Opéra de Liège: La Gazzetta de Rossini,
Jan Schultsz, direction musicale
Stefano Mazzonis di Pralafera, mise en scène
Cinzia Forte, Enrico Marabelli, Laurent Kubla, Edgardo Rocha, Julie Bailly …
Pour clôturer la saison 2013-2014 dans la bonne humeur et saluer le début de l’été et ses festivals, cinq petits jours de très belle représentation lyrique. Rien de mieux que de se rendre dans la Cité Ardente au magnifique Opéra de Liège et applaudir un conte d’été, une farce désopilante de Rossini, ayant pour titre « La Gazzetta », une oeuvre méconnue dont on vient de retrouver en 2012 à Palerme le quintet manquant. Vous entendrez donc de surcroît, une première mondiale ! Cette œuvre allie la pétillance et la drôlerie de l’opéra bouffe et un propos nettement satyrique. En effet le directeur de l’Opéra royal de Wallonie, Stefano Mazzonis di Pralafera est soucieux de redécouvertes et d’inédits qu’il inscrit au programme de sa saison lyrique.
Un Don Pomponio très pittoresque (Enrico Marabelli*) et Anselmo (Jacques Catalayud) sont descendus dans une auberge parisienne avec leurs deux filles, Lisetta (Cinzia Forte) et l’exquise Doralice (Julie Bailly). Pomponio passe une annonce dans une gazette pour marier Lisetta avec un parti bien nanti, mais la coquine entretient déjà une idylle avec l’aubergiste Filippo (le baryton Laurent Kubla). De son côté, Doralice est courtisée par le beau Traversen (Roger Joachim*), mais préfère convoler avec Alberto ( le ténor Edgardo Rocha) très doué en lamentations et qui parcourt le monde à la recherche de l’épouse idéale, « une Mademoiselle ».
Midsummer Night’s Dream à l’italienne: une avalanche de quiproquos très déconcertants jouant sur l’échange d’identités affole Pomponio, le pauvre père qui se rendre compte qu’il n’est même plus capable de reconnaître sa propre fille déguisée dans une habile scène de turqueries. Confondu et vaincu, il se rendra finalement aux arguments de la belle la laissera épouser qui elle veut.
Les deux jeunes filles pleines d’esprit, de bagou et de beauté ravageuse rivalisent d’astuces pour détourner leurs pères de leurs desseins matrimoniaux et exploitent toutes leurs ressources expressives et vocales pour convaincre les récalcitrants. Les jeunes amants sont émouvants, romantiques et tendres comme on les rêve ! Belle fusion, sur scène de la musique du verbe, du chant et du geste. Le chef des chœurs est Seminara.
L’ORW nous offre un spectacle de qualité dont la badinerie amoureuse séduit mais aussi le contenu satyrique à propos des mariages arrangés ou des nouveaux modes de rencontres matrimoniales en vigueur à notre époque sur internet. Un décor entre balai de paille et smartphone dernier cri. Mais un décor peut en cacher un autre, derrière la façade d'époque de l'hôtel L'Aquila, se cache un décor résolument 20è siècle où défilent même des images de la CNN en continu! La surprise surréaliste – les décors sont de Jean-Guy Lecat – c’est de relier La Gazzetta aux médias actuels qui en prennent pour leur grade avec légèreté et comique délectables. Sur scène une troupe bigarrée d’artistes et des solistes au mieux de leur voix. Chaque costume est une œuvre d’art. Ils sont signés Fernand Ruiz. On hésite entre le carnaval de Venise et les super héros des années 80 ou qui sait, l’imaginaire de Lewis Caroll !
