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Le prix de la liberté.

Le prix de la liberté

 

Sa mère et Alexis avaient fui la Hongrie communiste en 1956, il n’était encore qu’un enfant de dix ans à peine. Son père, Peter Ferdman, professeur de philosophie, avait été arrêté pour ce qu’ils avaient nommé, au Parti, déviationnisme. C’était le mot à la mode durant ces années là. Par la suite, sa mère apprit que le juge qui l’avait condamné à trois ans de rééducation, c’était peu somme toute, était juif lui aussi.

Lorsqu’elle reçut officiellement l’asile en Belgique, un permis de travail et des papiers d’identité, elle se nommait Fermant et non Ferdman. Sur les formulaires, c’est de cette manière qu’elle avait orthographié son nom. Elle avait le sentiment qu’un nom à consonance juive était comme une étoile qu’elle se mettrait elle même sur la poitrine.

Son mari avait choisi d’être communiste avant même que la guerre ne se soit achevée. C’était sa façon à lui de lutter pour un monde où on ne distinguerait plus les juifs de ceux qui ne l’étaient pas. Et parce que les hommes ont besoin d’une communauté spirituelle, le communisme à y bien réfléchir en était une lui aussi, et de permettre aux hommes d’adhérer à celle qu’ils souhaitaient.

Alexis était un garçon travailleur. En bon élève, il n’abandonnait ses devoirs que lorsqu’ils étaient achevés et ses leçons que lorsqu’elles étaient parfaitement apprises. Au sortir des études secondaires il était prêt à entamer brillamment des études universitaires et de devenir le meilleur de sa promotion. C’était son ambition et celle de sa mère.

 

Son père n’était jamais revenu. L’aura de ce père broyé pour ce que des journaux appelaient des convictions politiques et que d’autres au contraire dépeignaient comme des trahisons, rejaillissait sur Alexis.

Ses études de médecine, il les avait entamées et poursuivies pour obéir à sa mère. Elle pensait que, en tant que médecin, il serait réellement indépendant, que son savoir-faire suffirait à le faire vivre sans être attaché à un endroit précis, qu’il serait toujours prêt à partir une valise à la main et que de plus il serait utile à d’autres humains. Etre utile à d’autres, elle pensait que c’était nécessaire pour vivre.

Dès qu’il eut prêté serment, ce ne fût pas trop long parce qu’il avait choisi d’être généraliste, sa mère dit que c’était le plus beau jour de sa vie. Lui se chercha un emploi où on maniait l’argent comme une marchandise.

- Si tu veux gagner de l’argent ne fais pas commerce de marchandises, il y en a toujours une partie qui se dépréciera, fais commerce d’argent.

Son premier emploi, ce fût chez un agent de change qui lui apprit à échanger des devises, à reconnaitre des monnaies rares, et de disposer même de celles qui n’étaient autorisés que dans leur pays d’origine.

Un an plus tard, il avait vingt-quatre ans, il épousait Alice. Elle n’est pas juive, avait dit sa mère, j’espère que tu ne le regretteras pas.

- Je ne suis pas juif non plus, maman. En tout cas, je ne veux pas l’être. Je ne vois pas la différence. Alice est chrétienne comme moi je suis juif mais comme moi, elle ne croit pas en Dieu. Et nos enfants ne seront ni l’un ni l’autre, uniquement des garçons ou des filles.

Ils formaient un beau couple, tous les deux. Sur l’une des photos prises lors de leur mariage il tenait Alice à bout de bras comme un trophée, et Alice avait la bouche ouverte photographiée en plein fou rire.

Cela n’avait pas été ce qu’on appelle un grand mariage. Une vingtaine d’amis avaient été invités, quelques jeunes gens et l’employeur d’Alexis. La maman d’Alexis assise à un bout de la table paraissait intimidée. Les parents d’Alice par contre étaient joviaux,

- C’est le plus beau jour de notre vie, enfin peut être que le plus beau a été celui de la naissance d’Alice.

Le père d’Alice bégayait un peu. Il avait les joues rouges et le regard troublé par la boisson. On ne marie pas sa fille tous les jours, avait-il répété.

- Désormais, tu es mon fils, Alexis. Et que tu sois juif, ça m’est complètement indifférent. Nous sommes tous frères. Enfin, toi tu n’es pas mon frère, tu es mon fils.

Il avait serré Alexis dans ses bras.

Vint ans après le génocide des juifs en Europe, Israël, ce minuscule Etat de misérables survivants, était la victime d’une coalition d’Etats arabes qui voulait les rejeter à la mer.

C’est Alice qui m’a raconté ce que fut leur vie de couple à cette époque et qui m’a dépeint la transformation mentale d’Alexis.

- Ils ne nous pardonneront pas d’être juifs.

Il avait fait un don à une organisation qui recueillait des fonds pour soutenir l’effort d’Israël. C’était une petite structure créée pour l’occasion. La secrétaire, une jeune bénévole, lui demanda d’en être le trésorier. N’était-il pas agent de change.

- Tu sais, nous, les questions d’argent, ce n’est pas notre fort.

Elle s’appelait Rachel. Elle avait des cheveux noirs bouclés, le teint mat, le nez légèrement busqué, somme toute le profil parfait des filles de Sion. C’est elle qui le disait en riant.

- C’est ma mère qui est juive. Mon père est le descendant d’une famille catholique où on allait à la messe le dimanche. Il a fait ses études secondaires chez les Jésuites puis, Dieu sait pourquoi, le doute l’a saisi.

Avec Rachel, la plupart des conversations finissaient par des rires. Elle faisait les choses sérieusement mais sans y mettre de la gravité.

