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Le secret du roi Midas

                                                     Pastiche inspiré de la fable «Les femmes et le secret» 

 

Joueur de flûte, Marsyas,

Et Apollon, joueur de lyre,

Divertirent le roi Midas.

Comparant, il osa médire.

...

Son choix provoqua la colère

Du dieu Apollon insulté,

Les oreilles du roi poussèrent,

Un châtiment inusité.

...

Ce fait resta inaperçu

Car, hors son coiffeur fort honnête,

Très longtemps, personne ne sut

Ce qui, du roi, ornait la tête.

...

Voulant déposer le fardeau

Qu’il portait comme une chimère,

Le barbier trouva le repos,

Mettant son secret dans la terre.

...

Or le vent s’infiltre, furète.

Se déplaçant, la tramontane

Hurlait : le roi Midas est bête

Et il a des oreilles d’âne.

...

Sous le faix d’un secret, nombreux

Sont les faibles hommes et les dames

Qui le violent pour vivre mieux.

À chacun le poids de ses drames!

...

12 décembre 2011

 

 

 

                                                                                                   

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ATTENTE

12272776890?profile=originalNous sommes tous en  ATTENTE

et oublions de vivre

"L'attente est ce qu'on efface de l'existence

, on se dupe soi-même...

Quand l'attente devient une habitude

Elle prend une odeur , une couleur associée à la lumière du ciel , à la pénombre d'une chambre , aux pas sur le trottoir 

  ce bruit qui résonne

et  plonge dans l'angoisse , toujours nouvelle et vieille comme notre malheur

L'attente apporte plus de plaisir que l'accomplissement "

Ces quelques phrases cueillies au hasard du dernier livre de Roger Grenier " Le palais de papier " invitent à la réflexion

IllPhoto AA

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La peau de chagrin est un roman d'Honoré de Balzac (1799-1850), publié à Paris en fragments dans la Caricature en décembre 1830, la Revue de Paris et la Revue des Deux Mondes en mai 1831, et en volume sous la signature Honoré de Balzac (première apparition du de) chez Gosselin et Canel en 1831.

 

Premier succès de Balzac, deuxième roman paru sous son nom (après les Chouans, signés Balzac sans particule), ce texte relie, selon son auteur, les Études de moeurs aux Études philosophiques. La veine fantastique, aboutissement des récits précédents, exprime et illustre par ses symboles une vision de la société, sans verser dans un ésotérisme où résideraient les ultimes vérités: c'est ce que toute une critique balzacienne a appelé le «fantasme social».

 

 

La Peau de chagrin.
Fin octobre 1830, ayant perdu son dernier napoléon au jeu, un jeune homme, Raphaël de Valentin, décide de se donner la mort. Il entre par hasard chez un vieil antiquaire, qui lui offre une peau de chagrin magique: ce talisman, figurant la vie de son possesseur, lui permettra de réaliser tous ses désirs mais se rétrécira à chaque voeu exaucé. En sortant de la boutique, Raphaël rencontre trois amis et participe à une orgie chez le banquier Taillefer, notamment en compagnie de la courtisane Aquilina. Pressé par son ami Émile Blondet, il raconte les événements qui l'ont conduit à envisager le suicide («le Talisman»).

 

Après avoir hérité une petite somme à la mort de son père, Raphaël avait voulu se consacrer à une Théorie de la volonté. En 1826, ayant loué une chambre au Quartier latin, il s'était lié avec Pauline, la fille de la maison. Trois ans plus tard, Rastignac, qui lui vantait les vertus de la «dissipation», lui fit rencontrer la riche veuve russe Foedora. Il idéalisa cette comtesse froide et calculatrice qui le tint à distance. Il se lança alors dans la débauche et s'endetta. Après la soirée chez Taillefer, un héritage lui parvient: il est riche, mais la peau a rétréci («la Femme sans coeur»).

 

Raphaël retrouve Pauline, devenue riche elle aussi. Ils vivent un temps heureux, mais la peau, cet objet dont il ne peut se débarrasser, en dépit des savants les plus illustres, va diminuant toujours. Malade, Raphaël se retire à Aix, puis au Mont-d'Or, menant une vie végétative. A la dernière extrémité, il revient à Paris. Un soir, pris d'un dernier désir pour Pauline, il meurt sur son sein. Pauline devient folle, mais Foedora, ou «si vous voulez, la société», continue de briller («l'Agonie»).

 

Fascinant paradoxe du roman: la possession de la mystérieuse peau ornée d'un texte arabe, censé être du sanskrit, allant s'amenuisant comme la vie de son détenteur, le fait accéder au plus profond de la terrifiante société réelle du Paris de 1830, qui se révèle être le véritable lieu du fantastique moderne. Ainsi le regard de Raphaël, unique protagoniste au début du récit, métamorphose-t-il la maison de jeu en cauchemar et l'orgie en champ de bataille.

Homme de science et de poésie, solitaire, doué comme Louis Lambert, cet autre philosophe balzacien de la volonté, d'une intuition qui confine à la seconde vue, Raphaël est pris au coeur d'un tragique dilemme: vivre à l'économie, sans plaisirs, et ainsi durer, ou exister intensément en dépensant son capital d'énergie. Essentiellement conservatrice, la société pratique l'égoïsme généralisé, du faubourg Saint-Germain aux curistes d'Aix, de Foedora aux créanciers et à Raphaël lui-même, soucieux de repousser l'échéance que lui avait d'ailleurs prédite l'antiquaire: «Votre suicide n'est que retardé.» L'or et les prestiges de l'illusion matérialisent cet égoïsme social, d'où l'importance symbolique de la séduisante et fascinante Foedora, cette inaccessible «statue d'argent».

 

Ce dilemme est d'autant plus insoluble que la négation du désir, qui finira par emporter Raphaël, équivaut à refuser la vie même. Voilà pourquoi le roman ne saurait conclure: vivre c'est mourir, ne pas vivre revient au même. Comme Sarrasine, Raphaël est confronté aux inconciliables exigences de la création et de l'amour. Croisement de mythes romantiques, de Manfred à Faust en passant par Melmoth (voir ci-après), cette contradiction exprime aussi le désenchantement de 1830, nouvelle forme du mal du siècle. L'ancrage dans l'actualité suffit à articuler l'impuissance dont souffre Raphaël au thème politique mettant en scène une société vouée aux seuls calculs d'intérêt.

 

D'une certaine façon roman à thèse, bien que totalement exempt des inconvénients ou des lourdeurs du genre, la Peau de chagrin s'ordonne autour d'un mythe. Jouant en virtuose de l'ambiguïté, le romancier se garde bien d'attribuer au fantastique tout ce qui concerne la peau elle-même. Des explications rationnelles, ou le hasard, qui peuvent rendre compte de ses effets, se mêlent au constat de son très réel rétrécissement. Surtout, pour exprimer le drame d'un individu tenté et effrayé par une société soumise à l'implacable loi de son propre développement, Balzac fait de la peau la preuve tangible que vouloir et pouvoir n'aboutissent qu'à la destruction: «Vouloir nous brûle, pouvoir nous détruit.» Dans ce contexte, le savoir, fût-il scientifique, se trouve dévalorisé par le jeu fictionnel et compte peu face à la comptabilité des besoins et désirs de Raphaël. Toute décision se révèle irréversible: la peau n'est que la somme des possibilités offertes à un homme donné. L'argent condense alors le temps: le dépenser, et donc vivre, accélère le rythme fatal. Ce fatalisme, provisoire dans la pensée balzacienne, est daté et s'oppose aux élans romantiques d'après 1830.

 

Foisonnant, baroque par certains aspects, le roman, ou plutôt cette «fantaisie» pour reprendre le terme de Balzac, développe une esthétique des contrastes. Recourant fréquemment aux prestiges de la poésie, de la couleur orientale, aux bouffonneries rabelaisiennes (plus nombreuses dans la version originale), célébrant la volupté (ainsi la mort de Raphaël intervenant à l'acmé d'une scène fortement érotique), il oppose aussi deux figures féminines, la douce et évanescente Pauline et l'inaccessible Foedora. Toute frémissante de la jeune énergie de son créateur, la Peau de chagrin se déploie à l'orée, mais aussi hors de la Comédie humaine, non seulement parce que ses principaux personnages ne réapparaîtront guère, mais aussi parce que le Rastignac apologiste de la «dissipation» ne ressemble guère à l'ambitieux calculateur sorti de la pension Vauquer (voir le Père Goriot). Le thème central parcourra le grand oeuvre balzacien, qui peut se définir aussi comme une réécriture continue et sans cesse approfondie de la Peau de chagrin.

 

D'autres textes de la Comédie humaine exploitent la veine fantastique. En dehors des grandes oeuvres à vocation philosophique comme la Recherche de l'absolu (1834) ou la mystique Séraphîta (1835), on peut citer trois récits.

 

L'Elixir de longue vie est publié à Paris dans la Revue de Paris en octobre 1830, et en volume dans les Romans et Contes philosophiques chez Gosselin en 1831.

 

L'Élixir de longue vie.
A Ferrare au XVe siècle, Bartolomeo Belvidere a composé un élixir de longue vie, dont il a appris le secret. Sur son lit de mort, il demande à son fils don Juan de l'enduire de cet élixir dès qu'il aura expiré. Le fils enduit l'oeil du cadavre, puis l'écrase en constatant qu'il le regarde, et conserve l'élixir pour lui. Plus tard, sentant la mort venir il donne à son fils Philippe le même ordre que lui avait donné son propre père. Philippe ne parvient à ressusciter que la tête avant de briser le flacon dans son épouvante. On crie cependant au miracle, et un abbé décide de canoniser le duc don Juan. La tête, débitant des impiétés, se détache du corps et mord le crâne de l'abbé.

 

 

Jésus-Christ en Flandre, «conte philosophique», est publié à Paris chez Gosselin en 1831 et, fondu avec un autre conte (l'Église, initialement paru en 1831) pour son entrée dans la Comédie humaine en 1845. Proche des idées de Balzac lui-même, ce texte étrange affirme la nécessité de défendre l'Église pour le bien de l'ordre social.

 

Jésus-Christ en Flandre.
Après la révolution de juillet 1830, sur les lieux d'une histoire légendaire située dans la Flandre du XVe siècle, un narrateur fait un rêve, où lui apparaît une Église ruinée, dont l'incarnation sous les traits d'une belle jeune fille lui ordonne de voir et de croire.

 

Melmoth réconcilié, publié dans le collectif Livre des conteurs en juin 1835, et dans les Études philosophiques, emprunte, cas unique dans la Comédie humaine, un de ces héros à un autre écrivain: Maturin, auteur du célèbre Melmoth the Wanderer, traduit dès sa parution en 1820. A l'instar de la Peau de chagrin, ce récit relie les oeuvres fantastiques au réalisme des Études de moeurs, en introduisant un pacte avec le démon au coeur de la maison Nucingen.

