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mélodrame (2)

administrateur théâtres


Ce « Double bill » comme on l’appelle à New-York, surnommé "CavPag"  par certains spécialistes,  est une nouvelle perle  au diadème du répertoire de la Monnaie. Il présente donc deux opéras  "Cavalleria rusticana" et "Pagliacci"  écrits par deux compositeurs italiens différents et  qui se connaissaient à peine mais dont la parenté littéraire est évidente.  Héritières de Verdi,  les deux  œuvres  qui traitent le même thème, se trouvent aujourd’hui liées pour l’éternité dans l’histoire de l’opéra et annoncent déjà Puccini.  Le drame en un acte de Verga « Cavalleria rusticana »,   a inspiré Mascagni et  a permis au souffle vériste de se propager dans le monde de l'art lyrique. La première de l'œuvre eut lieu à Rome en 1890 et  aété pendant deux décennies, la figure de proue de l'opéra italien. « Pagliacci » l’opéra en deux actes de Ruggero Leoncavallo, fut créé le 21 mai 1892 au Teatro Dal Verme à Milan.

A la fin du XIXe,  Pietro Mascagni et Ruggiero Leoncavallo sont les deux porte-étendards  du mouvement vériste qui se greffe sur  l'œuvre littéraire d'Émile Zola (1840-1902)  illustrant  par le nouveau genre de  ses romans réalistes,  la vie  précaire réservée aux couches modestes de la société et aux opprimés.  Ces  deux opéras véristes parlent un langage ordinaire, vivent  humblement par opposition aux figures sublimes qui peuplent les opéras italiens classiques  et mettent en scène des personnages de la vie de tous les jours, aux comportements peu  édifiant et aux réactions spontanées parfois très dévastatrices. En n’excluant pas la violence domestique…et le meurtre passionnel.

Cavalleria rusticana 

 Veristissimo bouleversant ! Tragique destin de deux tranches de vie dépeignant l’amour entre  simples gens du peuple qui,  hantés  par la jalousie,  ne voient comme issue, que la mort.   Mais avant cela, que d’intensité dans l’exposition des deux mélodrames aux contours hyper réalistes! 

Cavalleria rusticana

Créativité intense dans la recherche du sens : la mise en scène de Damiano Michieletto est très adroite  car elle réussit à imbriquer les deux œuvres l’une dans l’autre, en travaillant notamment  sur  des incursions des personnages d’un drame  vers l’autre.  On peut observer soit des signes annonciateurs,  soit des  flashbacks émouvants qui font référence à  l'histoire d'à côté…  En effet Silvio et Nedda apparaissent dans l’intermezzo de la première histoire, tandis que  Santuzza  se retrouve dans les bras de Mamma Lucia dans  la deuxième.  La force  destructive de la jalousie est le point commun des deux œuvres et la confusion entre réalité et fiction est clairement le pivot de «  Pagliacci ». Quant à la jalousie, n’est-elle pas  elle aussi le fruit toxique d’un imaginaire qui prend ses doutes et ses craintes pour de la réalité? Pour couronner le tout, le temps de Pâques et  de l’Assomption se font la révérence, abolissant le temps  et le délires humains, en un clin d’œil farceur…

Cavalleria rusticana

 Créativité intense dans la recherche de l’esthétique : le plateau tournant permet l’utilisation de différents lieux du drame, en variant la profondeur de l’approche, comme une caméra de cinéma italien des années 50. Les moments « d’entre-deux » où l’on peut contempler en même temps la scène qui s’éloigne et  la suivante qui  est en train de surgir  se parent d’émotion presque métaphysique,  car  le spectateur cesse brutalement  de  participer directement  au drame pour accéder à une approche omniscient de l’action.  Esthétiquement, les différents moments de chaque tableau pourraient  chacun constituer des  tableaux très plastiques de la vie simple des petites gens. Pour exemple ces images captant la vie qui palpite dans l’atelier de pâtisserie où la pâte  généreuse se pétrit, la farine vole et les fours s’allument   et celle qui frémit dans la loge de théâtre et dans la salle de spectacles de "Pagliacci".  Les décors, c’est du Hopper live ! ...On est comblé. De très beaux mouvements de foule contribuent aussi  à lisser  le dénominateur commun des deux actions et de fondre  les deux œuvres l’une dans l’autre. 

Cavalleria-Rusticana-400x215.jpg

Interprétation primordiale : Dans ce genre d’opéra, en dehors des couleurs totalement pittoresques portées par un orchestre sous la baguette narrative d' Evelino Pido, l’interprétation est primordiale et le défi de chanter, jouer et convaincre est pleinement réussi dans cette extraordinaire  production de la Monnaie.   Pour les voix, nous avons été bouleversés par Mamma Lucia, plus vraie que tout, d'une cuisante d’humanité, incarnée à la perfection par Elena Zilio. Chacune de ses paroles, chacun de ses gestes pèse un million  d’affects et de justesse de sentiments. La jeune excommuniée, Santuzza (Eva-Maria Westbroek) aux abois est en tout point plus vraie que nature…et surtout stupéfiante dans ses côtés sombres. Elle est très convaincante aussi  dans ses échanges désespérés avec Turridu (Teodor Ilincai)   qui brandit de  très beaux vibratos. Le ténor projette avec éclat le machisme made in Italy et une violence qui n’a rien de larvé.  L’immense Sylvio, symbole du pouvoir et de la frime est joué par un formidable Dimitri Platanias, baryton plein de panache qui s’alimente  au monstre aux yeux verts de Shakespeare, mais n’aura jamais l’occasion de regretter son geste.