-Tu comprends, Israël, c’est notre dignité retrouvée. Un jour, j’irai vivre en Israël. Mais ma mère veut que je termine mes études.

- Tu es pratiquante ?

- Je ne vois pas le rapport. Et toi ?

Elle était devenue sa maîtresse un peu plus tard. La guerre s’était terminée, et ils avaient fêté la victoire ensemble. Il ne voulait pas penser à Alice.

Il ne savait pas pourquoi il était tombé amoureux de Rachel. Tombé était le mot juste d’après lui. C’était comme durant ses rêves d’enfant lorsqu’il tombait dans un abyme sans fin incapable de se retenir aux parois.

Avec Rachel il participa aux activités d’un cercle de jeunes gens qui rêvaient de « monter en Israël » après qu’ils auraient achevé leurs études supérieures. Dans les kibboutz, ils travailleraient de leurs mains avec de plus leur savoir. Ingénieurs, agronomes, biologistes, architectes, ils seraient plus utiles à leur future patrie que de simples paysans. Les temps n’étaient plus ceux des fondateurs même s’ils étaient toujours ceux des guerriers. Ils discutaient avec la conviction de ceux qui n’ont d’autre issue que la victoire ou la mort.

A chaque fois qu’ils se réunissaient pour parler d’Israël, c’était un affront qu’ils lavaient. Ils s’étaient posé la question avec beaucoup de sérieux, elle figurait à l’ordre du jour de la réunion de ce soir-là : fallait-il baptiser leur cercle du nom de« Massada » ? Faute d’unanimité, ils reportèrent la question à une prochaine réunion.

Alice éprouvait une sorte d’angoisse. Alexis se montrait toujours aussi prévenant mais on eut dit qu’il se conformait à un devoir.

C’était la fin de l’été. L’air était chaud et humide. Dans leur chambre, Rachel et Alexis avaient ôté leurs vêtements. C’est à moitié nue, et Alexis en slip, que Rachel lui annonça qu’elle allait poursuivre ses études aux Etats-Unis.

- Aux Etats-Unis ?  Mais moi ?

Elle s’efforçait de dégrafer son soutien-gorge.

- C’est mon père qui le veut. Il ne comprend pas que mon amant soit un homme marié. Et juif, par-dessus le marché.

- Juif ?

- Il dit que je le regretterai tôt ou tard. Avec un juif, je nous fais tous revenir aux temps où un chrétien épouse un chrétien, un juif épouse un juif. Ce communautarisme étroit, il l’a rejeté en épousant ma mère, et moi je fais de la ségrégation, dit-il.

C’était une scène burlesque. Parce qu’il avait voulu être comme tout le monde, il avait épousé une fille dont  peu lui avait importé qu’elle ne soit pas juive. Malheureusement s’il était devenu amoureux de Rachel, c’est parce qu’elle était juive précisément. Le père d’Alice qui n’était pas juif lui avait donné sa fille bien qu’Alexis fût juif. En revanche le père de Rachel dont l’épouse était juive lui refusait la sienne parce qu’Alexis était juif.

- Qu’est-ce que tu fais.

Alexis remettait son pantalon.

Pendant qu’elle avait mit son visage sous les draps, surprise par sa véhémence, il referma la porte du studio.

Plus tard, j’ai appris d’Alice qu’il était revenu chez eux durant quelques jours, sombre, parlant à peine. Puis sa mère à qui j’avais rendu visite, m’avait dit qu’Alexis était passé la voir pour lui dire qu’il partait pour Israël. Il avait laissé pousser sa barbe et ses vêtements étaient gris. Elle ne savait pas où je pourrais le toucher, il n’avait pas laissé d’adresse et elle était inquiète.

J’avais du m’absenter durant six mois. A mon retour, la mère d’Alexis me dit qu’un Israélien  était venu lui remettre des photos d’Alexis. Il était dans un kibboutz agricole situé à proximité de la frontière égyptienne.

- Pourquoi, ne me donne-t-il pas de nouvelles ? Il va bien, au moins.

- Je l’ignore, Madame. Je suppose que oui.

Elle répéta comme si cela justifiait les choses.

- Je suis sa mère, je suis sa mère.

Peut-être est-ce parce que j’avais envie de revoir Alexis ? Peut-être que l’incroyant que j’étais voulait-il  mettre ses pas dans ceux du Christ ? J’ai pris la décision de visiter Israël. Sur une des photos reçues par sa mère, il avait écrit le nom de son kibboutz.

C’est un vendredi que j’ai atterri à Tel-Aviv. Je me suis rendu à l’hôtel que j’avais réservé par téléphone puis chez un loueur de voitures. Le lendemain, samedi, je n’aurais pas d’autre moyen de locomotion. A l’époque les interdits religieux étaient encore puissants.

Tel-Aviv ressemblait à la plupart des grandes métropoles. L’animation y était considérable. Le boulevard Rothschild était semblable à tous les grands boulevards sinon que la foule ne ressemblait à aucune des foules qui arpentent généralement les grands boulevards.

Des jeunes gens en chemise à manches courtes ou en uniforme constituaient le plus gros de ceux qui déambulaient la veille du shabbat. Il faisait encore très chaud, c’était la fin d’une journée accablante. Les bus se suivaient à cadence rapide, bientôt ils allaient rentrer au garage pour ne plus en sortir avant dimanche.

A l’hôtel, on m’indiqua la route à suivre pour atteindre le Kibboutz qui était celui d’Alexis. Il se situait dans le Néguev. J’aurais à parcourir une distance de près de cent kilomètres.

