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tragédie (37)

administrateur théâtres

12272782485?profile=originalBritannicus

de Jean Racine
Mise en scène : Tatiana Stepantchenko

 

 

« Ce spectacle plonge dans l’incandescence des âmes, dans l’antre de l’alchimiste Racine où se transmuent non seulement les âmes mais aussi le monde. » La Voix du Nord

 

Gouvernée avec sagesse par Néron, Rome est au sommet de sa puissance et de sa domination sur le monde. Un parfum de complot avait pourtant entouré l’accession au pouvoir du jeune fils d’Agrippine. Seconde épouse de l’empereur Claude et soupçonnée de l’empoisonnement de ce dernier, Agrippine avait habilement obtenu du Sénat qu’il installe Néron à la tête de l’Empire, le préférant ainsi à Britannicus descendant dynastique légitime. L’emprise d’une mère sur son fils, les manigances, tractations et autres secrets d’alcôves, lui permettaient depuis de gouverner l’Empire en sous-main. Quand Néron, depuis toujours piqué de jalousie envers Britannicus, décide soudain de faire enlever Junie la compagne de ce dernier, Agrippine redoute que la Pax Romana dont elle tire avantage n’explose simplement. Lorsqu’elle se présente au palais pour raisonner Néron, celui-ci refuse de la voir. La fébrilité et la panique gagnent Agrippine qui tente désespérément de reprendre le contrôle de la situation, tandis que Néron sombre inéluctablement dans une folie qui mettra bientôt Rome à feu et à sang…12272782660?profile=original

 Personne ne veut plus de l’aspect emprunté des alexandrins. Il n’est pas moins vrai que la langue de Racine peut, une troupe théâtrale d’exception aidant, ravir l’oreille et le cœur, absolument. C’est ce pari que Tatiana Stepantchenko, metteur en scène russe,  gagne haut la main lors de la représentation de Britannicus sur la scène de Jean Vilar à Louvain-la-Neuve. Un chef d’œuvre d’expressivité et de jeu théâtral. A part de savants jeux de clair-obscur, à part les subtils changements de teintes du voile de l’histoire, immense et brillant mais  aux trompeuses transparences,   le décor est le noir profond et insondable  de l’histoire et de la nature humaine. Y apparaissent, sculpturales, les empreintes de personnages de la Rome éternelle, lieu emblématique de pouvoir, d’orgueil démesuré,  de trahisons et machinations perverses,  où sont synonymes passion amoureuse et passion politique ou militaire.  Chaque stance est un tableau en soi. Il se compose de gestes et de poses très étudiées où les mains sont le prolongement des mouvements de l’âme et du subconscient, où le corps s’exprime comme un danseur pour être contemplé dans sa vérité, où la langue virevolte dans des profils audacieux. Dans sa note d’intention, Tatiana Stepantchenko  explique que le vers racinien dégage une formidable énergie,  ardente, vibrante, d’une fascinante sonorité. Au détour de chaque syllabe, de chaque son, qui produit de véritables arcs électriques entre les personnages, se produit une musique verbale. Mais la vraie musique racinienne plonge au-delà, vers ces vibrations harmoniques inaudibles, ces silences, ces bruissements, puis ces hoquets telluriques des âmes en perdition.

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Un triangle magique s’est installé : celui de trois époques confondues en un point, le point  magique du théâtre, qui réunit l’antique, le classique et le contemporain avec une perfection admirable. La fresque des sentiments est bouillonnante : la jalousie, la trahison, la tentation incestueuse, le déséquilibre des équations triangulaires…La langue est sublime, les moindres nuances de  sentiments sont rendues à la perfection.  Et pour qui saura entendre, la critique politique de l’époque de Louis XIV est bien présente, « le sous-texte » comme l’appellera Anton Tchékhov, trois siècles plus tard.

 Le spectateur vit un moment inoubliable devant ce talent d’outre-siècles déployé par des comédiens envoûtés par le texte. Le spectateur en vient à se suspendre lui aussi à cette vague artistique qui déferle sur la scène  et à se laisser porter avec volupté verbale et chorégraphique sur la  crête de l’excellence théâtrale. On a envie de ne rien ajouter, ni de rien retirer. Equilibre parfait.  

 

Britannicus de Racine, mise en scène Tatiana Stepantchenko, scénographie et costumes Marina Filatova, lumières Laurent Deconte. Avec Claire Mirande, Jacques Allaire, Mathias Maréchal, Magaly Godenaire, Damien Remy, Laurent Letellier, Catherine Mongodin .

 

Une production Compagnie Or. Azur, aidée par la Ministère de la Culture (DRAC Nord/Pas-de-Calais)

et par la Région Nord/Pas-de-Calais / Coproduction Le Phénix-Scène Nationale de Valenciennes.

Coréalisation série parisienne : Théâtre de l’Atalante.

 

Dates : du 17 au 20 janvier 2012

Lieu : Théâtre Jean Vilar

Durée du spectacle : 2 h 15 sans entracte

http://www.atjv.be/

http://www.webthea.com/?Britannicus-de-Racine

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Le roi Lear théâtre Royal du Parc

12272775893?profile=originalAu théâtre Royal du Parc, du 19 janvier au 18 février 2012

Le roi Lear

de William SHAEKESPEARE

 

 Magnifique spectacle. La conception scénique de la pièce donne assurément  libre cours à toutes les interprétations. Ce décor unique, vide et mouvant,  fait d’immenses cordages d’un rouge dérangeant,  forme  une cage en entonnoir ouverte sur le public. Représente-t-il le terrible enfermement des liens familiaux, pareils aux barreaux d’une prison qui vous suivrait partout et  vous  étrangle, à force? Le plan incliné  est-il celui d’un  pont de navire, ou d’une tragédie familiale,  qui sombre  peu à peu, corps et biens ? N’évoque-t-il pas aussi la brutalité des conflits de filiation qui, comme la vie, ne tient souvent qu’à un fil …  Parlant de cordes, l’ensemble ne met-il pas en scène aussi  la  hantise du gibet omniprésent,  mode d’exécution sanguinaire  de l’époque, en donnant  couleur même aux costumes, faits de sable et  de sang caillé ? A moins que très prosaïquement, on soit sur un podium pour le combat sans merci que se livrent les filles aînées du roi, hystériques  et  déchaînées par leur cupidité et leur orgueil. Je pencherais personnellement pour l’horreur  du «  Pit and Pendulum » d’Edgar Poe.                                    

 

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 Si le roi Lear me fait  décidément trop penser à l’élégant instrument de musique, plutôt qu’au roi celte Leir qui dans sa folie sénile et  tyrannique déshérita sa fille préférée  Cordélia,  voici, mises à nu, les cordes sensibles d’un roi Lyre sur lesquelles soufflent la hantise de l’odieuse vieillesse et la folie avérée. Malgré son bannissement ignominieux, Cordélia pense juste et parle droit : « Venez accorder les dissonances de mon père aimé ! » Ainsi le « King Lear » de  ce soir est un personnage menu, étonnant d’inconscience, de brutalité  au début, transformé ensuite  par les circonstances  en sorte de Diogène hagard dont l’humanité finit par émerger au travers de terribles souffrances.   

 

Si rien que la scénographie met  déjà le spectateur en phase avec l’imaginaire, que dire de la langue d’une richesse inouïe qui a su traduire à merveille le texte original anglo-saxon. Que dire de l’intrigue  aussi perfidement dangereuse qu’ un mortel labyrinthe. Que dire de ces personnages épiques,  admirablement défendus par 11 comédiens gonflés de maîtrise.  Alors le délicat clavecin à qui on demande d’accompagner la tempête fantastique et qui joue sans frémir,  de la musique de Scarlatti semble être un objet incongru, surréaliste même. 

 

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« Par ruse, si pas par droit du sang, j’aurai des terres ! » prophétise Edmond : la double intrigue shakespearienne ne fait qu’augmenter l’horreur des crimes parricides et fratricides tandis que l’humour noir est omniprésent. Les scènes baroques et drolatiques abondent sur la langue du fou de miel et du fou de fiel tandis que surgissent çà et là des jugements bien pesés  sur le monde.   Ce spectacle très prolixe est donc une réalisation extra…ordinaire, comme les histoires d’Edgar Poe, qui tient le spectateur dans ses griffes jusqu’à la fin. Sur scène rampe à la fin, parmi les corps inanimés,  le  cauchemar épouvantablement  intemporel des tragédies familiales et de l’aventure humaine si dérisoire. Toujours nous rendrons «  responsables de nos désastres, le soleil, la lune et les astres ! »

 

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Mise en scène : Lorent WANSON.

