Chanter et raconter, s’indigner et rire, jouer et dire, écrire et danser to the end of Love, c’est transmettre : une idée fixe chez Thierry Debroux à chaque fois qu’il signe le miracle de la mise en scène d’une nouvelle adaptation scénique dont il a le secret. Celles-ci ne cessent d’émerveiller tous les âges, du plus innocent au plus endurci et on finit par prédire que chacun de ses spectacles sera un nouveau couronnement.
Avec l’adaptation du Livre de la Jungle, de Kipling (1894-1895) et non de Walt Disney, il s’agit ici d’un hommage particulier, dédié à son institutrice de maternelle, Madame Christine qui fut, grâce à cette histoire de Mowgly, l’instigatrice de toute sa carrière théâtrale, alors qu’il était haut comme trois pommes. Thierry Debroux, en homme reconnaissant, pose publiquement un acte de gratitude vis-à-vis d’une femme qui a su lui insuffler la passion qui a conduit toute sa vie… C’est quelque chose de rare dans notre monde pressé d’en finir ou de courir après chimères et idoles…sans jamais jeter un regard en arrière.
Dans cette adaptation scénique irradiante, il jongle avec les mises en abîme en réveillant ses souvenirs des personnages les plus intenses de Kipling, tout en évoquant ses souvenirs d’enfance. Madame Christine resurgit à tout moment, du début à la fin …comme quelqu’un qu’il a vraiment aimée.
31 représentations de rêve, du 19 avril au 19 mai 2018
Et un retour prévu en décembre 2018...
Au cœur du récit, il y a Mowgly, l’enfant loup recueilli par la forêt et une mère humaine affolée par sa disparition. Au travers du conte musical initiatique, on suit toutes les questions existentielles de l’enfant qui grandit, le questionnement de son appartenance au clan malgré sa différence, le respect ou non des loi, la liberté de choix, le rôle parental… et l’incroyable volonté de pouvoir de ceux qui se rêvent puissants…
Pour la forme, il y a l’écriture tellement truffée d’allusions humoristiques ou culturelles, des images fugaces des périls de notre société, captés dans un jeu savant de sonorités et de bulles poétiques. Et des compositions musicales signées Philippe Tasquin accessibles sur CD vendu à l’entracte ou après le « pestacle ».
Les décors graphiquement parfaits tiennent de l’épure et reviennent comme des leit motivs. De la mise en scène émane un récit percutant. La « forêt qui soigne » se superpose aux palmes tropicales, les arbres bougent comme dans Shakespeare, le rocher de consultation populaire est une pyramide faite d’alvéoles comme la ruche des abeilles. L’île aux plaisirs, pardon, le repère des singes profiteurs est un nid de décadence. A bons entendeurs, salut! Le village lui-même voyage à travers le monde. Ne se retrouve-t-on pas soudain carrément chez les Indiens d’Amérique, à voir le costume de la chef de village ? Clin d’œil du jeune Thierry Debroux à Kipling voyageur qui lui aussi parcourut, étant jeune homme, les terres d’Amérique?
Les enfants frappants de dynamisme et de vitalité qui interprètent Mowgly font du jeune héros un personnage attachant et intelligent comme le veut Kipling. Les trois enfants qui se relaient, Andrei Costa, Dario Delbushaye et Issaïah Fiszman semblent décoder par leurs fines postures et leur regard intense les moindres arnaques, les hypocrisies et la violence du monde qui les entoure… On se réjouit de la fraîcheur de leur « sagesse innée» et leurs très belles voix qui émeuvent aux larmes portent des chansons bouleversantes. En miroir, les personnages mi-humains, mi-animaux, entretiennent continuellement la dualité de Mowgly et ses interrogations. Les yeux des spectateurs se posent sur des masques qui semblent respirer et dire chaque réplique comme s’ils étaient vivants. Un tour de force et un art consommé des comédiens. Daphné D’Heur campe une séduisante Bagheera et Messua, la villageoise éplorée devant la disparition de son enfant tandis que la deuxième très belle voix féminine appartient à Rashka, une mère-louve pleine d’empathie et de noblesse de cœur jouée avec brio par Jolijn Antonissen aux côtés d’un Akela très digne: Gaétan Wenders. Baloo joué par Emmanuel Dell'erba séduit par son entrain et sa … légèreté. Très farceur et transposé dans un mode plutôt comique, Kaa (Philippe Taskin) semble avoir été créé avec jubilation par l’adaptateur du récit, qui n’a vraiment que faire de l’anathème jeté sur son engeance. Réhabilité comme un serpent sympathique, il ne lui manque que les bras pour qu’on l’aime vraiment. Le duo de mauvais bougres est maléfique à souhait, c’est Pierre Bodson pour Shere Kahn et Fabian Finkels – who else ? - pour le jeune loup aux dents longues. Le narrateur, Gaëtan Wenders donne la réplique à Madame Christine (Anne-Marie Cappeliez).
Photos : ZVONOCK
Avec : Jolijn ANTONISSEN,
Pierre BODSON,
Anne-Marie CAPPELIEZ,
Didier COLFS ,
Emmanuel DELL’ERBA ,
Daphné D’HEUR ,
Fabian FINKELS,
Antoine GUILLAUME ,
Philippe TASQUIN ,
Gaëtan WENDERS.
Mowgli, en alternance : Andrei COSTA, Dario DELBUSHAYE, Issaïah FISZMAN.
Les petits Loups, en alternance : Alexandre ANDERSEN , Baptiste BLANPAIN , Ava DEBROUX ,
Arthur FRABONI , Martin GEORGES, Laetitia JOUS ,
Julia ORENBACH, Andrea SCHMITZ, Ethan VERHEYDEN.
Durée :
2h entracte compris
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