 

 

Melmoth réconcilié.
Nouveau Faust, Melmoth parvient à vendre ses pouvoirs acquis auprès du diable à Castanier, caissier de la banque Nucingen. Castanier, pris entre sa femme et Aquilina, sa maîtresse, qui a pour amant de coeur un des «quatre sergents de La Rochelle» (voir laPeau de chagrin), se lasse de ses pouvoirs surnaturels, et veut les restituer à Melmoth. Ce dernier, «réconcilié» _ autrement dit sauvé _ vient de mourir. Castanier transmet alors ses pouvoirs au financier Claparon _ que l'on retrouvera mêlé à la spéculation immobilière de César Birotteau (voir Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau). Celui-ci paie ses créanciers, mais revend son pouvoir à un notaire. Ainsi sauvé à son tour, Castanier peut mourir assisté des secours de la religion.

 


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Pour rester en vie courir !

 

Paris, tôt le matin, Boulevard Raspail,

un boucan infernal, des voitures partout,

une déesse svelte et athlétique court

majestueuse.

 

Étrange joggeuse !

 

Sa peau est noire, son pull que je voyais

vert est en fait une couverture claire.

 

Nous sommes en janvier.

 

Je m’interroge et commence à comprendre ;

je ralentis la cadence de mes pas.

 

Oh qu’elle est belle, bouleversante dans son combat

effréné, quotidien, sous l’implacable ciel de marbre.

 

Cette femme proche de tous les passants qui

prennent leur temps, n’a pas le droit pour survivre

d’interrompre sa course.

 

Que cette digne attitude, pour faire reculer la mort

un peu plus est exemplaire ; cri à la vie magnifique,

déchirant et entier !

 

Ce courage qui dans l'indifférence avance, ne se

voit même plus ; cri perdu.

 

Je la regarde impuissante, chaudement vêtue de laine,

moi qui croyais être grande et forte !

 

Courir désespérément, obstinément, simplement pour

ne pas mourir, ne pas perdre la bataille contre le froid,

contre l’hiver, contre l’insuffisance des hommes, pour

rester un peu au rythme de la terre : Humaine !

 

Tout cela me touche et me blesse, m’interroge.

 

Le soleil n’est plus, la neige commence à être dure,

lourde, plus très belle !

 

Pour cette combattante solitaire,  chaque instant est un

poids qu’il faut très vite porter pour ne pas basculer de

l’autre côté.

 

Ne devrais-je pas courir à ses côtés pour l’aider à tenir,

pour agir, lui tenir le cœur telle une sœur, simplement pour

qu’elle se sente un peu moins seule, qu’elle reprenne des

forces ?

 

Oui, je le dois ; ensuite j’écrirais pour elle quelques mots.

 

 

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... écrits.sur la peinture

On n'est pas un artiste si l'on ne porte pas son tableau dans sa tête avant de l'exécuter et si l'on est pas sûr de son métier et de sa composition....Les techniques varient ... l'art reste le même: il est transposition à la fois volontaire et sensible de la nature.

Monet

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Métissage,

 

Tout autour de ma taille,

de tes mains le souvenir,

pensée bleue, vertigineuse,

un peu floue, voyageuse,

 

si loin.

 

Un arc-en-ciel de peau,

tes paumes, ce grand soleil,

nos voix, échos limpides

d’un chant éblouissant,

tes mains insatiables,

un peu paumées

à force de me chercher

 infatigablement,

 

si loin.

 

Un monde entre deux peaux,

à la dérive, puis rencontré,

 découvert enfin,

superbe,

 oh plus jamais hostile !

 

Libre.

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Bonnes Fêtes

                           

                            Joyeux Noël et bonnes fêtes de fin d'année à tous.


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Silhouette ébène.

12272776454?profile=originalIl se fait tard dans mon petit atelier. 

Pas très propres, ces outils mélangés.

Je travaille sur une nouvelle création.
Magnifiques idées, grande motivation.

Aujourd’hui, je suis d’excellente forme.
Quelques erreurs effacées à la gomme.

Enfin la concrétisation d’un vieux rêve.
Le croquis d’un chef-d’œuvre s’achève.

Structure en fer formant squelette.
Béton bien solide versé à la brouette.

Un mélange de ciment et de sable blanc.
Pour confectionner cette forme géante.

Epais coffrage de bois brut et cordages.
Attendent avec impatience le dit coulage.

Multitudes de jolies courbes, très élancée.
Silhouette d’une femme presque oubliée.

Cambrure, lissages noires, allure saine.
Silhouette d’une demoiselle Africaine.

J’attendrai vingt et un jour avant le décoffrage.
Et quelques jours de plus pour le vernissage.

Grande élégance, cent pour cent son image.
Cette structure protégée sous ce doux voilage.

Admiration de ce que j’ai pu réaliser.
Mains trop usées d’un artiste oublié.

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AVOIR ET ETRE

 

Loin des vieux livres de grammaire

Ecoutez comment un beau soir

Ma mère m'enseigna les mystères

Du verbe être et du verbe avoir...

 

Parmi mes meilleurs auxiliaires

Il est deux verbes originaux

Avoir et Etre étaient deux frères

Que j'ai connus dès le berceau.

 

Bien qu'opposés de caractères

On pouvait les croire jumeaux

Tant leur histoire est singulère

Mais ces deux frères étaient rivaux.

 

Ce qu'Avoir aurait voulu être

Etre voulait toujours l'avoir

A ne vouloir ni dieu, ni maître

Le verbe Etre s'est fait avoir.

 

Son frère Avoir était en banque

Et faisait un grand numéro

Alors qu'Etre ,toujours en manque

Souffrait beaucoup dans son ego

 

Pendant qu' Etre apprenait à lire

Et faisait ses humanités

De son côté sans rien dire

Avoir apprenait à compter.

 

Et il amassait des fortunes

En avoirs, en liquidités

Pendant qu'Etre ,un peu dans la lune

S'était laissé déposséder

 

Avoir était ostentatoire

Dès qu'il se montrait généreux

Etre en revanche, et c'est notoire

Est bien souvent présomptueux.

 

Avoir voyage en classe Affaires

Il met tous ses titres à l'abri

Alors qu'Etre est plus débonnaire

Il ne garde rien pour lui.

 

Sa richesse est toute intérieure

Ce sont les choses de l'esprit

Le verbe être est tout en pudeur

Et sa noblesse est à ce prix ...

 

Un jour, à force de chimères

Pour parvenir à un accord

Entre verbes ça peut se faire

Ils conjuguèrent leurs efforts

 

Et pour ne pas perdre la face

Au mileu des mots rassemblés

Ils se sont répartis les tâches

Pour enfin se reconcilier

 

Le verbe Avoir a besoin d'être

Parce que être c'est exister

Le verbe Etre a besoin d'avoirs

Pour enrichir ses bons côtés

 

Et de palabres interminables

En arguties alambiquées

Nos deux frères inséparables

Ont pu être et avoir été .

 

Lyrics: Yves Duteil.

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Je voudrai...

Je voudrai un monde meilleur pour les malheureux

Que la colère soit pour toujours bani de la terre

 

Je voudrai de l'amour pour ceux qui ne voient plus le jour

pour lui , pour elle et pour eux afin d'illuminer leur vies...

 

Souvent je pense tout en étant impuissante

et la colère de ne rien faire me hante....

 

Je voudrai pourtant sortir de la misère tout les êtres

des sourires pleins les yeux ,sans jamais un adieu...

 

Je voudrai ouvrir la porte de la liberté

à ceux qui ne veulent plus de pitié...

 

Libérer leur coeur du poids du chagrin

et enfin qu'ils puissent vivre serein...

 

 

Donnez moi la force de continuer d'avancer

avec cette soif d'aimer encore et encore

 

Ecoutez mes prières celles pour l'humanité

et réalisez mes rêves ceux de la bonté...

 

Je voudrai un monde meilleur pour les nouveau né

pour les enfants , les adolescents et toute vie

sur la terre qui me semble bien souvent abandonnée.

 

Laissez moi donc espérer , ne nous laissez pas dans l'oubli

mais libérez nous de la cage qui enferme nos envies de nous réaliser.

 

Je voudrai, oui je voudrai la paix dans nos coeur

je voudrai, oui voudrai des jours meilleurs

Si de la haut vous anges d'amour m'entendaient

alors s'il vous plaît , soyez présent içi et maintenant.

 

Une lettre, un écrit ...une prière aussi

pour espérer un jour la réalisation de ceux-çi.

 

 

 

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Aquarellistes en Nord

12272774659?profile=original Aquarellistes en Nord

regroupe trente aquarellistes

de l'Euro Métropole Lille Kortrijk Tournai

du Pas-de-Calais

et de Picardie

José Béghein B-7730 Evregnies  = Edith de Bengy F-02100 Saint-Quentin

Marie Agnès Caudron F-59166 Bousbecque  = Gisèle Ceccarelli  F-59143 Watten

Dominique Coppe B-7780 Comines = Françoise Croigny-Manier F-62100 Calais

Dominique Darras F-62500 Saint-Omer =  Pierre Debroucker F-59700 Marcq-en-Baroeul

Catherine De Ryck  B -7170 Fayt-lez-Manage  = Nicole Deseure F-59700 Marcq en Barœul

Pascale Delhaye F- 59115 Leers = Françoise Guinvarch  F-60460 Blaincourt-les-Precy  

 Eric Laurent  F-62860  Bourlon  = Jacques Lefèvre  F-59150 Wattrelos

Nicole Louchaert F-62500 Saint-Omer  = Catherine Millet  F-59253 La Gorgue  

 Ghislaine Mollet -  B - 1780 Wemmel -  Odylle F-60560 Orry la Ville

Patrick Pichon F 59830 Cysoing - Chantal Prouvost F-59118 Wambrechies

 Dominiek Reyntjens  B-8550 Zwavegem  = Nadine Roll B-59910   Bondues

 Danièle Stach F-59800 Lille = Emmanuel Vandekerkove  B – 7522 Blandain

 Richard Vanlerberghe  F-59000 Lille = Vaudois Jean  F- 59100 Roubaix  

Régine Verley F-59700 Marcq en Barœul = Serge Zamagna F-06400 Cannes

 

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Lune hivernale.

 

La lune,

ni trop brune, ni trop blonde

chemine légère et ronde,

féconde

dans l’onde dévaguée d’un ciel

par l’ombre enténébré,

 

Ville tranquille,

Jardin immobile,

 

La lune,

Ni trop brune, ni trop blonde

décroît légère un peu moins ronde,

Joconde

dénudée dès l’aube inanimée

de neige maculée.

 

Puis,

 

Le soleil se lève sur la pointe

des rayons,

les flocons blancs volètent,

tombent, s’éternisent,

 

Blancheur de l’ombre.

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LORSQUE...

Lorsque le corps lassé

Par une diète forcée

S'est libéré enfin

D'un trop pesant chagrin...

 

Lorsque les carcans craquent

Et qu'on se sent d'attaque...

Que le printemps explose

Pour que la vie s'impose...

 

En se laissant porter

On croit qu'on a gagné!

Tout nous semble facile

Mémoire bien inutile...

 

En se voulant légère

Libérée de naguère!