Assistanat : Anne FESTRAETS.

Décor : Daniel LESAGE.

Costumes : Patricia EGGERICKX.

Lumières : Xavier LAUWERS.

Musique : Domenico SCARLATTI, interprétée en direct au clavecin par Fabian FIORINI.

Avec:
Jean-Marie PÉTINIOT  (Lear )
Delphine BIBET  (Goneril )
Philippe JEUSETTE  (Kent)
Sylvie LANDUYT  (Regane )
Julien ROY  (Gloucester )
Benoît VAN DORSLAER  (Albany et le Fou)
Yvain JUILLARD  (Edgar )
Lindsay GINEPRI  (Cordelia)
Benoît RANDAXHE  (Edmond )
Guillaume KERBUSCH  (Oswald )
Loïg KERVAHUT  (Cornouailles)

Traduction de Françoise MORVAN, avec la collaboration d'André MARKOWICZ

http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2011_2012_00

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« Diotime et les lions » d’après Henry Bauchau

Du 8 au 26 novembre 2011 au Centre Culturel des Riches Claires

La Perse antique. Diotime, fille indomptable, conte  son histoire. A quatorze ans elle se  révolte contre sa condition de femme. Elle va transgresser la loi du clan car elle veut participer au rituel du combat contre les lions sacrés,  rituel  violent et meurtrier, interdit aux femmes. Mais il n’y a pas de plus grand honneur que d’y participer et elle perd  toute envie de vivre si elle n’accomplit pas ce qu’elle sent être sa  destinée.  Elle entretient depuis très petite une relation fusionnelle avec son grand-père Cambyse, qui a d’étranges liens avec l’ancêtre lion du clan. « Cambyse ne me parlait pas beaucoup mais, si des obstacles surgissaient durant nos chasses ou nos courses au galop, je le trouvais toujours à mes côtés. Si je me débrouillais seule, il me regardait avec un sourire amusé et content. Pour ce sourire j’étais prête à surmonter mes peurs et à braver tous les dangers. » « La tradition du clan ne le permet pas ! »  lui dit sa mère. Cambyse lui promettra : " Pour toi nous inventerons une nouvelle tradition ". Elle ne se sent pas faite pour la condition féminine traditionnelle qui occupe les femmes aux travaux domestiques et aux joies du jardinage.   Elle reste néanmoins très proche de sa sœur et de sa mère, et se résout à abandonner son projet car elle a compris que  cette  dernière exécutera  sa funeste menace de quitter le père, Kiros, si elle participe à cette  guerre mythique annuelle. Mais dévastées par son désir extravagant Diotime  se meurt et est prise d’accès de folie. La mère, mue par la sagesse  et l’amour de sa fille, donne son autorisation. « Puisque tu es lion, va à la fête rituelle ! » « Je t’aime comme tu es ! ».

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 Diotime tue son premier lion. En même temps elle tombe amoureuse d’un  Grec du clan adverse, Arsès, « un grec de Grèce, au sens affiné de la mesure ». Mais celui-ci, pour pouvoir épouser Diotime devra se plier aux usages barbares et  tuer lui aussi , un lion. Le sort tombe hélas sur  l’ancêtre lion, mystérieuse incarnation de Cambyse. Arsès , le grec, a compris le piège et refuse la violence. C’est un principe. Intrépide et barbare,  Diotime s’élance elle-même à la poursuite du lion mythique. Arsès la suit. Mais le temps n’est pas encore venu pour le sacrifice. « Assez de folie Diotime » clame Kiros, son père.

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 Les voilà envoyés chez le sage au buffle noir pour un  long parcours initiatique. Cambyse déclare à leur retour : « Je suis vieux maintenant, grâce à toi je n’y avais jamais pensé. » Il lui donne sa propre lance et ses flèches. Le sacrifice du lion est accompli par le couple et le lieu devient sacré. « Si des lions et des hommes s’y rencontrent, aucun n’attaque et nul ne fuit. »  Les forces antagonistes se réconcilient dans une sage harmonie et le cœur  indomptable de Diotime s’aperçoit qu’il ne désire plus rien. Sagesse Tao.  

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Un livre de 50 grammes qui fait le poids ! Surtout sur scène avec l’interprétation pleine de sensibilité, de jeunesse et de passion de Stéphanie Van Vyve de ce texte inépuisable et poétique d’Henry Bauchau. Elle fait le poids aussi dans sa chorégraphie avec le danseur aux yeux fixes et au visage immuablement léonin, Ozan Aksoyek. Le sable vole, les corps luttent, le temps que l'on médite, comme si un choeur silencieux commentait les événements.   Et pourtant, elle ne pèse rien ou presque! Depuis le début elle est habitée par une sauvagerie étrange, et le courage décuple ses forces et sa volonté. Volonté de femme en devenir, qui choisit bravement l’autre : ce grec antagoniste,  celui qui n’appartient pas à son clan, et pour qui elle est prête à tout sacrifier par amour. Car elle est femme. Stéphanie Van Vyve est toute harmonie et mobilité, et réussit un  équilibre émouvant de la parole et des gestes. Réconciliant lumière et ombre,  forces antagonistes elle atteint la paix d’esprit après ce long combat d’éclosion.

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Du 8 au 26 novembre 2011

Du mardi au samedi à 20h30
Excepté les mercredis, représentation à 19h00

 

 

 

 

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Au KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg)      Oedipus / Bêt Noir

 

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Voici une aventure scénique impressionnante que l’on rêve de partager. Le  metteur en scène Jan Decorte a relu Sophocle à sa façon. Par la danse, le chorégraphe, metteur en scène et  acteur Wim Vandekeybus s’élance dans l’interprétation  de ce texte dépouillé à l’extrême. Trois voies confluentes : le texte, la musique la danse. Une musique galactique sous la direction de Roland Van Campenhout  nous met presque sous hypnose et le langage expressif d’un ensemble de 16 danseurs acrobates fabuleux  nous  jettent éperdument dans l’histoire mythique et sur les pistes de l’imaginaire ou du subconscient. Mais dès le début, tout est déjà consommé.

A la confluence des trois chemins (Thèbes, Delphes, Corinthe) c’est l’embarquement dans le mystère du Destin, des malédictions, des questions mortifères du  Sphinx et des questions éternelles qui hantent Œdipe. Le parricide, l’infanticide et l’inceste. Œdipus : « “Ik ben e zwart beest van schult. »


La musique bouleversante et omniprésente,  la danse, les mouvements défiant les lois de la gravité, la vitesse, la mobilité extrême des acteurs et le texte épuré participent à une création hors du commun. Le résultat est absolument fascinant. Beauté, étrangeté, talent contribuent au  dépassement de tout ce qu’on a déjà vu. Le tempo est étourdissant. On est emmené dans les dédales infinis de l’imagination, on a sous les yeux l’intérieur d’un kaléidoscope géant dont les derniers miroirs se dérobent à l’infini. On est comme aspiré par l’énigme et par la puissance physique de la représentation.

Géante aussi et spectaculaire la représentation du Sphinx, sous les traits d’un astre céleste, soleil ou lune selon les éclairages. Ce disque d’escalade  immense et multicolore est  composé de pas moins de 20.000  rubans de la taille d’un habit humain, dans lequel grimpent, s’agrippent et se fondent les danseurs, faiblement accrochés sur ce cadran vertical, source de tous les dangers et de tous les effrois. 

Au sol  les danseurs aux pieds légers et aux pas de géants s’approprient l’immense espace glissant, et sont partout à la fois dans des rondes infernales. Danses marathoniennes plus que bacchanales. (Quoique…) Ce sont  des moulinets,  des culbutes et des sauts humoristiques de corps désarticulés, des carrousels vertigineux de corps  morts parfois, puis soudain revenus à la vie, cruelle, violente. Mais il y a quelque chose d’harmonieux de coulé, de souple dans toutes ces postures et ces jaillissements  plus qu’inimaginables. Les chants les plus beaux sont les plus désespérés.

Moyens bruts et efficaces. «Now the blood falls like rain !  » chante le musicien. C’est un des moments chocs : cette ballade du pendu et cette  chute de centaines  de chaussures qui tombent du ciel pour écraser Œdipe, jouet du Destin. Autre moment, presqu’insoutenable: les gémissements de  ce bébé de huit mois  en chaussettes rouges porté sur scène par sa propre mère, une des danseuses. Les pieds ou les chevilles de l’anti-héros tragique  ont été percés par Jocaste avant qu’il ne soit abandonné dans la montagne.  Et elle se percera le cœur avant qu’Oedipe ne se perce les yeux. Sont exposés à notre vue et à tous nos sens le percement de l’énigme et la mutilation volontaire des yeux pour se priver du bien le plus précieux, la lumière.  L’aveuglement et l’ignorance humaine. Les dieux resteront muets.  

