"Les choses ne sont jamais aussi simples qu'elles menacent de l'être." F. Paravidino Comédie douce-amère, bijou de vaudeville moderne, marivaudages existentiels de teenagers égoïstes et attardés ? Le tout, magnifiquement joué. « Exit » est le dernier ouvrage de l'auteur-réalisateur-acteur Fausto Paravidino, l'un des auteurs les plus importants et les plus brillants du théâtre italien contemporain. C’est Pietro Pizzuti qui fait office de traducteur virtuose et s’est chargé de nous transmettre toute l’effervescence du texte. Un texte cruel, réaliste, kafkaïen, fait de phrasés percutants et sobres qui ne sont pas sans rappeler le théâtre d’Harold Pinter. Quand le quotidien tourne au surréalisme.
"C'est toujours dans les moments les plus tristes que reviennent à l'esprit les plus gais et c'est ce qui rend les plus tristes encore plus tristes." Exit - F.P.
Quatre excellents acteurs, Dominique Rongvaux, Christel Pedrinelli, Leone François Janssens et Jef Rossion, se partagent les exercices d’extraversion sur le plateau dirigé avec intense finesse et belle énergie par Fabrice Gardin. L’absence flagrante de comique est remplacée par le rire salvateur qui guérit des cauchemars trop horribles ou trop réels. Dans la course d’obstacles, le choix est cornélien entre haine des moments perdus et l’horreur des conséquences présentes.
Le décor représente-t-il un réseau ? Un engrenage ? Le labyrinthe en trois dimensions de nos liens qui nous emprisonnent à perte de vue et à perte de coeur? Voyez ces déclinaisons de cadres en L faits de tubes d’acier qui se projettent à leur tour sur un écran de bleu infini. Comme si, d’une petite ville italienne, à New York ou à Toronto, tout était tragiquement pareil. Les palmes de l’éclairage subtil reviennent à Félicien Van Kriekinge qui joue avec doigté sur les costumes particulièrement celui de la dame en bleu Chagall des pieds à la tête …et ceux, mordorés, de l’homme caramel et de l’homme chocolat. Un choix de quelques pictogrammes évanescents aussi fluides que l’idéal donne une touche 21e siècle pleine d’humour, comme si on s’invitait dans une maison futuriste où règne en maître l’imaginaire. Merci, Ronald Beurms!
Part 1 : Le jeune couple virevolte, emprisonné dans les racines urticantes du désamour. Les choses qui énervent, qui irritent font casser le lien sacré : la banalité de la routine quotidienne, la politique, le sexe, la nostalgie des premières années, les fautes de goût, l’image de l’autre que l’on s’est fabriquée et qui ne colle plus à la personne. Aussi, l’absence d’enfant qui pour l’un et pour l’autre n’est pas la même!
Part 2 : La rupture, la jeune femme, par amour quand même, prend le mauvais rôle car elle n’a jamais cru aux poses-réflexion! Lui est perdu et se retrouve embringué avec une demoiselle en mal de solitude mais qui veut assumer son solo! Mensonges de part et d’autre des lignes de démarcation. Celle qui a osé la rupture rencontre un charitable «deus ex machina » qui semble avoir passé l’âge des chamailleries.
Part 3 : Reconstruction ? De l’utilisation d’un manuel de psychologie américaine pour recoller les morceaux en 10 points. Les personnages ne portent pas de prénom, on se trouve au cœur d’un raisonnement analogique à quatre termes A B C D. On découvre dans ce carré parfait que l’inconfort est le lieu géométrique des personnages. Comment être soi-même? Comment se séparer avec délicatesse? « Tout ce cinéma pour affirmer nos, vos, leurs personnalités ? » c’est le cri du coeur de l’auteur ! Où est passée la générosité ? Une « belle personne » « un vrai ami de l’autre sexe » ça existe? Et l’Enfant, là-dedans, on lui dira quoi?
"Nous avons continué à rigoler et à dire des bêtises pendant un bout de temps. La drogue parfois ça aide. C'est pour ça que les gens en prennent. Lui ça l'aidait à être différent de lui-même. Comme ça, il arrivait à ne pas comparer son attitude envers moi à celle qu'il avait envers sa femme." Exit - F. Paravidino
Si le sujet de la pièce ne rend pas heureux, le traitement policé de celui-ci apaise. Ce spectacle est raffiné et touchant par sa modernité et son approche intelligente, on appréciera incontestablement la vérité de son interprétation.
http://www.trg.be/saison-2015-2016/exit/en-quelques-lignes__6112
Mise en scène
Fabrice Gardin
Décor et costumes
Ronald Beurms
Création lumières
Félicien van Kriekinge
Décor sonore
Laurent Beumier
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L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
Galerie du Roi 32 - 1000 Bruxelles. |
Commentaires
Quand un couple perd ses « elles » dans le dédale des « ils » de l’amour, c’est la chute
A aime B. B aime A. Enfin, ça c’était avant. Avant les chaussettes. Ce cadeau d’anniversaire rayé qui va déballer toute son histoire, à coup de flashbacks, jusqu’à rayer de la carte du cœur le territoire de l’autre… et accueillir de l’autre côté de la frontière des sentiments, les étrangers C et D. Recevront-ils un CDD ou un C4 ?
Le premier chapitre de cet abécédaire mélangé nous plonge dans les eaux troubles d’un couple qui se noie : c’est la rupture. Le second chapitre nous emmène dans les chemins sinueux, tortueux, vertigineux des lendemains des jours heureux. Le dernier chapitre nous propose une partie de scrabble à quatre lettres.
Dans cette aventure, l’amour a rétréci au lavage des années, délavé ses couleurs au fil d’Ariane du temps. Il y a belle lurette que le soleil ne brille plus sur le labyrinthe de leur amour sans issue. Seule une ingénieuse maturité leur permettrait de quitter l’architecture inextricable de leur couple dans l’impasse.
L’écriture fine de Fausto Paravidino va à l’essentiel en peu de mots, agencés dans une construction narrative originale. La mise en scène dynamique de Fabrice Gardin trouve une complémentarité sobre et ludique dans la scénographie de Ronald Beurms, les éclairages de Félicien Van Kriekingen et le décor sonore de Laurent Beumier. Le quatuor A-B-C-D est joué par une sympathique distribution, qui se glisse souplement dans ces « réceptacles à personnages » voulus comme tels par l’auteur. Christel Pedrinelli, Léone François, Jef Rossion et Dominique Rongvaux leur impriment une riche quadrichromie qui se reflète, riante, émouvante, questionnante, dans chaque spectateur. Suivez donc les flèches EXIT du dédale des Galeries pour ressentir les leitmotivs de votre vie au cours d’une soirée excitante.
Céline Verlant
Exit - Peut-on être prisonnier de l'amour ?