On a perdu de vue

Ce qui nous a émue...

 

Lorsque les années passent

Et que l'on se sent lasse

Ressurgit le passé

Dans son halo doré...

 

Lorsque le coeur comprend

Que c'est la vie qui ment!

Quand elle croit effacer

Ce qu'on a tant aimé...

 

En douceur on murmure

Que sentiments perdurent!

On écrit des poèmes

Pour pouvoir dire...Je t'aime!

J.G.

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administrateur théâtres

Les Concerts Brodsky (au théâtre du Grand Varia)

Les Concerts Brodsky, texte de Joseph Brodsky, composition piano de Kris Deffoort, dramaturgie et jeu Dirk Roofthooft.

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  Le plateau du Grand Varia est désert à part un piano à queue quelque peu usé, surveillé par la modernité  d’un keyboard blanc immaculé et son monitoring informatique, hautement fidèle. Kris Deffoort, jazzman hautement timide échange une bise de connivence et nombre de verres d’eau avec le lecteur-comédien qui va nous transmettre son interprétation des poèmes de Brodsky.

 

L’eau, source de vie, source d’amour ? Souvenir d’enfant ? Alors qu’un officier accompagnant le retour de guerre de son père avisait  dans leur appartement de 16 Mètres carrés, une  carafe  remplie d’eau avec un clin d’œil interrogateur ou complice. L’enfant ne répondit pas, trop occupé par l’instant présent, l’instant inoubliable de l’avènement de la paix et du retour du père  avec ses trois énormes malles chinoises. Un instantané balayé par 45 ans de vie.

 

« If you were drowning, I’d come to the rescue...” Et voilà, qu’ici ce soir, avec son jazzman s’installe soudain l’accomplissement des gestes de la  connivence. Le voilà  enfin qui répond au clin d’œil  « de l’homme de pique », si longtemps après. Où est le sens ? Est-on toujours décalé ? Pas ce soir, le canevas musical  qui se greffe sur le souffle du comédien a tout de l’improvisation réussie: dans le bon rythme, dans la complicité totale, avec l’intensité de l’émotion voulue. C’est dire que dans les moments de colère et d’épouvante, le timide pianiste qui joue en fermant les yeux, se déchaînera : debout, battant le piano de ses poings fermés, du coude, comme s’il terrassait une bête féroce. Mais au moins la rencontre y est.  

 

Poète russe jusqu'au fond des os et de nationalité américaine suite à son douloureux exil en 1972, Joseph Brodsky est un enfant du renouveau dû au dégel des années après la mort de Staline. Si on se passait ses poèmes sous le manteau en URSS, il n'était pas vraiment connu en Occident. Après la publication de ses poèmes dans les années 1960, il est arrêté et condamné en 1964 à cinq ans de travaux forcés  pour « parasitisme social » et connut les hôpitaux psychiatriques. Emigré aux Etats-Unis, accueilli par W.H.Auden, Brodsky, (prix Nobel en 1987), il avait  l’habitude de déclamer ses poèmes en public. Transparaissait alors toute la nostalgie de la Russie et la tristesse de la séparation avec sa famille qu’il ne revit jamais.


 

Le  désir du comédien Dirk Roofthoot est d’incarner tour à tour le désespoir de l’exil, la puissance de la révolte, la puissance de la mort  qui attend  l’homme inéluctablement, la suprématie du temps qui nous réduit en poussière. «  La poussière est la chair du temps : la chair et le sang… » «  Choses et gens, hurle-t-il, nous entourent et nous déchirent l’œil. Mieux vaut vivre dans le noir. » Il décrit l’automne gluant, la boue, l’hiver, la décomposition, la nature morte. « Il y a des trous dans ma poitrine et le gel s’infiltre… » Contrairement au gens,  «  les choses ne recèlent ni bien ni mal ».

 

 Et l’amour trouve si difficilement l’harmonie et la conjoncture favorable.  « Ensemble nous vivrons sur le rivage derrière une haute digue...écoutant la mer déchaînée». «Notre enfant silencieux, Anna ou Andrei, pour garder l'alphabet russe, regardera sans rien comprendre un  papillon se débattant contre la lampe quand viendra pour lui le temps de repasser la digue dans l'autre sens ». «Etre éphémère, ta vie soyeuse pèse moins que le temps, tu miroites, poudre parmi les fleurs».  

 

Des mots anglais de la  très belle ballade du début,  composée par l’immigrant russe  nous apporte l’apaisement après la  longue colère orgasmique du poète. «Des mots qui ne peuvent être prononcés que par ta voix comme avant… celle de l’amie qui ne ment pas. » La mère ? L’amante ? L’épouse?

«If you were drowning, I’d come to the rescue,
wrap you in my blanket and pour hot tea.
If I were a sheriff, I’d arrest you
and keep you in the cell under lock and key.

If you were a bird, I‘d cut a record
and listen all night long to your high-pitched trill.
If I were a sergeant, you’d be my recruit,
and boy I can assure you you’d love the drill.

If you were Chinese, I’d learn the languages,
burn a lot of incense, wear funny clothes.
If you were a mirror, I’d storm the Ladies,
give you my red lipstick and puff your nose.

If you loved volcanoes, I’d be lava
relentlessly erupting from my hidden source.
And if you were my wife, I’d be your lover
because the church is firmly against divorce. »

LOVE SONG – Joseph Brodsky

 

 

http://www.varia.be/fr/les-spectacles/les-concerts-brodsky0/

Les 7, 8 et 9 décembre 2011 à 20h30

Un spectacle de LOD en coproduction avec le Grand Théâtre de Luxembourg, deSingel (Anvers) et le centre de recherches et de formation musicales de Wallonie (Liège).

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En pente douce

Mes lecteurs apprécieront-ils ce drame adouci, ça et là, par une touche d'humour ?

EN PENTE DOUCE

 

Jamais Christine – Cricri, pour Marcus – n'aurait imaginé que tout irait si vite.  Ils vivaient ensemble depuis si longtemps qu'elle se trouvait maintenant comme amputée.  Bien sûr elle savait que Marcus était gravement malade mais comme il végétait depuis des mois chez eux, dans un lit médicalisé, elle avait pu croire que ça durerait éternellement. Et du coup elle n'avait pas pris la peine de se poser de questions. Tous deux s'étaient installés dans une sorte de zone grise, de purgatoire, pas agréable à coup sûr mais où, du moins, il y avait encore quelqu'un près d'elle, une présence ténue, somnolente mais enfin une présence.

La dernière nuit avait été, comme souvent, presque une nuit blanche, coupée de brefs moments de sommeil, dont elle émergeait le cœur battant.  Alors, comme souvent aussi, pour combattre la fuite des minutes, elle avait parlé, parlé. De tout, de rien, de l'effort qu'il aurait dû faire pour manger un petit peu, de leur vie commune, de leur rencontre, de leur première nuit, de leurs querelles qui, quand tout allait bien, se dénouaient sur l'oreiller dans un orage de passion renouvelée.

Lui, toujours patient et courtois, avait fait l'effort de lui répondre par quelques mots soupirés mais, à la fin, il avait laissé percer sa lassitude et déclaré qu'il n'avait plus envie de causer.  Il savait qu'il s'en allait, plus seul que jamais,  et ouvrir les yeux de Cricri n'aurait fait que l'inciter à pleurer sur son sort à elle.  A quoi bon ? L'amour de la vie l'avait quitté depuis longtemps. Et, s'il n'y avait pas eu Christine, il aurait prié depuis des mois son médecin de l'aider à partir. A présent, l'instant tant désiré de la délivrance était venu et il s'apprêtait à le savourer en silence. C'était la seule chose qui lui restait, un fruit empoisonné qu'il gardait jalousement pour lui seul, à la fois si amer et si doux. Sa Cricri, si vaine et si enfantine, il l'aurait protégée jusqu'au bout, malgré la distance sidérale qui les séparait à présent.

Christine, un peu confuse, s'était résignée à se taire. Elle s'en rendait compte, Marcus lui échappait, sans qu'elle sût à quel point. Elle soupira, se tourna sur le côté, essayant de combattre la nausée qui la prenait chaque fois que cette intuition atroce lui venait.  Quelques minutes s'étaient écoulées dans ce silence puis il lui avait semblé qu'il s'endormait paisiblement, en ronflant légèrement.  Alors, à son tour, elle avait sombré.  Vers les six heures elle s'était réveillée, transie.  Elle avait froid, et, tendant le bras depuis le grand lit où elle continuait à dormir et qu'on avait poussé contre celui du malade, ne laissant entre les deux couches qu'un étroit passage,  elle lui avait effleuré la main. Une main glacée, froide comme du marbre, au contact si inhumain qu'elle en avait frissonné.

Mon Dieu, mon chéri, comme tu as froid, je vais pousser le chauffage !

Elle s'était agitée, avait ouvert la vanne du radiateur, s'était recoiffée avant de passer un peignoir.  A la faible clarté du jour naissant, il lui avait semblé que son mari était plus cireux que d'habitude  mais elle avait repoussé cette impression.  Le temps de se faire une tasse de café et de remarquer que la chatte, une fois de plus, n'avait pas touché à son assiette, l'infirmière était arrivée, pour les soins et la toilette.

C'était une femme dure, sévère, mais très compétente. Elle s'était malgré tout attachée à Marcus dont elle admirait le stoïcisme discret mais elle ne supportait pas Christine et ses airs évaporés de coquette vieillissante. Christine lui rendait bien son antipathie. L'infirmière avait déclaré sèchement que tout était fini. Et, mentalement, elle avait tiré brutalement le rideau qui, dans les hôpitaux, sépare le mort tout frais des autres moribonds. La comédie était bien terminée pour Marcus. Sa sortie de scène sans prestige s'était effectuée par la porte étroite de ces "longues" maladies qui dépouillent un homme de sa chair, de ses désirs, quand ce n'est pas de sa dignité.

C'est alors que Christine avait piqué sa première crise.  Elle avait bousculé l'oiseau de mauvais augure, pour s'approcher de Marcus, s'accrocher à lui et le prendre à témoin. Elle s'était abattue sur le lit, aussitôt tirée en arrière par celle qu'elle considérait plus ou moins comme une rivale puisque Marcus faisait l'effort de lui sourire et d'échanger avec elle quelques mots. Elle l'avait traitée de folle, de sadique, de fabulatrice, de méchante, avant de s'effondrer dans un fauteuil, en battant des jambes et en martelant les accoudoirs de ses poings. L'infirmière, sachant qu'il n'y avait rien à tirer de cette exaltée, avait téléphoné au médecin traitant. Il  était arrivé aussitôt et avait fait une piqûre calmante à l'épouse, avant même de fermer les yeux du mort qui étaient restés grand ouverts. Puis il avait feuilleté le carnet d'adresses du couple et découvert le numéro de téléphone d'un cousin éloigné. Il lui avait téléphoné, en lui souhaitant, à part lui, bien du plaisir.  L'infirmière, pendant ce temps, avait ramassé les mules de cuir rouge que Christine avait projetées dans un coin de la chambre et les lui avait mises aux pieds. Elle avait poussé la sollicitude jusqu'à lui poser un châle sur les épaules et puis elle s'était éclipsée car sa matinée était bien remplie.

