les mots enfant à ceux de guerre et de mort. On disait: faire des enfants afin de nourrir la guerre.
Ce sont toujours les jeunes qui meurent à la guerre.
Les vieux en général comme les généraux, si je puis me permettre cette plaisanterie éculée, meurent dans leur lit. Les jeunes ne craignent pas la mort. Les vieux, si !
Ils ne craignent pas cet accident aussi absurde que celui de la naissance, ils craignent de ne plus vivre. Chaque jour dépose des images alluvionnaires dont on ne distingue plus les odeurs. Bons ou mauvais souvenirs, elles prouvent que vous avez existé.
Les jeunes ont moins de souvenirs que leurs aînés. En revanche ils sont convaincus d'être la substance d'un grand dessein. Ils savent qu'ils ne peuvent pas mourir avant que ce dessein ne se réalise. Même sous les bombardements, à plat ventre sur le sol, je levais les yeux au ciel, et une étrange exaltation soulevait ma poitrine. Je ne pouvais pas mourir. La preuve c'est que j'ai survécu durant de nombreuses années, et que je vis encore.
Hélène, elle, n'était pas immortelle. Proche de la mort, elle n'avait pas été animée d'une exaltation particulière.
Jusque là je ne savais pas à quel point j'aimais ma femme. Le soir de notre mariage, comme des esprits forts, nous ne nous sommes pas juré de nous aimer toute la vie.
- Le plus longtemps possible.
Qui en effet peut prévoir l'avenir. Pour Hélène j'ai été celui qu'elle a aimé jusqu'au dernier de ses jours.
Lorsque ma mère est morte, c'était quelques mois avant la mort d'Hélène, je n'ai pas éprouvé la sensation de vide que j'ai éprouvée à la mort d'Hélène. Peut être parce qu'il est naturel que les plus âgés meurent avant les plus jeunes et contribuent ainsi à un juste équilibre des générations.
Lorsque c'est le contraire qui se produit, il n'y a plus d'équilibre et on aboutit à une civilisation de vieillards, sans beauté, sans énergie et sans courage.
Mon père est mort quelques mois après la mort d'Hélène. Je ne le lui avais pas dit. Il n'avait plus toute sa tête, comme on dit, Il méritait que les images qu'il voyait, les propos qu'il entendait ou croyait entendre, autant que ceux qu'il tenait lui-même, le ramènent aux époques de sa vie qu'il choisissait selon ses envies. Ou selon ses errements.
Il m'avait raconté la fin heureuse de l'un de ses amis. Agé de plus de quatre-vingt cinq ans, il avait marché entre les rails à la rencontre des trams. En levant sa canne, il criait:
- Ce tram est à moi, de quel droit vous en servez-vous ?
Des agents de police l'avaient entouré, il avait été placé dans un asile, et il était mort heureux persuadé qu'il était propriétaire d'une flottille de tramways.
Cette année-là, j'ai beaucoup côtoyé la mort. Je n'avais plus d'attaches réelles. Je me retrouvais seul comptable de ma vie.
C'était une année curieuse. Je revoyais mon passé comme s'il s'agissait d'un film tourné à l'envers. Un de ces vieux films d'actualités qui ressemblaient à ceux de la naissance du cinéma. Les personnages couraient, les gestes étaient saccadés. Hitler, Staline, Roosevelt, le maréchal Pétain, et d'autres encore étaient les protagonistes d'une histoire que je n'ai vraiment connue qu'après la guerre. Tout semblait caricatural. Mais les morts, de plus en plus nombreux, ne se relevaient pas à la fin du film.
Je me suis posé la question. Ces hordes humaines qui traversaient la scène en tous sens, est-ce que je les évoquais parce qu’elles étaient-elles liées à des images récentes que montrait la télévision ou avaient-elles marqué ma mémoire parce qu'elles se répétaient depuis des siècles?
J’imagine que c’est ce qu’on appelle avoir les idées noires.
Je me demandais à quoi on pouvait reconnaître qu'une guerre allait survenir. Pas une de ces petites guerres qui depuis quelques temps surviennent à différents endroits de la planète. Une guerre sérieuse avec des ennemis suffisamment proches pour qu'ils puissent se réconcilier rapidement. Que les survivants puissent se demander pourquoi ils ont failli se faire tuer.
Ce sont des guerres normales dont on enseigne la stratégie dans toutes les bonnes écoles militaires. Sans se préoccuper de la nationalité de l'auteur qu'on étudie.
Pour les juifs en revanche, durant la dernière guerre cela n'avait pas été pareil.
Durant les guerres d'une certaine ampleur ils étaient assimilés d'office à la communauté de leur pays. Il arrivait que durant un assaut un juif tuât un juif à l'uniforme différent du sien. Il en était profondément désolé, il répondait Sheema Israël à celui qui criait avant de mourir Sheema Israël. C'était le prix à payer pour continuer d'être l'homme d'un pays.
Durant la dernière guerre, quel qu'ait été leur pays d'origine, il n'y eut pas de bons ou de mauvais juifs. Pour un grand nombre d'êtres humains ils étaient tous mauvais. Tous, il fallait les éliminer.
Durant cette guerre-là, aucun de ceux qui sont morts n'a eu droit à une mort honorable. Ni à l'endroit où des proches survivants auraient pu se recueillir sur leur tombe. Ce n'est pas juste.
Je m'étais étendu sur l'herbe du jardin comme je le faisais de plus en plus souvent dès que le temps le permettait.
J'ai toujours partagé ma vie en périodes que sans le vouloir sciemment, j'oubliais dès qu'une autre commençait. C'était une méthode qui permettait de vivre longtemps. Presqu'en paix.
J'avais oublié Hector, Michel, Marc, Paul, René, Alexis et quelques autres. Il est vrai que la plupart d'entre eux sont morts de «mort naturelle».
Et moi? Pourquoi suis-je vivant? Et non pas ceux qui ne sont pas morts de mort naturelle. Ils auraient eu mon âge aujourd'hui.
Parce qu'ils étaient juifs ? Mais, c'est quoi un juif ? Je me souviens que j'avais huit ans lorsqu'à l'école primaire un condisciple m'avait crié: «sale juif».
Le jour de la prochaine commémoration à Auschwitz, j'accompagnerai les organisateurs. Vers la fin de l'après-midi, je me rendrai à la baraque la plus éloignée. Je m'étendrai sur un des châlits. Peut-être que c'est ma place que je retrouverai. Celle qui encombre ma mémoire. Peut-être que c'est ce qu'ils veulent, ceux qui me regardent comme si je n'étais pas tout à fait l'un des leurs. Comme s'ils attendaient cependant de moi que je leur dise quelque chose. Quelque chose que nous ne comprenons pas ni les uns ni les autres. Mais qui est important.
Je me souviens d’un poème écrit par un poète qui s’est suicidé à l’âge de trente-trois ans, l’âge d’un juif crucifié.
Il disait : je suis un nuage en pantalons.

