Tapie dans l’ombre...
Tsunami sur les planches…et cartes sur table. Il faut que les artistes fassent bouger les lignes. La première représentation de la pièce de théâtre "Gun Factory" par la Compagnie Point Zéro / Jean-Michel d’Hoop a eu lieu au Théâtre National dans le cadre du Festival pour la Liberté. Le théâtre de la Comédie Claude Volter a accueilli ensuite ce spectacle d’une brutalité inouïe, pendant près de deux semaines, avec un extraordinaire succès.
Le commerce des armes ? C’est le mal absolu ! On le sait et que fait-on ? On ajuste les législations ? La croissance des armes est exponentielle. Il est bien loin le temps des marches pour la paix ! Ainsi, dans la ferveur du principe du colibri, l’équipe résolument engagée de la Compagnie Point Zéro expose inexorablement les faits, de manière clinique et détachée, comme si notre monde n’était qu’un grand corps malade. Des chiffres astronomiques nous font savoir que la terre se transforme inexorablement en une poudrière de plus en plus explosive et que les bénéficiaires de ce trafic immonde ne sont nullement prêts à abandonner la partie. C’est dans ce commerce que les ploutocrates invétérés trouvent les profits les plus juteux.
C’est froid, laconique, cynique. Les faits sont palpables, étourdissants, presque inconcevables, dénoncés grâce à un arsenal théâtral à couper le souffle : tant par la puissance de l’imagination collective de cette équipe que par la présence physique tranchante et le jeu ajusté des comédiens en scène. On se doit de souligner avec force le travail fulgurant du vidéaste et des lumières. On est saisi à la gorge par la multiplicité de tableaux qui se bousculent et tuent à bout portant, et une multiplicité de points de vue qui contribuent à une construction intelligente et objective du propos.
L’analyse se concentre sur La Belgique, en particulier en Wallonie, au milieu de la problématique européenne. Les armes belges se retrouvent partout dans les mains de criminels de guerre des quatre coins de la planète. Il ressort que ce sont les pays de l’hémisphère Nord plus le Brésil qui sont le creuset du trafic de la mort sous les douilles. Parmi ceux-ci, la Belgique peut s’enorgueillir d’être l’un des plus petits pays du monde mais qui possède une des plus prolifiques multinationales d’armes légères au monde, la FN d’Herstal. Les pièces à conviction sont des dossiers scrupuleusement documentés, des écrits, des ouvrages, des interviews, des images volées de reportages de guerre, des sons, des armes et des munitions. Rien que du réel. Aveuglant et totalement insoutenable. La problématique de l’emploi dans de telles fabriques de mort est développée en détails, avec finesse, clarté et honnêteté intellectuelle. Celle du respect des lois également.
Un Adieu aux larmes… Un Adieu aux armes…utopique hélas, mais bouleversant. Car si on avait proposé aux spectateurs de signer une pétition à la sortie, pas un spectateur n’aurait refusé, tant la qualité du spectacle et l’urgence du message était percutante ! Et sachez que tout ce qui a été dit ne concernait que les armes légères… En Belgique. Seulement.
Cette production théâtrale qui n’a rien du divertissement ne donne de leçons à personne. Elle possède une lourdeur de plomb qui laissera dans les esprits des traces inoubliables. Ce spectacle peut faire peur, c’est dit dans l’introduction. L’arrivée des mercenaires (SMP ou Sociétés Militaires Privées) signe le déclin de notre société. Soit. Mais il reste la parole de résistance, le respect de la légitimé. On ne doit pas se réfugier dans le silence ou chercher des coupables ou des victimes expiatoires. Comprendre aussi, que si on se laisse guider par la peur, on s’empêche de résister tandis que la ruine totalitaire, tapie dans l’ombre, veille, inexorablement.
Mise en scène et écriture : Jean-Michel d'Hoop • Avec : Léone François Janssens, Léa Lefell, Héloïse Meire, Benjamin Torrini, Corentin Skwara • Marionettes: Natacha Belova • Videos : Yoann Stehr • Musique : Pierre Jacqmin • Marionettes: Natacha Belova •Régie: Sébstien Couchard / Loïc Lefol • Scénographie : Noémie Vanheste • Assistants à la mise en scène : François Regout, Lucille Vignoles • Production : Catherine Hansay | Co-production : Compagnie Point Zéro, Comédie Claude Volter.
