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administrateur théâtres

04f06818d335b3dd653907b83d52fce8.png?1310493152Dès les premières mesures, le chef d’orchestre Paolo Arrivabeni  - une première pour le maestro- convoque l’atmosphère. On sait que ce sera musicalement superbe. Intensité dramatique croissante : les contours angoissants de la sinistre prison emplissent l’imaginaire engouffré dans les replis de la musique et accroché à l’ombre portée  des barreaux sur le rideau. Où se trouve donc le prisonnier enfermé pour dissidence?

C’est alors qu’une très instinctive Cinzia Forte donne vie à la jeune Marzelline, la fille du geôlier de la prison d’état et ne se laisse pas faire par Jaquino (Yuri Gorodetski) qui a décidé de l’épouser, per amore o per forza ! Heureusement que le père a du bon sens et ne veut pas livrer sa fille au premier venu ! « Quand on n’a pas d’or on ne peut pas être heureux ! » Morale bourgeoise ? Mais là n’est pas le propos !

_dsf6838__b_.jpgFidelio, le seul et pour cela très unique opéra de Beethoven, raconte le sauvetage du prisonnier politique Florestan par son épouse Léonore. Léonore habillée en garçon, Fidelio, obtient un emploi avec le directeur de la prison, Rocco. Elle persuade Rocco de laisser les prisonniers respirer au grand jour quelques moments, en espérant que cela offrira à Florestan une petite chance d'évasion. Mais à son insu, le gouverneur tyrannique Don Pizzaro prévoit de le tuer puisque Rocco s’y refuse ( « Das Leben nehmen ist nicht meine Pflicht »), afin de ne pas être découvert et confondu par les autorités pour ses agissements. Léonore fera tout, y compris creuser de ses mains la tombe de son mari pour lui venir en aide et lui faire retrouver la liberté.

La dualité obscurité / lumière oriente le texte, la musique, les voix et la mise-en scène. A chaque niveau on perçoit une nette (r)évolution de l’une vers l’autre. A tout moment l’auguste épouse est une femme debout qui se bat impitoyablement contre la dictature, l’oppression et la haine. Le ton se situe  entre le conte fées et un jeu qui rappelle Bertold Brecht. La musique oscille dans le premier acte entre des réminiscences lumineuses d’Haydn ou de Mozart, tandis que dans la deuxième partie les couleurs complexes et sombres  du romantisme se développent et parallèlement, l’idéalisme humaniste de Beethoven. Cette musique exemplaire devient exemple de moralité. Une moralité constamment rappelée par un Rocco diablement  humain et sympathique. Lui et sa fille ne vivent-ils pas dans une prison, la condition humaine? Une superbe voix de baryton: Franz Hawlata. Osmin dans « L’enlèvement au sérail » dernièrement sur la même scène et L’esprit du lac dans « Rusalka ».  

Dans son air sublime, Léonore, la merveilleuse soprano américaine Jennifer Wilson,"l'une des plus grandes sopranos dramatiques du monde",  s’exclame en deux montées l’une chromatique et l’autre diatonique sur le si aigu pour cueillir le mot magique « ERREICHEN ». Oui, elle entrevoit l’issue heureuse de son entreprise ! Trois cors, symboles de l’espoir, l’accompagnent et annoncent la promesse de la victoire. Dans le récitatif qui précède, l’orchestre et les timbales ont annoncé le danger qui guette le prisonnier et donnent à entendre son cœur qui bat. « Fidelio, ich habe Mut ! » L’amour peut supporter les pires souffrances. Le dictateur a beau mugir avec extase ses envies de vengeance meurtrières : «  Triumph, Der Sieg ist mein ! » C’est bien la lumière et l’amour qui seront victorieux. Don Pizzaro est interprété avec énormément de conviction par Thomas Gazheli.  

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La scène où les prisonniers retrouvent l’air et la lumière est particulièrement bouleversante : « O Welche Lust in freien Luft den Atem zu nehmen ! »  Fidelio en pleure. Alors que les chuchotements des prisonniers (« Sprecht leiser ! ») annoncent déjà leur adieu à la chaude lumière. Une splendide chorégraphie de Marcel Seminara. Les gardes mettent en joue les prisonniers.