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Poème 2

Faux phare

Poète, 
Quelque chose s'est brisé en toi
Lève-toi et ramasse tes débris
Tout poète que tu sois
Tu es humain et n'as qu'une vie.

Poète,
Les mots qui étaient ton phare
T'ont bel et bien trahi et te voilà pris
Ne te débats plus, il est trop tard
Sois stoïque lorsque tu péris.

Poète,
Tu as fait des vers et tu as allumé
Des passions et des feux de joie
Mais, tu n'as pas su voir le danger
Te voilà piégé! ne tombe pas plus bas!

Poète,
Sauve ce qui reste; que reste-il?
Des menus morceaux de ton art
Un ultime et douloureux exil
Jette tout loin et, vide, pars!

Poète,
Tu as été trahi jusqu'à la moelle
Par les mots-mêmes qui te portaient
Qu'attends-tu pour rejoindre les étoiles
Et éteindre le faux phare à jamais?

Poète, 
Ramasse donc tes brisures
Personne ne le fera pour toi
Il s'ouvre une porte dans l'azur
Sa lumière ne te trompera pas!

Poète,
Qu'elle sera douce, la fin 
Si tu sais ne plus écrire!
Qu'il sera quiet , demain
Si tu laisses l'espoir flétrir!

Poète, 
Je sais que tu auras le courage
De quitter ces pays brumeux
Je vois que tu as fait tes bagages
J'arrive à temps pour te faire mes adieux.