 

http://www.kvs.be/index2.php?page=program&discipline=1&vs_id=604

 

 

 

du 15/09/2011 > 01/10/2011
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Langue de la manifestation: NL FR EN
Public: Tous
Où ? au KVS : 9 quai aux Pierres de Taille 1000 Bruxelles
Téléphone pour renseignements : 02 210 11 12
Site web : http://www.kvs.be
E-mail : info@kvs.be
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Lady Camilla (au théâtre des Galeries)

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La musique rock pour les battements du cœur et changements de scène, des comédiens lumineux pour l’histoire, où soufflent  le rêve… et l’horreur

 

Encore jusqu’au 6 mars, au théâtre des Galeries. La pièce « Lady Camilla » de Pascal Vrebos retrace avec brio  l’histoire très véridique qui se joue dans les  coulisses du  célèbre ménage à trois de Buckingham : le prince Charles, sa maîtresse envahissante, Camilla et sa jeune femme amoureuse, Diana.

 

Porteuse de bonnes et mauvaises nouvelles,  il y a l’oreille gourmande du  majordome, porteur de théières fumantes dans tous les coins du palais. Attentif à tout bruit qui court, il  note, photographie et enregistre, en vue d’un scoop planétaire qui le rendra multimillionnaire. Il rêve de s’acheter une île grecque et prendra  à son service, domestiques et majordome  à son tour! La reine, toujours de glace,  préfère  cyniquement ses chiens. La  jeune première, Diana,   éduquée par Barbara Cartland, déçue dès les premiers mois de la cour fort peu entreprenante que lui concède son prince, est vite effarouchée devant les principes obsolètes qu'on lui impose et devra revisiter sa mythologie amoureuse. Mais le rêve d’être princesse dépasse tous les scénarios de Barbara Cartland ! Elle ira même chasser s’il le faut ! Apprendra à se former au langage compassé et aux gestes stéréotypés d’une future reine. Le port du sac, c’est quelque chose ! Le prince, c’est autre chose : gauche, emprunté, raide,  coureur de jupons perfide, il passe sa vie à mentir royalement et à s’occuper des plantes  de son orangerie.  La future princesse deviendra vite l’idole du peuple. Et la chronique d’une mort annoncée de se profiler sur l’horizon bleu, rouge et banc du vaudeville royal.  L’atmosphère d’annus  horribilis est très bien rendue, l’humour  est grinçant à souhait, les morceaux d’angélisme public de lady D et ses colères homériques sont  absolument délicieux.

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 La plastique particulière des  très beaux tableaux vivants - les personnages qui posent dans tous les coins du plateau-  reste longtemps dans l’esprit, ce sont presque des scènes cinématographiques. Ce qui s’y dit est pure hypocrisie, ou pure violence. Et  l’ombre de Shakespeare n’arrête pas de chuchoter, « Hamlet, lady Macbeth, Ophélie … ».  Quelle persévérance dans les us et coutumes du royaume ! L’interprétation des rôles féminins est particulièrement croustillante, l’ineffable James est à croquer. Mais tout doit rentrer dans l’ordre, a dit la reine, et la mâchoire du piège se refermera pour faire place nette. La monarchie a quelque chose d’inébranlable, et d’indestructible en Grande-Bretagne ! Pas une minute d’ennui, lors de ce spectacle extrêmement rondement mené !

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Avec voir_comedien.gifStéphanie Van Vyve, Nicolas Buysse, voir_comedien.gifIngrid Heiderscheidt, Freddy Sicx et Louise Rocco. Mise en scène : Fabrice Gardin Décors : Anne Guilleray / Costumes : Françoise Van Thienen
Location : 02/ 512 04 07

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Cinq jours de théâtre sublime au théâtre du Grand Midi à Ixelles

Pour Tchékhov, il ne se passe rien ou à peu près rien dans sa vie d'écrivain, comme il ne se passe rien ou à peu près rien dans son théâtre. Mais ce rien a l’épaisseur de l’amour. Les tourments de la tuberculose qui l’étreint exaltent ses sentiments pour la jeune et ravissante actrice Olga Knipper.  Face à la médiocrité du monde, il découvre l’enchantement : « mes jeunes filles sont si artificielles dans mes œuvres ! » Il s’évade de sa piètre condition physique par le rêve et l’écriture, dans des lettres passionnées qu’ils s’échangeront pendant six ans.  Tournées théâtrales obligeant,  ils n’auront vécu ensemble que de rares et émouvantes semaines. Elle est sa mouette pendant que son  propre corps se consume sur les bords d’une rivière paisible à Yalta.  «  Sa présence, sa vitalité lui a serré la gorge »  quand il l’a vue jouer sa pièce à Moscou.

 

 Olga l’admire : « les gens mènent une vie plate, pas vous, vous avez une vie passionnante, lumineuse… ». Fiévreuse, en effet.  Loin de la ville brillante de Moscou, et des dangers de la tendresse, il stocke des phrases, telles l’odeur suave des étoiles, désespérant de jamais arriver à la hauteur de Tolstoï. Il est médecin et sait que ses jours sont comptés. Voletant dans des habits blancs, l’actrice lui déclare avec une grave simplicité : « Vous êtes grand et sublime, il y a votre mouette, un chef d’œuvre, notre triomphe ! » L’art sublime la vie, mais la liaison de Tchékhov avec le microbe est tenace.

 

 L’homme doit écrire pour libérer son cœur et son art. Loin d’Olga et comme elle, épris de liberté,  il compose ses dernières œuvres. « Maintenant je n’ai plus peur de la vie ! » Ils sont un couple «  d’oiseaux migrateurs que l’on aurait capturés et mis dans des cages séparées ». C’est tragique et romantique. Au cours de leurs échanges épistolaires poétiques et tendres, elle lui confie ses  doutes, ses souffrances, ses angoisses de scène, il lui confie ses angoisses de la page blanche. Mais il envie « le rat qui trottine sous les planches de votre théâtre ! » Tous deux savent que le quatrième acte est redoutable. Il est maintenant appuyé tendrement sur l’épaule d’Olga, le médecin impuissant lui donne du champagne. Il murmure « Ich sterbe » dans son dernier souffle. Olga continuera à lui écrire, c’est ainsi qu’elle l’a toujours senti « vivant ». Et il n’y a plus dans sa vie à elle, que le théâtre.

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Les deux comédiens , sensibles et émouvants, Fanny Jandrain et Frédéric Genovese jouent tout ceci, à ravir, mêlant admirablement  art de vivre et art théâtral.

  • du 1er au 5 mars 2011
  • 

http://www.xltheatredugrandmidi.be/

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administrateur théâtres

L'Etranger (théâtre du Grand Midi à Ixelles)

« L’Etranger » d’Albert Camus (1957)

En jargon moderne : UNE ŒUVRE QUI TUE! Ne fût-ce que par sa sublime mise-en-voix ou en-scène  au théâtre du Grand Midi à Ixelles. Nous avons assisté hier soir au premier spectacle public de Raffaelle Giuliani dirigé par le directeur du théâtre Bernard Damien. Une première inoubliable, déjà une apothéose tant le comédien était étincelant dans cet exercice difficile, de porter ce texte devant les amoureux d’Albert Camus.

 

Quelques mots d’explication. La lumière inhumaine, la brûlure insupportable du  soleil d’été, autant dire 

 rien qui ne lui appartienne, plombent  inexorablement les actes de Meursault.  Il énonce  ses derniers 

jours de vie « libre » avec le détachement d’une autobiographie toute factuelle. Apparemment tout lui

est   égal.  Exemples. L’âge de sa mère, il ne le connaît pas. « Elle était vieille ? Comme ça ! » Cela 

l’indiffère  que Raymond soit son copain ou non, que son patron lui offre un boulot sur Paris : « On ne 

 change pas de vie ! ». La vie n’a pas de prise sur lui et il n’a pas de prise sur la vie.   « On finit par 

 s’habituer à tout  », disait sa mère.   Le comédien joue de façon magistrale. Physiquement son corps ne 

 peut pas mentir. Tout dans ses attitudes est langage. Juvénile et blasé, innocent et coupable à la fois.  

 Ce corps qui module chaque mot, et chaque pesonnage c’est la grande trouvaille du duo Maitre–élève

Bernard/ Raffaele.  L comédien incarne chaque personnage avec fulgurance.

