LA VISION COSMIQUE, ENTRE PEINTURE ET POÉSIE, DE SALVATORE GUCCIARDO
Du 04-11 au 28-11-21, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’artiste belge, Monsieur SALVATORE GUCCIARDO, intitulée : LYRISME CÉLESTE.
A’ l’instar de sa poésie, son œuvre picturale est un voyage initiatique basé sur une mythologie personnelle dont les origines, souvent sorties de leur contexte, se rattachent aux mythes de l’Antiquité proche-orientale, européenne du Moyen Age et biblique. Nous retrouvons des constantes telles que la sphère, le culte de la lumière celui de la montagne-pyramide, scellant l’union mystique entre la terre et le ciel ainsi que le culte de la Femme, à la fois spiritualisée et érotisée. Chacune de ces images, intervenant dans des contextes narratifs particuliers, est au service d’une vision cosmique dont le point central est l’Homme (l’Anthropos grec), luttant désespérément pour sortir de sa caverne, infestée d’ombres et de limites. Sa vision cosmique picturale n’est pas dominée par le noir sidéral, comme l’on s’attendrait à la rencontrer lorsqu’il s’agit d’espace mais bien par la couleur et la lumière, figurant par là, la conception d’un univers féerique, se déclinant sur le bleu, le rouge et le jaune. Cette triade chromatique traduit trois états d’âme majeurs de l’artiste : le bleu étant synonyme d’espoir, le rouge symbolisant la passion et le jaune exprimant un état de plénitude absolue. Remarquons, à propos du jaune, que contrairement aux deux expressions chromatiques précédentes, ce dernier ne fait jamais office de couleur dominante. Il se pose à l’apex de la composition, en ce sens qu’il la termine, comme l’on achève un récit mythologique. La vision cosmique devient, au contact de l’œuvre, une longue étendue mobile, aux accents terrestres, flottant à l’intérieur d’une mer céleste dans laquelle l’humanité gravit la pente conduisant vers la lumière. Belge d’origine sicilienne, l’artiste exprime sur la toile les couleurs chaudes, douces et savantes des cultures méditerranéennes.
L’UNIVERS VERSION BLEU
HARMONIE HUMAINE (122 x 104/acrylique sur toile)
Se dégageant sur un fond bleu, l’ensemble résultant de la mixis humaine, entre à la façon d’un Michel-Ange à l’intérieur d’une sphère ouverte trouvant son origine dans le langage poétique de l’artiste. Si nous évoquons Michel-Ange, c’est à cause de l’agglutinement des corps, à la fois nus et musclés, rappelant les « Damnés » de la Sixtine.
Sauf qu’ici, on peut parler de « Bienheureux », tellement l’harmonie spirituelle et corporelle, est manifeste. Cette œuvre, aux accents dantesques, est construite à l’intérieur d’une demi-sphère dans laquelle le genre humain évolue, adoptant une posture en demi-lune, épousant ses limites sphériques. Un socle massif soutient la demi-sphère. L’humanité est amorcée par deux nus sur chaque côté : un homme (à gauche), une femme (à droite). Ils tendent un bras vers le bas, assurant à l’ensemble la verticalité requise. Chaque sommet de cette montagne humaine est terminé par un corps, debout, dont nous ignorons le genre. Au centre de la mixis humaine, se trouve un personnage masculin tendant son bras vers la droite et pointant son doigt vers cette direction. Les rendus physiques sont fort différents. Le personnage central tendant le bras, possède une musculature affirmée, laquelle (bien que fort différente), n’est pas sans rappeler cette celle de Michel-Ange. Les autres typologies physiques varient selon leurs proportions dans l’espace. Chacune d’elles est soulignée par un trait, définissant son volume. Nous évoluons au cœur d’un univers sphérique. Cinq sphères s’affirment au regard : la première (à l’avant-plan) la seconde (celle englobant la scène), la troisième (au début du chemin conduisant vers les hauteurs lumineuses, la quatrième (au-dessus du point lumineux) et la cinquième (englobant l’image de la famille, celle que l’artiste exalte dans sa poésie). A’ l’intérieur de la demi-sphère, diverses petites planètes évoluent au loin. A’ partir de la dominante bleue (en dégradés), figurant l’univers ainsi que de l’ensemble rocheux entourant la route, une autre dominante apparaît, à savoir le rouge (également en dégradés) rehaussé de noir. Quelques touches blanches, à l’avant-plan, entourent l’ensemble massif. Cette montagne humaine se présente en éventail, laissant apparaître le paysage rocheux, en perspective, divisé par une route serpentine, conduisant vers un point irradié d’une lumière à la fois chaude (créée par un jaune, vif et opaque, à la Turner) et blanche, donnant à l’ensemble l’aspect d’une flamme.