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poème 1

Contre-marche


J'ai beaucoup marché

Au long des allées

Au long des années

A chaque pas, j'ai laissé

Un peu de moi...

Un rêve est devenu

Illusion au coin d'une rue...

Un autre a craqué

Comme une feuille morte

Et j'ai avancé

J'ai défoncé des portes

Pour ne trouver derrière

Qu'un regret amer...

J'ai même creusé des chemins

Au fond de mon âme en délire

Et j'ai inventé des matins

Habillés de satin

Pour avancer encore

Lorsque mon cœur écorché

Me suppliait d'arrêter

Je lui ai toujours dit

Qu'il y a une issue

Que dans cette vie

Je saurai quitter les rues

Vers la large avenue

Où j'avancerai bras ouverts

Vers la cime d'un moi

Qui regardera la mort en face

Sans rancœur, sans effroi

Car celui qui a laissé la trace de ses pas

Ne meurt pas.

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Promenade JGobert

Le soleil se lève, brillant et déjà chaud, augurant une belle journée. Comme par le passé et dans ses souvenirs, sortir très tôt le matin a toujours été agréable pour Mamy. Sentir la fraicheur de la nuit dans la lumière du jour et voir la rosée s’évanouir sur la végétation sont deux atouts que la nature donne pour l’aimer et l’apprivoiser.

Ce matin, Mamy emmène sa petite fille foulée les sentiers de campagne dans cette vallée qui borde la ville. La fillette se régale et savoure déjà le temps de cette promenade matinale. Ce petit bout suit sa mamy dés le réveil et l’imite dans bien des choses.

A son âge, la fillette a préparé ses chaussures, de bonnes chaussures réclamées à maman pour balader avec grand-mère. Son sac est prêt, eau et petits encas pour la route. Quel bonheur de la voir si jolie et si vivante, sautillant d’impatience avant le départ son chapeau posé sur ses boucles blondes.

Mamy est prête aussi et elle sait qu’elle va apprécier chaque minute de ce temps qui lui est donné avec cette enfant qui la rend tellement heureuse. Un décompte auquel elle n’avait jamais pensé jusqu’à ce jour où bébé a débarqué dans son existence. Cette enfant la rassure sur la beauté de la vie et son renouveau.

Les années ont passé bien vite depuis le temps où elle gambadait elle-même autour de grand-père, souriante et innocente. La promenade prévu est celle que petite, mamy faisait avec son propre grand-père. Un homme tendre et rempli d’amour pour elle. Elle était son bonheur, sa joie. Un cœur grand comme ses moustaches d’un autre temps. La vie était légère à cette époque et grand-père était là pour la protéger de tout. Ces randonnées main dans la main ne se sont jamais effacées de sa mémoire et aujourd’hui, c’est elle-même qui va conduire cette enfant sur les chemins, les pistes de l’enfance, de la vie. Faisant les mêmes gestes, les mêmes pas, les mêmes commentaires sur cette route que la fillette découvre.

Les sentiers serpentent dans une végétation couverte de fleurs sauvages, montent et descendent laissant voir au loin des paysages encore brumeux. Les bruits de la terre à cette heure sont faits pour ceux qui écoutent. Le réveil de cette faune se fait délicatement, dans un murmure, égayant ces espaces isolés dans cette campagne.

Un instant de tristesse dans les yeux de grand-mère et la fillette lui prend la main. Un vrai duo d’amour que ces deux là. Quel beau souvenir qui s’ajoute aux autres.

La voie est ouverte sur une vie qui débute, choisir où aller, à gauche, à droite, le choix n’est pas facile mais il doit être raisonné. Ce joli sentier l’emmène vers les années de l’enfance qui seront douces. Cet autre sentier vers une adolescence peut-être tumultueuse comme beaucoup et enfin cette route parsemée d’embûches vers la réalité de l’existence. Grand-mère veillera que tout se passe bien et arrivée à ce grand carrefour, elle lâchera sa main pour la laisser partir.