- Ne vous inquiétez pas, vous ne risquez pas d’avoir beaucoup de trafic sur les routes. Vous verrez, ce kibboutz près de la frontière, c’est un peu les yeux d’Israël. Vous êtes juif ?

Le lendemain matin je me suis mis en route.

J’avais loué une Volkswagen et je roulais fenêtres ouvertes. Ma chemise était humide. La chaleur était pesante, il y avait peu de végétation mais le paysage était superbe. J’avais le sentiment qu’il ne s’était pas beaucoup modifié en l’espace de deux millénaires.

Le Kibboutz était pratiquement sur la frontière à une vingtaine de kilomètres d’Ashdod. Je me suis arrêté devant le bâtiment le plus imposant pour me renseigner. A l’intérieur, un responsable du kibboutz qui parlait français me dit où je trouverais Alexis.

- Je ne savais pas que son nom était Fermant. Il est inscrit sous celui de Ferdman. Il est très malade.

C’était une sorte de cabane de béton pourvue d’une fenêtre et d’une meurtrière, meublée d’un lit, d’une table et d’une chaise. Alexis était allongé sur le lit, torse nu, la tête tournée vers moi. Il souriait de ce sourire marqué par la dérision qu’il affichait autrefois quand il me posait des questions sur ce qu’il était aux yeux des autres et que je lui reprochais de se masturber l’intellect.

- Ca va ?

- C’est à toi qu’il faut poser la question. Pourquoi ne donnes-tu pas de tes nouvelles ? eigel.

- Tu sais que je n’ai jamais su à quoi ressemblait mon père. Il était jeune quand il est parti. Je lui ressemble ou c’est lui qui me ressemblait ?

- Alexis !

Il a tourné le visage vers le plafond. Il ne m’écoutait plus. Au bout d’un moment je suis sorti, j’ai repris la voiture et je suis parti. Sur le seuil du bâtiment central, le responsable du kibboutz m’a salué de la main.

J’ai appris la mort d’Alexis par une lettre du responsable du Kibboutz à qui j’avais laissé mes coordonnées. C’était une enveloppe de papier kraft. Il y avait joint le portefeuille d’Alexis, quelques billets de banque, une photo d’Alice prise le jour de leur mariage, et une reproduction du dessin de Léonard de Vinci représentant les proportions de l’homme.

 

 

 

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Les mots que l'on emploie

 Pour Kessan, qui a huit ans

La grammaire s’occupe des mots

que l’on dit et que l’on écrit.

Elle en fait des catégories,

cela signifie des familles.

Un nom indique ce que l’on voit,

que l’on entend ou que l’on sent,

que l’on peut toucher quelques fois.

livre, refrain, muguet, enfant.

Un adjectif souvent décrit,

la forme, le poids, la saveur.

rectangulaire, lourd, salé.

Il révèle des qualités .

Il sert aussi à désigner aussi:

ce, cette, ces, ou dire,

à qui appartient une chose.

ma, ta, sa, notre, votre, leur.

Un verbe dit ce qu’on peut faire:

travailler, s’amuser, dormir.

Un adverbe, comment on le fait:

mal, bien ou à peu près.

Chaque pronom remplace un nom

que l’on ne veut pas répéter:

eux, le mien, ceux-là, lesquels?

Pour un lieu on emploie le Y.

Au restaurent? J’y vais souvent.

Un article est un petit mot

qui se place devant un nom

pour indiquer chaque fois

le masculin, le féminin,

Le singulier ou le pluriel.

Un, le, l, pour le masculin

Une, la, l, pour le féminin

Les, pour au moins deux choses.

On ajoute un s ou un x

quand un nom s'écrit au pluriel

Apprendre des définitions

Cela est parfois amusant.

 

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Une conquête amoureuse

 

 

Cela remonte si loin. J’ai été terriblement malheureux.  Ne riez pas, je souhaitais mourir. Aujourd’hui, je souris, c’est vrai. Pas du jeune homme niais que j’ai été mais de l’impossibilité dans laquelle je me trouve d’être aussi malheureux à nouveau.

J’avais vingt ans. Je me rendais à Paris pour y passer le week-end chez ma tante. Elle avait mis à ma disposition une chambre de bonne gentiment meublée dans le quartier de l’Odéon.

J’avais l’intention de me promener à travers le quartier latin, de visiter un musée, d’aller au théâtre le soir. Le samedi, j’avais rendez-vous avec Julien Lenoir, un ami que je m’étais fait, à peine plus âgé que moi, un séducteur-né.

Nous devions passer la soirée dans ce qu’on qualifierait aujourd’hui de discothèque, le « bal à Jo », rue de Lappe. On y dansait le tango et la java entrainés par des joueurs d’accordéon qui enchainaient les danses sans répit. Les filles en devenaient soûles et les garçons, légers comme des bulles, s’élevaient vers le ciel de toutes les espérances.

Julie se serrait contre moi et lorsque la danse cessait, elle me prenait la main jusqu’à ce qu’une autre recommence.

- Tu as une touche.

Julien avait dansé avec d’autres filles. Quelques fois, il  invitait Julie.

- Elle est drôlement bien foutue. J’imagine que tu vas la mettre dans ton lit, veinard.

Finalement nous sommes restés à trois, assis à une table, devant un verre de vin pour Julien et Julie, un whisky pour moi. Julie dansait avec chacun de nous, l’un après l’autre, elle était infatigable.

Elle avait la joue contre la mienne en dansant le tango. De la langue, elle me mouillait l’oreille en parlant.

- Je veux rester avec toi.

- Et Julien ?

- Julien, ça m’est égal.

