Le sujet ne vieillit pas. Créée le 17 septembre 1980 au théâtre Antoine, Potiche, une comédie sociale hilarante en deux actes de Pierre Barillet et Jean-Pierre Gredy mettait en scène Jacqueline Maillan puis Danielle Darrieux dans le rôle de Suzanne et Anne-Marie Carrière pour la tournée de 1982. La pièce fut diffusée dans la célèbre émission Au théâtre ce soir en 1983, avec sa distribution originale. Ensuite vint le film en 2010, entièrement tourné en Belgique, réalisé par François Ozon (réalisateur entres autres de Sous le sable, Swimming Pool, 8 femmes) avec Catherine Deneuve dans le rôle principal, Gérard Depardieu, Maurice Babin, le député-maire communiste, et Fabrice Luchini, Robert Pujol, le mari de Suzanne et directeur despotique de l'usine de parapluies, reçue dans la corbeille de mariage.
L'histoire commence à la mi-août 1977 dans une ville du « Norrr ». La maison cossue et lumineuse où habite la famille est décorée de notes orange appuyées. Les costumes et les coiffures - de Bardot à Fabiola - sont … paléolythiques. Le texte qui ne lésine pas sur les anachronismes politiques (Casse-toi, pauv' con !), est délirant. Robert Pujol est un mari autoritaire et impossible, un patron cynique et tyrannique, un père absent, un être hurleur, méprisant et désagréable. Admirable interprétation de Bruno Georis qui perd son sang-froid et dont on avait savouré le jeu particulièrement tonique et pince-sans-rire dans L’invité, Crime et châtiment, Vampires…à la Comédie Claude Volter et au théâtre du Parc.
C’est une Marie-Paule Kumps rayonnante et splendide d'ironie qui joue Suzanne, la fille Michonneau devenue Madame Pujol. Une femme d’intérieur exemplaire, très décorative, mère aimante et jeune grand-mère qui survit grâce à la culture de ses quelques jardins secrets. Elle est nantie d’un fils adorable (William Clobus) - look John Lennon - qui fait tout pour ne pas ressembler à son père, il a choisi des études de langues orientales à Paris, question de s’éloigner du climat volcanique de la famille! Craquant au possible! Joëlle, la fille (Marie Braam) est une superbe Poupée Barbie Blonde au rire totalement agaçant et ridicule et le portrait de son père! Le monde va basculer le jour de l’anniversaire de la belle dame (Marie-Paule Kumps) que le de mari a bien sûr oublié, tout à ses frasques avec sa sulfureuse secrétaire Nadège (Cécile Florin) et ses interminables réunions de travail qui durent jusque 4 h du mat’.
La rogne ressentie par les ouvriers exploités de l’usine va mettre le feu aux poudres et mettre sens dessus dessous l’équilibre domestique. Ils séquestrent le détestable patron qui fait la sourde oreille à leurs revendications, et c’est Suzanne qui reprend la main, aidée par le député-maire, ennemi juré de Robert Pujol. Renversement : le monde d’avant explose dans une drôlerie irrésistible. On assiste à la transformation magistrale de presque tous les protagonistes, mais c’est Suzanne qui mène désormais le jeu : « Potiche, oui, mais pas cruche! » La pimpante Marie-Paul Kumps campe un personnage éblouissant qui fait flèche de tout bois. Et on assiste à la naissance d’une vraie amazone au deuxième acte. Son changement de personnalité se retrouve à tous les coins du décor : joli jeu de piste pour le spectateur, s’il arrive à se détacher des dialogues explosifs. Ayant pratiqué la révolution domestique, en femme accomplie des années 2020, la belle Suzanne est prête au défi: après avoir relevé l’usine paternelle, si elle s’attaquait à l’économie française et pourquoi pas, à celle de l’Europe actuelle ? The sky is the limit !
La mise en scène soignée, pétillante d’inventivité de Nathalie Uffner ne faiblit pas, elle souligne l'intelligence des dialogues et le jeu parfait des acteurs qui s’en donnent à cœur joie! Le vase de cristal a remplacé la potiche et l’image de la fille dépasse celle du père. La galerie de portraits est cousue d’ironie, le rythme est frénétique. La pièce n’exclut pas quelques notes romantiques, ni quelques savoureux quiproquos d’identité. On vous promet une soirée de délires!
POTICHE jusqu'au 15 mai, infos et réservations:
Théâtre des Galeries www.trg.be 02 / 512 04 07
Commentaires
Marie-Paule Kumps, brillante en Potiche dans une mise scène tonique et colorée de Nathalie Uffner.
Un classique du boulevard écrit par les champions du genre – Pierre Barillet et Jean-Pierre Gredy qui font du Desperate Housewives avant Desperate Housewives – créé par Jacqueline Maillan, autant dire la patronne du théâtre parisien des années 60-70. La pièce a été réanimée au cinéma par un François Ozon très inspiré d’avoir confié le rôle de Maillan à Catherine Deneuve qui n’est jamais aussi drôle que lorsqu’on la sort de son concept originel (star froide à texte.) Revoici Potiche dans une version Théâtre des Galeries avec une Marie-Paule Kumps idéale, dirigée par une Nathalie Uffner qui manie à la perfection les codes du boulevard tout en repulpant la mécanique du rire et offrant une visibilité aux personnages secondaires, dans le fond, très peu présents dans la pièce.