La nature est en fleurs, du plus petit brin d’herbe à l’arbre le plus haut, la vie coule à flots sur cette route et offre tant de délices aux yeux ébahis de la fillette qui veut tout ramener à maman, petites fleurs, jolis cailloux, escargots, fruits sauvages. Mamy sourit pour ne pas pleurer de tant de bonheur et d'amour inconditionnel pour cette enfant.

La nature bienveillante les regarde passer, accueillant tant de beauté et de chants d’oiseaux qui s’élèvent dans un ciel sans nuages.

 

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Là où tu vivras éternellement

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Le vent se lève et les herbes s'inclinent devant la
prééminence de la foudre qui frappe
sa charge de son sillon d'argent.
Le souffle séditieux carde les vagues
d'ombres du vide qui conspire, et enfle ma vésanie
de son amabile symphonie dolente.
Dans cet infini déliquescent, j'oublie l'inanité
de mon existence et cueille jusqu'au vertige
de ma plume, les perles de pluie de la tourmente.
Percluse de fatigue, seule mes lèvres boivent l'illusoire breuvage
de la transparente saline, tandis que ta suave immatérialité
vient envahir le songe diapré
où tu vivras éternellement.

 

Nom d'auteur Sonia Gallet
Ce texte figure dans le recueil © 2014.

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Boufféés nocturnes

Bouffées nocturnes

 

Sous la lumière tamisée des hauts lampadaires

Des ombres noctambules parsèment les aires

De la Corniche, errent et se délectent de l’air

Doucet que l’onde marine souffle sur la terre.

 

Les mains bien au chaud enfouies dans les poches

D’un pantalon ou d’un veston

Tandis qu’ardent flamboie comme une torche

Le corps  à l’intérieur du cocon.

 

Quoique le corps paraisse nonchalant, les pas mesurés,

Les rumeurs confuses et les mouvements de tête,

Me font croire que ces âmes vont à la conquête

D’envies nocturnes ou de désirs démesurés.

 

Dans tous les recoins de la longue Corniche,

Plus riches, d’autres se nichent dans un coin

Pour n’à aucun moment laisser en friche

Leurs vies et envies sans en prendre soin.

 

Sans arrêt, sur le rivage,

La brise marine envoie des bouffées

D’air frais sur les visages

Et ranime les jouissances étouffées

 

Lahoussine EL HOUSSAINI

Agadir, le 1er mai 2014

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De la permissivité

Propos

« Qui aime bien, châtie bien! » me semble être une vérité. On a vu de tendres enfants devenir vraiment décevants, leurs parents les ayant gâtés.

Enfin adulte, chacun décide ce qu'il veut. Selon les cas, il est plus ou moins permissif envers les siens ou bien lui-même.

Sa liberté n'est pas complète, il doit se conformer aux lois. En outre, la société, en certains lieux, impose une morale rigoureuse. Dans les pays civilisés, elle se montre libérale et ne se mêle plus de rien, elle se fie au Droit pénal.

On accueille la liberté, débarrassé des préjugés, et en ignorant les scrupules, on sert ses envies avant tout.

Présentement, l'individu est concerné par son bonheur, celui des siens est secondaire.

Il fait souffrir sans le vouloir mais bien souvent sans compassion. La tendresse lui semble insipide, il a besoin de coups de coeurs.

Il ne construit rien de durable, n'améliore pas, démolit.

Les erreurs ne l'instruisent guère. La sagesse n'arrive que tard.

Finalement la solitude, et les regrets, sont le lot de ceux qui ont fait, d'une permissivité perverse, un privilège dans leur vie.

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Illusion

Généreuse illusion de nos jours et nuits
Qui tant est tenace, nous hante , nous poursuit.
Nous dit accours, et vois comme je suis belle !
Mais suis trompeuse aussi et suis si frêle.

Premiers ” toujours” aux douces mains qui me touchent,
Je m’évade de l’amour de toi en couches.
Puis de froid mais aussi de chaud je frissonne
Et mon ventre vide déjà m’impressionne !

Du berceau d’où affectionnent de tendres bras
Un tour d’horloge ou deux, je vous l’accorde,
M’expédia au sein de subites discordes
Tel un feu vif qui de toutes parts m’embrasa.

Je vis que cette folie était vaine.
Et comme tout brasier dès que le vent cesse,
Elle se rangea à la conduite humaine
Qui ne supporte qu’en bonheur on paraisse !