A tout prendre, rien que Cinzia Forte vaut le déplacement, Elle a des airs de Madona et une voix enchanteresse qui domine les chœurs avec grande fraîcheur. Suave plaisir des yeux et des oreilles. Imaginez une blonde ultra-sexy, moulée dans une robe rouge et talons aiguilles assortis, affublée d’une valise Barbie… qui débarque en touriste à Paris au début du siècle (lequel ?) …et qui chante son bonheur à gorge déployée ! On est remué par son duo d’amour dans les ascenseurs avec Laurent Kubla. Un marivaudage très étudié et saisissant de vérité. Je t’aime… moi non plus, façon 19/21ème, chacun dans sa bulle avec un point de rencontre très touchant. Amis de l'opéra, vous retrouverez Laurent Kubla** lors du festival Opéra en plein air cet été dans La Bohême dans une distribution talentueuse avec Albert-André Lheureux pour la mise en scène et Elvis Pompilio aux costumes.
Et qu’on se le dise, La Gazzetta, cette nouvelle production chatoyante de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège durera un peu plus que ce que durent les roses puisque vous pourrez regarder et écouter la dernière retransmission en direct de la saison sur le web dès le 26 juin à 20h sur le site de l’Opéra royal de Wallonie ORW à Liège.
* que l’on aura l’immense plaisir de retrouver la saison prochaine dans le spectacle d’ouverture de la saison « La Cenerentola »
** dernièrement à l’OPRLW dans « La grande Duchesse de Gerolstein »
Et Laurent Kubla ? Cet été, au Palais des Princes-Evêques à Liège ou aux Châteaux de Bois-Seigneur-Isaac et Ooidonk ! ici : http://www.070.be/opera/Jury/laurent-kubla-marcello/
Opéra de Liège: La Gazzetta de Rossini, Direct live le 26 juin 2014
Commentaires
Moment d'émotion et de joie pour toute la troupe après cette dernière représentation de la Gazzetta à Tel Aviv... une aventure artistique et humaine hors du commun! Merci à l'Israeli Opera pour cette invitation exceptionnelle et au public pour son accueil chaleureux! Tel Aviv 2017 האופרה הישראלית
L'équipe de Musiq'3 sélectionne pour vous - chaque samedi à 20h - ce que le monde de lyrique offre de meilleur. Rendez-vous au Metropolitan, à La Scala, à l'Opéra de Paris, au Wiener Staatsoper, au Royal Opera House mais aussi dans nos trois opéras nationaux pour une grande soirée lyrique. Interviews et analyses enluminent l'entracte.
Au programme ce samedi 12 juillet 2014 20:00
"La Gazzetta" de Rossini depuis Liège
La gazzetta, ossia Il matrimonio per concorso (La gazette ou le mariage aux enchères) est un opéra bouffe en deux actes de Gioachino Rossini. Le livret est de Giuseppe Palomba et Andrea Leone Tottola d'après la pièce de Carlo Goldoni, Il matrimonio per concorso 1763.
Direction musicale : Jan SCHULTSZ
Chef des chœurs : Marcel SEMINARA
Orchestre & Chœurs : Opéra Royal de Wallonie-Liège
Lisetta : Cinzia FORTE
Don Pomponio : Enrico MARABELLI
Filippo : Laurent KUBLA
Alberto : Edgardo ROCHA
Doralice : Julie BAILLY
Madama La Rose : Monica MINARELLI
Anselmo : Jacques CALATAYUD
Monsù Traversen : Roger JOAKIM
Production et présentation : Camille DE RIJCK
http://www.rtbf.be/musiq3/emissions_opera?emissionId=2011&date=...
Un grand regret : ne plus pouvoir aller à l'opéra ..... que j'adore toujours.
Merci à vous Deashelle de nous en donner quelques échos.
Un beau point final à la saison de Liège
Le 25 juin 2014 par Bruno PeetersLaurent Kubla, Lilo Farrauto, Enrico Marabelli et Edgardo Rocha sont Filippo, Tommasino, Don Pomponio et Alberto
La Gazzetta de Rossini
Succédant immédiatement au Barbier de Séville (1816), cette Gazzetta ne connut jamais le succès, malgré un sujet ingénieux tiré de Goldoni. A Paris, Don Pomponio, riche commerçant napolitain, veut marier sa fille Lisetta par annonce dans les journaux. Or celle-ci est amoureuse de l’hôtelier Filippo. Un second couple d’amants, un autre père pas trop malin, un vieux beau, des touristes, et même quelques filles légères : tout ce petit monde pimente une action pleine de vivacité, et on ne s’ennuie pas une seconde.