Le cousin s'était chargé de l'organisation des obsèques.  Une fois de plus, Cricri avait été prise en charge.  Peu de monde avait assisté aux absoutes car, au fil des années, ils ou plutôt elle, s'était brouillée avec tous leurs amis. Le cousin avait jugé "plus convenable" de passer par l'église, alors que Marcus était un laïque convaincu. Le jour de l'enterrement, c'est à peine si elle la veuve avait réalisé qui s'en allait.  Elle avait pleuré abondamment, appelé son père à grands cris, comme si elle s'imaginait que le mort c'était lui.

On l'avait déposée chez elle, après la collation, comme un paquet, tant le cousin et sa femme avaient les nerfs à vif.  Après tout, n'est-ce pas, ils avaient fait leur devoir et elle leur avait pompé l'air pendant quatre jours.  On avait fait disparaître le lit médicalisé mais partout les traces de Marcus subsistaient : ses costumes, son linge, ses pantoufles, ses livres, sa chaîne H Fi, quelques toiles aux murs du salon et de la chambre.

Cricri l'avait appelé, s'attendant à le voir surgir ici ou là. Au bout d'une heure ou deux, l'angoisse l'avait conduite à se fâcher, à dire à voix haute des choses amères, les reproches coutumiers, dans lesquels elle se plaignait d'être si peu de chose pour lui, comme dans le temps, lorsqu'il avait pris un quart d'heure de retard en rentrant  du bureau d'architecte où il avait fait toute sa carrière. Il était peintre du dimanche, Dieu merci, d'après Christine. Il avait compris qu'il lui fallait gagner sa vie, nourrir sa famille, c'est-à-dire elle. La peinture, c'était l'amusement, un hobby flatteur qui lui avait valu d'exposer dans des cercles d'amateurs peuplés de gens respectables,  tous fonctionnaires ou professeurs.

Elle avait tourné en rond, pendant un moment, découragée par la pile de vaisselle qui encombrait l'évier de la cuisine, tâche insurmontable qu'elle remettait toujours à demain. A la fin elle s'était résolue à monter dans l'atelier, un lieu de désolation où Marcus n'avait plus mis les pieds depuis des mois et qu'elle avait toujours détesté parce qu'elle ne s'y sentait pas la première.  La poussière s'était accumulée sur les pinceaux tout desséchés, les tubes de couleurs, une esquisse inachevée, le dos des toiles empilées contre les murs. Mais rien, personne, sauf la chatte, qui lui avait filé entre les jambes.  Elle était enfermée là,  depuis quelques jours peut-être, quand le cousin était monté pour fouiner, prêt à emporter l'une ou l'autre chose qui aurait pu lui convenir. 

Cricri était descendue à la cuisine, toute heureuse d'avoir découvert l'animal.  Elle l'avait nourri.  Ensuite elle l'avait pris sur ses genoux, l'avait caressé et lui avait parlé longuement.  La chatte ronronnait, heureuse d'avoir échappé à sa prison, heureuse de n'être pas grondée pour avoir fait pipi dans un coin, heureuse d'entendre cette voix connue, si douce, si câlinante.

Que faisais-tu là, Majolie ? Tu es déprimée parce que papa est malade mais il va mieux. Bientôt il rentrera à la maison.  La vie reprendra comme avant.  Il te fera tous les câlins que tu voudras.  Je sais que c'est ton préféré et pourtant c'est moi qui te nourris. Tu es  restée si belle, malgré ton âge. Car tu as quinze ans, n'est-ce pas ? Moi aussi à quinze ans, j'étais très belle mais il y a longtemps de ça.  Et ma maman me surveillait de près parce que les hommes, tu sais, devant une belle fille ...  C'est comme  un chat devant un pot de crème !

Et, comme ça, sur ce ton, pendant un moment, au cours duquel elle ne pensa plus à Marcus. Mais le répit fut court et l'inquiétude reprit le dessus.  Elle ne dormit pas cette nuit-là, malgré les somnifères, s'attendant à tout moment à entendre un bruit de clé dans la serrure de la porte d'entrée, se demandant pourquoi Marcus avait encore découché,  prête à se faire toute petite pour obtenir son pardon.

En réalité, Marcus avait découché une seule fois, au cours de leur vie commune, après une querelle, tant elle l'avait exaspéré par ses griefs sans fondement et sa jalousie morbide. Il avait dormi chez un ami qui avait tenté de le persuader de rentrer chez lui mais il avait tenu bon jusqu'au petit matin, parce qu'il savait que s'il voulait éviter un malheur, il valait mieux garder ses distances pendant quelques heures. Quand il était revenu, il l'avait trouvée défigurée par les pleurs et si tremblante qu'il en avait eu pitié. C'est lui qui avait fait des excuses.

Les jours suivants Christine continua à se demander où Marcus pouvait être passé. Quelqu'un lui en voulait certainement. Les gens sont si méchants ! Il devait s'être senti mal dans la rue et on l'avait conduit dans un home. Mais comment se nourrissait-il dans cet endroit ?  Lui qui, depuis quelques années, avalait à peine un peu de soupe. Elle avait beau lui dire de faire un effort, que, sinon, il ne guérirait jamais, il faisait celui qui n'a pas entendu.

Il avait peut-être inventé de la faire enrager.  Une envie qui le prenait quelquefois. Ce n'était plus comme les premiers temps, où il lui mangeait littéralement dans la main. Les femmes sont finalement peu de choses pour les hommes, une fois que leur désir a été satisfait, se répétait-elle. Alors elle prenait la photo de Marcus, la plus belle, celle qui datait de sa vingtième année. Ses cheveux noirs ondulés étaient rejetés en arrière, ses yeux noisette semblaient suivre chacun des mouvements de Christine avec approbation. Ses lèvres closes s'apprêtaient à sourire légèrement, comme avec indulgence, avec une sagesse qu'on n'aurait pas attendue d'un homme aussi jeune. En réalité le cliché était en noir et blanc mais Christine l'avait toujours paré des couleurs de la vie puisqu'elle avait l'original sous les yeux. Cette photo trônait dans le salon depuis toujours et Christine n'avait jamais voulu s'en séparer, bien qu'elle la scrutât parfois avec une sorte de rancune. A l'époque de ce portrait ils ne se connaissaient pas encore et Marcus était fiancé à celle qui serait sa première femme.  Elle le soupçonnait parfois de l'avoir préférée à elle-même, alors que cette "garce" allait le quitter au bout de quelques années, sans raison, parce qu'il n'avait jamais voulu vivre en bohème, sans souci du lendemain, comme elle-même le souhaitait. Elle avait rassemblé ses affaires et ses pinceaux car elle peignait, elle aussi, mais avec beaucoup moins de talent que Marcus, de l'avis de Christine. Au bout de quelques années, elle avait pourtant acquis une certaine notoriété. Pas étonnant de voir les portes s'ouvrir quand on a la cuisse légère.  Cette réflexion-là, elle se la gardait car elle savait que Marcus se serait indigné si elle l'avait émise. Elle enrageait de voir qu'il n'était pas indifférent au succès de son ex femme.  Elle le soupçonnait d'en avoir secrètement visité les expos.  Il ne supportait pas qu'elle en dise du mal, coupait court aux récriminations et aux ragots dont elle-même était avide.

Tu ne l'as pas connue. Elle était intelligente et gentille et si facile à vivre ! Elle me laissait toute liberté. C'est moi qui n'ai pas été à la hauteur.  Je l'ai déçue par mon manque d'ambition. Elle a refait sa vie. Il est inutile d'en parler.

Donc, tu la regrettes. Je n'ai pas pu te la faire oublier.  Retourne avec elle si tu y tiens !

Voyons, Cricri, calme-toi, maintenant c'est toi que j'aime.

Oui, faute de mieux…

Le ton montait et ça finissait par une crise de larmes.  Marcus avait dû se résigner à la présence de cette photo dont il avait un peu honte car il ne se retrouvait plus dans ce jeune homme à la chevelure gominée qui provoquait chez sa compagne, alternativement, un attendrissement érotique, au cours duquel elle l'étouffait de ses baisers, et une jalousie exacerbée. Parfois quand ils faisaient l'amour, Christine fermait les yeux pour mieux voir en imagination l'image sublimée d'un Marcus de vingt ans qui n'aurait connu qu'elle. 

Maintenant elle avait l'effigie pour elle toute seule.  Elle lui parlait, l'interrogeait au cours de longs soliloques, suppliant l'original de revenir à la maison, tombant parfois à genoux en versant des larmes et bredouillant des mots d'amour.  Elle avait même sorti la photo de son cadre, pour en être plus proche. Il lui arrivait d'en interroger l'envers, comme s'il avait pu lui apporter la solution d'un problème qu'elle n'arrivait pas à formuler clairement.

Au bout de quelques jours, Martine, l'épouse du cousin, prise de remords, lui avait téléphoné, pour lui demander comment elle se sentait après un si grand chagrin.

Oh, bien sûr, papa me manque mais je me fais une raison. A son âge, cela devait finir ainsi. C'est Marcus  qui m'inquiète. Il n'est pas rentré depuis plusieurs jours. Que mange-t-il, là où il est et pourquoi le retient-on ainsi ?

Martine en avait eu le souffle coupé. Elle avait alerté son mari et tous deux avaient débarqué chez Christine, sans crier gare.  Ils l'avaient trouvée hagarde, échevelée, dans une maison en désordre et, comme ils la dévisageaient, elle avait tapoté ses cheveux, en pensant qu'elle devrait prendre rendez-vous chez le coiffeur.  Elle les avait fait asseoir de mauvais gré, se demandant ce qu'ils faisaient là, alors qu'on passait parfois des années sans se voir. 

Martine lui avait pris la main et lui avait parlé à mi-voix.

Tu es très fatiguée, n'est-ce pas, Christine mais il faut revenir à toi. Ce n'est pas ton papa que nous venons d'enterrer, tu dois le savoir. C'est Marcus, voyons !

Marcus ? Ce n'est pas possible !

Je t'assure que c'est Marcus qui est décédé.

Et nous nous sommes occupés de tout. J'attends toujours que tu nous remercies, avait grogné le cousin avec reproche mais Martine l'avait fait taire car elle voyait bien que la pauvre n'était pas dans un état normal. Christine, quant à elle, voyait la fiction qu'elle s'était créée partir en lambeaux. Tout lui revenait tout à coup. Le lit médicalisé qui avait disparu ainsi que Marcus. Ce vide, cette absence, cette non vie, c'était trop pour un esprit fantasque, apte aux chimères consolantes.

Mais alors, si Marcus est parti, qu'est-ce que je vais devenir ? Je n'y survivrai pas. Ce n'est pas vrai.  Ce matin encore je lui ai parlé. Il a promis de revenir. Il ne laissera pas sa petite fille toute seule.

C'est ton mari, pas ton père !