Me sont parvenues donc, comme on les nomme,
Les paroles et gestes qui font un homme.
Les sourires et rêves furent pour la nuit,
Guidant avec raison la raison de nul cri.

La fatigue, au secours de ces étapes
A noyé ici et là mes sens abusés.
Fermés lors, bien trop vite ,mes yeux hébétés
Sur de blanches mains aux souvenirs qui m’échappent !

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Ecrire toujours

Pour ne jamais cesser d'écrire,

contempler au quotidien,

le ciel ou bien la mer, un infini ;

s'en nourrir.

Puis attendre, jusqu'à sentir en soi, sur soi,

les couleurs et les mots

se poser, se nicher,

devenir bien davantage qu'eux-mêmes !

Pour ne jamais cesser d'écrire,

contempler au quotidien,

le ciel ou bien la mer, un infini ;

s'en désaltérer.

Puis patienter, jusqu'à la survenue en soi,

 de cette voix musicale,

qui nous touche en secret,

nous bouscule, nous élargit ;

nous révèle enfin !

L'écriture, est-elle une attache détachée,

 car exigeante,

mais qui nous rend chaque jour,

 un peu plus libre, plus soi ?

Pour ne jamais cesser d'écrire,

contempler au quotidien,

le ciel ou bien la mer ; un infini,

vous toucherez sûrement,

l'épiderme de la terre,

sa nudité bleue ; l'écriture.

Altitude toute horizontale.

 

NINA

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Un jeune homme ordinaire

 

Jean Fournier, j'avais fait sa connaissance à l'Université. C'était un garçon assez quelconque d'aspect dont le visage fiévreux d'adolescent était marqué d'une imposante paire de moustaches aux extrémités relevées, identiques à celle que portait le chancelier Bismarck.

Un jour, au cours de biochimie, alors que le professeur s'apprêtait à entamer son cours, un élève est entré dans la classe avec fracas, bloqua brutalement, et retira ses rollers.

- Ouf, j'ai cru que je serais en retard.

Il souriait à monsieur Renard, le professeur. Monsieur Renard ne souriait pas.

- Dehors !

Une autre fois, à la sortie des cours, quelques dizaines d'élèves s'étaient rassemblés pour manifester leur opposition à la politique du gouvernement en matière d'immigration.

Jean Fournier criait le plus fort. A un certain moment, il remonta les quelques marches qui menaient à l'entrée du bâtiment de la faculté des Science Politiques et, face aux élèves qu'il dominait d'une hauteur de trois marches, il cria:

- C'est facile de parler. C'est devant le parlement qu'il faut aller. Et tout de suite. Allons-y.

Tous les élèves machinalement s'étaient placés derrière lui en rangs par quatre, et avaient commencé de marcher.

- Ce n'est pas vrai, me dit-il plus tard. Il suffit que quelqu'un crie pour qu'on le suive ? D'être devant. J'ai cru que j'allais m'évanouir.

- C'est comme ça.

Nous n'étions pas des amis à proprement parler mais j'éprouvais de la sympathie pour lui. Il était toujours d'accord avec ce que je disais et au début de nos relations j'en étais flatté. Mais depuis l’incident qu’il avait provoqué il était toujours d'accord avec tout le monde. Jamais plus, il ne se mettait en avant. Et quand des condisciples politisés l'interrogeaient du regard, il souriait d'un air niais.

Je l'ai revu dix ans plus tard au hasard d'un contrôle fiscal de l'entreprise dans laquelle je travaillais. J'ai mis quelques minutes à le reconnaitre. Il n'avait plus les moustaches provocantes de son adolescence mais le visage lisse de la plupart des gens.

Après avoir travaillé très peu de temps dans le privé, il avait cherché un poste de fonctionnaire pour la stabilité que conférait leur statut. Grâce à l'appui d'un ami de sa mère, il avait été engagé au ministère des finances.

- C'est un bon job. Et à cinq heures, tu peux profiter du beau temps pour te promener.

Quand je prendrai ma retraite, je serai sûrement chef de bureau. C'est super, non?

J'ignore s'il plaisantait ou non.