J’étais devenu profondément amoureux. Nous avons bu quelques verres encore, ma timidité avait disparu, et nous sommes sortis. Julie, entre Julien et moi, nous tenait par le bras. En marchant, de la cuisse, nous nous frottions contre les siennes.

Lorsque nous sommes arrivés dans ma chambre, Julie s’est tournée vers moi.

- Nous restons tous les trois ?

Julien avait commencé de se déshabiller. J’étais paralysé. Julie me fixait sans sourire. Elle avait ôté son pull, et dégrafé son soutien-gorge. J’ai ôté mon pull moi aussi. Julien s’était glissé sous les draps à l’extrême bord du lit.

- Vous venez, il ne fait pas très chaud.

- Tu viens ?

Julie était en culotte, les seins dressés qu’elle caressait d’une main en me tendant l’autre.

- Je ne sais pas ce que j’ai, c’est le whisky, j’ai besoin de prendre l’air.

- Reviens vite. Nous allons réchauffer le lit en attendant.

Je suis sorti. Rue Croix des petits champs, au rez-de-chaussée de l’immeuble, il y avait un café où tous les matins lorsque je logeais chez ma tante je prenais un œuf dur, puis un café et un croissant. Ou un verre de vin blanc comme le faisaient d’autres consommateurs. Le café était fermé.

J’étais prêt à remonter dans la chambre mais j’avais besoin de boire ne serait-ce qu’un verre d’eau. Il suffisait de marcher un peu, l’air était tiède et le ciel particulièrement clair, je trouverais facilement un café encore ouvert.

Paris, la nuit, était à cette époque une ville merveilleuse. A croire qu’il y avait deux villes qui se substituaient l’une à l’autre en fonction du jour ou de la nuit. Peut être que c’est le cas de toutes les villes ? Ou à cause de ceux qui marchent la nuit et qui sont différents de ceux qui marchent le jour.

J’étais exalté. J’avais envie de rire. Julie était nue devant mes yeux. Les seins dressés, elle me tendait la main. J’ai marché jusqu’au pont de l’Alma. Puis plus loin encore en longeant la Seine. Peu de gens se promènent la nuit. Ceux qui le font se croisent parfois mais ne se voient pas. C’était comme si la ville ne se déroulait que pour vous au fur et à mesure de vos pas. A un certain moment, il était trois heures du matin, je me suis senti fatigué. Je voulais rentrer mais il n’y avait pas de rame de métro avant six heures. Je me suis assis sur un banc pour l’attendre. Sur le quai d’en face un homme était assis qui somnolait. Il aurait pu être mon reflet.

Il était près de sept heures lorsque je suis arrivé rue Croix des petits champs. Le café du coin était déjà ouvert. Je suis monté directement à ma chambre. La porte était fermée mais je n’ai eu qu’à la pousser.

Il n’y avait personne. Le lit avait été refait. Je suppose que Julien et Julie étaient rentrés chez eux après m’avoir vainement attendu.

Je me suis assis sur le bord du lit. Soudain, la tête entre les mains, je me suis penché en avant et je me suis mis à pleurer.

 

 

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Il s'agit d'une oeuvre intime d'Eugène Delacroix (1798-1863) publiée à Paris chez Plon, Nourrit et Cie de 1893 à 1895.

 

L'histoire de la rédaction de ce journal et de sa conservation après la mort du peintre est compliquée, sinon rocambolesque. Le 22 septembre 1822, Delacroix entreprit la rédaction d'un premier journal que l'on a coutume d'appeler le Journal de jeunesse et dont la rédaction cesse brusquement le 5 octobre 1824. Après vingt-trois ans d'une interruption certainement due à l'ampleur de son travail de peintre, Delacroix reprend le 1er janvier 1847 la rédaction d'un journal qu'il tiendra jusqu'en juin 1863 (il meurt le 13 août) et que l'on appellera le Journal de l'âge mûr et de la vieillesse. Après la mort de l'artiste, sa servante Jenny, qui avait conservé ces carnets, fit d'abord croire que Delacroix les avait lui-même brûlés. En réalité, elle les remit au peintre Constant Dutilleux, dont le beau-fils, A. Robaut, les recopia. Après divers incidents, les originaux furent alors scindés en deux, une partie fut perdue et l'ensemble ne fut plus jamais entièrement reconstitué. La mise au jour de nombre de ces cahiers (quatorze années sur vingt) permit de corriger les erreurs et de rétablir les suppressions dues à la copie d'A. Robaut sur laquelle s'était appuyée la première édition de 1893 chez Plon.

 

Ces textes que Delacroix considérait parfois comme des «brimborions écrits à la volée» constituent aujourd'hui un document inestimable non seulement sur le quotidien d'un peintre mais sur les interrogations, les angoisses, les repentirs et les enthousiasmes qui jalonnent l'itinéraire d'une création. On suit ainsi pas à pas le difficile cheminement qui mènera, par exemple, à la réussite des Massacres de Scio. Au fil de ces pages où la lucidité donne du style à la volonté, cet homme, qui craignait par-dessus tout de perdre la mémoire («En conservant l'histoire de ce que j'éprouve, je vis double; le passé redeviendra à moi. L'avenir est toujours là»), note avec scrupule les servitudes du quotidien, détaille les contraintes techniques dans la lutte contre un matériau rebelle, décrit les pulsations, les rites et les rythmes d'un art «d'autant plus intime au coeur de l'homme qu'il paraît plus matériel».