Je suis son enfant quand même. C'est mon ami, mon père, mon mari, mon amant.

Etait-elle sincère ?  Jouait-elle la comédie ?  Avec elle, on ne savait jamais, se disait le cousin.  Elle allait peut-être se lancer dans un de ces discours pseudo philosophiques qui lui donnaient l'impression d'être une intellectuelle de haut vol.

Allait-on subir à nouveau sa profession de foi, selon laquelle, avant de connaître Marcus, elle avait honte de son corps, car tout plaisir était tabou selon l'éducation qu'elle avait reçue. Lui, heureusement, l'avait révélée à elle-même. Et tout ça, assaisonné de ces "hein, sincèrement", avec lesquels elle sollicitait l'approbation de ses interlocuteurs. Quand elle tenait ce genre du discours, au temps de sa jeunesse, elle était toute frémissante d'excitation, les yeux brillants et les lèvres humides. Elle se tenait jambes haut croisées, découvrant un bout de cuisse au-dessus des bas et parfois un morceau de son slip en dentelle noire.  Ce genre de discours un peu ridicule pouvait passer alors, auprès des hommes du moins. Certains, dont le cousin, affriolés, s'étaient crû autorisés à risquer des travaux d'approche et tous avaient été repoussés avec fracas. Elle les avait même dénoncés à Marcus, comme lui faisant des "manières". Actuellement,  ces propos dans la bouche d'une vieille femme amaigrie, diminuée, en pleine folie, cela  frisait l'indécence, de l'avis du cousin. Pour lui, après la ménopause les femmes devaient s'effacer, se contenter d'être de bonnes grand-mères, rentrer dans le rang des non baisables, heureuses d'être tolérées, à condition d'adopter un profil bas, en s'abstenant de parler à tort et à travers.

Dès le lendemain le couple avait pris les mesures qui s'imposaient pour que la vie s'organise autour de Christine d'une manière cohérente. Son médecin de famille lui rendit visite, sous prétexte de prendre sa tension et il parla longuement avec elle. Il lui prescrivit un traitement proche de la camisole chimique dans le but de calmer ses angoisses. Il se garda pourtant de lui conseiller d'entrer dans une maison de retraite et il résista aux insinuations de la famille qui rêvait de la faire colloquer.

Les cousins avaient déniché une "perle" pour prendre soin de la maison quelques heures par jour.  Cette rareté s'appelait Rose et était l'épouse d'un mineur retraité. Elle était depuis longtemps à l'affût d'une bonne maison où elle pourrait travailler à sa guise, sans avoir toujours la patronne sur le dos. Christine s'était brouillée avec pas mal de femmes de ménage qui, toutes à un moment ou à un autre, étaient devenues pour elle quasi des confidentes et des copines. Mais, à chaque fois, cette intimité tournait au vinaigre, suite à une réflexion "irrespectueuse" ou à un simple regard un peu ironique. Christine découvrait alors, tout à coup, que tel ou tel endroit n'avait plus été nettoyé depuis des semaines. A moins que certaines réflexions des commerçants du quartier ne lui donnent à penser que Janine, Rosalie ou Jeanne colportaient des ragots et papotaient à tort et à travers.

Cette fois il en fut autrement. Rose, profitant de l'extrême détresse psychologique de la pauvre Madame, avait pris définitivement le dessus sur elle.  Elle l'avait maternée et conditionnée à une sorte de dépendance qui dispensait Christine de réfléchir. Rose, avec sa faconde carolo, lui dictait sa conduite.

M'fille Madame, faites à votre mode mais moi, à votre place, je ne m'embarrasserais pas de toutes les vieilleries qui s'entassent dans vos armoires. Faites de l'ordre, balancez tout ce bazar...Y a pas d'avance à vous tourner les sangs ainsi, le passé il est outte !

Le linge, les costumes, les chaussures, certains des outils de Marcus avaient été les premiers à débarrasser le plancher. C'était autant de gagné pour le mari de Rose et pour leur petit-fils qui était chômeur et venait de se mettre en ménage.

Puis Rose était passée à la vitesse supérieure. Christine avait accepté de liquider l'argenterie – on s'esquinte là-dessus sans profit et c'est toujours à recommencer – puis  le lustre en cristal de Venise du salon, puis tel ou tel petit meuble sans grande utilité. On rapportait fidèlement l'argent de la vente à Christine qui ignorait quelle dîme avait été prélevée sur la transaction.  Elle n'y voyait que du feu car pour elle un franc ou un euro, c'était kif-kif. En revanche tout l'appareillage électroménager avait été renouvelé, à l'exception du lave-vaisselle que Rose trouvait inutile et dispendieux. On avait simplement liquidé celui que Marcus avait choisi mais qui, au fil des années, était devenu une vraie poubelle entartrée. Rose n'allait pas s'amocher le tempérament sur des rossignols qui dataient de Mathusalem.

Christine et Marcus étaient de l'ancienne école, celle qui estime que s'endetter est une erreur qui risque de coûter cher. Même si tous les frais du ménage se réglaient par virements, subsistaient encore dans leurs têtes l'enveloppe pour le gaz, celle pour l'électricité, celle pour l'impôt foncier, etcétéra… Et voilà que Christine découvrait les charmes de la vente à tempérament, sans se soucier de ce que lui coûtaient finalement les foucades compulsives de son mentor. La formule "0 % d'intérêt" lui plaisait particulièrement et que son compte à vue soit en négatif  lui faisait goûter la félicité  incomparable du fruit défendu. De temps en temps elle se demandait ce que Marcus dirait quand il serait de retour, retour auquel elle continuait à croire par intermittences.

En compensation du pouvoir qu'elle exerçait sur Christine, Rose prenait un certain plaisir à l'entourer de petits soins.  Elle était là dès sept heures du matin, lui portait le café au lit, préparait un copieux petit déjeuner qu'elle l'obligeait à manger.  Le premier jour elle avait apporté ostensiblement ses propres tartines mais Christine l'avait priée de s'asseoir à table en face d'elle et depuis, elles déjeunaient ensemble.  Ensuite Rose se mettait au boulot et c'est vrai qu'elle n'épargnait pas sa peine, lessivant, repassant, lavant les vitres, accrochant des voilages flambant neufs,  traquant sans piété la poussière et la crasse qui s'étaient accumulés partout. Quand elle partait vers une heure elle était moulue et, dès la porte refermée sur son dos, elle marmonnait : « souillon, sans allure, fainéante, elle peut faire sa grande dame, c'est une pas grand chose, finalement."

N'empêche qu'elle ne serait pas partie sans préparer le plateau du souper de Christine. Grâce à Dieu, elle l'avait persuadée de se contenter à midi du repas du Centre public d'aide sociale dont elle ne pouvait s'empêcher de critiquer vertement le menu. Une ou deux fois par semaine, les deux femmes  couraient les magasins ensemble et Rose s'arrangeait pour que la patronne achète les produits qu'elle-même appréciait.

Christine reprenait goût, peu à peu, à s'habiller, se maquiller et  se coiffer, préoccupations majeures pour elle de tout temps. Grande coquette et petit esprit, elle n'avait jamais brillé par son activité, véritable odalisque se déchargeant sur les autres, et au premier chef sur son mari, de la plupart des tâches ennuyeuses qui l'empêchait de "penser".  Elle n'avait eu d'autre projet de toute éternité que de battre sa flemme, d'assaillir son entourage de questions idiotes et de juger le monde à coups de sentences si profondes qu'elles auraient fait déborder un dé à coudre 

Quelques années plus tôt, elle avait déployé des ruses de sioux pour persuader Marcus que son visage avait besoin d'un lifting et ses seins d'être remodelés. A l'appui de cette exigence, elle exhibait les photos qu'il avait prises d'elle au début de leur relation quand elle était toute jeunette et lui, amoureux fou. C'est sur base de ces clichés qu'il peignait les portraits d'elle qu'il s'acharnait à travailler car elle s'était refusé à poser des heures durant parce que ces séances la fatiguaient. Marcus n'avait finalement cédé à la lubie de la chirurgie esthétique que de guerre lasse. A présent elle retournait chez la coiffeuse une fois par semaine et le mari de celle-ci venait la chercher en voiture. Il pouvait faire cela pour une si bonne cliente qui se faisait teindre, coiffer, manucurer, et à qui on vendait facilement tous les cosmétiques imaginables.

 Toute la matinée, occupée à ces soins divers et distraite par l'activité tourbillonnante de Rose, Christine n'avait guère le temps de penser ni de s'appesantir sur sa solitude mais, ensuite, jusqu'au lendemain matin, elle se débattait avec ses démons. Elle reprenait ses soliloques, ses lamentations, ses confrontations avec la photo de Marcus, refaisant sans fin le bilan de leur vie commune, se gavant de souvenirs amoureux et d'évocations lascives. Les tableaux de Marcus qui la représentaient ne l'avaient jamais satisfaite. Elle estimait leur pâte trop épaisse et ne consentait à se voir représentée que tel un personnage éthéré ou en héroïne romantique. Par contre, elle passait des heures à feuilleter les nombreuses photos de nus que Marcus avaient prises d'elle. Pudiques au départ, chastes, comme elle disait,  puis, de plus en plus troubles,  suggestives et parfois d'une crudité qui la chatouillait encore à présent. C'était le jardin secret dont elle se repaissait, un domaine qui n'appartenait qu'à elle-même et à Marcus et auxquels se rattachaient des souvenirs d'étreintes torrides, parfois réelles, parfois fantasmées.

La nuit, quand elle finissait par s'endormir, elle avait des cauchemars dont elle se réveillait pantelante. Plus d'une fois le rêve se poursuivait en ce sens que les créations virtuelles de son cerveau se matérialisaient et occupaient la chambre dont les rideaux se gonflaient, comme si la fenêtre avait été ouverte.  Elle était assaillie par des corps sans tête dont les lèvres pourtant remuaient.  Il y en avait un, parmi ces fantômes, qui s'accusait du meurtre d'une femme et lui recommandait de ne pas lire les journaux où on parlait de lui car tout ce que les journalistes racontaient à ce sujet était faux.  Celui-là avait amené Marcus avec lui, pour lui servir de témoin.  Il le tenait par l'épaule, le poussait vers Christine qui cherchait à le prendre dans ses bras mais, dès qu'elle le touchait, il tombait en cendres et toute la troupe disparaissait en ricanant.

D'autres fois lui apparaissait un homme sans corps, rien qu'une petite tête posée sur un col en caoutchouc, semblable à celui que Marcus portait pour aller au bureau et qu'il savonnait dans le lavabo de la salle de bains, avant d'y accrocher une cravate toute faite.  Christine était persuadée que toute la journée cet homme se tenait caché derrière la photo de Marcus. Il ne se manifestait que la nuit, pour la narguer, quand elle le suppliait de lui dire où se trouvait Marcus, ce qu'il faisait et pourquoi on le retenait prisonnier.

