L’OREE DU BOIS
Tu me dis que tu aimes le mot ronce,
Et j’ai là l’occasion de te parler,
Sentant revivre en toi sans que tu le saches
Encore, cette ardeur qui fut toute ma vie.
Mais je ne peux rien te répondre : car les mots
Ont ceci de cruel qu’ils se refusent
A ceux qui les respectent et les aiment
Pour ce qu’ils pourraient être, non ce qu’ils sont.
Et ne me restent donc que des images
Soit, presque, des énigmes, qui feraient
Que se détournerait, triste soudain,
Ton regard qui ne sait que l’évidence.
C’est comme quand il pleut le matin, vois-tu,
Et qu’on va soulever l’étoffe de l’eau
Pour se risquer plus loin que la couleur
Dans l’inconnu des flaques et des ombres.
Yves Bonnefoy
(Ce qui fut sans lumière - Mercure de France 1987)
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