 

Dans ce mélange de laisser-aller bohème et d'exigences intérieures, voisinent des notations sur le prix d'un modèle, des comptes rendus de lecture, avec la description de la préparation de fonds. De cet ensemble à première vue hétéroclite se dégage toutefois la nécessité d'une discipline qui pactise avec les contraintes sociales, mais qui sait surtout les fuir pour retrouver dans l'acte solipsiste du créateur «une volupté de l'esprit, un mélange de calme et d'ardeur que les passions ne peuvent donner». Attitude qui, par bien des côtés, a partie liée avec le culte stendhalien de l'énergie.

 

La réflexion théorique innerve ainsi ce journal et lui donne texture et éclat; elle n'est pas seulement l'ombre portée de l'oeuvre peint, mais prend la forme d'une longue interrogation sur le sens et la fonction spirituelle de la peinture. Delacroix en vient ainsi à étudier les correspondances, les circulations, les échanges, les transferts que les arts entretiennent entre eux et à comparer leurs moyens respectifs. Malgré son désir constant de l'écriture, il montre ainsi que la peinture, hors de la dérive des mots et des métaphores, est en fait une instance privilégiée pour comprendre le monde ou du moins lui donner l'ébauche d'un sens. Dans sa méfiance d'un romantisme tapageur qui ira croissante, et en cherchant à résoudre l'obsessionnelle contradiction des surfaces et des profondeurs, Delacroix finira par suivre, dans sa quête qui «darde sur une idée» (Baudelaire) une astreignante et enrichissante pratique du ressassement dans la lecture de l'intérieur des êtres et des choses: «Ce qui fait les hommes de génie ou plutôt ce qu'ils font, ce ne sont point les idées neuves, c'est cette idée, qui les possède, que ce qui a été dit ne l'a pas encore été assez.»

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Une femme à prendre.

 

Une femme à prendre.

 

Georges m’avait demandé d’être son témoin de mariage. De temps en temps, durant le discours du maire, je fermais les yeux et j’imaginais que j’étais à la place de Georges. C’est moi qui cette nuit serait dans le lit de Julie. J’ai eu envie d’elle dès le premier jour que je l’ai vue.

Julie était non seulement séduisante, elle suscitait le désir de la prendre sans un mot, son corps entre les jambes. Elle le voyait dans le regard que je portais sur sa poitrine. Elle détournait la tête mais après s’être redressée plus encore. J’imaginais qu’elle avait des seins durs.                                                         

Lorsque Georges s’est tué à la suite d’un bête accident de la circulation, je me suis réjoui. Elle est de ces femmes qui ont besoin d’un homme, il ne faut pas qu’un autre la prenne avant moi. Après les funérailles, je l’ai ramenée chez elle. Elle s’est abandonnée contre moi en pleurant.

- Laisses-toi aller. Pleure.

Je lui entourais les épaules. Elle avait le sein contre ma poitrine. Je devinais que j’allais profiter d’elle et je me suis écarté.

- Il faut dormir Julie.

Je l’ai étendue sur le canapé, j’ai éteins la lumière et je suis sorti. Je n’ai pas dormi cette nuit là. Je pensais à elle. Je pensais que je n’étais qu’un imbécile. Non seulement je la désirais mais peut être qu’elle aussi, en ce moment, ne dormait pas. La main sur le ventre, elle me désirait.

Je l’ai appelée le lendemain. Le téléphone sonnait sans cesse. Ou elle le laissait sonner ou elle s’était absentée. Je l’ai appelée à plusieurs reprises sans avoir d’autre réponse que la sonnerie du téléphone. Il arrivait que je cesse de l’appeler. Je craignais que durant ce temps elle s’efforçait de m’appeler mais que la seule réponse qu’elle avait c’était la sonnerie de ‘pas libre’  pendant que de mon côté, j’essayais de l’appeler.

Vers la fin de l’après midi, j’ai enregistré un message qui disait que j’étais sorti. Je me suis rendu chez elle mais je n’ai pas sonné. J’avais reconnu la voiture de son beau-père au pied de l’immeuble. Je suis rentré, je ne souhaitais pas rencontrer le père de Georges qui lors des funérailles m’avait serré contre lui en pleurant.

- Tu le sais, Pierre, ce que je ressens. Tu étais son meilleur ami.

Mon père était mort dans un accident de voiture lui aussi. C’était ma mère qui conduisait. Face à un camion qui leur arrivait droit dessus, elle avait levé les mains devant les yeux. Ce fut un choc facile à imaginer.

Le père de Georges s’était occupé de moi. Il n’avait que Georges et moi. Veuf, il n’avait jamais cherché à se remarier. Je suppose qu’a deux, Georges et moi, nous remplissions sa vie comme on dit.

De métier, je suis consultant en organisation. Ingénieur de formation, dès la fin de mes études, j’ai fait mon stage dans les bureaux d’une grosse firme américaine spécialisée dans le conseil aux entreprises. Au bout de six mois, la période du stage, le chef du personnel m’avait convoqué.

- Je vous le dis très sincèrement, Pierre. Vous ferez une grande carrière chez nous.

- Malheureusement, j’ai signé mon engagement dans une autre firme. Je commence la semaine prochaine.

- Dommage.

Georges, durant que j’achevais mes études et mon stage, avait quitté le pays pour se rendre dans le midi. A Nice précisément. Il avait trouvé une place de garçon de café dans un grand hôtel. Le soir, il y dormait. Avec une cliente de l’hôtel. C’était ce qu’on appelle un coureur.

Ce jour-là, j’avais rendez-vous à Genève. J’ai pris l’avion sans avoir eu Julie au téléphone. Ni le père de Georges que je n’ai pas osé appeler de si loin. Il se serait demandé quelle était la raison réelle de mon appel. Une raison plausible ne m’est venue à l’esprit que quelques heures plus tard.