C’est un travail épuisant que d’essayer de  mettre  de l’ordre dans tous ces événements. Meursault est

gêné à tout moment par la lumière  incandescente du soleil : « Le soleil avait fait éclater le goudron. Les

pieds enfonçaient et y laissaient ouverte sa pulpe brillante ».  

  Puis sans doute par celle des projecteurs de l’interrogatoire, enfin par   cette culpabilité imposée, qui

s’est insinuée perfidement sous sa peau.  

Bien sûr, étranger à sa vie, il  a subi tous les événements. Etranger au monde qui l’entoure, étranger à Dieu, étranger à lui-même, détaché, voici tout un homme coincé entre deux plaques de microscope, coincé par un Destin absurde.

 Autre jargon : WRONG TIME, WRONG PLACE, c’est le début absurde d’un enchaînement de malheurs où il subira les événements pendant que l’arme est mise dans sa poche et que son doigt déclenche la gâchette.  Une suite musicale comme une danse macabre,  un procès où l’absurdité prend les apparences de la logique. Pourtant le vieux Thomas Pérez « n’a pas vu Meursault pleurer, mais ne l’a pas non plus vu ne pas pleurer ! » «  Tout est vrai, rien n’est vrai ! » « Précisez les motifs de votre acte : c’était à cause du soleil ! »

« On m’a seulement appris que j’étais coupable ! » La colère est  le détonateur qui lui fait découvrir enfin qui il est et qu’il existe et qu’il tient désespérément à ce monde sensible et réel qui le touche maintenant qu’il ne peut que contempler le ciel , de sa cellule. Dernier inventaire, il collectionne avidement ses quelques souvenirs avant d’être livré à la guillotine au nom du peuple français.  Dans le Talmud,  il est dit que chaque être humain est le héros d’un drame cosmique, qu’il le sache ou non.

 Raffaelle Giuliani 12272719280?profile=original

XL Théâtre - Théâtre du Grand Midi Rue Goffart, 7a 1050 Ixelles (Bruxelles) www.xltheatredugrandmidi.be

du 8 au 26 février 2011

 

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12272718867?profile=originalDans un décor presque  Beckettien - des grandes verticales  de murs  bleutés qui enferment,  un lit de fer, une table, une chaise -  erre un homme entre deux âges,  amnésique en robe de chambre.

 Une infirmière bien tournée, s’occupe de lui. Il a quitté l’hôpital mais ne sait pas vraiment qu’il est chez lui ni  même s’il aime le café ou le thé.  La présence, dans sa vision d’une commode kitsch, l’incommode et le fâche. Serait-il fou ?  L’infirmière est-elle vraiment une infirmière ? Tous les jours elle lui réapprend patiemment le quotidien, il doit faire des listes de ses goûts de ses envies, il doit écrire. Emerge une certaine misogynie, et de la misanthropie générale. Serait-il un vieux bougon dans la tradition des personnages de Molière ? Non, il exhibe dans ses réponses une candeur inattendue, qui désarçonne.   Elle veut faire renaître des bribes douloureuses du passé, il s’énerve, la voue aux gémonies, se montre odieux et autoritaire, mais elle démêle habilement l’écheveau du passé, elle veut savoir les détails de la tragédie qui l’a projeté contre un mur à 100 à l’heure. Bribes de passé, bribes de « tu » et de « vous », bribes de présent et peut-être d’amour et de charme. Il s’échange des phrases banales qui dramatisent et des phrases dramatiques banalisées.

 

 On est dans un entre-deux : pas la réalité vraie, pas le souvenir, mais une tension particulière, comme dans des vérités suspendues.  Mais l’être humain est incorrigiblement solaire, même meurtri au plus profond de sa chair, il est incapable de repli total sur lui-même. Soit il va vers l’autre pour s’offrir, soit il ne peut s’empêcher de recevoir.  Le jeu intense des deux acteurs est très touchant. Sobriété extrême, épure, il y a une souffrance commune qui se donne en partage, pâr effleurements de regards, par effleurements de mots, un élixir d’amour. La mémoire des faits et la mémoire des sentiments sont subtilement retracées, comme dans une énigme. Et tout d’un coup, le spectateur, conquis, comprend et apprécie. Il va jusqu’à prier que la guérison soit complète et que plus rien ne s’éteigne.

 

Deux acteurs parisiens, Guy Bedos et Macha Meril,  qui jouent avec une extrême connivence, même s'ils font mine de ne pas se connaître, nous donnent à boire de la beauté théâtrale. Allez les applaudir cette semaine, tant qu'ils sont encore au Centre Culturel d'Audergem!

 

Au Centre Culturel D’Auderghem

Du 14 au 19 février 2011 à 20h30 et le 20 février 2011 à 15h30 

 

Guy BEDOS est l'une des grandes figures de l'humour et de l'insolence de ces dernières décennies. Il trouve ici un rôle de comédien où il révèle une face inattendue de son talent aux côtés de la malicieuse et tendre Macha MERIL.

 

 

48,00€ - 38,00€ - 20,00€ (-26 ans en corbeille) + 1,50€ de taxe de réservation.

Réservations : 02/ 660 03 03 du lundi au vendredi de 11h00 à 17h00 et le samedi de 10h00 à 14h00 

http://www.cc-auderghem.be/index.php/component/redevent/details/64.... 

 

 

 

 

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administrateur théâtres

"Aux Hommes de bonne volonté" (théâtre le Public)

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"Aux Hommes de bonne volonté"  fable, de JEAN-FRANÇOIS CARON

Présentation : Jeannot est mort à 14 ans. Il laisse à sa famille un testament et quelques objets fétiches. Par l'entremise d'un notaire très ordinaire et du testament qui ne l'est pas, Jeannot le rebelle exprime sa révolte. Celle d'un jeune garçon pas reposant pour un sou, qui crie à sa famille son manque d'amour.
 

Crever l'abcès de la pleutrerie des sentiments, de la couardise du cœur, de la lâcheté de l'âme est en somme sa dernière volonté ! « Je manke damour tou lè jour, je sui come sa, je sui an manke damour ». Jeannot inscrit sa révolte dans le texte même de ses dernières volontés. Son testament a l'orthographe délibérément anarchique car sa rébellion avait atteint les fondements de son être!

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La mise en scène est astucieuse. Il y a cet immense bureau de ministre aux profonds tiroirs, tiré en longueur et en diagonale à travers le plateau. Comme si la vie avait été biffée, comme une faute d’orthographe. On est chez le notaire pour discuter de l’héritage avec les ayant-droit. Le plateau de ce bureau est fait de pavés de verre qui s’illuminent quand les personnages glissent ou basculent de l’autre côté du miroir pour dire leur vérité.

 

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 La mort survenue, c’est fou ce qu’on communique, à force de théâtralité, de cris, de confessions, d’aveux en tout genre.  On assiste à un  strip-tease familial débridé. Les corps et les mots sont lâchés.

 

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L’aveu principal est que le petit dernier, Jeannot le cinquième, a été idolâtré par sa mère comme un enfant unique. Paradoxe: alors qu’elle lui a tout donné - y compris la part pour son mari- c’est lui qui lance l’offensive du manque d’amour.  Elle a laissé les autres aller qui à son piano dévorant, qui  à ses livres, qui  à sa sagesse improvisée, qui à  ses errances.  Objets transitionnels. Ensuite Madame Vandale a fui, sans laisser d’adresse. Partie, pour une autre vie. Il y  a le délicieux oncle Jos,  qui tente de calmer le jeu  avec finesse quand la discussion tourne à l’empoignade, quand les mots éjaculés fracassent les âmes.

 

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Ce rôle de l'oncle Jos est  joué avec une tendresse infinie par Philippe Vauchel. Parole du jeune séropositif : « Je voulais que ma mort les délivre de leur manque d’amour ». Il parle de ses frères et sœurs.

Langue crue, texte rude,  tumultueux, sans concessions, émaillé de parler canadien-wallon, qui se termine à genoux devant un mur de lamentations, celui du manque d’amour. « Déguisons-nous en « nous ». En vandales ! » Cri de cœurs meurtris, cri d’amour aux hommes de bonne volonté.

 

Mise en scène: Vincent Goethals

Avec:  Patricia Ide, Nabil Missoumi (qui pour son interprétation de Serge a obtenu le Prix de la Critique: meilleur espoir masculin 2010), Audrey Riesen, Bernard Sens, Réal Siellez et Philippe Vauchel

 

DU 09/02/11 AU 05/03/11

 

 

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=264&type=2

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administrateur théâtres

Vous vouliez vivre un grand frisson de scène ? Une véritable passion entre Chair et Ciel? Courez  applaudir Carmela Locantore qui interprète merveilleusement la voix  notre grande Christiane Singer hélas disparue,  dans son livre brûlant:

12272716299?profile=original« UNE PASSION », livré pour nous… sur la scène du Blocry, place de L’Hocaille à Louvain-La-Neuve.