L’histoire est celle de Suzanne Pujol, grande bourgeoise, héritière d’une usine de parapluies dirigée par son mari, le très à droite Robert Pujol. Confronté à une grève, surmené et malmené par son cœur, l’odieux patron coureur de jupon (il a une liaison avec sa secrétaire – bien sûr) est obligé de céder son poste de direction à son épouse qui découvre les joies du management affectif et, en passant, la lutte des classes à laquelle elle n’est pas tout à fait insensible… À la prise de pouvoir de Suzanne, prétexte à quelques sorties sur le féminisme, s’ajoutent les révélations sur la paternité des enfants du couple Pujol, autre thème (avec celui de l’infidélité) qu’on trouve dans l’ADN de la comédie de boulevard.
Malgré quelques accents vieillots dans le texte qui contient pourtant des punchlines de fou, l’ensemble reste d’une étonnante fraîcheur, véhicule un propos vaguement réactionnaire mais toujours d’actualité (genre "C’est donc cela un ouvrier? C’est sympa."). Impeccables, Marie-Paule Kumps et ses partenaires ont suivi à la lettre les indications de Nathalie Uffner qui sait mieux que quiconque que le rire est une affaire de timing, de rythme et de crescendo. Plus on avance dans ce Potiche, plus on s’amuse, plus on rit et plus on en redemande.
> POTICHE. Jusqu’au 15/5. Théâtre des Galeries, Bruxelles. 02/512.04.07. www.trg.be
http://www.moustique.be/15859/mieux-que-le-pietonnier-le-boulevard#
Marie-Paule Kumps est magistrale en Madame Pujol, une femme d’intérieur exemplaire, très branchée décoration.
Houspillée par son mari, méprisée par ses enfants, surjouant la fée du logis comblée, auteur de poèmes niais, Suzanne qui règne à peine sur son intérieur, est une potiche. Irascible et butor, son Robert d’époux en oublie jusqu’à son anniversaire, trop occupé qu’il est par Nadège, sa pulpeuse secrétaire, laquelle se donne "corps et âme" pour l’usine de parapluies dont son amant a hérité…. de par son mariage.
Mais voilà que suite à une énième altercation avec les syndicats, le patron, aussi tyrannique dans l’entreprise qu’à la maison, se retrouve séquestré, puis victime d’un malaise, et finalement contraint de passer la main. Il désigne par peur du coup de force, sa potiche de moitié, chargée de négocier avec le député-maire communiste Maurice Babin la reprise du travail. Et Suzanne de se révéler moins… godiche, et encore moins sainte-nitouche.
Dans un décor seventies, juste kitsch comme il sied, qui évoque le film tiré de la pièce par François Ozon, Nathalie Uffner insuffle un supplément de rythme à cette pièce de boulevard, donc drôle, mais qui raconte à sa manière l’émancipation féminine au tournant des années septante. Accompagnés du générique d’Aujourd’hui Madame qui scande les différents actes, les six comédiens s’en donnent à cœur joie dans une mise en scène qui, à quelques rares moments, en fait un peu trop, mais respecte le ton vaudevillesque de l’œuvre de Barillet et Grédy.
Elle s’appuie sur une remarquable brochette de comédiens: William Clobus qui interprète Laurent, fiston baba binoclard cheveux longs, est parfait avec ses airs de Grand Duduche; Marie Braam est Joëlle, fille à papa de droite étriquée, coiffure Lady Di et rire asthmatique désopilant; Bernard Sens campe un élu communiste à chandail et veston de velours côtelé élimé, aussi lourd que touchant; Cécile Florin est une très convaincante et plastique secrétaire vamp à mise en plis choucroute; Bruno Georis, impeccable, ne cherche pas trop à la jouer Luchini dans sa personnification du mari vitupérant contre sa femme et vociférant contre l’humanité entière.
Enfin, dominant cette famille d’acteurs bien typés dans leur rôle, Marie-Paul Kumps est une royale potiche, condensé de Jacqueline Maillan et Christiane Lenain; mais son ton ingénu et sa panoplie de mimiques et grimaces n’appartiennent qu’à elle. La comédienne avec son improbable coiffure macaron de jeune Reine Fabiola, s’approprie le rôle créé pour la Maillan. Et plutôt que s’abriter sous le parapluie référentiel le referme, s’expose… bref, s’en tire sans… "pépin".
"Oratori vix l" | De Barillet et Grédy, mise en scène de Nathalie Uffner, avec Marie-Paule Kumps, Bernard Sens, Bruno Georis, Cécile Florin, Marie Braam et William Clobus. Jusqu’au 15 mai au Théâtre Royal des Galeries à Bruxelles, 02 512 04 07, www.trg.be.
Quand la parole est aux poissons!