Lorsque je suis rentré, j’ai appris que le père de Georges avait invité Julie à prendre quelques jours de repos dans le midi de la France. Il y possédait une vieille maison qu’il avait rénovée afin d’y passer leurs dernières années sa femme et lui.

A la fin de l’été, ils étaient revenus tous les deux. Ils étaient devenus des amants disposés à unir leurs existences. Le jour où ils me l’avaient annoncé, ils m’avaient invité au restaurant. J’étais à l’un et à l’autre, leur ami le plus cher.

 

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Parodie de la vie

Paraître ce que l’on n’est pas. Désirer correspondre à autre chose. Demeurer, vivre dans le mensonge. Créer une parodie de vie. Combien d’hommes plagient ainsi leur existence comme un pastiche prenant, grappillant des instants, des moments choisis pour les faire siens et voient dans le miroir la face cachée d’homme que la simulation rend laid, parfois méchant.

Certains veulent changer le monde pour qu’il soit meilleur en conciliant le mensonge, la tromperie, la facétie.  Chimère que de porter ce fardeau chaque jour, cette mystification qui au fil du temps devient pénible, insupportable.

La parodie du bonheur enfile son costume de scène et laisse jouer chaque soir le clown  revêtu de son habit de lumière, le visage peint, le sourire dessiné. La gloire, la célébrité, les applaudissements accompagnent ce spectacle au goût amer, acide de la vie.

Assisse devant cette piste où participe la foule déguisée, où tournent, tournent les hommes se bousculant, riant aussi pour ne pas pleurer. La parodie est à son comble et je pouffe, rie et sanglote de tant de fadaises, de balivernes.

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L'oiseau vitrail

 

(Saynète pour enfants)

Assis au Café des artistes,

Des dessinateurs futuristes

Montrent leurs images en couleurs,

Qui rendent leurs amis songeurs.

    Certains de ceux-ci poétisent,

D' autres, allant plus loin prophétisent.

L’oiseau vitrail


Attristé qu’il n’y ait plus d’arbres,

Un oiseau suspendu,

Comme un arlequin

Qui se serait pendu,

Loin du soleil et de la joie.

lle-caf--des-artistes043.jpg

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Féerie nocturne

Pépinière de porcelaine,

sous un éclairage halogène

sol et ciel,écrans lumineux.

Des gerbes retombant en corail éclatant,

la corde à linge devenue

énorme câble de cristal

mes trois arbres fruitiers sont des pommiers en fleurs.

Je m’enivre, dans le silence,

de cette splendeur onirique,

transcendance qui m’éblouit.

11/01/2000

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Féerie nocturne

 

 

Pépinière de porcelaine,

sous un éclairage halogène,

sol et ciel,écrans lumineux.

Des gerbes retombant, en corail éclatant,

la corde à linge devenue

énorme câble de cristal,

mes trois arbres fruitiers sont des pommiers en fleurs.

Je m’enivre, dans le silence,

De cette spendeur onirique,

transcendance qui m’éblouit.

11/01/2000

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LA LÉGENDE DU HOUX

A l’époque de Noël, les branches de houx avec ses baies rouges sont omniprésentes. Est-ce que vous savez comment cette plante est devenue un symbole de cette saison festive ? Eh bien, je vais vous le raconter.

Le houx était la plante sacrée de Saturne qui, dans la mytologie grecque était l’équivalent du titan Cronos, père de Zeus. C’était le houx que les Romains utilisaient pendant la Saturnalia, une des festivités païennes qui est à l'origine de la date du 25 décembre pour la célébration de Noël. Pendant ces festivités, les Romains s'offraient mutuellement des couronnes de houx et décoraient aussi les statues de Saturne avec des branches de cette plante.

Les premiers Chrétiens adoptèrent cette tradition afin de ne pas éveiller des soupçons et des persécutions, et le houx perdit ainsi son caractère païen pour devenir un symbole chrétien typique de la saison de Noël, au moins dans les pays occidentaux: les feuilles pointues de la plante représentent les épines de la couronne que Jésus portait lors de sa crucifixion, les feuilles vertes représentent la vie éternelle et les baies, le sang de Jésus.

Et, évidemment, il y a aussi une légende chrétienne associée à cette plante. Selon cette légende, lorsque la Sainte Famille était poursuivie par les soldats du roi Hérode, qui en voulait à l’Enfant Jésus, plusieurs plantes leur permirent d’en échapper. On raconte que l’une de ces plantes ce fut le houx, qui abrita la Sainte Famille quand les soldats étaient sur le point de les trouver.

À l’époque, le houx n’était pas encore un arbuste à feuillage persistant, mais la Vierge demanda protection et – ô miracle – les feuilles poussèrent à nouveau et le houx étendit ses branches pour les cacher. Très reconnaissante, la Vierge Marie l'aurait béni en annonçant que le houx resterait vert pour toujours. Et le houx devint ainsi un arbuste à feuilles persistantes, symbole d'immortalité.

Dans l’Europe médiévale, le houx était symbole de bonheur. On devait planter cet arbuste devant la maison pour la protéger contre les tonnerres et les éclairs, et les feuilles et les baies se chargeraient d’éloigner la sorcellerie et les mauvais esprits…

Vous avez aimé ce conte? Faites-le partager à vos enfants ou petits-enfants, à vos amis et connaissances, en un mot à tous les enfants que nous avons tous été un jour.

Il y a des contes que les enfants peuvent lire tout seuls; d'autres contes que vous pouvez leur lire ou leur raconter avec vos propres mots. Que la magie des mots les accompagnent toujours le long de leur vie.

Joyeux Noël.

