Bien que cette version ne soit pas une production théâtrale - il n'y a aucun décor terrifiant des portes de l’enfer, aucune chorégraphie, ni de fantomatique ballet de nonnes pécheresses, aucun costume du Moyen-Âge fantastique, ni de casques, épées ou chevaux de tournoi - le public des Bozar a été enchanté par cette magnifique version concertante. Evelino Pidò a dirigé les artistes avec fougue à travers les tempêtes sauvages de sentiments humains et le désir dévorant du pouvoir et des richesses qui peuple l'allégorie, jetant au passage une énorme pierre dans notre jardin!
Le contraste saisissant de la lourde musique chevaleresque mêlé à l’ambiance festive de chansons à boire, face aux lignes fluides et des valeurs spirituelles de l’amour courtois et du divin, a su émerveiller le public tout au long de la soirée. L'arme secrète, c'est sans doute la beauté de l’interprétation raffinée des deux femmes, Alice et Isabelle en particulier. La soprano colorature Lisette Oropesa, dans sa magnifique robe jaune safran imprimmée de grands coquelicots noirs, a chanté l'opéra avec vigueur et passion, d'un bout à l'autre, sans fatigue apparente, enchaînant aigus, graves et vocalises avec le plus grand naturel. La vision authentique de la bonté et de la lumière de l'amour était assortie d'une pureté de son extraordinaire. L'exquise soprano espagnole Yolanda Auyanet, dans le rôle d'Alice, faisait, elle aussi, preuve d'une capacité à couvrir les notes les plus graves et les plus hautes dans une émission de souffle continu et une projection de voix remarquable.Bref, du Bel Canto à l'italienne saisissant et une inébranlable patience dans l' argumentation visant à démanteler les stratagèmes des mécréants. Toutes deux, telles une armée de saintes femmes se trouvaient résolument engagées dans la lutte contre tout ce qui pouvait nous tirer vers le bas, projetant un faisceau de lumière au coeur des sombres violences du 13e siècle… et celles du nôtre, par la même occasion.
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Le stupéfiant ténor russe Dimitry Korczak, a assumé le rôle de Robert avec autant de vaillance et d’esprit qu’il pouvait en trouver, face à la figure implacable de l'incarnation de Méphistophélès. On l’imaginerait tout de même plus à sa place dans le rôle d’Orpheo et d’Eurydice. Robert le Diable est en fait un noble normand impénitent, assoiffé de pouvoir, d´or et de femmes, au génie diabolique hérité de son père, exilé en Sicile pour ses nombreux méfaits perpétrés dans sa ville natale. Heureusement que la rédemption par l'amour, on y croit!
On se souvienda aussi du remarquable Raimbaut (chanté par un gent troubadour, le ténor Julien Dran avec plein de soleil dans la voix) et au passage, on retient aussi la belle performance du ténor belge, Pierre Derhet, l'émissaire juvénile du prince de Grenade, chanté avec une superbe rondeur et une belle projection. Enfin, la belle élocution, la dynamique et la présence du choeur, hommes et femmes, préparé par Martino Faggiani, sont à couper le souffle, contribuant grandement à l´éblouissante réussite de cette soirée.
Bozar 02/05 April 2019
https://www.lamonnaie.be/fr/program/838-robert-le-diable
Direction/ EVELINO PIDÒ
Maîtrise des choeurs/ MARTINO FAGGIANI
Assistant musical/ JONATHAN SANTAGADA
ROBERT/ DMITRY KORCHAK
Bertram/ NICOLAS COURJAL
Raimbaut/ JULIEN DRAN
Alberti / Prêtre/ PATRICK BOLLEIRE
Isabelle/ LISETTE OROPESA
Alice/ YOLANDA AUYANET
Héraut / Maître de cérémonie/ PIERRE DERHET (MM Academy Laureate)
Dame d’honneur/ ANNELIES KERSTENS
Chevaliers/ MARC COULON, ALEJANDRO FONTÉ, DAMIEN PARMENTIER, RICHARD MOORE
Joueur/ GERARD LAVALLE
La Monnaie Symphony Orchestra and Chorus
MM Academy / Benoît Giaux
Production/ DE MUNT / LA MONNAIE
Co-presentation/ BOZAR MUSIC
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