 

« J’ai choisi de chuchoter dans un siècle qui fait tant de bruit ! » Héloïse boit aux deux coupes de la mémoire, celle des événements et celle des sensations et rappelle « Dieu n’a que nous pour faire ce qu’il y a faire ».

Héloïse est animée de l’amour cueilli dans les yeux de sa nourrice Louisette, au premier regard, à sa naissance. Très jeune, elle a subi le coup de foudre avec Abélard, cela lui a entr’ouvert le ciel et les plaisirs sensuels, son corps en transes vit l’amour absolu et charnel. « Je découvrais le monde dans sa clarté originelle ». Le ciel dévoilé, le temps d’instants de grâce. « Nous avions conflué en Dieu ». Au contraire, Fulbert, son oncle trouve que toutes les activités humaines entravent la communication avec Dieu. Punition: la voilà enfermée dans un couvent pour avoir répugné ostensiblement de se plier aux conventions sociales. Abélard lui,  n’a rien compris … ou en définitive ne l’aimait pas ou aimait plus sa chaire de théologie. Elle médite : « Seul Comprendre délivre ! » Elle éprouve du remords : « Mon corps, le piège immonde où Abélard est tombé ».

Au couvent, Héloïse raconte : « je suis morte sans la miséricorde de la vraie mort ». « Chaque jour est un jour de moins de mon tourment, voilà ce que dit mon soupir ! » Enterrée vivante. Elle se souvient : « Je ne savais que me donner, rendre plus profond mon réceptacle. » Quelle passion haletante et  inouïe !

Réflexions sur le rôle de la femme: on ne croit pas les femmes, pourtant, Héloïse cite leur rôle essentiel dans la Bible : « Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses TOUT COMME LES FEMMES AVAIENT DIT ; mais Lui, ils ne l'ont pas vu ! " (Luc 24:24)».

Et par l’écriture, l’âme s’est délivrée, abbaye du Paraclet, 1162   

12272716493?profile=originalLouvain-La-Neuve, Le Blocry, 2011: un spectacle qui coupe le souffle, on en oublie le décor parfaitement moyenâgeux,  il ne reste plus que l’incandescence de la  voix et des paroles.

 

http://www.atjv.be/fr/saison/detail/index.php?spectacleID=442  jusqu’au 12 février 2011

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administrateur théâtres

12272715085?profile=original« Himmelweg » de l’écrivain espagnol  Juan Mayorga 

Avec trois comédiens hors-pairs : Jean-Marc Delhausse, Michelangelo Marchese, Luc Van Grunderbeeck

à L’ATELIER 210 à Etterbeek

 

Pièce historique : la seconde guerre mondiale, un délégué de la Croix rouge va inspecter un camp de concentration. Il est les yeux du monde. Il sera aveuglé.  Il sera accueilli avec une courtoisie extrême par un commandant, élégant et lettré. Déjà le théâtre.  On lui jouera une farce: un village modèle, des gens qui jouent la normalité, un kiosque, une jolie gare avec une horloge, des amoureux sur un banc, des enfants qui jouent à la toupie, au ballon, une petite fille qui baigne son bébé en celluloïd… « N’aie pas peur, Rebecca, dis bonjour au Monsieur ! » Il ne se doutera de rien ! Les rumeurs de monstruosités s’apaiseront dans son esprit face au  bateau qu’on lui a monté.  Malgré des indices visibles, et parce que sa main n’aura pas achevé un petit  geste qui aurait pu tout changer. Et si son sens de l’analyse avait été plus aiguisé? Et s’il avait été moins lâche ?  Il conclura : «  les conditions d’hébergement paraissent correctes, l’hygiène, les vêtements dont ils disposent sont convenables, la nourriture en suffisance. » Ses yeux ne verront rien derrière le gigantesque rideau de fumée et le bruit des trains.

 

Le théâtre ici est sauvagement dénaturé, son mécanisme est mort. Il n’est plus le lieu naturel de catharsis qui permet d’exprimer l’inexprimable, de nommer l’innommable, de provoquer une prise de conscience, d’approcher l’humain dans sa nature fondamentale. Le théâtre est  bafoué.

 

Le commandant du camp est le maitre de jeu, seigneur de la manipulation, avec des tics de grandiloquence autoritaire, des envolées philosophiques écrasantes, de discours politiques pangermaniques. En homme cultivé, Il a amené 100 chefs d’œuvre de la culture européenne avec lui, pas un de plus. Son bureau est tapissé de 100 tiroirs remplis de dossiers macabres. Il n’acceptera que 100 figurants pour la mascarade qu’il donne afin d’abuser le monde : fixations de psychopathe. Il ose jouer sur la fibre poétique du mot « Himmelweg », alors qu’il s’agit pour tous les déportés, d’une descente aux enfers. Il joue les accommodants : « La guerre est un malentendu entre frères ! » Léger, il signale lui-même « on colporte des monstruosités », rien de mieux pour éteindre les doutes.  « Ah vous voulez des renseignements ? Je n’ai rien contre ! » Ironiquement, il est attiré par l’accent du visiteur étranger, il  veut entendre le mot « paix » prononcé dans une langue qui ne ment pas en continu. Arbeit macht frei !

 

Le vieux Godfried, le prisonnier juif qui doit collaborer et « traduire les idées de Berlin » à sa troupe de figurants demande pendant une tirade sur Aristote « Pourquoi des chaussures sans lacets ? » Le commandant rétorque « c’est de l’humour juif » ? Au gré des répétitions,  les figurants récitent mécaniquement, cela sonne faux. Derrière les mots et les gestes, il n’y a rien - c’est leur seule chance de se faire comprendre.  Le commandant se met en colère « Dans la vie, on ne parle pas comme cela ! » Godfried trouve des excuses pour tous les faux-pas des comédiens. Leur vie est en jeu ! Le commandant se fâche : « Trouvez des gestes qui vont avec ces paroles. Cherchez dans votre vie antérieure ! »  Godfried plaide « Ils ne comprennent pas ce qu’ils font, ils ont besoin de savoir ce qui les attend. » Réponse énigmatique du commandant « La vie est faite d’incertitudes ! ». Le tutoiement et les tasses de café prennent la relève pour amadouer Godfied. Godfried osera. Il ajoutera à l’intention du visiteur, pour qu’il entrevoie l’immense mise en scène et la supercherie, une phrase incongrue  « Nous sommes un navire qui doit rentrer au port,  le capitaine doit prendre patience » …. Hélas, trop sibylline. « Sauve-toi, Rebecca » dira la petite fille ! Bruits de trains.

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Une pièce qui exprime la vérité en contrepoint, avec finesse et pudeur. Avec la mise-en-scène fascinante de Jasmina Douieb, des comédiens plus qu’accomplis,  à la diction et la gestuelle parfaites, c’est  une pièce qui « questionne aussi notre présent et notre rapport à ce que l’on voit, ce que l’on veut bien voir, et ce que, saturés d’images, on ne voit plus. »

 

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Himmelweg-4858/

jusqu’au 26 février 2011

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administrateur théâtres


Hector Berlioz : Episodes de la vie d’un artiste

Symphonie fantastique, opus 14 – Lélio ou « Le retour à la vie », opus 14b

Un concert sublime au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles L Le dimanche 5 décembre 2010

L’immense plateau de la salle Henry Le Bœuf est noire de musiciens et de choristes. Du jamais vu. Le piano est relégué aux confins à gauche, au pied de deux magnifiques harpes. Aux quatre coins, des ensembles de percussion préparent leurs fulgurances. Lumières très tamisées, on va rêver avec l’artiste qui est venu s’assoir dans un large fauteuil au bord de la scène où il s’est endormi, un livre à la main.

C’est l’histoire d’un jeune musicien qui suite à un amour malheureux s’est empoisonné à l’opium. Pas tout-à-fait mort, ses visions de plus en plus terrifiantes se traduisent en images musicales. La femme aimée est une sorte d’idée fixe qu’il entend partout.