Au deuxième acte, la sombre introduction avec cuivres lugubres et timbales fatidiques laisse filtrer un bruissement de flûtes et l’espoir renaît. La voix solitaire du prisonnier fuse : « O grauenvolle Stille ! O schwere Prüfung , doch gerecht ist Gottes Wille ! »  Zoran Todorovich a la voix de ténor idéale pour ce rôle, glissant légèrement entre  les ombres de la souffrance et la lumière.  Il se soumet aux desseins de Dieu, bercé par les violons ; il a dit la vérité et le cachot est sa récompense.  De sa voix claire et souple « Gott ! Welch Dunkel hier ! »  Florestan chante tour à tour sa souffrance et son espoir en la liberté. Il a soudain perçu une lueur féerique et senti la voix de sa femme? Magie musicale et affective s’emmêlent, on est en plein conte de fées !  Les voilà qui chantent à trois l’espoir radieux retrouvé !  Léonore a offert du pain au prisonnier qui ne l’a pas encore reconnue sous son lourd manteau. Lorsque Pizarro descend pour le tuer, Léonore dévoile son identité de femme, s’interpose et le menace de son pistolet.

 

_dsf6888__b_.jpgLe bon ministre Don Fernando (Laurent Kubla) est arrivé, Pizzaro emmené par des gardes. C’est Leonore qui libèrera son mari des entraves. « O Gott, welch ein Augenblick ! » « Liebend ist es mir gelungen, dich aus Ketten zu befrei´n».  La lumière emplit l’espace et inonde le plateau qui avait pris l’apparence d’un pénitencier moderne. Dans le final  resplendissant qui  s’apparente à la thématique de l’Hymne à la joie - long moment inoubliable - toutes les femmes suivent l’exemple de Léonore et enlèvent les fers des pieds de leur mari, les jetant avec dégoût au bord de la scène. On est très loin de la moralité bourgeoise! Il s'agit plutôt d'une morale héroïque.  On ressort du spectacle, l’amour de la liberté fiché dans le cœur. On a entendu un émouvant manifeste pour l’amour conjugal, dans sa profondeur et sa vérité, l’accomplissement du devoir moral et l’affranchissement de toute dictature.

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Fidelio

Direction musicale :  Paolo Arrivabeni
Mise en scène :  Mario Martone
Chef des Chœurs :  Marcel Seminara
Artistes :  Jennifer Wilson, Zoran Todorovich, Franz Hawlata, Cinzia Forte, Yuri Gorodetski, Thomas Gazheli, Laurent Kubla
Du vendredi, 31/01/2014 au mardi, 11/02/2014
http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/fidelio
Opéra Royal de Wallonie
Place de l'Opéra
4000 Liège - Cité
Téléphone +32 (0)4221 47 22
location@orw.be
www.operaliege.be

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    Quand une certaine tradition a du bon…