A la fin Christine prit la grande décision d'aller trouver la police, pour lui demander de la délivrer de ses persécuteurs. Elle n'en dit rien pourtant à Rose car elle craignait que celle-ci l'en dissuade. Maquillée, coiffée d'un grand feutre, revêtue de son plus élégant tailleur, ses yeux rougis par l'insomnie cachés par des verres fumés à la monture très grande star, elle impressionna le factionnaire à qui elle ne voulut pas révéler le but de sa visite. A tout hasard il l'introduisit dans le bureau d'un inspecteur qui écouta, stupéfait, ses révélations. Christine s'étonna qu'il n'enregistrât pas sa déclaration. A bout de nerfs elle haussa le ton, s'agita, et menaça de se plaindre en haut lieu.  Le policier s'émut de faire face en solo à cette bourgeoise surexcitée et il appela deux collègues à la rescousse. On dactylographia soigneusement son  récit, le lui fit signer et promit de prendre les mesures qui s'imposent. A la supposition que les visiteurs en question étaient le produit d'hallucinations, Christine  s'était fâchée. Prise de tremblements convulsifs, elle avait clamé : C'est vrai, je les ai vus comme je vous vois.  Ce serait trop simple de me faire passer pour folle. Faites votre travail. Protégez-moi et retrouvez mon mari qui a disparu.

Christine consentit à donner le nom de son médecin de famille, persuadée que celui-ci affirmerait qu'elle était saine d'esprit. En effet, à la suggestion de la police de la placer en hôpital psychiatrique, le praticien se récria que sa patiente n'était pas dangereuse, ni pour elle-même, ni pour les autres. Il veillait sur elle, son état actuel, dû à son deuil, était transitoire et elle ne tarderait pas à reprendre son équilibre. Il trouva plus sage toutefois de revoir sa patiente, de la rassurer, d'ajuster son traitement. Favorablement impressionné par l'aspect de la maison qu'il retrouvait pimpante et bien entretenue, il s'enquit des coordonnées de Rose et suggéra à Christine de lui demander de passer la nuit quelque temps dans la maison, pour lui tenir compagnie, le temps qu'elle retrouve ses esprits.

Rose se fit prier un peu mais elle finit par céder. Raoul, son mari, commença par grogner à cette perspective mais l'appât du gain motiva les deux époux.  Ca ne durerait pas éternellement et c'était toujours ça de gagné sur l'ennemi, estima virilement ce nostalgique du service militaire.

Lors de ces soirées passées à deux devant la télévision que Christine n'était pas capable d'allumer lorsqu'elle était seule – c'était l'une de ces innombrables tâches quotidiennes qui incombaient à Marcus – Rose posa  ses jalons dans le but d'introduire dans la place Manu, son petit-fils, pour accomplir de gros travaux, comme le nettoyage du grenier et de la cave et l'entretien du petit jardin qui en avait bien besoin maintenant que le printemps approchait.

Il y avait des années que Christine n'avait plus mis les pieds dans ce carré de terre.  Elle se contentait de le regarder par  la fenêtre de sa chambre qu'elle n'aurait pas ouverte pour aérer, si Rose ne l'y avait obligée. Manu retourna la pelouse, sema un nouveau gazon, planta des oignons de crocus et de tulipes. Lorsqu'il voulut arracher les rosiers, Christine se rebiffa. Marcus les avait plantés et ils donnaient encore de belles fleurs.  On lui fit cette concession, à condition qu'elle achetât quelques fauteuils de jardin, pour que la maisonnée puisse y prendre le soleil de temps en temps car Christine était de plus en plus entourée par le couple et, accessoirement, par Manu.

Mais le temps passait et Raoul harcelait Rose pour qu'elle revienne passer les soirées et la nuit à la maison.  De son côté Christine s'accrochait à Rose, épouvantée à l'idée de rester seule dès que le soir tombait. Il fallait trouver une solution. Rose en débattit avec Raoul et Manu. Pourquoi ne pas débarrasser l'atelier, en faire une chambre pour eux deux, avec un coin toilette et une douche ?  Ainsi Raoul viendrait de temps en temps dormir avec Rose mais il ne fallait pas que leur propre foyer aille à vau l'eau et, tantôt Raoul, tantôt Rose, irait l'entretenir et allumer le  poêle. 

Christine trouva l'idée géniale. Pendant tout un temps elle se passionna pour l'aménagement de l'atelier de Marcus.  Raoul et Manu s'engagèrent à faire les transformations à moindre frais et c'est vrai qu'ils avaient la main pour peindre et tapisser mais, quand il s'agit d'installer les sanitaires, ils durent déclarer forfait.

Christine engagea sur leurs conseils un jeune plombier de leur connaissance.  Travail au noir, bien entendu, qui se solda par une saignée au milieu du plancher, endroit que le garçon avait estimé le plus indiqué, dans son souci de s'épargner un travail inutile.  Après quoi, appelé en d'autres lieux par une belle cabaretière qui lui proposait de l'ouvrage payé en nature, il décampa et on ne le revit plus jamais. Christine le regretta car il était joli garçon et bien élevé. A sa place apparut un malotru d'âge mûr, à la moustache hérissée, qui commença par sacrer tous les bordels de merde qu'il connaissait devant ce travail salopé. Il reboucha la saignée à grands renforts de ciment et de jurons et en traça une autre le long du mur du fond.  Enfin, au bout de quelques mois, le couple put s'installer.

La première nuit Christine se risqua à sonner Rose vers les deux heures du matin. Rose eut tôt fait de démontrer à « M'fille Madame » qu'il ne fallait pas exagérer.  Toutes les portes et les volets étaient bouclés, elle n'était plus seule dans la maison, elle pouvait donc dormir sur ses deux oreilles. Quant à Rose, elle pouvait se vanter de ne pas rester les deux pieds dans le seau au cours de la journée, n'est-ce pas, mais elle ne pouvait se montrer aussi ingambe que si la patronne ne gâchait pas ses nuits pour des broutilles. Elle permit toutefois à Christine de l'appeler dans les cas d'extrême urgence, cas qu'elle se garda bien de définir.

Christine se retrouva donc seule à dorloter ses cauchemars et à recevoir en catimini ses étranges visiteurs qui lui apportaient des nouvelles de Marcus.  Elle avait fini par s'habituer à eux et elle déployait tout son charme pour qu'ils persuadent son mari de revenir auprès d'elle.

Raoul et Rose se plaisaient assez dans leur domaine.  Ils disposaient d'une douche hyper moderne, avec parois de verre et multiples orifices à jets tournants, massants, relaxants, à bulles, percés dans un inox étincelant. Ils avaient choisi l'installation la plus coûteuse puisque Christine payait. Mais voilà, cette chose intimidait Rose. Quand elle y mettait le pied, elle étouffait et s'y sentait à l'étroit comme dans un sous-marin, malgré ses vastes proportions.  Elle s'embrouillait dans les manettes et la première fois où elle l'avait utilisée, elle avait failli s'ébouillanter. Du coup elle se lavait sagement au lavabo.

Raoul, en revanche, en usait et en abusait. A se demander quel plaisir il prenait là-dedans. Rose s'en informa d'un ton rogue. Evidemment il n'avait jamais été aussi bien étrillé mais ce n'était pas propre – enfin pas convenable – de passer tout ce temps sous l'eau chaude et « M'fille Madame » allait avoir des notes d'eau scandaleuses s'il continuait à ce train-là. Elle aurait voulu qu'il se contente d'une douche par semaine mais il lui avait rétorqué qu'on n'était plus au temps de la bassine en zinc au milieu de la cuisine chaque samedi. Alors ils avaient transigé et elle lui avait accordé une douche tous les deux jours, à la condition qu'il briquât lui-même ce que Rose n'était pas loin de considérer comme une machine infernale.

Pour le repas de midi Christine résilia son abonnement aux repas du Centre public d’aide sociale. Rose se mit au fourneau et la patronne n'osa pas rechigner à nettoyer les légumes. Elle supporta les reproches de Rose qui l'accusait de  faire des pelates à nourrir des lapins et qui la houspillait à coups de abye, abye,, pour qu'elle se montre plus rapide. En compensation, elle avait le plaisir d'avoir autour de la table une petite famille pour la gâter. Christine se faisait toute petite et restait  indifférente aux menus. Elle accepta de manger le soir, une fois par semaine, les couques (ou couilles) de Suisse dont Raoul raffolait. Ces choses flasques, cuites à l'eau, arrosées de beurre fondu et de cassonade, lui restaient sur l'estomac mais elle s'en tirait en prenant discrètement une ou deux gouttes d'eau des Jacobins. Elle avait caché la petite bouteille d'élixir et quelques morceaux de sucre dans son secrétaire dont elle portait la clé sur elle. 

Si Rose était tombée sur les belles photos que Marcus avait prises au début de leur mariage, elle aurait été capable de rendre son tablier. Elle avait reniflé avec mépris devant les nus dont l'atelier de Monsieur était encombré. Christine lui avait bien affirmé que la femme qui avait posé était un modèle d'académie mais elle n'était qu'à demi convaincue.  Faut-il être dévergondée pour se mettre nue devant un homme ! Les toiles avaient été reléguées au grenier, oubliettes bien commodes mais du moins elles avaient échappé à la disparition.  Une chance que Rose n'ait pas voulu scandaliser les passants, en soumettant à leur vue sur le trottoir des choses aussi licencieuses – mot qu'elle ignorait d'ailleurs – et  qu'elle traduisait mentalement par sales.

Rose prenait de plus en plus de liberté avec « M'fille Madame ». Un jour où elle était fort énervée, elle avait lâché le terme de sans allure qui lui brûlait la langue depuis si longtemps. Christine en avait sursauté. Ce qu'elle lisait dans les yeux de Rose l'avait révoltée. Oui, sans conteste, dans les prunelles acérées de cette femme elle lisait : souillon, propre à rien et, même, peut-être, salope car, une fois ou deux, Rose lui avait fait comprendre que l'astuce du modèle d'académie ne prenait pas.  Alors Christine avait piqué une crise de nerfs et flanqué Rose, séance tenante, à la porte. L'algarade avait eu lieu en l'absence de Raoul, ce qui permit à celui-ci de faire de la musculation, en prétendant que s'il avait été là cette mijaurée n'aurait pas osé se conduire de cette façon. Voilà tout ce qu'on récoltait  à se dévouer pour ce genre de cinglée ! Tout ça pour un mot, après tout bien mérité.

Voilà Christine à nouveau seule au logis, sans femme de ménage et de compagnie et, bientôt, sans rien dans son assiette. Pendant quelques jours elle se délecta de sa solitude, de l'absence de contraintes, comme une écolière en vacances.  Elle traîna en peignoir jusqu'à midi et étala sur la table du salon les photos qu'elle avait si soigneusement cachées, les disposant en éventail ou comme si elle se disposait à faire une réussite mais, bien entendu, pour elle, le roi et la reine de cœur seraient toujours gagnants.  Elle descendit du grenier, une par une, les toiles qui avaient scandalisé Rose, s'en fit un rempart autour de son lit, se ménageant seulement une étroite ruelle d'accès. Elle demanda pardon à genoux à Marcus pour avoir détruit son atelier, afin d'y loger deux traîtres qui l'avaient escroquée et ruinée. A présent ils lui avaient jeté un sort et jamais plus, elle le sentait, son cher mari ne reviendrait à la maison.