En partenariat avec Amnesty International Belgique
Du Mercredi 9 au Dimanche 20 novembre 2016
Comédie Claude Volter
98 avenue des frères Legrain
1150 Woluwé St Pierre
02/762 09 63
Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque
Quelques extraits du programme:
Jean-Michel d’Hoop : Jamais la compagnie Point Zéro n’avait abordé si frontalement un sujet aussi politique ! Si nous voulons informer et poser des questions qui dérangent, cela ne se fera pas pour autant au détriment de ce qui fait l’essence de notre démarche artistique : l’Humour et la Poésie. Dans cette production, il y a de la musique, du cinéma d’animation et des images projetées, des marionnettes et des acteurs prêts à tout pour bousculer les codes de la représentation, faire rire et réfléchir, émouvoir certainement.
GUNFACTORY est une création qu’on pourrait qualifier de « zap théâtre » : un récit composé de fragments divers et variés offrant une vision kaléidoscopique du sujet, passant volontairement rapidement d’un univers à l’autre pour créer du sens, et déclinant plusieurs situations en parallèle, qui trouvent leur résolution en fin de spectacle.Loin de tout récit linéaire, l’écriture scénique est là pour créer des contrastes et provoquer une réflexion.
Jean-Michel d'Hoop: Nous avons approché ce thème par un travail d’Enquête. Nous avons, nous acteurs, artistes du spectacle, techniciens et administratifs réunis, plongés dans les méandres de ce gigantesque trafic pour tenter d’y voir plus clair. La tâche était (est toujours) énorme ; les informations multiples et contradictoires.
Nous avons travaillé avec un principe de laboratoire de recherches et le travail a commencé il y a un an déjà. Deux laboratoires de recherches sur le sujet nous ont confortés dans la nécessité de porter aujourd’hui et maintenant cette parole sur le plateau.
Nous avons rencontré des personnes ressources qui travaillent dans plusieurs secteurs liés de près ou de loin à tout ce qui touche les armes, leur production et leur commerce : des chercheurs du GRIP, le directeur d’Amnesty International Belgique, des représentants de la délégation FGTB au sein de la FN de Herstal, un ingénieur concepteur de machines à munitions, un ex-membre de la commission d’exportation des armes pour la région wallonne, des professeurs et chercheurs Science Po, des responsables d’associations pacifistes, etc.
Nous avons même poussé les portes de l’usine de la FN et avons eu la possibilité de nous entretenir avec des ouvriers et de tester le savoir-faire wallon...
De ces rencontres, nous en avons tiré l’essence pour les scénariser dans des séquences théâtrales, pour multiplier les points de vue et dépasser le simple retour d’interview. Pour étoffer notre propos, nous avons également puisé sur le net toutes sortes de documents :
La presse belge et étrangère sur le commerce des armes - reportages et documentaires autour de l’armement en général - salons de vente d’armes, - sites de vente d’armes en ligne plus ou moins légaux - Deep WEB, ou tout ce que l’on peut trouver dans ce réseau parallèle d’internet échappant à toute espèce de législation - Forums de joueurs spécialisés en jeux de guerre - Forums de clubs de tirs - chroniques France Inter - débats et interviews de personnalités politiques belges et étrangères.
Approche créative...
Jean-Michel d’Hoop : Depuis quelques années, mon travail avec l’équipe , s’oriente plus particulièrement sur « l’animé et l’inanimé ».
Par le truchement de pantins, nous explorons une relation singulière qui peut se nouer entre un acteur et un double. Nous revendiquons un théâtre pour un large public, tout en étant moderne et innovateur. Nous parions sur l’alliage possible entre une démarche scénique audacieuse et un divertissement intelligent basé sur le plaisir immédiat de la rencontre entre l’acteur et le spectateur.
Chaque minute est une arme qui tue « Je condamne l'ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J'ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l'éducation de l'enfant. Je pense qu'il faudrait des études de base, très simples, où l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu'il dépend de l'air, de l'eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tués dans des guerres qui n'ont jamais fait que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.» Marguerite Yourcenar
Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange: 1.566.845.000.000 € pour les dépenses militaires mondiales en 2015
Commentaires
Ils sont revenus! Gunfactory, du 21 au 28 septembre 2017 ...P E R C U T A N T !
Atelier Théâtre Jean Vilar
Photos : © Isabelle De BeirPhotos : © Isabelle De Beir
Photos : © Isabelle De Beir
Ils sont à Tunis!