L’œuvre est divisée en cinq actes, comme une tragédie : rêveries, passions, un bal, scène aux champs, marche au supplice , songe d’une nuit du Sabbat. Elle s’ouvre en douceur, comme une caresse de Morphée. Alternances de vagues fracassantes et d’accalmies. Le ton est dramatique. Le personnage semble sortir du rêve pendant les rythmes de valse du bal. Une danse soyeuse des heures! Suivent de mystérieux frottements de cordes, puis les violons mélodiques s’élancent, ponctués de pincements vifs et nets. Certes tous les esprits des champs et des bois ont été convoqués et sautillent derrière les yeux fermés de l’artiste. La marche au supplice engage cuivres et percussions. Une énergie folle en ressort pour se terminer en apothéose fracassante. On est en plein fantastique, comment oublier une telle après-midi musicale? Ce n’est pas fini. Méphisto, le chef d’orchestre emporté par une fringante énergie se démène pour régler les facéties de la danse de Sabbat. Le son d’une cloche moqueuse rature les bonds de la liberté de la danse. Euphorie! Puis cette musique prend des accents de lourdes prémonitions, le crescendo des cuivres a repris le dessus, bruits de feuilles mortes craquantes dans les bois et le dernier paroxysme.

Sous le choc, la salle respire avant d’applaudir. Mais voici la deuxième partie qui s’enchaîne aussitôt. Multiples jeux de lumières. Lélio s’étonne : « Et l’inexorable mélodie retentissant à mon oreille jusque dans ce léthargique sommeil, pour me rappeler son image effacée et raviver ma souffrance endormie… » Amour sublimé.

Il revient à la vie grâce à la musique et à la littérature. « Vivons donc, et que l’art sublime auquel je dois les rares éclairs de bonheur qui ont brillé sur ma sombre existence, me console et me guide dans le triste désert qui me reste à parcourir! Ô musique! Maîtresse fidèle et pure, respectée autant qu’adorée, ton ami, ton amant t’appelle à son secours! Viens, viens, déploie tous tes charmes, enivre-moi, environne-moi de tous tes prestiges, sois touchante, fière, simple, parée, riche, belle! Viens, viens, je m’abandonne à toi. »

Il veut réhabiliter Shakespeare qu’il considère comme le plus grand. « Ô Shakespeare! Shakespeare! Toi dont les premières années passèrent inaperçues, dont l’histoire est presque aussi incertaine que celle d’Ossian et d’Homère, quelles traces éblouissantes a laissées ton génie! Et pourtant que tu es peu compris! De grands peuples t’adorent, il est vrai; mais tant d’autres te blasphèment! Sans te connaître, sur la foi d’écrivains sans âme, qui ont pillé tes trésors en te dénigrant, on osait naguère encore dans la moitié de l’Europe t’accuser de barbarie!... »

Textes chantés et chœur vont se partager la ballade de Goethe, le chœur d’ombres, la chanson des brigands, l’hymne du bonheur, la harpe éolienne et la fantaisie « The tempest » de Shakespeare. Le récitant ponctue la musique de ses méditations poétiques. Déçu par l’absence de femme à ses côtés : « Oh! que ne puis-je la trouver, cette Juliette, cette Ophélie, que mon cœur appelle! » l'artiste s’est réfugié dans la création de ‘The tempest’.

Lélio est épuisé mais a retrouvé la vie après tous ses tourments. Il est heureux et prêt à recommencer. Il s’est adressé au chœur, galvanisé par l’envie de créer : « (au chœur) Les chanteurs ne doivent pas tenir leur cahier de musique devant leur visage; ne voyez-vous pas que la transmission de la voix est ainsi plus ou moins interceptée?... N’exagérez pas les nuances, ne confondez pas le mezzo-forte avec le fortissimo! Pour le style mélodique et l’expression, je n’ai rien à vous dire; mes avis seraient inutiles à ceux qui en ont le sentiment, plus inutiles encore à ceux qui ne l’ont pas... Encore un mot: Vous, Messieurs, qui occupez les derniers gradins de l’estrade, tenez-vous en garde contre votre tendance à retarder! Votre éloignement du chef rend cette tendance encore plus dangereuse. Les quatre premiers violons et les quatre seconds violons soli ont des sourdines?... Bien, tout est en ordre... Commencez! »

Du jamais vu aux Beaux-Arts.

Et une distribution éblouissante :
Daniel Mesguisch (le récitant), Julien Behr (ténor), Stephen Salters (baryton)
Le chœur régional Nord-Pas-de-Calais, L’orchestre national de Lille, Jean-Claude Casadesus (direction)

http://www.bozar.be/activity.php?id=9756&selectiondate=2010-12-5

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administrateur théâtres

Voici Electre! (au théâtre Poème)

Au théâtre Poème : VOICI ÉLECTRE ! D’ESCHYLE À SARTRE

Force tragique et esprit étincelant. Le sang est-il rouge ou blanc ? Le décor et constitué de quelques plans de tulle métallique mouchetés de taches rouges ou blanches…. Blanches pour la plupart. De loin, on dirait des pans de soie sauvage. Avec les effets de lumières on obtient l’illusion saisissante de remparts de ville antique, à travers lesquels apparaissent des personnages fantomatiques, des masques flottants. Dès le début le public est juge. Il va devoir apprécier quelles sont les circonstances les raisons qui ont poussé Electre à commettre le matricide.

« C’est la conséquence d’un désespoir sublime », Electre prend toute la faute sur elle, elle est l’esprit qui a armé le bras de son frère Oreste pour commettre l’irréparable. « C’est une légitime rébellion contre le destin injuste. » Très jeune, dès le départ d’Agamemnon pour la guerre de Troie, elle a surpris les ébats amoureux de sa mère Clytemnestre avec Egysthe, l’usurpateur. Triste à mourir, elle rêve des bras de son père. Electre évoque son perfide assassinat au retour de la guerre de Troie, comme il a « glissé» sur les marches de la piscine et fut tué par Egysthe, de son propre glaive. Clytemnestre avoue que chaque nuit, depuis sept ans elle revit ce meurtre dans ses cauchemars. Elle a tué son époux plus de 3000 fois… Plaisir ou remords ? Elle jouit impunément du pouvoir, elle se vautre dans le déshonneur, elle a volé le patrimoine et l’héritage de ses enfants… Elle avoue « Rien ne trouble plus la conscience que de recevoir une récompense pour le crime commis!»

Egysthe se pavane avec le sceptre d’Agamemnon ! Il profane sa tombe et lui a refusé les rites funéraires. Electre est désespérée devant « ce festival d’abominations » au mépris des lois divines. Elle sanglote devant l’injustice profonde et se livre à la violence de ses sentiments. Elle n’est pas libre de les raisonner. Elle porte le lourd héritage des crimes des Atrides : viols, incestes, infanticides, cannibalisme… Le comble: Clytemnestre, non contente d’humilier Electre de ses sarcasmes, lui avoue qu’à sa naissance même, elle lui fut indifférente dès la première minute! Evoquer le sacrifice de sa fille Iphigénie ne suffit pas à attiser sa rage contre le Roi des rois, elle ose justifier le crime d’Agamemnon, par sa jalousie pour la belle troyenne ramenée avec les autres trésors de guerre… C’est sans appel.

Electre a pourtant le courage de lui dire : « Tu as tué mon père dès ta première partie de plaisir avec Egysthe ! » Elle se plaint : « Moi et mon frère, qu’avons-nous fait ?» Tuer va devenir une nécessité, un devoir. Lorsqu’elle retrouve Oreste elle lui confie : « le temps qui passait me maintenait dans une perpétuelle agonie…» Et le chœur de se tourner vers les juges : « Songez-y, vous les juges, êtes les premiers responsables, vous avez armé son bras ! Une femme a osé ce que vous n’avez pas tenté. Rendre la justice! » Justice faite, Electre n’a nulle part où se tourner, aucun mari ne l’accueillera dans son lit et la voici assaillie par les Érinyes, leurs chuchotements gluants, leurs pattes griffues et leurs millions d’yeux qui la regardent, recroquevillée sur son frêle tabouret… comme au début de la pièce!

Le cercle s’est refermé sur elle, les questions sont ouvertes pour nous! Le spectacle et le jeu des trois comédiens est bouleversant d’humanité et d’authenticité. Cette Electre aux multiples facettes, un portrait fait de fragments de textes d’Eschyle à Marguerite de Yourcenar ou Sartre est d’une finesse de perception étonnante… La mobilité extraordinaire de la comédienne illustre sa soif de vie dans la cage où elle a été enfermée. Tous ces textes semblent se mêler, se confondre, se compléter et se répondre comme un chant unique, composé pour notre besoin profond de justice et de vérité! Un éblouissement!

...Et Egysthe? Ecoutons Homère...