Plus tard, c'est un ancien condisciple qui m’avait parlé de lui. A la sortie de l'université, il avait été engagé en même temps que d'autres universitaires dans une firme de consultance. Ils étaient deux qui, dans une banque, compilaient des tas de documents que le chef de projet aurait à analyser.

Jean avait accompagné son travail de nomenclature de conclusions pertinentes. Il se demanda si son supérieur n'en serait pas heurté. Après tout, ce n'était pas son rôle de tirer des conclusions. Son collègue de travail partageait son avis. Il ne fallait jamais faire plus que ce qu'on demandait.

- Laisse à tes chefs le soin de dire ce qui est juste.

Quelques jours plus tard, son supérieur félicitait son collègue pour son travail, et les quelques conclusions dont il l'avait accompagné.

- Preuve de votre esprit d'initiative. Je vous félicite, jeune homme.

 A cette époque, Jean était amoureux de Cécile, une jeune femme très libérée, disait-elle, qui n'éprouvait aucune gêne à avoir un amant pendant quelques temps, puis un autre, puis un autre encore. Elle les choisissait selon ses fantaisies du moment mais avec soin. Il y avait beaucoup de provocation dans ses attitudes.

Elle avait couché avec Jean sans un attachement plus grand que pour d'autres mais Jean s'était épris d'elle au point qu'il avait osé lui demander de l'épouser.

- Je n'ai pas envie de me marier. Ni avec toi ni avec un autre.

- Mais je t'aime.

- Moi aussi, je t'aime.

L'après midi de ce jour-là, il la vit aux bras d'un autre.

Ce fut une journée difficile. Lorsqu'il sentit durant la nuit que le sommeil allait prendre le dessus, il se leva pour se mouiller le visage. Il ne voulait pas dormir. Il voulait penser à Cécile.

Il avait d'autant plus conscience de l'aimer qu'il en souffrait. Et de l'aimer lui donnait des droits sur elle que personne ne pouvait lui denier. C’est une conviction assez répandue.  

Une autre vie commença dont le théâtre s’ouvrait la nuit. La nuit, il pensait à Cécile et à son corps. Il la devinait avec un autre mais il était persuadé que s'il pensait à elle suffisamment fort, c'est à lui qu'elle penserait en faisant l'amour.

- Pense à moi, pense à moi. C'est avec moi que tu fais l'amour.

Il s’efforçait de ne pas dormir pour ne pas rêver. Il  prétendait penser sa vie. Il en imaginait le déroulement comme il le souhaitait. Qui peut dire si les personnages de la nuit étaient moins vivants que ceux qu’il rencontrait durant le jour ? Le jour, au ministère, il ne se liait avec personne.

Son chef disait :

- Il manque de personnalité. Si vous dites blanc, il dit blanc. Si vous dites noir, il dit noir. Il n'a pas l'âme d'un chef.

Mais la nuit quand il faisait l'amour avec Cécile, c'est avec maîtrise qu'il l'amenait à la jouissance.

Un jour qu'il l'avait croisée avec son amoureux du moment, il avait eu le sentiment que c'est en rougissant qu'elle l'avait regardé. Il le savait. Comme lui, elle devait avoir conscience de leur relation nocturne. Quel était celui qu'elle trompait ? Lui ou l’autre ? Elle devait être imprégnée de son odeur comme il était imprégné de la sienne. Quand il faisait sa toilette, le matin, il ne lavait que son visage.

Il était trop tendre. En amour, il faut dominer. Il décida de la prendre autrement. C'est en gémissant qu'elle se trainerait à ses pieds.

Elle était devenue folle de lui. Un jour, elle l'avait attendu toute la journée. Lorsqu’il était rentré du bureau, elle lui avait arraché les vêtements.

Jean ne se préoccupait plus de savoir si pendant qu'il la caressait en imagination, c'est d'un autre qu'elle partageait le lit. Il était devenu l’acteur d’une autre vie que celle que vivaient la plupart des mortels destinés à la subir.

Au bureau, lorsque ses collègues évoquaient des histoires de coucheries, souvent des histoires de cocufiages dont certains d'entre eux étaient les protagonistes triomphants ou les victimes, il était heureux. Cécile, elle, ne le trompait pas, trop contente d'être un objet entre ses mains.  Il décida de leur parler d’elle. Il ne s’agissait pas de ces histoires qui font s’esclaffer les hommes autour d’un verre de bière. Ou les femmes lorsqu’elles sont entre elles. Il leur montrerait ce qu’est l’amour véritable.