Quand Christine eut épuisé toutes les provisions qui se trouvaient dans les armoires et dans le frigo, l'idée de manger encore des macaronis ou de la purée minute lui levait le cœur. La chatte réclamait ses trois repas par jour et les réserves de sachets fraîcheur touchaient à leur fin. Christine se résolut donc à se risquer dans la superette la plus proche, pour y remplir son caddie.

Au grand air elle fut prise de vertiges et de frissons mais le souvenir de Majolie assise devant sa gamelle vide et du regard de reproche dont elle la suivait, matin, midi et soir, la galvanisa. Il faisait froid, le ciel gris charriait une masse de nuages menaçants qui n'allaient pas tarder à se résoudre en pluie et Christine avait enfilé la première robe venue, décolletée et trop légère pour la saison. Elle se hâta, courant presque, comme si elle était poursuivie. Arrivée à bon port, elle s'obstina dans un premier temps à vouloir entrer par la sortie, à deux doigts des larmes parce que la porte s'obstinait à ne pas s'ouvrir, jusqu'à ce qu'un malabar en déboula et se heurta à elle. Le premier réflexe de l'homme fut de se fâcher mais il réalisa qu'il avait affaire à une vieille dame déboussolée. Il la prit fermement par le bras et la conduisit devant la porte d'entrée.

Allons, grand-mère, ça ne sert à rien de vouloir entrer par la sortie ! C'est par ici qu'on entre.

Christine n'apprécia pas trop le mot grand-mère mais elle fut soulagée de se trouver à l'intérieur, bien qu'aussitôt saoulée par le bruit et le va et vient des clients. Elle comprit alors à quel point Rose lui manquait car elle ne se retrouvait plus dans les différents rayons et lisait sans les comprendre les indications qui lui auraient permis de s'orienter. Heureusement pour la chatte dont la pensée ne la quittait pas, elle tomba par hasard sur les gondoles bourrées de nourriture pour chats, chiens, canaris, perruches, poissons rouges, rongeurs et "oiseaux de nos jardins".

Ensuite elle poursuivit son périple au hasard, collectionnant les fruits en boîtes et autres conserves mais oubliant le pain, le beurre, le fromage, la viande, les légumes et les fruits frais. Le montant de l'addition l'épouvanta et elle soupçonna qu'on l'avait vue venir et arnaquée. Elle aurait voulu rentrer chez elle en courant, pour se mettre à l'abri de ce monde hostile et de la pluie qui à présent tombait mais le poids de ses provisions ralentissait sa marche, comme si elle avait eu des boulets aux pieds.

Un jeune Rom qui rôdaillait la repéra et, flairant un pourboire, lui proposa de l'aider. Elle en aurait pleuré de reconnaissance. Elle le fit entrer, se désolant  de ne pas avoir de bonbons à lui offrir. Le petit faisait le tour des lieux de ses yeux intelligents et il eut tôt fait de ranger les emplettes sur les indications de Christine qui était tombée, épuisée, dans un fauteuil et s'était aussitôt enveloppée d'un grand châle pour se réchauffer. Elle observait l'enfant, le trouvait bien agréable à regarder, avec ses boucles noires et ses grands yeux sombres. Elle ne parvenait pas à comprendre son prénom et elle décida aussitôt de le baptiser Monjoli. L'enfant était déçu car il n'y avait rien d'intéressant à manger ou à boire dans cette maison, pas même une canette de coca.

Qu'est-ce qui te ferait plaisir, Monjoli ?

Donne un peu d'argent, Madame, pour acheter à manger, pour moi et mon petit frère.

  Ah, Mon Dieu, c'était si simple et elle n'y avait pas pensé. Elle fouilla son porte-monnaie, y découvrit  un billet de dix euros tout chiffonné, anxieuse de voir si l'enfant s'en contenterait.  Celui-ci remercia et bénit la bonne dame pour son bon cœur, sans laisser voir que l'ampleur du cadeau le surprenait. La glace était bien rompue et Monjoli proposa de venir sonner le lendemain ou le surlendemain, pour voir si sa bienfaitrice avait besoin d'un petit service.

Cette nouvelle relation permit à Christine de ne pas trop regretter Rose. Monjoli était vraiment intéressant et débrouillard.  Elle l'envoya à la superette avec une liste cette fois dûment établie et elle s'amusa de voir son protégé dessiner à gros traits les marchandises désirées, en face de leur nom, car il ne savait pas lire.  Ils firent la dînette ensemble et l'enfant livra à la gentille dame tout ce qu'il lui plaisait de laisser échapper mais elle ne sut jamais son nom de famille ni à quoi s'occupaient ses parents. Elle aurait voulu le câliner mais lorsqu'elle l'approcha, il s'éloigna d'un bond.  Elle en resta pantoise.  Peut-être réagissait-il ainsi par délicatesse, de crainte de salir sa robe car il avait les mains vraiment noires. Elle lui proposa de lui couler un bain. Cette fois l'enfant fut à deux  doigts de prendre la porte, avec un regard à la fois sournois et hostile qui l'emplit de confusion. L'apostrophe malveillante de Rose lui revint à la mémoire et elle se demanda en quoi  elle avait cette fois démérité.  Elle s'empressa d'amadouer l'enfant, l'assurant que s'il ne voulait pas qu'on le touche et ne désirait pas se baigner, elle comprenait et ne voulait pas le contrarier.

Monjoli estima que la dame n'avait pas de mauvaises intentions. Elle était simplement un peu folle, comme une toute petite fille, malgré son âge, et il négocia le ton de leurs relations. Mendier était son travail à lui et lorsqu'il passait quelques heures chez la dame, c'était reposant et profitable mais ça ne devait pas durer trop longtemps car à la fin il s'ennuyait et se mettait à bâiller, impatient de retrouver la rue, de marcher, de courir, de s'intéresser au théâtre toujours mouvant des trottoirs, des transports en commun, des abords des grandes surfaces.

Il voulait bien faire les courses et les ranger, tenir compagnie à la dame, manger avec elle et recevoir un peu d'argent mais pas de baisers, ni d'accolades, ni de sermons, ni de questions sur sa famille ni sur le fait qu'il n'allait pas à l'école. Il consentit à lui dire "qu'il était du voyage", ce qui l'épouvanta car elle se mit à appréhender le jour où, sans prévenir, il allait s'envoler comme un bel oiseau qu'il était et où elle se retrouverait seule à nouveau.

L'enfant ne comprenait pas bien qui était ce Marcus qu'elle évoquait à tout instant et qui ne revenait pas, malgré toutes les prières. C'est vrai que la dame  était un peu chieuse mais pas méchante et il lui arrivait de compatir à ce gros chagrin de grande personne. Il avait remarqué chacune de ses bagues et les colliers qu'elle portait quelquefois, se demandant où elle les rangeait. Il ne fut pas long à découvrir le coffret à bijoux dont il inspecta le contenu. Il n'y découvrit ni croix, ni médaille de la Vierge d'où il déduisit qu'il avait affaire à une mécréante. C'était peut-être pour ça que Marcus avait décampé et d'ailleurs, qu'est-ce que c'était cette femme qui n'avait pas eu d'enfants et qui maintenant réfrénait  son envie de le câliner, lui ? Il se promit de faire main basse sur les bijoux le jour où ses parents décideraient de reprendre la route, ce qui ne manquerait pas de plaire à toute la tribu et lui vaudrait bien des félicitations.
Un jour, comme tous deux achevaient leur goûter de fraises à la crème, la sonnette de la porte d'entrée retentit. Le petit s'enferma prudemment dans la chambre à coucher. Il entendit deux grosses voix d'hommes qui parlaient fort, entrecoupées des exclamations suraiguës de femmes en colère. Il risqua un œil par le trou de la serrure et découvrit un agent de police et un autre homme à la carrure pas très rassurante qui dominaient son hôtesse, sur laquelle se penchait une matrone à l'air pas vraiment commode. C'était Rose et Raoul, venus rechercher les biens qu'ils avaient laissé derrière eux. Lorsque Christine avait piqué sa crise et  perdu les pédales, Rose avait été tellement surprise et même effrayée par cette soudaine violence, qu'elle avait préféré prendre la fuite, se promettant de régler la question plus tard. Au fil du temps, Rose s'en était fait tout un monde car il lui semblait que Christine aurait été capable de lui arracher les yeux, si bien que, finalement, le couple avait décidé de se présenter dans la maison de cette folle à lier sous la protection d'un pandore en uniforme, qui était de leurs amis.

Bientôt toute la troupe gravit bruyamment les escaliers. Rose et Raoul réunirent leurs biens à la hâte et les enfouirent dans deux grandes valises qu'ils avaient apportées, sans oublier le savon à la violette dont la patronne leur avait fait cadeau et qui gisait, à peine entamé, sur le lavabo.

Le parti de Monjoli fut vite pris. Les battements accélérés de son cœur s'étaient calmés et il décida de ne  plus revenir dans cette maison où la police était comme chez elle. Il rafla les bijoux qu'il entassa dans ses poches et prit la fuite par le jardin. Tant pis pour Tata Crici, comme elle se faisait appeler !

Quand Christine eut digéré l'intrusion de Rose et Raoul, elle se désola de ne pas voir revenir Monjoli. Le pauvre petit avait eu peur sans doute et elle le regretta amèrement. C'est la chatte qui fut contente ! Ce morveux qui lui décochait un coup de pied à l'occasion l'avait détrônée. A présent elle reprenait sa place dans la maison : la première. Elle pouvait à nouveau sauter sur les genoux de sa maîtresse et lécher la crème fraîche à même la soucoupe, sans se faire réprimander, recevoir les caresses et se gaver de mots doux .

Quelques jours s'écoulèrent ainsi, jusqu'à ce que Christine, désireuse de porter certain collier, constata la disparition des bijoux. Elle en pleura la perte, surtout parce que chacun d'eux, cadeau de sa mère ou de Marcus, évoquait un souvenir tendre. Il lui répugnait de soupçonner Monjoli, bien qu'elle sentît au fond d'elle qu'il était le suspect le plus plausible. Elle ne pouvait guère accuser ses apparitions nocturnes car elles s'étaient contentées jusque là de lui saper le moral. Cet enfant qu'elle chérissait encore plus depuis sa disparition lui aurait fait ça ? C'était trop triste de le supposer. Elle préféra imaginer que quelqu'un s'introduisait chez elle quand elle avait le dos tourné. D'ailleurs qu'étaient devenus tel bonheur du jour, telle commode, meubles dont elle avait oublié que Rose et Raoul les avaient bazardés avec son consentement.

Elle était bien obligée à présent de reprendre de temps à autre le chemin de la superette mais il lui arrivait de se tromper de rue et d'errer dans un lieu qu'elle connaissait vaguement, sans pouvoir se souvenir ce qu'elle y faisait. Elle s'adressait alors à un passant qui la remettait sur le bon chemin. C'est lors de ces pérégrinations qu'elle aperçut un jour Monjoli à l'angle de deux rues. Elle poussa un cri et s'élança dans sa direction mais l'enfant avait détalé aussitôt. Sans qu'elle sût comment, sa poursuite lui valut une chute, au cours de laquelle elle s'écorcha les genoux.