« Gunfactory » touche en plein dans le mille. Sur une question – le commerce des armes – particulièrement taboue en Belgique où la FN Herstal est un leader sur le marché international.
Jusqu’au 20 novembre, à la Comédie Claude Volter. Le 7 février à la Cité Miroir (Liège), le 23 février au Centre culturel de La Louvière.
Gunfactory (fabrique d’armes en français) tire en plein dans le mille. Démontant les dessous du commerce mondial des armes, la pièce de Jean-Michel d’Hoop dégaine un théâtre hybride – entre la forme documentaire, le théâtre de marionnettes et le pavé dans la mare politique – en un tir net, entre les deux yeux.
« Toutes les armes du spectacle sont factices ou démilitarisées. Si des coups sont tirés, tout est sous contrôle, soyez-en certain », tente de rassurer une comédienne tandis qu’un militaire, visage camouflé et mitraillette au poing, patrouille devant nous. Voilà qui nous met dans le bain.
Très vite, le public est bel et bien bombardé, non pas de balles, mais de chiffres, effrayants, sur le juteux marché des armes. Plus de mille milliards d’euros de dépenses militaires dans le monde en 2014, dont 290 milliards rien que pour l’Europe. 18 millions d’armes légères et de petit calibre sont produits chaque année. Chaque minute, une arme tue.
Dans une vertigineuse animation vidéo, ce tir nourri de statistiques donne le tournis avant que la pièce n’embraye avec rythme sur des scènes soulevant un petit coin du voile sur la question taboue de l’armement, a fortiori en Belgique où le gouvernement wallon est propriétaire à 100 % de la FN Herstal, faisant de notre pays, l’un des plus petits au monde, le leader des exportations d’armes légères vers le Moyen-Orient.
http://plus.lesoir.be/68440/article/2016-11-12/gunfactory-precis-co...
Des sociétés militaires sont cotées en bourse aux Etats-Unis ...
Qui est certain que cela ne nous pend pas au nez ?
Prochaines dates de Gunfactory au Theatre National de Tunis le 4 mars, à la Biennale Internationale de Paris les 16 et 17 mai ...
Un six coups pour un incident célèbre. Le revolver avec lequel Paul Verlaine tenta de tuer Arthur Rimbaud, en juillet 1873 à Bruxelles, a été mis en vente aux enchères, mercredi 30 novembre, chez Christie’s, à Paris. Estimée entre 50 000 et 60 000 euros, l’arme a été vendue à 434 500 euros. L’acheteur, dont on ignore la nationalité, a enchéri au téléphone, a seulement précisé la maison de vente.
L’arme est un Lefaucheux à la crosse de bois, de calibre 7 millimètres, que Verlaine avait acheté le matin même de l’incident. Le 10 juillet 1873, à 14 heures, dans une chambre d’un hôtel de la rue des Brasseurs, à Bruxelles, deux coups de feu claquent. Verlaine, alors âgé de 29 ans, vient de tirer sur Rimbaud, de dix ans son cadet. Une balle blesse le jeune homme au-dessus de l’articulation du poignet. L’autre va se loger dans le plancher. Le coup de feu le plus célèbre de la littérature française met ainsi fin à une querelle qui, heureusement, aura fait couler plus d’encre que de sang.
La brouille entre les deux hommes avait commencé à Londres en mai 1873. Le torchon brûle entre les deux amants. Verlaine a envie de renouer avec sa femme, Mathilde, épousée en 1870, un an avant sa rencontre avec l’auteur du Bateau ivre. Après une énième dispute, il plaque son jeune amant et part pour Bruxelles. Rimbaud le rejoint. Verlaine a des envies de suicide, Rimbaud parle de s’engager dans l’armée. Ils s’enivrent, pleurent, connaissent le désespoir des amours qui s’achèvent. Avant de lui tirer dessus, Rimbaud raconte que Verlaine lui aurait dit : « Voilà pour toi puisque tu pars ! »
« Expertises concluantes »
Verlaine est condamné à deux ans de réclusion à la prison de Mons. Derrière les barreaux (où il sera détenu 555 jours), Verlaine écrira les trente-deux poèmes de Cellulairement, qu’il dispersera dans les recueils Sagesse, Jadis et naguère, Parallèlement ou Invectives. Rimbaud, rentré chez sa mère, se met à l’écriture d’Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront brièvement une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart, où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations.
