Dans un pays où l’espace et le temps nous sont contés…
Là, dans ce quasi-désert, un foyer artistique éclaire une période dite elle aussi parfois obscure.
Pour finir en beauté, concentrons-nous donc dès à présent sur les réalisations les plus somptueuses ou les plus curieuses que la Renaissance macédonienne nous ait léguées dans la vallée de Göreme, près du bourg d’Avcilar. Magnifiques trésors d’un style à son apogée, qu’il est si important de préserver de la fureur des hommes.
Si, fort heureusement, le Parc national de Göreme et les sites rupestres de Cappadoce sont classés au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985, assurant, en principe, leur protection, il n’en va pas toujours de même pour d’autres lieux…rob
Les fresques d’Ürgüp ont connu bien des frasques
Après la triste époque iconoclaste, réduite à un style aniconique canonique, succède, après la « restitution des icônes » qui marque une transition, un foisonnant style théologique byzantin. Basile, le bienheureux, en aurait été ravi.
Revenu parmi les siens, nous le suivrions sur son blanc cheval perché…
Un couvent ouvert à tout vent
couvert de simples capuches de capucins.
C’est en conséquence au sein même de la légende de Göreme que nous nous engageons, là où les communautés laissèrent les plus belles reliques de leur vie cénobitique.
L’Eglise Obscure :
Karanlik Kilise a été construite au XIIe siècle sur un promontoire. Cette église est un enclos, un réceptacle sombre qui a ainsi pu préserver toute leur fraîcheur aux fresques byzantines. Un livre de prières où les scènes de L’Evangile se déroulent où j’ai eu le privilège de pénétrer. Réalisant un rêve de pacha qui aurait vu pousser le gazon en toutes saisons.
Un joyau préservé qui sort de l'ombre protectrice
pour nous transmettre le mystère de la Lumière
L’Eglise au Serpent :
Yilanli Kilise, du XIe siècle, est une des plus curieuses. Connue notamment pour sa représentation de Saint Georges et Saint Théodore tuant le dragon et la légende d’Onouphrios.
Saint Georges de Lydda (ca 275-303), lui aussi né en Cappadoce, supplicié puis décapité sous Dioclétien, l'empereur romain qui organisa la persécution des chrétiens au début du IVe siècle.
Saint patron de la chevalerie, il inspira une Vie de la Légende dorée de Jacques de Voragine* à la fin du XIIe siècle.
Saint Théodore Tiron, le Conscrit, du Pont sur la rive méridionale de la mer Noire (Turquie) finit lui aussi décollé en 303.
Mais la Bête a-t-elle vraiment été terrassée ?
Onouphrios était une femme, belle et légère sans doute, mais qui s’exaspérait des assiduités des hommes. Elle implora Dieu de l’y soustraire. Et Dieu sauva la femme. Le Seigneur la rendit laide et barbue. D’où l’hermaphrodisme de son iconographie et la morale de cette histoire.
Détail du Saint Georges et Saint Théodore tuant le dragon
L’Eglise à la Boucle :
Tokali Kilise est la plus grande et la plus richement décorée. Une église primitive du début du Xe siècle sur un premier niveau, et, au-dessus, une église plus importante et sa chapelle latérale qui recèlent de nombreuses scènes bibliques d’une remarquable vivacité, ainsi que la chronique de Basile de Césarée.
Marie Theotokos, « qui porte Dieu »
Troublant, comme j’éprouvais les mêmes impressions, ou presque (les fresques ont été restaurées), que Paul Lucas au début du XVIIIe siècle.
« A travers les portes je vis sur les murailles
comme des restes d’anciens portraits ;
de sorte qu’il semblait qu’il y eût eu des peintures :
mais cela était trop effacé pour y rien connaître. »
L’Eglise à la Pomme :
Elmali Kilise, du milieu du XIe siècle, doit son nom à l’une des peintures où Jésus semble tenir une pomme, plus certainement le monde.
L’Eglise Sainte Barbara :
Azize Barbara remonte au XIe siècle. Ses motifs géométriques simples et ses fresques peints à l’ocre à même la paroi rocheuse, comme firent nos plus lointains ancêtres, en font l’un des sanctuaires les plus émouvants.
Nous sommes environ deux siècles avant Cimabue, Giotto, Duccio di Buoninsegna, Lorenzetti… ces peintres précurseurs de la Renaissance italienne, réputés avoir rompu avec la tradition. On dit la peinture byzantine plate, formaliste, statique, dénuée de sentiments, hiératique. Qu’en pensez-vous ?
Michel Lansardière (texte et photos)
* Voir le billet de Robert Paul... pour combattre seulement avec son coeur :
Retrouvez ci-après mes précédents articles, enrichis de nouvelles photographies, consacrés à la Cappadoce :
• Les origines :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/tr-sors-cach-s-de-cappadoce-1-re-partie
• De l’ignorance à la renaissance :
• La redécouverte :
Un dernier message. Chrétiens… Arméniens… Kurdes… Puisse simplement le pays appliquer sa devise nationale,
« Paix dans le pays, paix dans le monde »
, adoptée après le manifeste de Mustafa Kemal Atatürk, père d’une Turquie moderne et laïque. Sa riche culture aussi y gagnerait.
Si les colombes sont revenues en Cappadoce...
Peuples garrottés, je tenais à vous saluer. Je n'en dirais pas plus, mais ne pouvais rester bouche totalement cousue.
A bientôt sous d'autres cieux...
Commentaires
Merci Sonia pour ton appréciation de ce dernier volet.
Un passé que l'on tend à étouffer mais toujours éclairant.
Merci Béatrice
Merci Martine d'avoir apprécié ce billet.
Merci pour cette nouvelle mise en avant de cet article.
Je prépare de nouveaux articles pour Arts & Lettres et, même si c'est toujours beaucoup de plaisir, c'est aussi pas mal de travail (une plongée dans mes archives parfois submergeante), cela me pousse à poursuivre mes recherches.
Merci Michel et Alexis (Thomas) pour vos signes d'amitiés.
A vous tous...
Si la Cappadoce est plutôt tranquille et relativement isolée, la Turquie d'aujourd'hui n'en est pas moins une poudrière.
Merci David.
Il faut tout faire pour sauvegarder ce trésor. Il représente l'histoire de notre civilisation, des peuples oubliés...
Merci pour ce partage, Michel !
Merci à vous Robert pour la mise en avant de cet article.
Merci Joelle.
Suzanne, Rosyline, Martine,Georges, Gilbert, Dominique, Carmen vos marques d'amitiés me touchent et m'encouragent. Merci à vous tous.