Christine regagna sa maison péniblement. Sans penser à désinfecter ses blessures, elle téléphona au commissariat de son quartier et demanda à ce qu'un agent passe chez elle, pour signaler une disparition. Son ton hystérique et la fable concernant ses visiteurs nocturnes, qui avaient frappé les esprits quelques mois auparavant, éveillèrent la suspicion du policier chargé de l'auditionner. Il s'adjoignit une auxiliaire féminine dont le premier soin fut d'aider la plaignante à se nettoyer et panser les genoux.

Il fallut ensuite prêter l'oreille aux déclarations plutôt confuses que Christine improvisait. Qu'est-ce que c'était que ce Monjoli qu'elle prétendait être son filleul, sans qu'elle parvînt à l'identifier clairement, dont elle ignorait tout des parents et du nom de famille ? Et pourquoi s'était-il enfui quand il l'avait aperçue ? De là à estimer que Christine ne disait pas tout sur ce qui la liait à l'enfant et à alimenter les doutes sur sa santé mentale il n'y avait qu'un pas. Il était clair que si l'enfant en question existait vraiment, il la fuyait.

A la question de savoir si rien ne manquait dans la maison, Christine ne peut se tenir de mentionner la disparition des bijoux et des meubles, ce qui donna à penser aux policiers, bien qu'elle se récriât que Monjoli n'était pas capable de tels méfaits, le pauvre ange. La description qu'elle donnait de son protégé était suffisamment claire, pour que les deux policiers pensent à un jeune Rom qui aurait gagné sa confiance et ils se promirent d'ouvrir l'œil  si un garnement de cet acabit leur tombait sous la main.

Quelques jours plus tard, un petit noiraud d'une dizaine d'années fut pris en flagrant délit de vol à l'étalage et l'agent qui le surprit le fit tressaillir en l'appelant Monjoli. On le confronta avec Christine, qu'il feignit d'abord ne pas connaître, pour l'accuser ensuite d'avoir toujours voulu le prendre sur ses genoux pour l'embrasser. D'abord stupéfaite, la pauvre poussa de grands cris. N'était-il pas naturel et légitime d'espérer un peu d'affection de la part d'un enfant auquel elle s'était attachée ? Elle s'embarqua ensuite dans de nouvelles explications embarrassées, où il était question d'un bain refusé par l'enfant et de son regret de n'avoir jamais pu l'embrasser.

Si les pandores avaient pas mal de doutes sur le sérieux des accusations de l'enfant, ils se sentaient pourtant mal à l'aise et ils estimèrent que si le gosse avait tout à coup décidé d'éviter Christine, c'est qu'il avait de bonnes raisons pour cela. Or Christine refusait de porte plainte pour la disparition des bijoux. Peut-être, après tout, les lui avait-elle donnés, dans l'espoir de le corrompre. Que faire de ce mioche dont les parents semblaient s'être évaporé ? On n'allait pas le filer, pour le convaincre d'être l'enfant de l'un de ces pouilleux insaisissables qui pullulaient dans  les parcs, dans les gares ou dans les terrains vagues. Après s'être fait savonner les oreilles (au figuré!) Monjoli put reprendre son vagabondage, heureux d'en être quitte à si bon compte.

Une enquête discrète dans le quartier révéla qu'en effet Christine avait reçu régulièrement un petit  assez malpropre qui lui faisait ses courses.

Faut dire qu'elle s'était brouillée avec sa femme de ménage, pourtant si dévouée, et comme elle a des œufs en dessous des bras, elle était bien contente de s'être trouvé un  commissionnaire, sans en mesurer les risques. Entre nous, n'est-ce pas, Monsieur, elle n'a jamais été tout juste, cette femme. Mais depuis qu'elle a perdu son mari, la pauvre, elle déménage tout à fait.  Plus d'une fois elle est sortie en laissant sa porte ouverte.  Il est vrai que lorsqu'elle la ferme cette porte, c'est les voisins qui doivent la lui ouvrir parce qu'elle a les mains qui tremblent ou parce qu'elle est incapable d'introduire correctement la clé dans la serrure. Dans son état, est-ce que le mieux pour elle ce ne serait pas d'entrer dans une maison de retraite où on la déchargerait de tout souci ?

Rose et Raoul furent cuisinés à leur tour et ils ne ratèrent pas l'occasion d'en lâcher des vertes et des pas mûres sur leur ancienne patronne. Le médecin de famille lui-même dut admettre que la situation ne s'arrangeait pas, d'autant qu'il arrivait maintenant à Christine de sortir dans la rue à midi, vêtue de sa chemise de nuit. Il consentit à influencer sa patiente dans le sens de l'entrée dans une maison de repos et de soins.

Christine se laissa faire, alléchée à l'idée qu'elle n'aurait plus à gérer la vie quotidienne, simplement chagrine de devoir abandonner la chatte Majolie que les cousins consentirent à adopter. En prime ils reçurent la clé de la maison, avec permission de la vider de son contenu. Ils gardèrent quelques-unes de toiles de Marcus, coupèrent celles qu'ils dédaignaient en petits morceaux et en brûlèrent les châssis dans la cheminée de leur salon. La maison fut ensuite mise en vente et la somme de cinquante ans de vie commune dispersée aux quatre vents, tandis qu'un administrateur était chargé de la gestion des biens de Christine, déclarée inapte à remplir cette tâche.

D'emblée Christine fut cataloguée comme "difficile" par le personnel soignant et surnommée "La Baronne" par les résidents. Maillotée dans les couches culottes qu'on l'obligeait à porter la nuit, flottant entre deux eaux grâce aux somnifères, elle rêvait beaucoup et presque toujours dans ces songes elle se retrouvait jeune et belle, dans les bras de Marcus ou courtisée par l'un ou l'autre des hommes qu'elle avait convoités en secret.

Parfois le matin, quand elle se regardait dans le miroir, elle ne se reconnaissait pas dans cette vieille femme parcheminée et, oubliant de se laver, elle utilisait force onguents et fards, tâchant de combler ses rides pour "réparer des ans l'irréparable outrage". Il lui arrivait de mâchonner ainsi des lambeaux d'alexandrins qui surnageaient sur la débâcle de sa mémoire. Etait-ce Jézabel, Esther ou Athalie qui était "pompeusement parée… d'un éclat emprunté… dont elle avait pris soin de peindre et d'orner son visage ? ». On s'en fout après tout, hein, sincèrement ! Il fallait qu'elle se dépêche à l'heure du petit déjeuner, sinon la Juliette, si laide avec son dentier branlant, allait encore lui chiper sa place auprès de ce Monsieur si convenable qui avait eu des malheurs et faisait  bon accueil à toutes, alors qu'il était tellement sollicité.

Mais Christine sait bien qu'elle est sa préférée. Il lui est arrivé de rêver qu'il venait la rejoindre dans sa chambre et ça paraissait tellement vrai qu'elle s'était réveillée en sursaut, prête à lui ouvrir les bras ou à lui montrer la porte, elle ne savait trop. Si ce n'est pas malheureux, à notre âge, d'être encore surveillées comme des gamines qui pourraient tomber enceintes, ronchonnait-elle in petto. Peut-être, un jour, aurait-elle l'occasion de parler seule à seul à son héros et lui ferait-il sa déclaration ? Ce serait merveilleux. Ils pourraient partir tous les deux et commencer une vie nouvelle. Sait-on jamais ?

Mais, pas de chance, le vieux monsieur fit une thrombose, on  l'embarqua à l'hôpital et on ne le revit plus jamais. Christine en fut endeuillée pendant quelque temps. Les mois passaient, monotones et  les saisons perdaient leurs couleurs. Comment croire au printemps lorsqu'on n'entend plus chanter les oiseaux ? L'hiver avait été long, très long et, à la fin, l'arbre de Noël n'était plus qu'un squelette sans aiguilles, oublié dans un coin, alors que les œufs de Pâques en carton peinturluré, les nids de mousse  et les sucreries qui vont avec – en vrai sucre ou en plâtre – avaient envahi les couloirs, la salle à manger et le living, ce lieu si mal nommé car tout le monde y ronfle devant une télévision tonitruante dont on ne distingue pas les images, à cause du contrejour créé par les fenêtres.

Entre-temps le visage du vieux monsieur s'était peu à peu effacé de sa mémoire et, dans la foulée, celui de Marcus devint de plus en plus flou. Est-ce qu'elle avait été mariée un jour ? Elle n'en était pas sûre. En tout cas si elle avait eu un mari, il l'avait abandonnée sans remords.  Elle se sentait bien seule par moments et se demandait pourquoi son père et sa mère ne venaient pas la voir. Alors elle dormait beaucoup et attendait avec impatience les repas, sirotant de temps en temps un verre du vin qu'elle avait réussi à dissimuler dans son placard. Rester au lit lui aurait fait grand plaisir mais elle avait beau geindre et se prétendre malade, on ne lui faisait grâce d’aucun lever matinal et frissonnant, ni d’un débarbouillage brutal et expéditif. Ensuite, tout au long de la journée, tassée dans son relax, elle regardait passer les heures, entre deux sommes.

Lors d'une visite du médecin, elle s'informa de ses parents qu'il devait bien connaître. Elle tressaillit lorsqu'il lui répondit qu'ils n'étaient plus de ce monde depuis bien longtemps. Un douloureux trait de lumière illumina soudain son esprit tandis que deux larmes roulaient sur ses joues. Après cela, elle eut encore de temps à autre un éclair de lucidité mais, la plupart du temps, elle continua à descendre pas à pas dans l’oubli d’elle-même et du monde.

                                                                                           MARCELLE DUMONT

 

                                                                              

 

 

 

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Le Dandysme philosophico-littéraire

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Oscar Wilde

Deux conférences à l’Académie royale de Belgique

Par Salvatore Schiffer Daniel

Le dandysme : une notion beaucoup plus profonde et articulée, tant sur le plan philosophique que littéraire, que ce qu’il y paraît à première vue. C’est cette thématique qui est cernée dans ce cours-conférence.

Ces leçons, aux confins de la philosophie, de l’art et de la littérature, sont basées sur la réflexion, à travers quelques-uns de leurs concepts-clés, de deux des penseurs majeurs du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche et Sören Kierkegaard, pour analyser, dans un deuxième temps, la manière dont deux des plus grands écrivains de ce même siècle, Charles Baudelaire et Oscar Wilde, ont appliqué, au sein de leur œuvre poético-littéraire, ces notions philosophiques.

 

 

Le « grand style » chez Nietzsche et « l’art de la séduction » chez Kierkegaard  par Daniel Salvatore Shiffer




« Le Peintre de la vie moderne » de Baudelaire et « Le Portrait de Dorian Gray » de Wilde par Daniel Salvatore Shiffer

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