L’ÉMERGENCE CÉLESTE (70 x 50 cm - acrylique sur toile)
Cette œuvre reprend une thématique similaire avec cette différence que dans l’œuvre précédente, l’humanité était à l‘honneur.
Tandis que dans cette œuvre-ci, c’est vers le Christ en croix face à une humanité déchue que le discours se porte. Le Christ est crucifié dans le Monde, affirmant ainsi sa participation dans l’Humanité. Avec ce groupe de huit femmes nues, rampant hors de leur antre en forme de cercle (en haut, à gauche), l’œuvre dégage une atmosphère de « décadence », telle qu’on peut la concevoir dans la sphère biblique, littéraire ou picturale, par rapport à l’image de la lascivité, coïncidant avec la luxure, par conséquent avec le péché et la mort. Un oiseau mort surplombe le Christ mort. A’ partir du troisième plan du tableau, une ville dominée par une architecture à peine cubiste, apparaît. La dialectique scénique est la même que celle de l’œuvre précédente. Il s’agit de la vision dantesque laquelle guide le regard humain à partir du bas pour le guider vers les hautes sphères célestes. Le regard débute son ascension à partir de l’avant-plan pour atteindre la « flèche » dressée, indiquant le chemin lumineux (serpentin comme dans l’œuvre précédente). La position de cette « flèche » coupant, en quelque sorte, la perspective est fort intéressante. Le chromatisme général ne diverge nullement du reste.
LA MUSE SOLAIRE (70 x 60 cm - acrylique sur toile)
Au centre d’une structure inconnue, une femme de dos, dont le dessin du vêtement coupe le corps dans sa longueur, regarde devant elle. Nous ne voyons pas son visage. La seule trace corporelle que nous percevons d’elle c’est sa main gauche, tendue vers le bas. Il s’agit d’un être spirituel car elle est Muse, une Parque de la Poésie.
LA MUSE ÉTOILÉE (60 x 50 cm - huile sur toile)
De « solaire », la Muse devient « étoilée ». De « spirituelle », elle devient « érotique ». Pour la première fois dans l’œuvre du peintre, Eros s’invite à la fête. La femme exposée, dont la tête est entourée d’une auréole, se montre comprise entre deux cercles cosmiques, elle-même évoluant à l’intérieur d’une sphère de feu, offrant sa féminité érotique. Ses seins, volumineux, deviennent le point d’ancrage du buste, alors que la tête, reposant sur un long cou, penche vers l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur). Son bassin joue le rôle mécanique dans son pivotement vers le bas. Les poils pubiens effleurent, ramassés dans un bouquet stylisé. La conception technique du corps de la femme, met en évidence l’amour que l’artiste éprouve pour Amedeo Modigliani. La cassure rythmique opérée par l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur) du personnage féminin, permet à la tête de trouver un point d’appui.
L’expression du regard est conforme à celui de Modigliani. Particulièrement, en ce qui concerne ce que le peintre « montparnos » appelait « l’œil intérieur », plongé dans l’intériorité de l’Etre, mis en exergue par une pupille petite et vive, doucement enveloppée par une paupière soulignant le dessin de l’œil. Mais si le regard du nu féminin de Modigliani regarde souvent vers le visiteur, celui de SALVATORE GUCCIARDO couve avec une infinie douceur l’homme à la recherche de la lumière, venu se placer sous sa bienveillance, érotique et maternelle. Le cou penché vers l’épaule, permettant la cassure rythmique (évoquée plus haut) est également conforme à l’esthétique d’Amedeo Modigliani.
L’UNIVERS VERSION ROUGE
LE MYSTÈRE DE BABEL (122 x 104 cm - acrylique sur toile)
Cette œuvre est la traduction picturale de l’épisode vétérotestamentaire de la Tour de Babel, revu par la sensibilité de l’artiste. La couleur rouge, symbolisant la passion, est la note dominante sur laquelle s’articule la composition. L’édifice conçu par le peintre est animé non par le style, à proprement parler, mais bien par l’esprit futuriste du début du 20ème siècle. A’ l’intérieur de l’édifice (lequel ressemble à s’y méprendre à une nef intergalactique), diverses niches, semblables à des petites grottes platoniciennes, retiennent prisonnière une humanité en proie à ses peurs, incapable de distinguer leur ombre de la réalité lumineuse. L’avant-plan nous montre un personnage qui s’apprête à gravir le chemin conduisant à la lumière, présenté comme une constante dans l’œuvre de l’artiste. Tandis qu’à sa gauche, vers le bas, un ersatz d’humanité, enfermée à l’intérieur d’une niche, stagne dans ses impasses. Le sujet biblique est détourné par l’artiste, néanmoins, la Tour de Babel demeure. L’outrage de Nemrod envers Dieu, s’avère être positif, malgré la confusion des idiomes qu’il engendre, car il encourage la connaissance de l’Autre malgré l’obstacle linguistique. Il devient, de ce fait, le tremplin vers la culture et la pensée de l’Autre. Par le détournement qu’en fait l’artiste, la Tour devient à présent, l’image d’un espoir vers la connaissance de soi et du Monde. Remarquons que par sa structure, elle adopte, dans cette excroissance métallique située vers la droite, une tête d’oiseau.