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Période de Noël oblige...Duo avec moi-même

La période de Noël s’annonce et inévitablement, fatalement, les mêmes images reviennent et s’impriment dans notre tête, dans nos yeux. La neige, les cadeaux, le sapin, la crèche. Vieux reflets de notre enfance où l’on rendait ce moment merveilleux. Devant ce superbe sapin couvert d’or et scintillant de tout part, nos âmes d’enfant restent toujours admiratives. Ce pied du sapin toujours garni de mille cadeaux, de petits présents, de mots gentils, de tendresse et d’amour est le centre de la fête. Tous les yeux sont tournés vers lui.


Noël, c’est aussi l’époque où les pensées vont vers ceux qui souffrent, qui sont malades, qui sont seuls. Une période d’espérance que notre foi chrétienne inspire. L’espoir que tout change comme par magie. Un coup de baguette magique et le monde serait bienfaisant, charitable à l’écoute de l’autre, partageant ses richesses. La faim serait enraillée et la guerre remplacée par une paix durable. Des vœux permanents, qui venus du cœur, sont sincères.

 

Noël, cette année, c’est l’arrivée d’un bébé, un nouveau né qui va partager la magie de cette fête avec nous. Petit être qui par son éveil à la vie nous remplit de joie et d’amour. Son petit minois nous ravit et ses petits sourires nous désarment devant tant de beauté et de pureté. Elle nous comble depuis sa venue et elle a pris une place de choix dans nos cœurs.

 

Pour son premier Noël, tout sera fait pour que nous en gardions un souvenir impérissable comme un cadeau de la vie. Unis autour de ce bébé, nous dirons chacun à notre tour des mots qui nous paraissent importants. Notre partage sera complet et déroutant. Des larmes venues du fond de notre cœur rouleront sur nos joues que le temps maltraite et qui a pris pour certains une importance que seule la sagesse peut maitriser. Les plus jeunes profiteront de la fête sans arrière pensée savourant cette veillée comme un présent qui leur est dû. Comme toujours, tout sera réussi et les larmes non séchées couleront intérieurement pour que l’on n’oublie pas que rien ne dure ici bas.


Notre bébé aura de beaux souvenirs que ses parents lui raconteront. Le temps des veillées au coin du feu où l’on contait des histoires est loin. La pensée du beau sapin que mon père ramenait à Noël me fait toujours fondre en larmes et la cougnolle que maman m’offrait était le plus beau cadeau jamais reçu. Tout cet amour n’a pas été vain, il est inscrit en lettres d’or sur mon cœur.

 

Noël, c’est ça … des souvenirs, des moments heureux, des larmes. Le rappel que notre mémoire n’a rien oublié et que la vie passe de l’un à l’autre comme coule le sang dans nos veines.

 

Ce Noël ne sera pas triste, il sera magnifique comme le premier d’une longue série que je veux pour mon bébé d’amour et que sa maman, son papa, sa tatie perpétueront encore et encore.

Joyeux Noël à tous

Josette

 

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" LE DIT D'ARIANE "

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Je viens d'avoir confirmation que mon livre " Le Dit d'Ariane " est également disponible sur fnac.com et sur amazon.fr, soit en version papier (broché) au prix de 10,45 €, soit encore en format Kindle, au prix de 8,25 € (livraison gratuite). En librairies, il se vend 11 €. Quelle que soit votre préférence de lecture, papier ou écran, c'est une belle et bonne idée pour les fêtes de fin d'année : le Solstice d'hiver, la Noêl ou le Nouvel An. Faites un passionnant voyage avec la belle Ariane ! 

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Le temps des illusions.

Après la guerre, je m’étais engagé au Parti Communiste .Mon père n'appréciait pas tellement mon engagement dans ce que j'appelais le Parti. Ce qui l'inquiétait et le rassurait à la fois, c'est que cet engagement était imprégné d'une sorte de romantisme qu'il attribuait à la jeunesse et dont il pensait que tôt ou tard, il se dissoudrait dans ce qu'il appelait les eaux froides de la maturité. 

Il ne croyait plus que le monde, un jour plus ou moins lointain, cesserait de ressembler à ce qu'il était, une arène où les hommes se tuent entre eux.
- Vois-tu, Pierre, à force d'amour, le monde serait plus supportable. Mais la vie est trop courte, et l'apprentissage de la raison est trop long.
Nous sommes juifs, Pierre.
Nous finissions par nous disputer.
- C'est quoi être juif ?
Je lui avais posé la question après que la guerre se soit achevée. Durant la guerre, on ne posait pas ce genre de question. Sa réponse ne m'avait pas satisfait.
La guerre avait cessé mais j'avais le sentiment que le monde, le monde avait dans mon esprit des frontières imprécises, le monde se disloquait et se recomposait sans cesse. Les actualités de l'époque, toujours avant «le grand film», ressemblaient à des éléments de kaléidoscope sans cohérence explicable. On y voyait surtout le mouvement de migrations humaines. Des marches de la mort de juifs haves et aveugles depuis des camps soudain matérialisés. On y voyait des juifs sur des bateaux qui naviguaient de ports en ports comme les âmes mortes des enfers. Des juifs qui souhaitaient revenir sur la terre de leurs lointains ancêtres.