    Le 11 février 2014 par Bruno Peeters

    J. Wilson, F. Hawlata et C. Forte © Croisier

    J. Wilson, F. Hawlata et C. Forte © Croisier

    Fidelio à Liège
    On a beaucoup médi sur les mises en scène actuelles, où les maîtres-d’œuvres tirent la couverture à eux, subliment leurs propres fantasmes, lancent sexe et politique à jets continus et dénaturent la pièce qu’ils sont censés illustrer. Il est en ce sens rassurant d’assister à une lecture claire, nette et respectueuse de ce Fidelio. Pilier du répertoire grâce à sa musique sublime, le seul opéra de Beethoven souffre d’un livret bancal : il débute par un côté léger hérité de l’opéra-comique et se poursuit par un drame très noir pour aboutir à un hymne à la liberté des hommes. C’est une « pièce à sauvetage » typique de son époque avec happy end imprévu, inspirée d’un fait divers survenu durant la Terreur. Mais c’est aussi un thème toujours actuel : une femme risque le tout pour le tout afin de tirer son mari de prison et le sauver d’une mort certaine. Cela arrive encore aujourd’hui, c’est sûr. Une mise en scène trop conventionnelle -comme l’ORW en produit de temps en temps- est apaisante pour un certain public mais court le risque d’être soit désespérément redondante, soit platement illustrative. Voilà ce qu’évite celle fort habile de Mario Martone. En axant sa vision sur l’ensemble de l’œuvre, et surtout sur sa finalité, il se montre non seulement respectueux de l’esprit du compositeur mais frappe juste, et là où il faut. Le décor est simple, intemporel : une arche/pont métallique, des escaliers, des haut-parleurs, l’univers carcéral est bien là, froid, neutre et inhumain. À gauche, la cellule de Florestan dont les mains agrippent les barreaux. La direction d’acteurs, dans cette vision, n’a pas trop d’importance par rapport à la thématique à dessiner tout d’abord, puis à incarner. Le célèbre chœur final des prisonniers aspirant à la lumière -fin du premier acte-, n’en est que plus impressionnant par sa grandeur statique. Cette idée se poursuit à l’acte II où nous entendons mais ne voyons pas tout de suite Florestan. Son air fameux est chanté de l’intérieur de sa geôle et, du prisonnier mystérieux, nous ne voyons toujours que les mains : il n’y a pas plus fort symbole. Florestan est enfin tiré hors des grilles par le bon Rocco. N’ayons crainte, il y a aura bien ensuite la tombe creusée par Fidelio et Rocco, le revolver pointé par l’épouse héroïque vers l’infâme gouverneur Pizzaro, l’appel de trompette tant attendu, l’arrivée du ministre et la sortie finale de tous les prisonniers, sur un fond blanc éclatant. Tout cela ne surprend guère, mais se voit parfaitement mis en place pour le plus grand bonheur d’un public très nombreux et attentif. La distribution réunie témoigne, à une exception près, d’une belle homogénéité. Elle était bien entendu dominée par la soprano américaine Jennifer Wilson (Léonore/Fidelio) au jeu un peu sommaire sans doute, mais dardant des aigus de Walkyrie à faire pâlir Birgit Nilsson. Le Florestan de Zoran Todorovitch, longtemps invisible, est un beau ténor héroïque, plus fragile que son épouse, et dont la voix rend admirablement la longue souffrance. Au pur niveau dramatique, la palme va d’évidence au Rocco de Franz Hawlata qui a construit un beau personnage tour à tour goguenard, familier (aussi de la dive bouteille), paternel, un peu veule sans doute, mais connaissant la compassion. La voix a gardé un souvenir de ses incarnations wagnériennes. Cinzia Forte a fort à faire au début de l’opéra et le fait très bien, jouant et incarnant une Marzelline sérieuse et amoureuse du prisonnier inconnu. Sa déconvenue finale n’en sera que plus émouvante. Thomas Gazheli compose un Pizzaro féroce, brutal, bien sonore et Laurent Kubla déroule le sermon ministériel final avec l’onction requise. Seul déçoit le Jacquino de Yuri Gorodetski, quasiment inaudible. Au crédit de Paolo Arrivabeni, le très apprécié directeur musical de l’ORW : une entente fosse-plateau parfaite, l’idéal tant recherché et si rarement obtenu par un chef d’opéra. Cette réussite a été essentielle pour ce spectacle remarquable tant scéniquement que musicalement. L’ORW accomplit ici sa mission: faire (re)découvrir les grandes œuvres du répertoire au plus grand nombre en reliant une mise en scène actuelle, mais totalement lisible, à une exécution musicale impeccable.
    Bruno Peeters
    Opéra Royal de Wallonie, le 2 février 2014

     

  • administrateur théâtres

    L'article de Serge Martin dans le Soir:

    On dit souvent que Fidelio est un opéra mal ficelé. Il commence comme un gentil «singspiel» (sorte d’opéra-comique allemand), se poursuit comme un drame et se termine par un hymne statique à la liberté. Allez donc faire un spectacle cohérent avec ce salmigondis! La suite nous montrera que c’est possible.

    Sur scène, les baraques traditionnelles avec leurs chemins de ronde, le tout dans une grisâtre noire. Lassitude des gardiens qui tentent de maintenir leur petite vie d’humain dans ce cloaque, tension de prisonniers hagards qui fuient les coups, présence oppressante de l’horrible tyran Pizarro. Le metteur en scène Mario Martone, responsable d’une superbe Matilde di Shabran à Pesaro, installe le récit avec un naturel qui fait peur. Petit à petit, nous sombrons dans le drame et l’action se resserre autour de celui que l’on ne voit pas: l’infortuné prisonnier. Mais on l’entend au début du 2e acte. Son chant est un modèle d’énergie désespérée et de demi-teintes épuisées: l’incarnation de Zoran Todorovich donne froid dans le dos. Elle suffit à faire basculer l’action. Son sauvetage par son épouse Léonore qui, pour le sauver, s’est introduite sous un déguisement dans la prison, en devient vraisemblable. L’arrivée du ministre suspend le pouvoir de Pizarro. Désormais c’est son velléitaire geôlier Rocco qui a la main: il dénonce le tyran et demande la libération des prisonniers. La liberté triomphe de l’horreur: elle est chantée avec cette frénésie qui caractérise le Beethoven conquérant.