Il leur parla de Cécile pendant qu'il lisait un rapport que personne d’autre ne lirait. Il leur dit tout. Tout. Leurs visages reflétaient de la jalousie, et chez certains d'entre eux, les plus médiocres, de la haine. Ils vendraient leur femme pour jouir de Cécile. Bien sûr, pensa Jean, ce n'était que son imagination qui s'était manifestée mais où est la différence ? C'était aussi excitant que s'il l'avait fait à voix haute.

   Au bout de quelques temps, il ne trouva plus dans sa vie parallèle les excitations qu'il y trouvait auparavant.

Le rêve devint tout aussi fastidieux que les réalités de l’existence ordinaire.

La vraie vie commence à l'heure de la mort quand tous les événements de la vie s'enchainent définitivement. Sa cohérence ou ce qui en tient lieu, ses ombres et ses lumières est un livre irrémédiablement écrit. Mais qui le lira, pensa-t-il.

Cécile habitait à l'étage d'une étroite maison au balcon constitué par un arc de fer forgé. Durant la nuit, il devait être facile d'y grimper en s'aidant du tuyau d'évacuation des pluies. Jean avait un couteau dans la main.

Tout s'était déroulé trop vite. Le couteau était tombé. L'occupant du rez de chaussée était sorti en criant. Jean avait à peine vu la silhouette de Cécile derrière le rideau.

A la clinique psychiatrique, il restait prostré, assis, le visage enfoui dans les mains.

Il n'est pas donné à tout le monde de vivre ou de mourir pour de vrai. Un suicide raté c'est courant; avait dit le psychiatre.

 

 

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Le saut

 

Si j’avais écouté mamie,

Si j’avais mieux compris papa,

Je n’aurais certes pas la vie

Que je vais vous conter tout bas.

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Refrain

Saute, saute, sautons sautez,

Par dessus tous les préjugés,

Saute, saute, sautons, sautez!

Vous pourrez bientôt en juger.

Ils me disaient, pleins de tendresse;

Le travail est une richesse

Mais ce que je constatais, moi,

C’étaient les tristes fin de mois.

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J’obtins mon baccalauréat,

Une licence, etcétéra

Mais n’ayant un radis en poche,

Je trouvais la vie sotte et moche.

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Refrain

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Je voulus écrire un roman

Mais ce n’était pas le moment.

L’éditeur pouvait m’en revendre,

N’avait pas le goût de m’entendre.

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Refrain

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Comme je ne savais que faire

Je me lançai dans les affaires.

Or, par le plus heureux destin,

Une femme me dit soudain:

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Refrain

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Je fis même des pirouettes,

Oubliant que j’étais honnête

Et je rebondis sur mes pieds

Riche à faire tout oublier.

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Refrain

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J’ai villa, maison de campagne,

Auto, yacht, tout le superflu,

Une intelligente compagne.

À présent, je ne doute plus.

N.B: Musique de monsieur Maurice Durieux , « Le saut » tango humoristique 146

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Ames sensibles s'abstenir JGobert

A l’heure où les braves gens rentrent chez eux, le quartier de la gare se vide peu à peu pour laisser place à une autre forme de vie. Une vie obscure dans une nuit trépidante et discontinue. Un monde risqué fait de noctambules, de couche-tard qui gravitent autour de cet endroit. Les bars s’ouvrent, les estaminets s’éclairent et les portes des cabarets laissent circuler une musique attirante. Les ombres de la nuit rodent déjà et les quelques passants attardés se hâtent de vider ce lieu mal famé.  

Les grosses voitures débarquent les patrons avides de profit et toujours inquiets de leurs marchandises. L’univers de la nuit est au rendez-vous et s’active d’affaires, d’activités pas toujours claires.

Arrivent alors celles pour qui la nuit est un moment où l’argent se gagne. Bien que contraintes et parfois forcées, elles vivotent tant bien que mal dans ce quartier mal fréquenté. Dehors pour les moins chanceuses,  à l’intérieure pour les plus précieuses.