« Hélas! Les hommes accusent sans cesse les dieux ; ils disent que c'est de nous que viennent les maux, et pourtant c'est par leurs propres attentats que, malgré le destin, ils souffrent tant de douleurs. Ainsi maintenant Égisthe s'est uni, malgré le destin, à l'épouse d'Atride, et même il a tué ce héros qui revenait d'Ilion, quoique Égisthe sût l'affreuse mort dont il périrait ; puisque nous-mêmes, pour la lui prédire, avons envoyé Mercure lui donner avis de ne point immoler Agamemnon, et de ne point s'unir à la femme de ce héros ; car Oreste devait en tirer vengeance, lorsque ayant atteint la jeunesse il désirerait rentrer dans son héritage. Ainsi parla Mercure ; mais ces sages conseils ne persuadèrent point l'âme d'Égisthe : il expie aujourd'hui tous ses crimes accumulés.» [chant 1 Odyssée]

http://www.theatrepoeme.be/ 30 rue d'Ecosse 1060 Bruxelles

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administrateur théâtres

Les Reines (Théâtre de la Flûte Enchantée)

Du 29 octobre au 21 novembre 2010


(Reprise)

de Normand Chaurette


Mise en scène: Jacqueline Préseau
Avec : Muriel Audrey, Céline Robaert, Brigitte Louveaux, Jacqueline Preseau, Sibylle du Plessy, Emilie Duvivier

Édouard IV, l’aîné des York, agonise dans sa chambre. Le roi en voie de putréfaction, n’est plus à même plus à même de maintenir l’ordre. Qui règne alors au château ? Le chaos. Se fermant le nez aux remugles persistants de la décomposition, les femmes rêvent toutes de la vacance du pouvoir. Toutes espèrent poser la couronne d’Angleterre sur leur front ambitieux. L’inspiration des noms des Reines revient à Shakespeare, mais cela pourrait se passer en Chine, à Venise, sous les Médicis, ou dans n’importe quel autre lieu où règnent le vide et l’avidité dévorante du pouvoir.

Ces femmes, toutes majestueuses, belles comme des porcelaines de Saxe, décolletés de rêve, couvertes de bijoux sont aussi incapables de communication que les pourceaux sous le pouvoir de Circé. Elles sont emmurées non seulement dans la tour de Londres mais dans leurs fantasmes et leur folie dominatrice. Un régal pour certains… Elles s’agitent, foulent le parquet, parlent, ne s’écoutent, ni même ne s’entendent, se font taire ou carrément rendre muette…. On assiste à un ballet verbal absurde et le spectateur attend. Il n’y aura pas d’histoire, que de l’intrigue, du fiel et des sarcasmes perfides. De très belles tirades pleines d’éloquence, déclamées par des voix tour à tour délicieuses ou sorcières, des rythmes d’alexandrins, douceur suave pour l’oreille, sont inlassablement jetés dans le vide. Ils meublent l’attente et restent sans écho.

Le désespoir, la solitude et l’approche de l’odieuse vieillesse d’une Marguerite d’Anjou, devenue un ballot d’amertumes et de rancoeur refusé sur tous les continents, nous remplissent d’effroi glacial. ...Où trouverait-elle quelque tendresse? Deux nouveau-nés incapables de cris, sont ballottés au gré des ambitions et des menaces mortelles. Et toujours pas d’histoire.

S’il fallait mettre le spectateur mal à l’aise, c’et parfaitement réussi. Déjà avec le dépeçage de la vérité historique il doit rentrer dans un tourbillon d’absurdité et est éjecté sans ménagements hors du temps. Côté espace, le fauteuil du spectateur, comme la ville de Londres qui se dissout peu à peu ce 20 janvier 1483 dans une tempête surréaliste, semble s’évanouir à son tour. Il essaie de rester assis entre deux chaises : celle de l’envie de partir, tant on est inconfortable, ...et celle de rester, car la curiosité et le talent extrême des comédiennes nous retiennent! Et aussi cette jeunesse ensorceleuse de Anne Warwick, douze ans, ou plutôt 22, visage de Botticelli et sourire de jeune louve.

Le maléfice atteint son comble avec les mots de Cécile d’York qui, jalouse de l’amour passionné qui unissait ses enfants Anne et Georges petits, a toujours refusé la naissance et l’existence de cette belle grande fille muette à la bouche en cœur qui erre sur la scène parmi les Reines. Petits, elle leur a cousu un silence à vie, ajoutant à sa fille l’odieuse punition de lui faire couper les mains. Anne ? Un prénom d’une fille qui n’existe pas… Et si, rompant le sortilège infernal, elle se met subitement à parler, personne ne l’entendra. Spectacle dérangeant, n’y emmenez pas vos enfants, ils ne comprendront rien et vous ne pourrez rien leur expliquer, il ne s’y passe que malaise, mal-être et maléfice. Même si le décor, les costumes sont séduisants et le jeu des comédiennes, jeunes virtuoses, étincelant.

Les talents et le théâtre sont bien au rendez-vous, mais qu’ont donc fait les femmes, à Normand Chaurette ?

http://www.lafluteenchantee.be/

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administrateur théâtres

Roméo et Juliette (théâtre Royal des Galeries)


Le chef-d’œuvre de Shakespeare que l’on va écouter ce soir avec le plaisir d’une musique familière risque gros … car on porte dans son imaginaire toutes les autres rencontres théâtrales ou cinématographiques qui ont imprégné notre subconscient de tirades mémorables et de moment émouvants.

Aussi, cette mise en scène de Georges Lini très dépouillée, qui simule le retour aux sources antiques de la tragédie grecque, tout en évoquant des traces de costumes élisabéthains est une approche heureuse. Ce qui ne l’empêche pas de jouer avec la lumière du jour. Au propre et au figuré. Le fond de la scène est occupé par un ciel immense et changeant au rythme des passions humaines et de la violence des émotions. Ciel violet intense de deuil absolu, dans le prologue lorsque le chef de chœur vêtu de brocarts mauves annonce d’une voix sinistre l’issue fatale du drame qui va être décrit. Comme dans la tragédie antique, le Destin reste responsable des événements mais c’est surtout la haine obstinée entre deux maisons (households), deux clans, deux frères ennemis qui en est la cause : c’est la tragédie du monde qui se joue ici. Le pouvoir est une rage qui ne corrompt pas seulement, il tue. L’histoire commence par une presque bataille, « … S’ils nous mettent en colère, nous allongeons nos couteaux », puis la bataille devient omniprésente et tragique, et les clameurs de buveurs et menu peuple pour les changements habiles de décor de ponctuer les scènes où la parole s’envole.

Le décor et immuable, quatre immenses colonnes de style antique, et quelques marches pour souligner la fragilité des humains et définir deux espaces de jeu. Celui des amants maudits, éternels et lyriques, et celui du monde aveuglé par ses haines qui va et vient, des bals à la tombe. Autant de ciels que d’humeurs, pressentiments, songes, serments d’amour, clair de lune rousse géante, arc en ciel, nuages étincelants, verdeurs de jalousie et de haine, perfides orangés de villes incendiées… tout les registres de cieux y passent. Et le ciel, malgré toutes ses facéties, reste une immuable présence muette présidant à nos tristes destinées. Le plus beau et le plus tragique à la fois est sans doute celui qui accompagne le meurtre de Mercutio et celui de Thibalt, on se croirait dans une série de tableaux du Caravaggio. La lumière y est poussée jusqu’à un paroxysme d’incandescence.

Les jeux de voiles dans la deuxième partie du spectacle sont aussi très évocateurs du nimbe d’innocence et de rêve d’amour qui protège ce couple d’ineffables adolescents. Ces rideaux sont sauvagement arrachés quand il devient évident que la fin sera inévitablement mortelle. Le personnage de Roméo est joué avec une justesse remarquable, il a le physique passionné, il recèle en lui, la mélancolie, les chagrins, la fougue, les désespoirs, et l’adoration de sa bien-aimée. Juliette est un peu précieuse et moins naturelle, malgré ses colères de fille gâtée qui frisent parfois l’hystérie. Le couple parental est un peu trop stéréotypé à notre goût, mais c’et vrai que Shakespeare n’est pas tendre avec eux et que les paroles jetées sont rudes. La nourrice est une perle de tendresse, fine et aimante, humaine inconditionnellement acquise à la cause de sa protégée. Le frère Laurence est son pendant masculin, un pilier de sagesse populaire et un artisan ingénu de bonheur sur terre ! La tirade où il exhorte Roméo à ne pas se laisser aller comme une femme, mais à croire à la grâce insigne qui lui a été donnée, est d’un sang froid et d’un pragmatisme surprenants. Rien n’est pire que la mort. La scène finale du tombeau est d’un graphisme extraordinaire. Elle devrait être repeinte par un grand maître tant elle et aboutie, dans ses lignes, sa chorégraphie, ses ombres, sa dynamique et son désespoir qui touche tout le monde sans exception.