Pagliacci

Dans "Pagliacci", franchement plus manichéen, on retrouve une  très habile mise en abîme de scènes naïves de la Passion rappelant le temps de Pâques,  -  anges y compris - …alors  que les pittoresques processions mariales du 15 août que l'on a pu admirer dans le premier opéra devraient battre leur plein devant la salle des fêtes où se jouera le drame à 23 heures… Le personnage de Canio (Carlo Ventre) très attendu  et brillant dans son « Recitar ! - Vesti la giubba », impressionne tandis que le jeune couple Nedda-Silvio, joue l’amour innocent,  léger et bucolique. On est  franchement gâtés par les duos  de Simona Mihai et de Gabriele NaniEt Tonio (Scott Hendricks) s’avère bien  lourd, harcelant et écœurant, après un prologue pourtant très  "matter-of-fact" ... mais cela, c’est sans doute la faute au vérisme!  

Pagliacci

https://www.lamonnaie.be/fr/program/427-cavalleria-rusticana-pagliacci

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12272831099?profile=originalUne « tragédie de Quat’sous ».

Si l’on pensait connaître tous les chefs-d’œuvre sortis de la plume hugolienne, on se trompait. Mille francs de récompense… une pièce signée Victor Hugo, qui a attendu près d’un siècle avant d’avoir été révélée au public et témoigne d’une extraordinaire inventivité.

  Mille francs de récompense est un chef-d’œuvre du genre. Le drame social, rajeuni par la fantaisie, revivra ainsi les beaux soirs du Boulevard du Crime.
  Une époustouflante histoire où l’innocente persécutée triomphe au dénouement.

Glapieu, le vagabond redresseur de torts, cette eau-forte de bagnard traîne-savate au cœur tendre, c’est Jean Valjean qui sauve l’orpheline au lieu de voler les chandeliers de Mgr Myriel. Une bombe astucieuse dans l’histoire dramatique. Un bel engin a retardement qui pète 150 ans après sa fabrication, une machine à faire rire et à s’attendrir. C’est fin, gros, généreux, naïf, habile, truculent, tout ensemble. Un mélodrame comique nourri aux mamelles de Shakespeare.

au Théâtre des Martyrs, jusqu'au 27 octobre 2012

«Etant les ignorants, ils sont les incléments » Rencontre avec Gavroche adulte:

Héroïsme et verve fantaisiste tiennent le premier rôle de cette pièce de Victor Hugo qui a attendu plus d’un siècle pour être publiée. Un mélodrame pétillant d’humour qui met en scène Glapieu, un vagabond inventif qui veut changer de carrière pour vivre dans l’honnêteté et choisir le trottoir au soleil. Le Théâtre en Liberté fête cette année ses 20 ans et nous fait le cadeau d’une distribution de comédiens brillants qui mouillent leur chemise. Le jeu n’est-il pas la plus belle chose au théâtre?

Bas les masques imposés par la société: on est à Paris pendant le Carnaval à la fin de l’hiver 1862. Vivent les masques éphémères de la fantaisie qui vont dévoiler la vraie nature des gens. Le bagnard repenti que joue Jean-Henri Compère avec un brio exceptionnel - s’est mis en tête de sauver la veuve (Dolores Delahaut), l’orpheline (Isabelle De Beir) et le grand-père grabataire et ruiné (Christophe Destexhe). Tous les ingrédients d’un mélodrame réussi. Glapieu va surtout régler son compte à un odieux  homme d’affaire, Rousseline campé par un Jaoued Deggouj aux mieux de son talent comique. Au service d’un riche banquier (Bernard Marbaix), il va procéder à la saisie des maigres biens de la triste famille. Un personnage invisible et omniprésent rôde, c'est l’Argent. Un dieu tyrannique et excessif, juge et partie dans cette société âpre où les banquiers sont rois. Le capitalisme financier est devenu un système sans scrupules, une norme économique qui n’épargne aucun petit. Rousseline, l’immonde prédateur va tendre un piège: il renoncera à la saisie en échange de la main de Cyprienne.

Théâtre engagé, la pièce est donc une sorte de manifeste tour à tour drôle et glaçant. Le tendre amoureux (Gauthier de Fauconval) est prêt à prendre par amour les risques les plus fous et Gladieu, tantôt redresseur de torts, tantôt bouc émissaire, va tenter de faire triompher la justice, n’hésitant pas à prendre les spectateurs à témoin, du haut de sa lucarne. Quant à lui, le démoniaque Rousseline épris de la belle orpheline est prêt à toutes les infamies pour arriver à ses fins.

Daniel Scahaise a su fédérer autour de lui une équipe pétulante et cohérente qui partage des idéaux communs. Les comédiens du Théâtre en Liberté  montent en scène sans artifices, ils sont vrais, vivants et authentiques. On sent circuler entre eux une solidarité communicative, une connivence qui capte le cœur du spectateur. Le choix de monter cette «tragédie de Quat’sous» où chantent des musiciens comme bateleurs d’un autre siècle, n’est sans doute pas un hasard. Il ressort de ce spectacle de l’émotion, de la contestation et de la générosité dont notre siècle, à bien des égards fort semblable à celui d’Hugo, a peut-être besoin.

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