L’ETRE ASTRAL (90 x 70 cm - acrylique sur toile)
Voici un personnage qui parsème la poésie du peintre-poète : le Sage.
Celui vers qui le voyageur de la fin du voyage initiatique s’incline. Du Sage, nous ne percevons que la tête, les épaules et les bras, posés sur un symbole, celui du triangle.
Ce triangle, l’artiste le présente onze fois. Comme nous l’avons observé, plus haut, le triangle est le trait d’union entre le haut et le bas. Entre l’ouranien et le chtonien. Il se retrouve sous bien des images : la montagne, la pyramide, les mains jointes en prière et même dans l’image du triangle pubien que l’on retrouve, mis en évidence, sur les statues des Vénus préhistoriques. Les chairs du personnage sont d’une blancheur immaculée, évoquant sa dimension spirituelle. Cette blancheur contraste avec l’ensemble chromatique dominé par le rouge. Passion et spiritualité se mélangent donnant ainsi une consistance dramaturgique et picturale au personnage. Autour du Sage, six cercles gravitent autour de lui. Le cercle est l’union de l’Alpha et de l’Omega. La boucle unissant les deux extrémités du temps (celles du commencement et de la fin) dans leur accomplissement. Considéré déjà chez les présocratiques comme une figure logique, sa forme est associée, notamment au Monde, situé au centre de l’univers. Sa dimension sphérique est considérée comme parfaite parce que d’essence divine. Est-il donc si étonnant de voir figurer ces deux entités géométriques (le triangle et le cercle) dans l’univers de l’artiste? La position des mains est très intéressante : sa main droite (gauche par rapport au visiteur) touche à peine la gauche (droite par rapport au visiteur). A’ la question de savoir ce qui l’a motivé à adopter cette position, l’artiste répond qu’il n’a voulu qu’effleurer l’attitude physique de la prière chrétienne (les mains jointes) sans vouloir l’aborder de front, précisément pour prendre ses distances par rapport aux liturgies séculaires et garder ainsi da propre dialectique.
SALVATORE GUCCIARDO, considère l’œuvre exposée comme un résumé de sa pensée actuelle, en ce sens qu’elle sanctionne cinquante ans de travail assidu, affirmant sa contribution à l’Humanité actuelle. Nous avons insisté, plus haut, sur le fait que l’artiste est à la fois peintre et poète. Peinture et poésie sont consubstantielles à son œuvre. Les thématiques exposées dans sa peinture se trouvent élaborées en sa poésie, aussi cosmique que son œuvre peinte. C’est par la poésie que l’artiste a commencé à s’exprimer par la lecture de Rimbaud. Autodidacte, il est entré en peinture, comme l’on entre en religion, à l’âge de dix-sept ans.
Sa révélation lui a été donnée par l’œuvre de Modigliani, chose parfaitement perceptible à l’analyse de LA MUSE ÉTOILÉE (citée plus haut). Son écriture picturale est sensuelle, musicale et harmonieuse.
Tout est structuré et pensé, autant dans la couleur que dans le dessin. Techniquement, il a adopté l’acrylique depuis une quinzaine d’années, après s’être exprimé par l’huile pendant quarante-cinq ans. Néanmoins, l’artiste insiste sur le fait qu’il arrive (et c’est absolument discernable) à obtenir la même finesse graphique tant avec l’acrylique qu’avec l’huile.
SALVATORE GUCCIARDO a toujours été à l’écoute des Maîtres de l’Histoire de l’Art. Peintre à l’écriture contemporaine, il jouit d’une grande culture classique et humaniste, résolument tournée vers un futurisme, parsemé d’intemporalité. Son œuvre parle à l’Humanité.
François L. Speranza.
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A voir:
Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza
L'artiste SALVATORE GUCCIARDO et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.
Photos de l'exposition de SALVATORE GUCCIARDO à l'ESPACE ART GALLERY