Confisqué par la police, le revolver, d’un modèle très courant à l’époque (Lefaucheux est alors une marque célèbre), sera rendu à l’armurerie Montigny avant d’être cédé en 1981, au moment de la fermeture de ce magasin, à son actuel propriétaire, un huissier de justice belge, amateur d’armes à feu, nommé Jacques Ruth. C’est en voyant au début des années 2000 le film sur les amours entre Rimbaud et Verlaine, Totale Eclipse, avec Leonardo DiCaprio interprétant Rimbaud, que Jacques Ruth se rend compte qu’il possède un trésor. Il contacte un conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, Bernard Bousmanne, commissaire d’une exposition consacrée à Rimbaud en 2004 à Bruxelles. « J’ai cru à une plaisanterie. Mais tous les éléments correspondaient, le modèle, la date et le lieu de fabrication. Nous avons même demandé des expertises balistiques à l’Ecole royale militaire de Bruxelles. Elles ont été concluantes », assure Bernard Bousmanne aux médias belges, même si de récents témoignages mettent en doute l’authenticité de l’arme.
La ville natale de Rimbaud, Charleville-Mézières, a néanmoins lancé une souscription publique pour acquérir le revolver et enrichir la collection du musée consacré au poète.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/culture/article/2016/11/30/l-arme-avec-laquel...
"Shadow World" dévoile les dessous du commerce des armes
Documentaire
http://www.lecho.be/culture/cinema/Shadow_World_devoile_les_dessous...
En parallèle : "Shadow World", Le film de Johan Grimonprez. Note: 4/5.
Voici un film qui donne le tournis. Les premières minutes assènent des vérités qui donnent une idée du contexte, et de l’échelle. On apprend ainsi que la Première Guerre mondiale a fait 21.000 nouveaux millionnaires rien qu’aux Etats-Unis… Puis on glisse vers un monde à part, qui tient un peu de la fiction: hommes politiques achetés, prostituées, commissions… D’anciens marchands d’armes au look patibulaire expliquent posément les dizaines de millions de dollars qu’ils ont eux-mêmes dépensés…
L’air est connu… Mais lorsque d’éminents ex du Pentagone se mettent à tenir les mêmes propos, le spectateur commence à se poser de vraies questions. Et entre dans la finesse du processus. L’apporteur de "commission" (fonctionnaire, intermédiaire, conseiller…) peut prendre jusqu’à la moitié de ce qu’il apporte. Un deal à 5 millions peut vite en devenir 2,5 sur un compte en Suisse. On remarque alors que cet officiel – qui n’a fait qu’"apporter l’affaire" sans se salir les mains – va tôt ou tard recommencer. Le goût est pris: il lui faut trouver quelqu’un à qui il pourrait apporter une nouvelle commission. Il n’est pas corrompu, il est devenu un "apporteur" professionnel. Et jouira à sa retraite d’un joli pécule… Un cas isolé? Que nenni.
Le film démontre que toute l’économie fonctionne de la sorte. D’ailleurs, les commissions sont aujourd’hui parfaitement légales dans la majorité des pays. Le côté frappant du marché des armes, ce sont les montants. Une idée d’échelle? Le deal le plus juteux de l’ère Thatcher: 43 milliards de livres, avec l’Arabie saoudite. L’intermédiaire: le prince Bandar (1 milliard de livres de commissions, avec comme bonus un Airbus A340 personnel offert par la BAE!). L’ambassadeur aux USA entre 1983 et 2005 sera souvent interrogé sur la véracité de cette somme. Sa réponse est rentrée dans les annales: "Ce n’est pas nous qui avons inventé la corruption."
Mais le film va plus loin, avec la question "pourquoi cette échelle dans l’armement?" À qui donc profite le crime? On pense aux guerres "officielles" et aux pays qui ont un arsenal à développer. Mais une grande partie de toutes ces armes part en fait vers des guérillas, notamment en Amérique latine, où les pays capitalistes veulent établir le libéralisme le plus large possible, au nom de la démocratie. On découvre ainsi un cercle vicieux qui fait froid dans le dos, celui qui permit par exemple à l’Arabie saoudite de financer les Contras (des groupes de lutte armée opposés au gouvernement sandiniste du Nicaragua) dans les années 80, avec l’aval et l’appui de la Maison- Blanche, et ce en toute transparence. Passionnant.