Stabat Mater, opus 58 Antonín Dvořák (1841-1904) œuvre pour soli, chœur et orchestre
Cécile Lastchenko- soprano
Pauline Claes - mezzo
Sébastien Romignon-Ercolini - tenor
Kris Belligh - Bariton
Namur Chamber Orchestra
Direction:Ayrton Desimpelaere
Grand concert de la Régionale A Cœur Joie de Bruxelles sous la direction d' Ayrton Desimpelaere, au profit de l’ASBL « Camp de Partage »
Le jeune chef belge Ayrton Desimpelaere (né en 1990) fait partie d’une génération montante d’artistes qui se retrouve comme par enchantement dans les salles les plus prestigieuses. Le jeune maestro talentueux a eu l’occasion de diriger la demi-finale du Concours Tchaïkovski à Moscou en 2015 devant un jury prestigieux présidé par Valery Gergiev et retransmis sur Medici.tv. Au cours de la saison 2016-2017 il a dirigé la Flûte Enchantée en version à vocation pédagogique, à L’Opéra Royal de Wallonie où il a eu l’occasion bénie de pouvoir côtoyer tout au cours de l’année, d’immenses personnalités du monde musical, grâce à son assistanat dans la direction d’orchestre. Depuis 2015, il assure la direction du chœur de la régionale A Cœur Joie de Bruxelles composée de 180 choristes et depuis 2014 il dirige un répertoire d’œuvres sacrées lors des stages de Chant choral à Loos (France) qui rassemble chaque année une centaine de choristes. Cette année l’œuvre sacrée choisie est La petite messe solennelle de Rossini. Dernièrement, il a également dirigé lors du Singing Brussels Celebration Weekend à Bozar, 660 élèves issus d’une vingtaine d’écoles primaires bruxelloises interprétant l’œuvre musicale originale imaginée pour le projet Cantania par le compositeur belge Jean-Philippe Collard-Neven.
Pour ce prodigieux Stabat Mater, Le NCO (Namur Chamber Orchestra), une formation de 12 jeunes musiciens issus des Conservatoires royaux belges et qui s’est produite dans de nombreux festivals belges ainsi qu’en France, s’est augmenté de musiciens professionnels supplémentaires pour former un orchestre symphonique sous la baguette de leur chef Ayrton Desimpelaere qui dirige également l’immense cohorte musicale des choristes de la formation A Coeur Joie. Les bénéfices du concert iront généreusement au profit de l’ASBL «Camp de Partage». Quatre solistes éblouissants complètent le tableau : La soprano Cécile Lastchenko (°1989), La mezzo-soprano Pauline Claes, le ténor Sébastien Romignon Ercolini et la basse Kris Belligh.
La version initiale pour quatre solistes, chœur et piano a été composée par Dvořák après la mort de sa fille Josefa en 1875. Il a ensuite mis le travail à l'écart sans l'orchestrer. Peu de temps après, il a perdu deux autres enfants en 1877. À ce stade, il est retourné au manuscrit qu'il avait abandonné l'année précédente pour composer l’œuvre orchestrale.
Le texte latin du Stabat Mater date du milieu du XIIIe siècle, mais les sentiments évoqués dans ce poème ont une valeur intemporelle. Le moine franciscain qui l’a écrit et dont l’identité n’est pas certifiée, a trouvé son inspiration religieuse dans la souffrance de Marie au pied de son Fils cloué sur la croix. Ce texte ainsi que le traitement musical que Dvořák a composé nous touche profondément et exprime l’universalité notre compassion avec la souffrance de l'homme.
Le concert s’est donné dans la salle Henry le Bœuf du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 10 juin 2017. Ayron Desimpelaere a su équilibrer les différentes interventions, chœur, orchestre et soli. De terrestre, - ce que pense le jeune chef de la version qu'il a livrée - son interprétation apparaît à certains moments purement cosmique et reflète une force bouillonnante de synergies qui fusent dans la fresque chorale monumentale. Le chœur très nombreux d’amateurs ne déçoit pas - rien d’approximatif ou d’hésitant - il est très à la hauteur. Il est juste sans doute regrettable que le concert n’ait probablement pas été enregistré.
Le jeune chef a su insuffler à son orchestre une belle dynamique empreinte de tension dès le prélude où le crescendo lugubre aboutit rapidement dans un paroxysme apocalyptique pour être ensuite adouci par des bois aux sonorités très pures. Les constructions successives sont monumentales. Le Quis est Homo est magnifiquement débuté par Pauline Claes et rallié avec émotion profonde par le tenor Sébastien Romignon-Ercolini pour aboutir avec souplesse dans un quartet bien balancé. La désolation est absolue dans la voix de basse de Kris Belligh. Difficile de ne pas être frappé par la tristesse. Le public peut dès lors accompagner mesure après mesure le Eia Mater Fons Amoris qui diffuse tout au long du chemin de douleurs, douceur et cris de colère à travers des vagues de pleurs océaniques… Fac Ut Ardeat Cor Meum est magnifiquement conclu par Kris Belligh. La salle entière accompagne les souffrances du Crucifié, les yeux fixés sur les mains du maestro qui sculpte la douleur.