Chaque soir apporte son lot de brimades, de vexations, d’humiliations. Mais il faut bien manger et parfois nourrir ce petit qui attend toute la nuit que sa mère rentre.

Ce soir, une pauvre fille est encore plus désespérée que d’habitude. L’Administration lui a confisqué ses minces biens pour apurer des découverts anciens mais toujours d’actualités. Elle a beaucoup tempêté, injurié, maudit cet homme qui d’un coup la met à la rue.  Sa vie a basculé il y a longtemps mais ce toit était son dernier repaire, sa dernière consolation. Sans lui, la voilà errant de jour comme de nuit épuisée dehors.

Ce corps malmené s’imprègne rapidement d’alcool, celui-là même qui la libère momentanément de cette souffrance qu’elle traîne avec difficultés. Après quelques verres bien remplis, son esprit oublie un peu le lieu mal fréquenté où elle s’installe. Les hommes du quartier la connaissent et lui paient à boire.

Quoi d’autres à cette pauvre femme.  Les hommes de passage essaient d’en profiter mais son état n’est guère encourageant et la laisse seule à cuver dans un coin désert du café.  

Quand elle sort un peu de sa torpeur, son esprit blessé de tant de misère se souvient par petite bride qu’elle a eu une autre vie avec une famille. Vite pour oublier cette époque, un verre avalé efface ce souvenir douloureux.

Dehors, il fait nuit noire et les fêtards, les noceurs partent l’estomac noyé et l’esprit ravagé d’alcool. Ils rentrent chez eux dormir dans un lit bien chaud et reprendront leur vie demain au lever.

C’est aussi l’instant où le patron va la mettre dehors, la jeter sur le trottoir et peut-être l’insulter gratuitement juste pour s’éclaircir la voix.  Cette nuit est froide, glacial pour cette femme qui n’a plus rien d’humain. Elle titube et va s’assoir sur un banc gelé et s’effondre en pleurant. Un fantôme de la nuit.

A cette heure, plus tardive encore où cette fois, les prédateurs sortent pour chercher une proie facile. Ils sont là à la regarder mourir de solitude, d’abandon.  Ils ne bougent pas de peur qu’elle s’échappe. La chasse a commencé et le butin sera cette pauvre femme.  Les ombres se déplacent, furtives, sournoises et approchent.  Un de ces hommes a une idée bien précise sur le sort de cette femme.  C’est lui qui l’emmènera dans un lieu sordide où elle mourra. Il va la tuer juste pour voir et va la découper.

L’histoire ne dit pas si la place de la gare a été  le théâtre de ce crime. Le corps de cette malheureuse a été retrouvé, démantelé dans des sacs plastiques, jeté le long d’une route.

Les éboueurs ont trouvé ce corps en morceaux comme on trouve des ordures.  Résumé peu glorieux de la vie d’une femme délaissée et perdue. Les journaux en ont fait des choux gras et gagnés beaucoup d’argent grâce à elle.

Cette femme avait une famille qui la pleure, un frère qui a obtenu des autorités qu’on l’enterre dignement.  Ce corps découpé ne fut pas le seul à être retrouvé, trois autres femmes ont ainsi perdu la vie. Les victimes sont connues mais pas le dépeceur. Il continue à roder peut-être près de vous, discret jusqu’au jour où..

JGobert

 

 





 

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LES PÂQUERETTES...

En observant les pâquerettes

Se répandre avec luxuriance...

Il me souvient de cette gloriette

Dans les promenades de mon enfance;

Aussi loin que je pouvais voir

S'étendait tapis de blancheur!

Que de questionnement et d'espoir

Dans leurs corolles et dans mon cœur!

Sur la pelouse où elles foisonnent,

Ajoutent un peu d'esprit sauvage!

Et quand la tondeuse résonne

Avec regret on tourne la page.

Un peu de pluie, même de rosée

et les voilà qui resurgissent!

c'est que par la vie agacée

Pourtant jamais ne s'assagissent!

Alors me viennent ces quelques vers...

Et tout à coup je m' sens...sourire!

Peu importe les petites misères

L'espoir jamais ne veut finir!

J.G.

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