Brel is Brel
Jacques Brel, notre poète, chanteur, compositeur belge, à qui on aurait bien aimé décerner, comme à Dylan ce jour-là, un prix Nobel posthume bien mérité, a fait sa joyeuse entrée en fanfare au Wolubilis, à bord d’une vraie Rolls : grâce à la complicité du Brussels Jazz Festival avec le chaleureux chanteur de jazz David Linx.
On a assisté à un spectacle de haute qualité, où rien n’est laissé au hasard, où rien ne manque, où tout est à emporter « sur l’île déserte », comme le disait son ami Georges. Il s’agit d’un fervent projet sous forme de libres variations qui rend un touchant hommage au Poète Lauréat des belges.
La salle est comble. Les musiciens du bateau ivre en costume Navy Blue sont rangés sur des gradins, derrière leurs sages pupitres de concert classique étoilés d’une loupiote, face au public. Comme pour une assemblée nationale musicale, on peut compter de bas en haut : un rang de quatre saxos et bois ; puis celui des trombones et enfin les trompettes. A gauche sur le plateau, il y a la pianiste, Nathalie Loriers, seule femme de la Big Band ; entre deux, la contrebasse et la panoplie de vibrantes percussions. La prestation sera inoubliable. Le jazz est là. Les musiciens se déplacent et viennent chacun à leur tour faire leur Java devant le micro, pendant que David Linx, se promène de long en large avant de reprendre couplets ou refrains et longues harmoniques. Un souffle épique traverse le plateau, un vent de chaleur humaine.
Le CD est sorti en juin 2015. La surprise vocale vient de la tessiture du chanteur qui manie les octaves avec une aisance vertigineuse, et rappelle tantôt Brel, tantôt Nougaro. Mais c’est du Linx bon teint, un capitaine musical particulièrement inspiré, artiste généreux en chemise purple red, courtois et plein d’humour qui surfe sur les paroles et la musique du grand Jacques avec respect et joyeuse liberté, et qui chante des jazzy vocals et talking-singing tongues, les yeux dans les yeux avec la pianiste! Sacré Mathilde !
Plusieurs des membres du BJO se sont succédé à l’arrangement des chansons mythiques du florilège : Pierre Drevet, La chanson des vieux amants, Mathilde ; Dieter Limbourg, Le plat pays, Amsterdam,Vesoul ; Lode Mertens, Quand on n’a que l’amour, La valse à mille temps ; Gyuri Spies, l’ingénieur du son, Ces gens-là, Isabelle, dans une superbe version anglaise ; Frank Vaganée, La ville s’endormait, Bruxelles and last but not least, Nathalie Loriers, la pianiste, pour Ne me quitte pas… David Linx invoquera aussi la figure de Toots Thielemans, une autre grande figure belge dont on a pleuré la disparition l’été dernier.
Et de temps à autre, cela swingue carrément en langue originale, avec Amsterdam, dans une traduction anglaise magnifique de David Bowie. C’est dire que la boucle est bouclée, le cercle refermé. Celui des poètes disparus ? Et on pleure tous à chaudes larmes avec le titre nostalgique tellement bouleversant de Oh ! mon amour!
Le plat pays, un hommage au père de Linx, évoque quant à lui, incontestablement, avec ce solo saxo méditatif puissant, ce pays qui est « le nôtre ». C’est ce qu’ont murmuré dans un même souffle, une salle totalement conquise et l’artiste sur scène.
http://www.wolubilis.be/index.php?page=1&id=49&pid=666&year=2016&month=10
En tournée:
Warschau (PL)
Théâtre Chassé, Breda (NL)
Centre Culturel, Huy (B)
Centre Culturel, Soignies (B)
La Ferme du Biéreau, Louvain-la-neuve (B)
Centre Culturel, Dinant