Le chœur peut alors se lâcher dans la puissance de la tendresse, un sorte de berceuse cosmique: Tui Nati vulnerari dont la deuxième partie résonne comme une marche triomphale, cuivres et percussions à l’appui, vents pleins d’espérance. C’est ensuite le tour du ténor Sébastien Romignon-Ercolini aux accents très romantiques méditerranéens qui dans le Fac me vere tecum flere, arrache des larmes par sa juste et belle entente avec le choeur. La salle est définitivement conquise et attend avec impatience son duo avec l’exquise tendresse de Cécile Lastchenko : Fac ut portem Christi mortem… Le timbre est chaleureux, la voix est souple et les aigus bien ronds sont assurés.
Le quartette et le chœur et l’orchestre concluront dans une puissance resplendissante magnifiquement édifiée par Ayrton Desimpelaere où se combinent, implorations respectueuses, enracinement de la force de la foi, silence, et confiance joyeuse dans la danse des anges et le triomphe absolu de l’amour. Les voix a capella des hommes et des femmes, puis l’orchestre seul et les derniers Amen s’évanouissent avant l’A Dieu final. Les applaudissements de bonheur éclatent de toutes parts.
Sachez finalement que le maestro, après avoir pris le micro pour des émouvants remerciements pour la collaboration généreuse de tous ses partenaires et de toutes les personnes qui ont soutenu ce fabuleux projet, offre en bis ce que son cœur lui dicte et ce que le public attend secrètement: Eia Mater Fons Amoris.
http://www.bozar.be/fr/activities/125430-stabat-mater-de-antonin-dvorak
https://www.rtbf.be/musiq3/actualite/musique/detail_la-matinale-invite-du-15-06-ayrton-desimpelaere?
Commentaires
Le 19 décembre 2017 par Ayrton Desimpelaere
Dvorak
Antonin DVORAK
(1841 - 1904)
Stabat Mater Op. 58
Czech Philharmonic, Prague Philharmonic Choir (Lukas Vasilek), Jiri Belohlavek, direction – Eri Nakamura, soprano – Elisabeth Kulman, mezzo-soprano – Michael Spyres, ténor – Jongmin Park, basse
2017-DDD-CD1 51’09 CD2 31’53-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Decca-4831510DH
Voilà un Stabat Mater de bien belle facture. Cette page dramatique représentant la douleur d’une mère devant son fils sur la croix, bien qu’imaginée dans un contexte particulièrement sombre puisque Dvorak perd successivement ses trois enfants, permit au compositeur de se faire entendre et de bénéficier d’une réputation internationale d’envergure. Compositeur de talent, Dvorak a, à travers la découpe en dix numéros du texte de Jacopone da Todi, parfaitement su capter cette tristesse et la restituer de la manière la plus juste en musique. De forme libre (et très large), la pièce se compose de nombreux ensembles avec chœur à quatre voix, acteur à part entière ici, quatre solistes et orchestre. La plus grande réussite de cette œuvre est sans nul doute l’équilibre sur lequel repose le génie du compositeur. Et de fait, la première difficulté réside dans la compréhension de l’œuvre et de la manière dont va être structuré le discours qui pourrait vite s’avérer lourd et pesant. Quelques mois avant sa disparition, Jiri Belohlavek enregistre ce Stabat Mater au Dvorak Hall à Prague. Les attentes sont nombreuses et sont, pour la plupart, comblées. Bel équilibre entre les parties vocales et l’orchestre, chœur homogène, voix au plus proche du texte lui-même très clair, dialogue permanent… Du côté des solistes, le quatuor offre une large palette de couleurs et de dynamiques tant dans les ensembles que dans les pages solistes (excepté pour la soprano à qui aucun solo n’a été destiné). Timbres chaleureux et expressifs sans tomber dans l’exagération, des voix qui privilégient la beauté à la démonstration de force. A l’orchestre, s’apprécie notamment la clarté verticale (harmonique) dans une vue d’ensemble réfléchie. Tout est amené avec finesse, de la préparation des grands tuttis aux passages plus calmes. L’acoustique généreuse ne déstabilise pas le discours, du moins ne l’alourdit. On aurait peut-être imaginé le solo de basse un peu plus allant, même si la voix exceptionnelle de Jongmin Park permet cette longueur. Cela étant, il faut souligner la beauté de la section suivante, ce chœur de femmes juste accompagné de l’orgue, au caractère ici presque angélique. Quoi qu’il en soit, voilà un très beau travail d’ensemble, une vision claire et respectueuse du texte, une lecture réussie.
Ayrton Desimpelaere
Son 9 – Livret 10 – Répertoire 9 – Interprétation 9
Hélas, j'observe que beaucoup de photos pourtant libres d'accès, ou mes photos personnelles semblent disparaître de mes articles. Comment éviter que cela arrive? C'est bien ennuyeux!