Nous étions vivant, nous. C'est étrange de n'avoir pour famille que son père et sa mère. Je n'ai jamais dit de quelqu'un c'est mon cousin ou c'est ma cousine, et j'étais amoureux d'elle quand j'avais douze ans.
En 1948, en Israël c'était la guerre qu'on appelait guerre d'indépendance. En 1948, en Belgique ils étaient nombreux ceux qui souhaitaient la victoire d'Israël. La victoire des juifs, disait-on. En Israël, on disait la victoire des Israéliens.
Mes condisciples la soutenaient avec autant d'enthousiasme que s'il s'était agi de leur propre combat. Au point que deux d'entre eux s'étaient engagés pour y combattre.
Hector, le garçon beau et athlétique qui aurait séduit toutes les filles s'il n'avait pas été aussi timide, et Michel, le fils d'un ancien colonial, attiré par l'aventure. Arrivés trop tard, la guerre venait de se terminer, mes deux amis avaient décidé de rester, et ils avaient adhéré à un kibboutz.
Michel s'y est marié. Il a épousé une fille d'origine belge. Devant un rabbin il a dû jurer qu'il était juif.  
La vieille question, d’une manière ou d’une autre, la seule question se posait toujours. C’est quoi être juif ? Heureusement, il y avait Marc, Paul, René, ces frères par la pensée.

René s'était spécialisé dans l'agit-prop. L'agitation et la propagande. Souvent, à l'entrée des entreprises, il distribuait des tracts, vendait le journal du Parti ou haranguait les ouvriers. Il détournait la tête lorsque sortait de l'usine un de ses anciens condisciples appelé, c'était vraisemblable, à faire partie un jour de la direction de l'entreprise parce que ses études l'y préparaient ou parce qu'il hériterait de l'entreprise de son père. Il disait :
- Il vient un temps où il faut choisir son camp, et le mien n'est pas celui de Jacques ou de son père.
Il n'était pas le seul à penser ainsi. Un jour que je participais à une manifestation contre le racisme, plutôt que dans un groupe de manifestants laïcs je m'étais inséré dans un groupe de jeunes gens qui, derrière une bannière communautaire, s’étaient affichés en tant que juifs. Je suis incapable de dire ce qui m'avait poussé à le faire. Peut-être ce sentiment qui me pousse toujours à être parmi les minoritaires.
Un jeune garçon que j'avais parfois rencontré chez des amis communs, et à qui déplaisait mon éloignement des cercles juifs assez nombreux à l'époque, se trouvait dans le même groupe.
- Tu vois, à quoi bon le nier, tu es juif. Il est inutile de le cacher.
- Je ne me cache pas. Je suis là précisément pour que chacun puisse être ce qu'il a envie d'être sans obliger qui que ce soit à être comme lui.
Il a ri, et il a haussé les épaules.
- On est dans un camp ou dans un autre. Sinon, tu te fais écraser. Inutile, après, d'aller pleurer.
Je l'ai raconté à René. Je lui ai rappelé les souvenirs qui nous liaient à Jacques, ce fils d’industriel par le hasard de la naissance. Il a secoué la tête, et il a répondu avec une certaine emphase.
- Il n'y a pas d'avenir dans le passé.
Hector a été le premier à revenir d'Israël. Sans Myriam, cette jeune fille avec laquelle il était parti pour se battre. Myriam, Michel et lui, après la guerre d’indépendance, avaient adhéré à un kibboutz, décidés à rester en Israël et à y faire leur vie. Parmi les fondateurs d'un pays neuf, le travail de la terre et la vie communautaire allaient les révéler à eux- mêmes.
Un jour tout avait craqué pour Hector. Il avait bien dû le reconnaitre, il aimait Myriam, c'est vrai, mais comme une sœur. Seulement comme une sœur. C'était un homosexuel honteux et profondément malheureux. Il avait imaginé qu'en Israël, ce pays neuf, il pourrait contraindre son corps à force de travail et d'amitié virile. Sans résultat hélas!
Il avait eu une liaison avec un jeune homme à peine moins âgé que lui, et on lui avait laissé entendre que tout le monde était en droit d'être ce qu'il était, que personne n'avait quoi que ce soit contre les homos, mais qu'il valait mieux quitter le kibboutz.
Michel n'est pas revenu Il s'était marié, il s'était bien adapté, il avait participé à la guerre de 1967 en tant que réserviste. Il y est mort et il a été enterré comme un juif sous une stèle ornée du Magen-David.
Il est court le temps des illusions.

 

 

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La muse des couleurs

 

 À Jacqueline Nanson

 

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p.gifour me désennuyer ou pour me rendre heureuse,
Souvent, quand mon humeur se faisait langoureuse,
J'appelais à mon aide la muse des couleurs.
Près d'elle, me plaisais à errer en douceur.

La magie opérant me plongeait chaque fois

Dans un enchantement me remplissant d'émoi.

Des bois mystérieux abritaient tout un monde,
Des fontaines riaient dans des gorges profondes.

Je restais en arrêt, scrutant contemplative,
Des esprits, s'exposant à la lumière vive,
Qui semblaient me fixer avec intensité
Et dont je découvrais l'intrigante beauté.

Créés par des couleurs, surgissaient des poèmes

Révélant un ailleurs d'une richesse extrême,

Qui me ravit encore et me surprend toujours,

Quand je le redécouvre au hasard de mes jours.

25 mai 2005

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Le piquant de la vie

 

 

Mon âme abandonne mon corps.

Cela est devenu possible.

Elle voyage sans efforts,

Invisible mais bien audible.

En s'exposant à l'énergie,

Elle rencontre d'autres âmes

Qui comme elle sont rajeunies,

Oublieuses de torts infâmes.

Je suis sensible à la tendresse.

Souvent joyeuse, je souris.

Je ne reçois plus de caresses,

La gentillesse m'attendrit.

Je mis du piquant dans ma vie

Ce qui est fade me déçoit

Or ne m'a pas quitté l'envie l’envie,

D'y gôuter quand survient le froid.

18/1/2005

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