Tout est parti d’une boutade. En s’installant à la mairie de Paris en 1977 avec son mari, Bernadette Chirac se serait exclamé : « Qu’on ne compte pas sur moi pour jouer le rôle d'une potiche ! » De ce cri du cœur, ironique avec le recul, Barillet et Grédy ont composé en 1980 une comédie, Potiche, immortalisée par Jacqueline Maillan, dépoussiérée par Catherine Deneuve dans le film d’Ozon et aujourd’hui revitalisée par Marie-Paule Kumps.
Pas facile de passer après pareilles personnalités. Pourtant, la comédienne belge imprime résolument sa marque, burlesque, presque Louis De Funèsque, dans cette comédie efficace, volontiers rétro, dont les ressorts féministes restent hélas actuels.
Marie-Paule Kumps se donne sans compter, véritable diablesse du comique de boulevard, pile survoltée en potiche pas si cruche que ça. Même dans la première partie, en épouse docile d’un mari autoritaire, en dinde consentante d’une vie « décorative » à tailler ses rosiers, présider des soirées de charité et composer des poèmes dans l’ombre d’un homme irascible, la comédienne prend une place gourmande. Même en ingénue soumise, elle dépote.
C’est dire si elle irradie quand sa Suzanne Pujol éclot en femme d’affaires étonnamment efficace. Alors que son mari, patron intraitable d’une usine de parapluies, pique une crise de nerfs face aux revendications de ses ouvriers, Suzanne Pujol se voit confier la gestion de l’entreprise.
Après de cocasses maladresses – elle se pare notamment de ses plus beaux bijoux pour aller négocier avec les travailleurs : « C’est pour les honorer. Après tout, sans eux, je ne les aurais pas ces bijoux ! » –, elle redresse la barre avec des méthodes inhabituelles. Des imbroglios familiaux et amoureux, notamment les révélations de son flirt de jeunesse avec le député-maire communiste, finissent de tailler un spectacle divertissant, mené tambour battant par la mise en scène de Nathalie Uffner.
Le décor et les costumes des années 70 vivifient encore cette satire de la bourgeoisie, mâtinée d’ironie sur la lutte des classes. Bruno Georis est parfait de veulerie en patron sans scrupule face à Bernard Sens, maire coco comme on n’en fait plus.
La pièce revendique son côté vintage. La distance aiguise d’autant plus notre regard sur la société d’aujourd’hui, sur l’émancipation de la femme, certes en progrès, mais qui compte encore trop peu de Suzanne Pujol à la tête des entreprises.
CATHERINE MAKEREEL
Femme au foyer. Le CV de Suzanne Pujol (Marie-Paule Kumps) pourrait tenir en trois mots. Après, on pourrait ajouter qu’elle est aussi l’épouse de M. Pujol auquel elle a confié la gestion de l’usine parapluie héritée de papa. Mais cela ne changerait pas grand-chose au portrait que l’on peut dresser d’emblée de cette mère de famille exemplaire même si son mufle de mari n’a pas plus d’égard pour elle que pour les 300 ouvriers de l’usine qui d’ailleurs sont sur le point de partir en grève. "Je suis heureuse car je l’ai décidé une fois pour toutes , explique-t-elle. Je suis là dans un coin, je fais partie du décor. En fait, je ne sers à rien. Je suis une potiche" , confie-t-elle malgré tout à son Pujol de mari qui n’en a que pour les "cocos" qui menacent de débrayer aux cris de : "Pujol ras-le-bol."
Soudain, le destin frappe à la porte. Pujol pique une crise qui le conduit en droite ligne à l’hôpital. Et voilà que la "Potiche" se retrouve dans le fauteuil de PDG de son exécrable mari avec la mission d’amadouer les syndicats et de relancer l’usine. Et, contre toute attente, Suzanne quitte son déguisement de Fabiola pour entrer dans la peau d’une femme d’affaires calculatrice et redoutablement efficace.
Evidemment tout cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique et la métamorphose donne lieu à quelques épisodes cocasses :"J’ai mis tous mes bijoux pour honorer les travailleurs car sans eux, je ne les aurais pas…" Ou encore : "Ils veulent un treizième mois ? Mais encore faudrait-il qu’il y en ait un au calendrier !" La suite sur scène…
Incitation au délire
Pas facile de se glisser dans la peau d’un personnage immortalisé par Jacqueline Maillan. Mais, malgré un démarrage en mode mineur, Marie-Paule Kumps finit par relever le défi et à convaincre un public qui est incapable de résister aux répliques concoctées par Barillet et Gredy, les maîtres du genre. Sans compter que la "Potiche", est fort bien entourée par des rôles moins secondaires qu’il y paraît, tant ils permettent d’équilibrer les échanges et d’éviter de transformer ce vaudeville en "one woman show". En ce sens, la mise en scène de Nathalie Uffner, avec cette incitation au délire qui force à surjouer juste ce qu’il faut, vient apporter une note de modernité à ce spectacle sexagénaire qui fait encore toujours éclater la Potiche… En éclats de rires.
Bruxelles, Galeries, jusqu’au 15 mai, à 20h15 (les dimanches et le samedi 30 avril à 15 heures). Durée : 2h30, entracte compris. De 10 à 25 €. Infos & rés. : 02.512.04.07, www.trg.be