    Ce grand et sain théâtre, voulu et régi par Martone appelle le même type d’évolution dans la musique. Et c’est là que réside l’étonnement du spectacle. Vocalement, les protagonistes bénéficient de voix solides propres à porter les accents tumultueux qu’on attend d’eux: Rocco taillé dans le roc de Hawlata, Pizarro tranchant de Gazheli, Jaquino timide mais pas fragile de Gorodetski, Fernando, solennel et contrit de Kubla chez les hommes; Marzelline tendue mais ardente de Forte et Leonore imposante, énergique et d’une vaillance à toute épreuve de Wilson.

    Les chœurs sont imposants mais c’est de la fosse que vient la surprise: l’orchestre léger, plutôt hésitant du début monte en tension tout au long du premier acte tout en restant en retrait. Il sert la ligne vocale mais ne la pousse pas. Et puis tout s’embrase au 2e acte: dans l’énergie désespérée de la scène du cachot, dans la ferveur libératrice du chœur final. D’évidence Beethoven a préservé ses cartouches et Paolo Arrivabeni l’a bien compris: le résultat n’en est que plus exaltant.

    SERGE MARTIN

  • administrateur théâtres

    l'article de la Libre:

    Remanié trois fois par Beethoven, son compositeur, "Fidelio" finit par connaître le succès. L’opéra de Liège le propose pour la première fois.

    Si c’est mauvaise foi de soutenir que Vivaldi a composé cinq cents fois le même concerto, on peut dire sans mentir que Beethoven a, lui, composé trois fois le même opéra. Avec, certes, pas mal de variations dans la musique, mais avec une certaine constance dans le livret.

    Le premier essai date de 1805 : le 20 novembre, le Théâtre An der Wien de Vienne accueille la première version d’un opéra déjà intitulé "Fidelio", mais qu’on a pris l’habitude, depuis, de désigner comme "Léonore".

    Le sujet ? L’histoire de Léonore qui se déguise en gardien de prison pour venir libérer son mari Florestan, prisonnier politique. C’est au départ une pièce du Français Jean-Nicolas Bouilly ("Léonore, ou l’amour conjugal") déjà mise en musique par Pierre Gaveaux (1798) puis par Ferdinando Paer (1804).

    Créée dans un contexte politique difficile (Vienne est sous occupation française), cette première version ne sera donnée que trois fois. Dès 1806, Beethoven la retravaille, la réduisant, notamment, de trois à deux actes, et composant une nouvelle ouverture, mais c’est insuffisant pour parler de succès. Le compositeur laissera l’ouvrage reposer huit ans, puis, après avoir fait revoir le livret et composé une autre ouverture plus resserrée, en proposera une troisième version. On est le 23 mai 1814 au théâtre de la Porte de Carinthie, un jeune musicien de 17 ans, nommé Franz Schubert, figure parmi les spectateurs, et ce "Fidelio" vaudra enfin la consécration à son compositeur.

    Pour la première fois depuis 1996, l’Opéra royal de Wallonie donne "Fidelio". Paolo Arrivabeni dirige l’ouvrage pour la première fois, dans une mise en scène de l’Italien Mario Martone déjà montée au Teatro Regio de Turin. L’ouvrage n’est pas aisé à mettre en scène, notamment pour le contraste entre le côté petit-bourgeois de certaines péripéties (Marzelline, la fille du geôlier en chef Rocco, délaisse son fiancé, parce qu’elle est tombée amoureuse de Fidelio, alias Léonore) et la grandeur des sentiments (tout l’ouvrage est une véritable ode à la liberté et la justice), mais aussi pour le mélange entre dialogues parlés, airs solistes et grands chœurs quasi sortis d’un oratorio.

    Dans la distribution liégeoise, on attendra notamment la Leonore de Jennifer Wilson, le Florestan de Zoran Todorovich, le Rocco de Franz Hawlata et la Marzelline de Cinzia Forte.Nicolas Blanmont

    Liège, Théâtre royal, du 31 janvier au 11 février. Prix : de 16,5 à 82,5 €. Infos : 04.221.47.22 ou www.operaliege.be

  • administrateur théâtres

    Enregistré à Liège:

    Excellent spectacle! Nous vous prions d'éteindre vos portables ...

    http://m.culturebox.francetvinfo.fr/fidelio-de-beethoven-a-lopera-r...

    Fidelio de Beethoven à l'Opéra Royal de Wallonie le 6 février 2014, Liège

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