Laquelle des deux?
Un Don Pomponio très pittoresque (Enrico Marabelli*)
l’exquise Doralice (Julie Bailly)
L’œuvre a beau s’appeler dramma giocoso (comme Don Giovanni), c’est bel et bien un opera buffa qu’a ressuscité l’ORW dans la nouvelle révision de Philip Gossett et Fabrizio Scipioni. Rien à voir avec la partition tronquée qu’on avait pu savourer autrefois à Pesaro: l’œuvre est aujourd’hui musicalement complète et, comme telle, tient la route avec une inaltérable santé. Le genre se situe idéalement entre Il Barbiere di Siviglia et La Cenerentola, les deux opéras qui l’encadrent. Mais l’esprit est celui de la farsa, ces désopilants opéras-bouffes où éclate la verve gouleyante de Rossini.
Une avalanche de chassés-croisés incessants que facilitent encore les coins et recoins de la réception et de la devanture d’hôtel qui sert de décors, une écriture virtuose, particulièrement fêtée par les vocalises des voix aiguës, une vélocité enthousiaste dans les voix basses, un orchestre trépidant et incisif (un peu lourd par moments, sous la baguette du chef hollandais Jan Schultsz qui préfère parfois l’effet grossi au rebond irrésistible).
Mais cela bouge, avance, crie et menace, implore ou agresse (un désopilant duel aux canons) dans une bonne humeur revigorante. On s’éloigne sans doute un peu de la satire bourgeoise et de la comédie de mœurs voulue originellement par Goldoni, mais l’ivresse est bien là, et à profusion.
On sait que Stefano Mazzonis di Palafrera n’a pas toujours la main légère dans ses spectacles comiques, mais ici, son sens du grotesque, de l’effet un peu appuyé s’intègre dans un mouvement d’horlogerie digne de Feydeau qui, lui aussi, aimait situer ses comédies dans les hôtels! Fernand Ruiz, le directeur de l’atelier des costumes, s’en donne à cœur joie dans une panoplie de costumes luxuriants, véritable satire du luxe tapageur des nouveaux riches. Il y a beaucoup de monde dans ce hall d’hôtel: des touristes en goguette, y compris l’envahissant photographe amateur et les filles prêtes à piller les magasins, les épouses qui s’ennuient devenues entremetteuses, des serviteurs zélés mais intéressés et de petites femmes venues draguer le chaland.
Tout ce petit monde se débat et s’ébat dans un véritable tourbillon emmené par l’irrésistible vitalité de la musique de Rossini. C’est que la mise en scène a tenu à typer très spécifiquement chacun des choristes, qui s’intègrent comme de vrais personnages à l’action. Avait-on alors besoin des pitreries d’un rôle muet (le Tommasino de Lilo Farrauto), le domestique vil et grotesque de Don Procopio? Côté homme, on apprécie l’engagement du Filippo de Laurent Kubla (même si certains graves sonnent un peu creux), la finesse racée d’Edgardo Rocha (son Alberto sera la révélation de la soirée), l’entregent dynamique du Don Pomponio d’Enrico Marabelli, un des rares habitués du rôle. Cinzia Forte est une Lisette espiègle et véloce, Julie Bailly une Doralice tendre et aimante.
Comme tel, le spectacle fonctionne comme une implacable mécanique à faire rire et il y arrive avec une belle force de percussion. Le trait est parfois grossi, mais l’effet est certain. Une soirée de sain divertissement, ciselée par la force comique d’un désopilant Rossini.
SERGE MARTIN