Capulet : - Je veux que Roméo soit auprès de sa femme dans la même splendeur : pauvres victimes de nos inimitiés.

Le Prince : - Cette matinée apporte avec elle une paix sinistre, le soleil se voile la face de douleur. Partons pour causer encore de ces tristes choses. Il y aura des graciés et des punis. Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de son Roméo.

Avec : Catherine Claeys - Yves Claessens - Toni d’Antonio - Cécile Delberghe - Damien De Dobbeleer - Emmanuel Dekoninck - Emmanuel Dell’Erba - Marc De Roy - Steve Driesen - Bruno Georis - Michel Hinderyckx - Thierry Janssen - Xavier Mailleux - Bernadette Mouzon - Nicolas Ossowski - Martine Willequet

Mise en scène : Georges Lini. / http://www.trg.be/Public/

Bureau de location ouvert du mardi au samedi de 11h à 18h – 32, galerie du Roi, 02 / 512 04 07.

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administrateur théâtres


d'après Homère, Eschyle, Sophocle, Euripide

Au théâtre des Martyrs, splendide deuxième partie

Œuvre de transmission, la suite de l’épopée est tout aussi grandiose. Si pas plus percutante car il s’agit de découvrir, grâce aux textes millénaires, notre ajustement dans ce monde si éphémère, parvenir à la vie bonne, trouver notre juste place, se fondre dans l’harmonie de l’ordre cosmique. Combattre le chaos et les forces du mal. Retrouver la paix. Le texte est magnifique, intemporel et cadencé. L’empreinte des grandes tragédies laissera sa trace de sagesse pour ceux qui n’y ont jamais été exposés, quel défi et quel bonheur à la fois ! Rien ne dure, sauf l’écriture.

Le jeu d’Electre, fleur de sel sauvage, opiniâtre et noble, est digne du Grand Sophocle. Elle paraît si jeune, tout amour pour son père et son frère, et si forte. De la passion à l’état pur, cheveux courts en broussaille, nervosité, rage et débordements. « Je ne fais que montrer la vraie nature de celle qui m’a conçue ! » « Ta colère a fait de moi ce tas de haine ! » Clytemnestre, comme d’habitude ne l’écoute pas et s’adressant à Apollon le supplie : « Accorde-moi ce que je n’ose dire et que, dieu, tu auras compris ! » Elle appelle la mort de son propre fils pour protéger sa vie et celle de son amant, Egisthe. Au mépris du bien de ses enfants, si facilement reniés.

« L’outrage répond toujours à l’outrage » Clytemnestre aurait pu s’exiler après avoir vengé le sacrifice de sa fille Iphigénie, et aller expier sa culpabilité pour arrêter la malédiction. Non, elle veut avec son amant, jouir de la gloire et du prestige, du pouvoir, spoliant ses enfants à jamais. Electre, devenue animale et gonflée de rage, rejetant tous les honneurs de princesse, est saisissante : c’est la vie même qui se débat dans un cadre de mort. On voudrait la prendre dans le creux de sa main et la sauver. Comme essaie de le faire désespérément, sa sœur Chrisothémis, délicieuse, humaine, d’une extrême compassion pour sa sœur, une fleur de vie. « Electre, réfléchis, la justice peut être mortelle ! »

« Ceux qui font le mal, souffrent ! » Le chœur ne souligne-t-il pas : « Le plus grand des dons des dieux est un esprit modéré ». Il clame sa confiance dans l’homme, fondement de l’humanisme : « il n’est rien que les humains ne puissent surmonter ! » Hélas l’humanité est prise aux filets du Destin, Cassandre la première, dans sa robe de dentelle, elle sait qu’elle va mourir, que les hommes ne croiront pas ses prophéties. Elle est, selon le concept grec, déjà morte. Clytemnestre, suffocant de jalousie, lui souffle : « Orgueilleuse, tu es maintenant sans patrie! ». La malédiction est sur tous les Atrides. Oreste est pris de folie après le meurtre de sa mère. « Le mal engendre toujours le mal » Il faut donc interrompre le cycle infernal : « La loi, non la vengeance ! » Mais aucun homme n’est jamais libre, nous sommes toujours esclaves de quelque chose….

Cette création théâtrale est magistrale, costumes, coiffures, mise en scène prodigieuse. La foule de comédiens est un vrai peuple transmetteur. Agamemnon, Oreste, Pylade, sont des virtuoses de notre humanité. Le chœur est pétri d’humour, de sagesse et de bonne distance ... et les rôles de DOLORÈS DELAHAUT et d’ HÉLÈNE THEUNISSEN sont interprétés avec l’énergie … du dés’Espoir !

http://www.theatredesmartyrs.be/pages%20-%20saison/grande-salle/piece1.html

Première partie :

La Guerre - Les Femmes Deuxième partie :

Les Crimes - Les Dieux Du 28/09 au 31/10/2010

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administrateur théâtres

Toute l'ambassade grecque était présente et la salle du Théâtre des Martyrs, comble !

« LES GRECS », épopée en deux parties d’après Homère, Eschyle, Sophocle et Euripide

Fabuleux exploit : le tragique ancien nous revient. Le Théâtre en Liberté se lance à l’assaut des grands mythes méditerranéens qui ont mis en place notre pensée il y a 2500 ans. L’entreprise est osée mais très réussie et dans la tradition grecque du questionnement on ne cesse de se demander : que font les dieux, qui sont-ils ? Nos actions ne sont-elles les reflets de leurs décisions, Le destin est- il tout puissant détermine-t-il nos heurs et malheurs ? Sont-ils dignes de notre respect ? Nos choix sont-ils libres ? Les choix masculins ne penchent-ils pas inévitablement vers le pouvoir et le pouvoir absolu qui tue tout sur son passage ? Quelle est cette soi-disant Nécessité qui fait froid dans le dos, justifie et entraine la folie des hommes et le carnage ? A bout de souffle dans une scène émouvante, Clytemnestre conjure Agamemnon de « ChaN-GeR » ! De ne pas faire les choix « de l’intérêt de l’état » mais de choisir la vie…. Toutes ces questions valent la peine de se poser au bord de la route et de réexaminer nos motifs profonds et notre loi morale, pour nos libérer des démons de la cupidité de l’orgueil et du pouvoir…. « Nous sommes tous esclaves… »

La pièce est faite d’une mosaïque d’éléments qui réactualisent ces questions de cette culture grecque éternelle, avec justesse, finesse et force. Le temps, tout puissant, a consacré les douleurs humaines et en a fait matière de réflexion et d’apprentissage. Qui pourrait sciemment continuer à Choisir Aphrodite plutôt qu‘Athéna ? La pièce s’ouvre sur le chaos aquatique promis par l’imposant Poséidon puis se mue en bord de plage où les prisonnières de la guerre de Troie attendent avec angoisse l’ esclavage….Le rapprochement avec les camps de sinistrés ou de réfugiés modernes …est saisissant et la misère humaine à fleur de lèvres, les costumes et les écuelles sont les mêmes. Hécube, la femme de Priam et ses filles, et la prêtresse Cassandre montrent leur courage dans la défaite et l’émotion est forte. Le Grec victorieux a commis le péché d’Hubris en saccageant les temples troyens, et la Victime en appellera à la justice divine…. Puis il y a cette brisure incongrue du temps et de l’espace, nous sommes à Argos, dix ans plus tôt. Le duo désespéré de Clytemnestre et Agamemnon au moment du choix fatidique du sacrifice d’Iphigénie. Meurtre fondateur d’une Grèce unie et puissante qui abattra l’illustre civilisation troyenne trop prospère. Une scène presque insupportable à nos yeux modernes, c’est que les choses ont peut-être changé et… la preuve que les choses peuvent changer. Cependant que le chœur, les petites gens d’Argos, vêtus d’habits noirs du dimanche argumentent… et que Clytemnestre, forcée au meurtre va accomplir son funeste dessein….La mise en scène, le jeu des acteurs et la vérité éclatent à chaque réplique qui vient du fond des temps et s’articule en toute actualité dans notre réalité. Bravo. Nous attendons la deuxième partie du spectacle avec impatience.

http://www.theatredesmartyrs.be/pages%20-%20saison/grande-salle/piece1.html

Première partie :

La Guerre - Les Femmes Du 15 au 25/09/2010

Deuxième partie :

Les Crimes - Les Dieux Du 28/09 au 09/10/2010

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